Comme le souligne G. STEINER [11] avec intelligence et sensibilité, les mots sont
des armes. Il convient de les définir dans le cadre d'une éthique de la discussion
[6]. Leur mauvais emploi explique bon nombre d'ambiguïtés de dérives, de
conflits. Bien que leur étymologie, latine pour la morale, grecque pour l'éthique,
ne les sépare guère, ces 2 mots ont suivi des chemins parallèles par convention
tacite. La morale comporte davantage d'interdits, tandis que l'éthique est plus
riche en préceptes et en conseils. Le lecteur pardonnera le raccourci, mais tout
se passe comme si ces 2 mots inséparables, traduisaient au fil des siècles,
l'évolution du "miracle grec de l'esprit". La voie de la pensée réflexive ouverte
par SOCRATE (469-339 bc) bifurque chez ses successeurs.
Pour PLATON, avec ou sans dépendance métaphysique, nous sommes dans le
domaine des "IDÉES", des paradigmes des valeurs intrinsèques avec les
difficultés, voire les impasses de leurs applications.
ARISTOTE, quant à lui, considère les données de l'expérience pour déterminer
les composants essentiels du bonheur et formuler un code de conduite en
s'adaptant aux situations nouvelles.
Aujourd'hui ces 2 courants se retrouvent constamment dans toutes les pensées
catégorielles, au-delà même des mutations à l'origine de la modernité :
individualisme exacerbé, parallèlement à l'évolution des biotechnologies et de
leurs corollaires asservissants.
Faut-il agir en conformité à des normes intangibles ou, en fonction de
l'évaluation des conséquences pratiques : l'entropie des intentions ou le calcul
des conséquences ? Mise à part la sagesse relativiste du serment d'Hippocrate,
les médecins n'ont jamais eu la tête vraiment philosophique tandis que les
philosophes, "grosso modo", n'ont retenu de l'homme que les vaticinations post-
kantiennes. La phénoménologie elle-même ne fut-elle pas l'art de nous faire
prendre "les vessies pour des lanternes" ?
Professionnellement la médecine vit des imperfections physiques, innées ou
acquises des hommes. Elle est marquée par ce rappel de PLATON dans
"PARMENIDE" : "ce qui existe existe, ce qui n'existe pas n'existe pas". Le lecteur
qui, à juste titre, trouverait ces lignes insuffisantes, est invité à retourner aux
sources des principales théories morales à implication médicale que nous ne
pouvons développer ici [3-4-5-8-10] en raison des limitations éditoriales :
1. la morale supérieure de KANT et son impératif catégorique.
2. théorie du bénéfice individuel et "utilitarianisme" de J. BENTHAM.