Connaitre les bases et les principes des soins paliatifs

CHAPITRE I
CONNAITRE LES BASES ET LES PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS
Professeur Jean-Louis ALBARDE, Docteur Thierry Marmet
Plan du chapitre
INTRODUCTION GENERALE SUR LE CONCEPT DE SOINS PALLIATIFS PLURIDISCIPLINAIRE
CHEZ UN MALADE EN FIN DE VIE, ACCOMPAGNEMENT DES PATIENTS EN FIN DE VIE ET DE
LEUR ENTOURAGE.
1- CONNAITRE LES BASES ET LES PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS
1.1 Approche historique de l’évolution des attitudes face à la mort
1.2 L’avènement des soins palliatifs
1.3 Du concept de soins palliatifs au concept de soins continus :
Le Rapport de Noëlle Lenoir « aux frontières de la vie »
1.4 Le développement des soins palliatifs en France de la circulaire
Laroque Barzach en 1986 à la loi dite Leonetti d’avril 2005 et au
nouveau plan de déploiement de la démarche palliative 2008-2012
1.5 La définition des soins palliatifs
1.6 Les cinq aphorismes de l’approche palliative
INTRODUCTION GÉNÉRALE SUR LE CONCEPT DE SOINS PALLIATIFS
PLURISDICIPLINAIRESCHEZUNMALADEENFINDEVIE, ACCOMPAGNEMENT DES PARENTS EN
FIN DE VIE ET DE LEUR ENTOURAGE (mise à jour juillet 2008)
Tout en améliorant considérablement l’état de santé des populations, augmentant très rapidement l’espérance de vie à la
naissance, mais assurant aussi une qualité de vieillesse active et en santé à une fraction de la population de plus en plus
importante, la médecine curative est toutefois venue renforcer le rejet séculaire de la mort dans les
sociétés occidentales.
Par la médicalisation technique et géographique des lieux de mort, la société et la médecine se sont appliquées à
techniciser les fins de vie de plus en plus prolongées,fragmentées et déshumanisées.
Le spectre de l’échec a souvent conduit à une obstination déraisonnable dans la poursuite de soins à visée curative non
seulement devenus sans objet, mais souvent source d’intolérance et de désillusions.
Ce climat de silence et de non-dit a non seulement laissé les mourants avec de profondes souffrances physiques et
morales mais les a privés en plus, anéantis par la souffrance et rejetés dans l’anonymat, de vivre la fin vie de leur vie dans
le respect, de leur autonomie et de leur dignité, indispensables pour donner du sens à ce temps d’accomplissement
existentiel.
Le mouvement des soins palliatifs né en Angleterre dans les années 60, largement diffusé aux USA, puis à la fin du siècle
en France, s’est présenté alors comme un concept et des pratiques élaborés dans une dimension critique de la médecine
de la fin du XXe siècle.
S’inscrivant ensuite dans une réflexion bioéthique beaucoup plus large des professionnels et de la société, il propose
maintenant une philosophie renouvelée du soin inscrivant l’homme malade avec ses souffrances, ses réactions et ses
attentes au centre d’ un projet de soins tout en lui garantissant des capacités thérapeutiques codifiées et évaluées
bénéficiant d’une approche globale et interdisciplinaire.
1 – CONNAITRE LES BASES ET LES PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS
1.1. Approche historique de l’évolution des attitudes face à la mort.
Même si l’évolution médicale au cours de la deuxième partie du XXe siècle a joué un rôle
majeur dans l’intégration du phénomène de la mort dans la société, ce phénomène
existentiel majeur a toujours provoqué des modes d’organisation et de pratiques sociétales
qui ont beaucoup évolué au cours des siècles. Les historiens et les anthropologues nous
montrent combien l’évolution de la perception et
l’organisation collectives de la mort dans les sociétés occidentales a évolué, passant de la
notion de mort familiale au moyen-âge à une véritable mort cachée en cette fin de XXe
siècle.
Pendant tout le moyen-âge, la mort comme dans la fable de la Fontaine, est vécue,
annoncée, préparée et partagée par la famille et l’entourage. C’est le concept de bonne mort,
les cimetières restant près des églises, les funérailles et les rites funéraires étant partagés
par toute la collectivité.
