Les maladies infectieuses, la thérapie antimicrobienne ou la

COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION, SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE | 1
Point de pratique
Les maladies infectieuses, la
thérapie antimicrobienne ou la vaccination de la
mère : très peu de contre-indications à
l’allaitement
Noni E MacDonald; Société canadienne de pédiatrie
Comité des maladies infectieuses et d’immunisation
Affichage : le 1 octobre 2006 Mise à jour : le 4 janvier 2016 Reconduit : le 1 février 2016
La Société canadienne de pédiatrie, Santé Canada,
Les diététistes du Canada et le Comité canadien pour
l’allaitement, de même que l’American Academy of
Pediatrics, recommandent tous l’allaitement exclusif
comme mode d’alimentation optimal du nourrisson à
terme et en santé jusqu’à l’âge de six mois.[1][2]
L’allaitement confère de nombreux avantages relatifs à
la santé (p. ex., diminution du risque de maladie
infectieuse) et d’ordre nutritionnel, immunologique,
psychologique, développemental, environnemental,
social et économique.[1][2] Il faut prendre toutes les
mesures pour réduire au minimum les contre-
indications à l’allaitement, particulièrement celles qui
sont inutiles. Le présent article résume :
les maladies infectieuses de la mère pour
lesquelles la poursuite de l’allaitement est
recommandée;
les très rares maladies infectieuses pour lesquelles
l’allaitement n’est pas recommandé;
les rares situations la thérapie antimicrobienne
de la mère peut remettre l’allaitement en question;
les mesures relatives à l’allaitement lorsque la
mère ou son nourrisson reçoit un vaccin
systématique recommandé.
Les maladies infectieuses de la mère et
l’allaitement
Dès la naissance, ou presque, les nourrissons
acquièrent la flore intestinale qui trouve son origine
dans le microbiote de leur mère. Le microbiote du
nourrisson varie selon le mode d’accouchement[3]. Il
est tributaire de facteurs génétiques et
environnementaux ainsi que du mode d’alimentation.[4]
Le lait maternel influe sur le microbiote intestinal du
nourrisson parce qu’il contient des organismes
provenant de la peau de la mère et des éléments qui
nourrissent certains microbes et assurent une
protection contre d’autres.[4][5] Le lait maternel a
également une influence directe sur le développement
du système immunitaire du nourrisson,[4][5] et
l’allaitement a de nombreux aspects positifs sur la
santé.[2]
Le lait maternel peut être une source de
microorganismes commensaux et pathogènes
provenant de la mère,[5] mais très peu de maladies
infectieuses de la mère justifient l’arrêt ou l’interruption
de l’allaitement.[2][4][5]
Lorsqu’une mère allaitante présente des symptômes
de maladie infectieuse, elle a déjà exposé son
nourrisson à l’agent pathogène. L’arrêt de l’allaitement
n’évite donc pas l’exposition et risque plutôt de réduire
la protection du nourrisson assurée par certains
anticorps de la mère et d’autres facteurs protecteurs
contenus dans le lait humain. Par conséquent,
certaines infections bactériennes, fongiques et virales
courantes dont souffre la mère, sans pour autant
compromettre sa santé, ne sont pas des contre-
indications à l’allaitement (tableau 1).
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Tableau 1
Quelques infections de la mère et les recommandations correspondantes vis-à-vis de l’allaitement chez les nourrissons à terme et en santé
Infection ou maladie de la
mère
Agent(s) microbien(s) Recommandations vis-à-vis de l’allaitement
Bactéries
Mastites et abcès du sein Staphylococcus aureus
Espèces de streptocoque
Espèces à Gram négatif :
Escherichia coli
Rarement : espèces de
Salmonella, mycobactéries,
Candida, Cryptococcus
Poursuivre l’allaitement à moins de présence évidente de pus, auquel cas pomper et jeter le lait
provenant du sein infecté et continuer à allaiter de l’autre sein.
