pour la vie de la cité. Comme pour la laïcité, les valeurs de la République ne peuvent
être juxtaposées mais doivent être reprises dans le projet éducatif de l’enseignement
catholique. Deux préoccupations pourraient nous guider. D’abord qu’il ne suffit pas
d’enseigner ces valeurs pour éduquer à ces valeurs. Pour le dire autrement, la
transmission des valeurs, en règle générale, ne se fait pas d’abord par l’enseignement
mais par mode d’initiation et/ou d’apprentissage. Ce qui n’exclut pas une part
d’enseignement. Pour être initié à des valeurs il faut commencer par les voir vivre et
en faire l’apprentissage pour soi. Alors, mais alors seulement, elles sont intégrées
dans la conscience d’une personne. Or cela vient interroger directement la vie des
établissements : comment est vécue la fraternité au sein des établissements. Ne
répondons pas trop vite oui ou non car il s’en vit des choses positives. Comment les
pauvretés sont accueillies, quelles que soient ces pauvretés, matérielles,
intellectuelles, affectives ? Les valeurs de liberté, de fraternité, d’égalité sont
convoquées dans les actes les plus ordinaires de la vie des établissements : conseil de
classe, orientation, vie scolaire, animation de la classe etc. Ainsi il ne suffit pas
d’enseigner des valeurs à des jeunes générations car ils ne peuvent se les approprier
qu’en fonction de ce qu’ils en voient vivre. Il serait facile de dénoncer le décalage
politique entre les discours sur ces valeurs et la manière dont elles sont vécues dans
la société. Je ne me livrerai pas à cet exercice mais il est raisonnable de penser que si
certains jeunes ont tant de mal à intégrer ces valeurs, cela tient dans une large
mesure au contraste insoutenable entre ce qui est dit et ce qui est vécu.
Mais cela appelle une seconde préoccupation. Ces valeurs ne sont pas
étrangères à l’anthropologie de l’enseignement catholique. Je rappelle à ce propos
qu’il n’est pas demandé à des enseignants d’être chrétiens ni d’être croyants pour
enseigner dans un établissement catholique. D’ailleurs comment pourrait-on
mesurer la foi de quelqu’un ? Certainement pas à ce qu’il est capable ou non d’en
dire ! Personnellement la phrase de saint Augustin me guide : « certains croient être
dedans et sont dehors, d’autres croient être dehors et sont dedans ». En revanche, il
est demandé à des enseignants de souscrire à l’anthropologie chrétienne qui est au
fondement du projet éducatif de l’enseignement catholique. Je reviens aux valeurs
de la République. Elles ne sont pas étrangères à l’anthropologie chrétienne. A vrai
dire selon l’aveu même de plusieurs ministres de l’intérieur, Jean Pierre
Chevènement en 1997 et Bernard Cazeneuve en 2015, elles sont tout droit sortis de
l’Evangile. Donc l’enseignement catholique ne fait pas le grand écart entre le
caractère propre et les valeurs de la République. Au contraire ! Pourquoi ne pas le
dire ? La République en appelant à une mobilisation pour les valeurs de la République
appelle les établissements catholiques d’enseignement à croire plus encore en leur
projet éducatif et aux valeurs qui le fondent.
Liberté religieuse
Cette session a pour titre : « Liberté religieuse et laïcité ». Nous aurons
l’occasion de nous en expliquer mais en cette conférence d’ouverture il est possible
de dire ce qui a inspiré cet intitulé. Nous avons eu envie de problématiser la question.
La laïcité est une spécificité française, dit-on souvent mais les autres pays européens
et autres ne sont pas pour autant incapable d’organiser politiquement un vivre