Reconnaître et prendre en charge les troubles de l'attention et de l'hyperactivité chez l'enfant
Reconnaître et prendre en charge les troubles de l'attention et
de l'hyperactivité chez l'enfant
C. BILLARD
Les troubles de l'attention et de l'hyperactivité touchent pres de 6 % des enfants d'âge scolaire.
La triade symptomatique : inattention, hyperactivité et impulsivité prédomine et suggere la
présence d'un tel trouble. Cependant, la confirmation diagnostique reste difficile et nécessite,
au préalable, une évaluation précise des capacités attentionnelles de l'enfant et de son
fonctionnement psychique ainsi que la recherche de comorbidité. Le méthylphénidate peut
donner des résultats spectaculaires. Mais, sa prescription doit toujours faire partie d'une
stratégie thérapeutique globale.
Le concept de trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDA/H+) ou sans
hyperactivité (TDA/H-) est né dans les années 80 de l'ensemble des symptômes de la triade :
inattention, hyperactivité, impulsivité, en référence aux criteres diagnostiques des
classifications internationales. Il a donné lieu a une tres large littérature, en particulier apres la
description des effets des médicaments psychostimulants.
Deux conceptions s'affrontent :
Le concept de TDAH divise les professionnels selon les pays.
Aux États-Unis ou au Canada, on considère que 6 à 8 % des enfants, surtout des garçons,
sont atteints de ce trouble et la réponse essentielle proposée est une thérapeutique
médicamenteuse (au premier rang, les amphétaminiques) et une prise en charge
comportementaliste. En France, ce type de médicament est encore volontiers qualifié de «
camisole thérapeutique » et les prises en charge psychothérapiques sont plus souvent
d'obédience psychanalytique.
Autrement dit, deux approches continuent de s'affronter : une théorie psychogénique pour
lesquels, seuls sont a prendre en compte les mécanismes psychopathologiques à l'origine des
troubles, et les tenants d'une base neurologique. Les études en imagerie apportent des
éléments expérimentaux en faveur du rôle, en particulier inhibiteur, de certaines structures
cérébrales impliquées dans les processus de contrôle incluant le cortex préfrontal et les
ganglions de la base. Ces régions cérébrales sont modulées par le système dopaminergique.
Les recherches en génétique apportent de nouveaux éléments au débat. L'incidence plus
élevée de TDAH chez les apparentés au premier et au second degré, le taux de concordance
plus élevé chez les jumeaux monozygotes que chez les dizygotes avec une héritabilité élevée,
et enfin, la forte composante génétique dans les études d'adoption sont autant d'arguments en
faveur des facteurs génétiques. Plusieurs gènes candidats impliqués dans le métabolisme de
la dopamine ont été proposés.
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Les recherches en génétique apportent de nouveaux éléments au débat.
Comment concilier les théories psychogéniques et neurobiologiques ?
Ces approches, en fait, ne sont pas réellement contradictoires, un mécanisme psychogène
pouvant s'exprimer de façon biologique. Une solution raisonnable à ces polémiques
consisterait à considérer que l'hyperactivité et les troubles de l'attention sont un symptôme, et
peuvent être une réaction à une situation psychique conflictuelle dans l'essence même des
relations de l'enfant et de sa famille, mais également considérer que l'attention est une fonction
cognitive reposant sur de solides bases
neurobiologiques, possiblement modifiées en cas de TDAh. Ainsi, afin d'optimiser le pronostic,
le médecin coordonnant les soins doit avoir ce double regard psychodynamique et
neuropsychologique, avant de prescrire un traitement médicamenteux et/ou une
psychothérapie.
Évaluer l'attention tant en termes d'intensité que de sélectivité. Vigilance, attention soutenue,
attention sélective, impulsivité.
sont autant de termes utilisés, mais pas toujours dans le même sens strict.
L'attention se définit selon deux axes, l'un en terme d'intensité et l'autre de sélectivité.
En termes d'intensité, on distingue la vigilance qui permet de maintenir une attention globale,
et l'alerte, une mobilisation pour un nouveau stimulus attentionnel. Les situations de la vie
nécessitent un maintien de l'attention soutenue ; c'est pourquoi les meilleurs tests d'attention
soutenue sont ceux qui durent environ 10 minutes.
En termes de sélectivité, le premier degré d'attention correspond à la focalisation de l'attention
sur une cible, le second à la division de l'attention sur plusieurs tâches.
L'attention est ainsi la « machine » qui prend l'information, décide ensuite de la garder ou non,
et si oui de la « hausser » vers les fonctions supérieures qui vont permettre de la traiter, en
particulier les fonctions exécutives.