Tuberculose Mycobacterium tuberculosis La principale voie de transmission est aéroportée, et non pas par des organismes contenus dans le
lait. En présence de tuberculose active non traitée, reporter l’allaitement direct jusqu’à ce que la mère
ait reçu un traitement antituberculeux approprié pendant deux semaines; administrer une prophylaxie
antituberculeuse au nourrisson.* Le nourrisson peut recevoir du lait exprimé pendant cette période de
deux semaines.
Infection urinaire Espèces à Gram négatif : E
coli, etc.
Poursuivre l’allaitement.
Infection bactérienne de la paroi
abdominale après une
césarienne
Microbes cutanés Poursuivre l’allaitement.
Diarrhée Salmonella, Shigella, E coli,
Campylobacter
Poursuivre l’allaitement. Respecter une scrupuleuse hygiène des mains.
Autres infections bactériennes
qui ne compromettent pas l’état
physique et l’état de santé
général de la mère
Vaste gamme de microbes
bactériens
Poursuivre l’allaitement.
Brucellose Brucella abortus, Brucella
melitensis, Brucella suis,
rarement Brucella canis
Mettre un terme à l’allaitement lorsque la brucellose de la mère n’est pas traitée, car cette infection
peut être transmise par le lait maternel.
Parasites
Paludisme Espèces de plasmodies Poursuivre l’allaitement.
Champignons
Candidose vaginale Candida Poursuivre l’allaitement. Respecter une scrupuleuse hygiène des mains.
Virus
CMV Poursuivre l’allaitement en cas d’infection à CMV active ou latente chez la mère.
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Hépatite Virus de l’hépatite A Poursuivre l’allaitement et administrer une prophylaxie par immunoglobuline au nourrisson. Respecter
une scrupuleuse hygiène des mains.
VHB Poursuivre l’allaitement. Administrer systématiquement de l’IgHB au nourrisson à la naissance pour
prévenir l’infection par le VHB; administrer le vaccin contre le VHB.
Virus de l’hépatite C Poursuivre l’allaitement. Administrer le vaccin contre le VHB
Virus de l’herpès simplex VHS-1, VHS-2 Poursuivre l’allaitement. Respecter une scrupuleuse hygiène des mains. Porter un masque pour couvrir
les lésions labiales. En présence de lésions sur les seins ou de mastite à VHS, s’assurer qu’il s’agit
bien du VHS et non du VVZ. Interrompre l’allaitement direct jusqu’à ce que les lésions aient formé une
croûte. Utiliser du lait exprimé.
Varicelle, zona VVZ Poursuivre l’allaitement. En cas de VVZ périnatal, administrer de l’IgVZ. En cas de VVZ postnatal,
envisager l’IgVZ.
Entérovirus Poursuivre l’allaitement. Respecter une scrupuleuse hygiène des mains.
VIH Allaitement et lait maternel exprimé tous deux contre-indiqués. Se reporter au texte pour en savoir plus.
Virus T-lymphome humain
de type I ou II
Allaitement et lait maternel exprimé tous deux contre-indiqués.
Parvovirus Poursuivre l’allaitement.
Virus du Nil occidental Poursuivre l’allaitement.
Données tirées des références 2 et 5 à 9. CMV Cytomégalovirus; IgHB Immunoglobuline de l’hépatite B; IgVZ Immunoglobuline de varicelle-zona; VHB : virus de
l’hépatite B; VIH : virus d’immunodéficience humaine; VVZ : virus de varicelle-zona
*Pour la prise en charge prophylactique d’un nourrisson exposé à une mère atteinte de tuberculose active, consulter le chapitre 12 des Normes canadiennes pour la
lutte antituberculeuse, 7e édition.