A
partir du XVIIe siècle, sous l’influence de l’église, la charge émotionnelle de la mort devient
différente sous la pression du jugement dernier. Si les rites funéraires persistent, elle devient
beaucoup plus individuelle, la symbolique des horreurs et des pestilences qui lui sont
rattachées amènent la construction de cimetières hors les murs.
La période romantique voit fleurir une ostentation du deuil, la mort étant une rupture non plus
un passage et l’accent est fortement mis sur la douleur des survivants.
A
u début du XXe siècle, la mort est laïcisée et les funérailles confiées à des organisations
professionnelles ou institutionnelles, c’est la création des pompes funèbres. C’est une mort
distanciée.
La fin du XXe siècle voit apparaître d’une part une médicalisation intensive de la mort, un
déplacement des lieux de fin de vie vers les hôpitaux et les institutions médico- sociales,
d’autre part l’effacement progressif des pratiques sociales et des rituels autour de la mort.
L’importance des rituels, des cérémonies, ont joué sans aucun doute un rôle d’atténuation de
la difficulté du travail de deuil ; ces rituels de mort ont été progressivement remplacés par un
effacement de la mort.
L’historien Philippe Aries a parfaitement identifié cette période de la mort interdite basée su
r
une absence de vérité dans le désir d’épargner le malade, de prendre en charge son
épreuve, mais rapidement doublée par le souci d’éviter à la société et à l’entourage, un
trouble de l’émotion trop insoutenable causé par la laideur de l’agonie et la simple présence
de la mort en pleine vie heureuse. Ce processus d’escamotage a amené le déplacement de
la mort à l’hôpital.
Cette évolution culturelle, masquant une réalité difficile et insoutenable, n’a pas été sans
provoquer de profondes réactions qui ont fait le lit des mouvements prônant l’euthanasie qui
est apparue pour certains comme une réponse pour préserver la dignité de la personne de la
déchéance et de la souffrance. C’est dans cette atmosphère professionnelle et culturelle de
déni que le mouvement des soins palliatifs est venu apporter réflexions et réponses en se
basant à la fois sur une
réflexion humaniste et à la fois sur les progrès techniques et conceptuels dans l’approche de
la douleur et des étapes du mourir.
1.2. L’avènement des soins palliatifs.
1.2.1 Les pionnières : Jeanne Garnier et Mary Aikenhead
La mise en place d’institution de soins aux mourants remonte à la deuxième partie du
XIXe siècle. Ces structures ont été appelées aussi bien en France qu’en Angleterre :
hospice. Le mot hospice, tout d’abord signifiait « hôte » puis plus tard « étranger »
désignait un lieu accueillant des pèlerins. Ces voyageurs étant souvent attaqués,
blessés et malades, le terme d’hospice a fini par désigner secondairement un lieu où
l’on soignait des malades.
C’est une française, Madame Jeanne Garnier qui a fondé à Lyon, en 1842, avec la
communauté dont elle était fondatrice « les Dames du Calvaire », plusieurs hospices
à Lyon.
En 1879, les Sœurs irlandaises de la Charité fondées par Sœur Mary Aikenhead
ouvrent à Dublin en Irlande le Our Lady’s Hospice.
En 1905, ce même ordre religieux fondera à Londres l’hospice Saint-Joseph.
C’est à partir de cet hospice Saint-Joseph que plusieurs années plus tard, dans les
années 50, sous l’impulsion du Docteur Cicely Saunders, le concept et la notion
définitive d’hospice prendra un essor incomparable.
1.2.2 Le mouvement anglais des hospices : rôle de Cicely Saunders et du St Christopher’s-
hospice.
Dans les années 50 Cicely Saunders, d’abord infirmière et assistante sociale,
devenue ensuite médecin, développe un important travail d’observation et de
recherche sur le contrôle de la douleur terminale des patients atteints de cancer. Elle
démontre tout d’abord la possibilité de supprimer ou de calmer très fortement la
douleur en administrant de la morphine par voie orale de façon régulière et préventive
au lieu d’essayer de la calmer lorsqu’elle était installée. Simultanément, ces malades
qui étaient sans douleur, restaient conscients et étaient à même d’exprimer leu
r
souffrance, leurs angoisses physiques personnelles, spirituelles et leurs besoins de
relations avec la famille.