Par ailleurs, il existe deux modalités attentionnelles, une modalité visuelle et une modalité
auditive qui peuvent, l'une et l'autre, être définies en termes d'intensité et de sélectivité.
Quelle démarche diagnostic ?
La démarche du médecin confronté aux difficultés d'un enfant hyperactif (cf encadré
ci-dessous) comporte plusieurs étapes.
La vie de Ludovic, enfant hyperactif contrairement a sa grande soeur qui a toujours été sage :
Ludovic, sept ans, scolarisé en CP, est intenable.  A deux ans, il bougeait déja tout le temps.
Des la Petite Section de Maternelle, son institutrice se plaignait de son agitation. En CP, il
n'est pas attentif, remue toujours sur
sa chaise, est distrait par le moindre bruit, répond avant la fin de la question et se leve pour
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ramasser les affaires de ses voisins qui sont tombées.
Son cahier est un « torchon », il oublie constamment ses affaires et, finalement, malgré sa
curiosité et sa vivacité d'esprit, il
réussit assez mal dans les matieres scolaires.
En sport, en revanche, il est le meilleur.
A la maison, il ne tient pas en place, ne finit jamais ses jeux et sa maman s'épuise à répéter :
« Arrete de bouger, fais attention
! ». Pourtant, c'est un enfant tres affectueux, sincerement désolé quand il se fait gronder.
En premier lieu, interrogatoire et examen clinique.
L'interrogatoire des parents et l'examen clinique sont essentiels pour vérifier si l'agitation est
anormale pour l'âge. Les caractéristiques de l'hyperactivité, de l'impulsivité et de l'inattention
sont recherchées.
La triade symptomatique.
L'hyperactivité, ou agitation motrice involontaire et incessante, se manifeste par une difficulté à
rester assis, un besoin de courir, de manipuler des objets, de remuer, de se contorsionner sur
sa chaise, mais aussi par un bavardage excessif, une incapacité à jouer calmement et à
contrôler ses actes pour suivre les règles du jeu.
L'impulsivité se manifeste dans les activités cognitives par une réflexion insuffisante avant de
répondre, l'incapacité à inhiber une réponse inadaptée à la situation. L'enfant répond sans
réfléchir, ne peut attendre son tour. L'impulsivité peut donner lieu à des comportements
dangereux.
L'inattention perturbe le traitement de toutes les informations, en particulier des consignes
délivrées à l'école. Les enfants donnent l'impression qu'ils n'écoutent pas. Ils ont du mal à
s'organiser et à se tenir à une tâche, passent d'un jeu à l'autre, ne peuvent pas répondre aux
demandes ou directives familiales, n'écoutent pas leurs camarades. Une instabilité des doigts
lorsque les mains sont étendues, ou chorée de Prechtl, est fréquemment rencontrée chez les
enfants ayant un TDAH. Elle témoigne des difficultés de contrôle moteur, expliquant l'écriture
irréguliere de ces enfants. Les cahiers de classe renseignent sur le retentissement de
l'hyperactivité sur les apprentissages et permettent de rechercher la présence d'une
comorbidité comme une dyslexie-dysorthographie, manifeste chez cet enfant TDAH.
L'inattention perturbe le traitement de toutes les informations.
De l'utilité des classifications internationales :
Les propositions des classifications internationales des troubles mentaux ont cherché a définir
des critères diagnostiques précis afin d'homogénéiser les populations décrites et de définir un
consensus sur le diagnostic de ces troubles. Ces critères sont discutables et d'ailleurs.
discutés !
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Les critères les plus utilisés sont ceux du DSM IV. Neuf critères concernent l'inattention et neuf
autres concernent
l'hyperactivité-impulsivité. Le diagnostic nécessite une réponse positive a au moins six des
neuf critères pour l'inattention et/ou
l'hyperactivité-impulsivité, ainsi qu'à quatre autres critères obligatoires (cf classification du DSM
IV).
Il existe également des questionnaires comportementaux à l'usage des parents et des
enseignants, comme le questionnaire de Conners ou d'Achenbach, qui permettent d'enrichir
l'interrogatoire dirigé des parents et facilitent le diagnostic différentiel entre TDAH et
psychopathologie.
Rechercher les causes de l'hyperactivité.
L'agitation est un symptôme. Elle peut être passagère ou secondaire à une autre pathologie
qui doit toujours être recherchée avant d'évoquer un TDAH.
Les turbulences réactionnelles passagères :
Certains événements stressants peuvent entraîner temporairement des manifestations
d'agitation : déménagement, arrivée d'un nouvel enfant. Une entrevue avec les parents peut
être suffisante pour apprécier la perception qu'a l'enfant de ces événements.