Les infections bactériennes de la mère sont rarement
compliquées par la transmission au nourrisson lors de
l’allaitement, à l’exception peut-être de la brucellose.[6]
[7] Les mères atteintes d’une mastite ou d’un abcès du
sein devraient être encouragées à poursuivre
l’allaitement.[2][5][8][9] Lorsque l’abcès du sein cause des
douleurs qui nuisent à l’allaitement, la mère peut
continuer à allaiter de l’autre sein.[5] De même, la
tuberculose de la mère est compatible avec
l’allaitement, pourvu que la mère ne soit pas
contagieuse ou qu’elle ait reçu un traitement adéquat
contre la tuberculose pendant deux semaines.[2][5]
Puisque la transmission de la tuberculose se fait par
voie aéroportée et que l’infection ne peut être
transmise par le lait humain, il n’y a aucun problème à
poursuivre l’allaitement pendant le traitement contre la
tuberculose. Les antituberculeux semblent sécuritaires
pendant l’allaitement.[10]-[12] Les nouveau-nés allaités
par des femmes traitées à l’isoniazide n’ont pas besoin
de suppléments de pyridoxine, à moins de recevoir le
même traitement.[11] En effet, si la mère et son
nourrisson prennent tous deux de l’isoniazide, le
nourrisson peut courir le risque d’en recevoir de trop
fortes concentrations. Une consultation avec un expert
est alors indiquée.
En présence d’infections parasitaires comme le
paludisme, l’allaitement devrait se poursuivre si l’état
clinique de la mère le permet. Diverses quantités de
chloroquine, d’hydroxychloroquine et de quinine, sont
transmises dans le lait maternel, mais ces trois
antipaludiques n’empêchent pas l’allaitement, à moins
que le nourrisson présente un déficit en glucose-6-
phosphate déshydrogénase (G6PD), auquel cas il est
conseillé d’arrêter la quinine.[12] De même, la
primaquine est à éviter, à moins que la mère et son
nourrisson présentent tous deux des taux normaux de
G6PD. Il faut encourager les précautions pour réduire
le plus possible les infections transmises par des
insectes. Les répulsifs contre les insectes contribuent
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à réduire les piqûres de moustiques, qui peuvent
transmettre le paludisme ou des virus comme le virus
du Nil occidental. Aucun effet indésirable n’a été
signalé après l’utilisation de répulsifs contenant de la
diéthyltoluamide, de l’icaridine ou de la picaridine chez
les mères allaitantes.[13]
Les infections fongiques de la mère, telles que la
candidose vaginale, peuvent coloniser le nourrisson,
mais ne sont pas une contre-indication à l’allaitement.
Le traitement de la mère par des médicaments
antifongiques topiques ou systémiques, comme le
fluconazole, ne l’est pas davantage.[12]
La poursuite de l’allaitement est recommandée en
présence de la plupart des infections virales de la
mère, à quelques exceptions près (tableau 1).[2][14][15]
Si la mère est infectée par le VIH, l’allaitement n’est
pas recommandé dans les milieux riches en
ressources comme le Canada, on peut accéder à
un substitut sécuritaire et accepté sur le plan culturel,[2]
car la transmission du VIH de la mère au nourrisson
est bien étayée. La mère qui ne peut pas allaiter aura
peut-être besoin d’un soutien émotionnel. Dans
certaines situations, il faudra aussi offrir un soutien
financier pour l’achat des préparations lactées. Dans
les pays pauvres en ressources et conformément à
l’évaluation des meilleures données probantes à jour,
l’OMS recommande que la mère séropositive ou son
nourrisson exposé au VIH prenne des antiviraux
pendant toute la période de l’allaitement, qui doit se
poursuivre jusqu’à ce que le nourrisson ait 12 mois. En
effet, le nourrisson peut profiter des bienfaits de
l’allaitement tout en courant très peu de risque
d’infection par le VIH.[16][17]
L’allaitement n’est pas davantage conseillé chez les
mères atteintes de l’infection par le virus T-
lymphotrope humain de type 1 ou 2.[2][15] Chez les
mères atteintes d’une infection latente par le
cytomégalovirus (CMV), le virus se réactive dans le lait
maternel pendant la période néonatale et peut être
transmis au nourrisson par l’allaitement. Cependant,
cette transmission ne pose pas de risque pour le
nourrisson à terme, car les anticorps maternels
transférés par le placenta préviennent toute maladie
grave.[2] Même chez le nourrisson prématuré, la valeur
de l’allaitement semble supérieure aux risques
potentiels d’une grave maladie causée par une
infection à CMV contractée lors de l’allaitement
pendant la période néonatale. Il n’y a pas de preuve
pour associer hors de tout doute un retard de
développement ou une perte auditive neurosensorielle
à cette infection.[2][18] Ainsi, l’allaitement est
recommandé en cas d’infection à CMV de la mère,
que cette infection soit latente ou active.