A partir de ces constatations, le Docteur Cicely Saunders acquit la conviction de la
nécessité d’ouvrir un hospice. Après d’énormes efforts de sensibilisation, elle réussit
à ouvrir, en 1967, l’hospice St Christopher’s situé dans la banlieue sud-est de
Londres.
Le St Christopher’s comporte initialement 4 salles cloisonnées en petits ensembles de
4 lits et quelques chambres indépendantes, totalisant 62 lits.
Très rapidement, l’hospice met à la disposition des personnels qui y travaillent un
j
ardin d’enfants qui accueille chaque jour des enfants en âges d’école maternelle.
L’image de l’hospice se transforme donc pour n’être pas simplement un lieu pour les
mourants mais comme un lieu vivant et actif. La majorité des patients sont des
cancéreux mais on y admet aussi des patients
souffrant de maladies chroniques évolutives. La durée moyenne de séjour est
d’environ 12 jours.
La notion d’unité purement résidentielle est dépassée et deux ans après son
ouverture, le St Christopher’s crée un service d’accompagnement à domicile qui offre
écoute, soutien, conseil et service de garde assuré 24 h sur 24. Le service travaille à
titre consultatif en lien étroit avec le médecin généraliste du patient et seulement avec
sa permission.
Dans les années qui suivent, l’hospice St Christopher’s ouvre une consultation pou
r
les familles en souffrance pendant l’agonie et après le décès d’un de ses membres.
Dès l’origine, le St Christopher’s offre des programmes d’enseignement et se donne
pour mission de former des professionnels de santé et de développer la recherche.
Quelques années plus tard, le département de recherche se développe fortement et
un département universitaire est créé en collaboration avec le King’s College
université de Londres.
A l’heure actuelle, le Centre d’Enseignement et de Formation du St Christopher’s
accueille environ 3000 professionnels de santé du monde entier.
Parallèlement aux activités de pionnier de Cicely Saunders, Elisabeth Kubler Ross,
psychiatre suisse, émigrée aux Etats-Unis, mène des recherches et des séminaires
sur les étapes du mourir. Elle devient célèbre par son livre « les derniers instants de
la vie ».
Même si la chronologie de ces étapes est remise en question, Elisabeth Kubler Ross
met en évidence la multiplicité des sentiments éprouvés par ceux qui pressentent leu
r
fin proche, ceci permettant de rendre les réactions des soignants moins nappropriées.
Le mourant est jusqu’au bout un vivant, un sujet, un être de paroles, une personne, il
peut achever les tâches estimées par lui essentielles, trouver un accomplissement.
Ceci suppose une transformation radicale de la place du malade, du médecin et de
l’équipe soignante ; le malade est replacé au centre ; il devient acteur du système de
soins.
1.2.3 Le concept d’Unité de Soins Palliatifs.
Le Dr. Balfour Mount, chirurgien du Royal Victoria Hospital de Montréal au Canada,
après une année passée au St Christopher’s, crée au début de 1975 une unité de
soins palliatifs qui devient la plus célèbre du monde.
1.3. Du concept de soins palliatifs au concept de soins continus : le Rapport de Noëlle Lenoir « aux
frontières de la vie ».
La notion de spécificité exclusive des unités de soins palliatifs et rapidement la question du coût
de ces unités, a fait apparaître le concept de soin continu qui s’est progressivement imposé en
France. Sa première formalisation dans le rapport « aux frontières de la vie – une éthique
biomédicale à la Française » dirigé par Noëlle Lenoir est remis au Premier Ministre en 1991. Il y est
dit notamment que malgré leurs spécificités, il paraît exclu de multiplier les unités de soins palliatifs
vers lesquelles seraient systématiquement dirigés les malades pour y finir leurs jours. La philosophie
générale du soins palliatif est une approche humaniste dans les rapports entre les soignants et les
soignés ; il faut donc bannir toute ségrégation des mourants, ils ne sont pas des malades différents
des autres. Le développement des unités spécialisées doit s’accompagner d’actions tendant à
diffuser l’esprit des soins palliatifs dans tous les services hospitaliers. L’unité doit garder toute sa
valeur comme lieu de synthèse de la réflexion, de la formation,
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