Certains enfants manifestent une turbulence réactionnelle et ne sont alors agités que dans les
situations source de conflit psychique pour eux : lors des devoirs ou uniquement avec leur
maman parce qu'ils ont un lien compliqué avec elle. La frontière entre les turbulences
relationnelles et les TDAH est loin d'etre évidente et toute hyperactivité nécessite une
évaluation du fonctionnement psychique de l'enfant dans son cadre familial.
En cas de troubles somatiques :
Dans certains cas, l'agitation motrice, n'est pas primitive mais symptomatique d'une autre
pathologie. Il peut s'agir d'une maladie chronique ou encore d'un retard mental. Ainsi, toute
hyperactivité nécessite d'apprécier l'ensemble des fonctions cognitives. Le WISC-III permet
d'apprécier le QIP (Quotient Intellectuel de Performance) et le QIV (Quotient Intellectuel
Verbal), donc d'éliminer un déficit intellectuel.
Dans le cas d'un TDAH, les deux scores sont dans la norme, meme si le QIP est souvent
modérément inférieur au QIV.
Psychopathologies et environnement psycho-social défecteux :
L'agitation motrice peut être secondaire à d'autres psychopathologies comme les «
dysharmonies évolutives ». Ces affections se caractérisent par une instabilité, certes, mais
associée à une agressivité et une destructivité, une grande anxiété et une intolérance aux
frustrations.
L'existence de conditions socio-éducatives carencées doit également être recherchée.Les
facteurs psychosociaux sont donc considérés comme des facteurs étiopathogéniques du
TDAH. Néanmoins, ils ne constituent pas forcément la cause du trouble mais en favorisent
l'expression. Dans des conditions socio-éducatives et culturelles difficiles, les troubles des
conduites
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associés sont plus fréquents. Cause ou facteurs aggravants, les relations entre hyperactivité
et facteurs psychosociaux sont complexes. Le fonctionnement des familles peut aussi être
perturbé par le trouble de l'enfant.
Il a été montré que les familles ayant ce type d'enfants sont souvent le siège de tout un
ensemble de conflits, plus ou moins directement liés au trouble de l'enfant, qui créent des
tensions dans le milieu familial et peuvent influer sur l'équilibre de la famille ou du couple. Sans
oublier que dans certaines familles, plusieurs personnes, y compris parmi les parents, peuvent
présenter ce trouble et être a l'origine d'un style de vie quelque peu « chaotique ». Le facteur
psychosocial doit toujours être évalué lors de la prise en charge d'un enfant ayant un TDAH.
Confirmer le TDAH et rechercher les manifestations associées.
L'existence de la triade symptomatique - hyperactivité, impulsivité, inattention - permanente,
envahissante, présente dans plusieurs situations, non expliquée par une pathologie chronique,
ni par un traitement, ni par une pathologie psychiatrique ou un retard mental, suggère le
TDAH. Il reste à le confirmer et à rechercher les manifestations associées.
Le temps de l'évaluation psychologique et psychométrique :
L'évaluation psychologique et psychométrique, indispensable au diagnostic différentiel avec
une psychopathologie ou un retard mental, donne également des arguments en faveur du
TDAH.
Les scores de l'échelle non-verbale (principalement le subtest du code mais aussi le
completement d'images) sont généralement plus faibles que les scores de l'échelle verbale, du
fait des difficultés d'attention ou de contrôle du mouvement.
Les subtests de mémoire des chiffres principalement, mais aussi d'arithmétique, d'information
sont aussi tres sensibles aux difficultés attentionnelles ainsi que les épreuves séquentielles du
K-ABC qui testent, en particulier, la distractibilité.
Les tests neuropsychologiques servent à mesurer les différentes composantes de l'attention
comme les tests de barrages pour l'attention soutenue, le test de Stroop pour les capacités
d'inhibition des réponses automatiques ou encore les tests d'appariement d'images pour
l'impulsivité.
Plus récemment, des tests informatisés ont été développés. Les scores servent de base pour
juger des effets du traitement.
L'évaluation psychomotrice apprécie les domaines habituellement déficitaires dans les TDAH,
du fait des difficultés de contrôle du mouvement tels le graphisme, le dessin ou l'écriture. Les
coordinations motrices fines et gestuelles sont également évaluées : contrôle moteur, vitesse
et précision des habiletés manuelles, équilibre lors du maintien sur un pied ou du saut a
cloche-pied, etc.
Des comorbidités tres fréquentes :
Les comorbidités fréquentes du TDHA imposent de rechercher différents troubles
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