La thérapie antimicrobienne de la mère et
l’allaitement
Très peu de médicaments antimicrobiens courants que
prend la mère justifient l’arrêt de l’allaitement.[2][12][19]-
[22] Même un traitement à la tétracycline, aux
aminoglycosides ou aux quinolones n’en empêche pas
le maintien. À;;; cet égard, la National Library of
Medicine des États-Unis est dotée de la base de
données virtuelle LactMed, qui est mise à jour
régulièrement et fournit de l’information aux mères
allaitantes au sujet des médicaments.
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Tableau 2
Quelques thérapies antimicrobiennes de la mère et les recommandations correspondantes vis-à-vis de l’allaitement chez les nourrissons à terme et en santé
Thérapie antimicrobienne de la mère Recommandations vis-à-vis de l’allaitement
Antibiotiques
Groupe 1 : pénicillines, céphalosporines, carbapénèmes, macrolides,
aminoglycosides, quinolones
Poursuivre l’allaitement.
Groupe 2 : métronidazole à fortes doses Interrompre l’allaitement pendant 12 à 24 heures afin de permettre l’excrétion de la
dose.
Groupe 3 : chloramphénicol Avertissement : possibilité de suppression idiosyncratique de la moelle osseuse.
Groupe 4 : triméthoprim-sulfaméthoxazole, sulfisoxazole, dapsone Faire preuve de prudence si le nourrisson allaité est atteint d’une jaunisse ou d’un
déficit en G6PD ou s’il est malade, stressé ou prématuré.
Antituberculeux
Isoniazide, rifampine, streptomycine, éthambutol Poursuivre l’allaitement. Le nourrisson a besoin de suppléments de pyridoxine
seulement s’il reçoit aussi de l’isoniazide.
Antiparasitaires
Groupe 1 : chloroquine, quinidine, ivermectine; diéthyltoluamide ou icaridine
ou picaridine par voie topique chez la mère
Poursuivre l’allaitement.
Groupe 2 : primaquine, quinine Contre-indiquées pendant l’allaitement, à moins que la mère et le bébé présentent tous
deux des taux normaux de G6PD.
Antifongiques
Fluconazole, kétoconazole Poursuivre l’allaitement.
Antiviraux
Acyclovir, valacyclovir, amantadine Poursuivre l’allaitement. Si on envisage l’utilisation prolongée d’amantadine, surveiller
la suppression de lait, car le médicament peut supprimer la production de prolactine.
Données tirées des références 2, 12 et 19 et de LactMed. G6PD Glucose-6-phosphate déshydrogénase
La vaccination et l’allaitement
L’allaitement n’est pas une contre-indication à
l’administration des vaccins systématiques
recommandés pour le nourrisson ou pour la mère. Il
faut encourager l’allaitement pendant l’administration
des vaccins, car cette mesure peut atténuer la douleur
que ressent l’enfant.[23]
Remerciements
Le comité de la pharmacologie et des substances
dangereuses de la Société canadienne de pédiatrie a
révisé le présent document.
Références
1. Jeffrey N Critch; Canadian Paediatric Society, Nutrition
and Gastroenterology Committee. Nutrition of healthy
term infants, birth to 6 months: An overview. Paediatr
Child Health 2013;18(4):206-7.
2. Eidelman AI, Schanler RJ; American Academy of
Pediatrics Section on Breastfeeding. Breastfeeding and
the use of human milk. Pediatrics 2012;129(3):e827-41.
3. Dominguez-Bello MG, Costello EK, Contreras M, Magris
M, Hidalgo G, Fierer N, Knight R. Delivery mode shapes
the acquisition and structure of the initial microbiota
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