
Forum Med Suisse 2012;12(20–21):402–405 403
Actuel
tiel évolutif [18]. Le diagnostic différentiel est naturelle-
ment un peu plus facile quand il est posé rétrospective-
ment et que l’évolution est déjà connue, mais quand il
s’agit d’un premier épisode psychotique, la tâche est
souvent très complexe.
Classication des «cas intermédiaires» psychotiques
dans les systèmes de classication internationale
Un bref aperçu de l’évolution, au cours du temps, de la
classication nosologique des troubles schizoaffectifs et
des troubles psychotiques aigus et transitoires illustre à
quel point le diagnostic différentiel d’un premier épisode
psychotique peut être difcile en pratique clinique.
Dans le DSM-I (1952), le type schizoaffectif gurait dans
les réactions schizophréniques, et les critères proposés
par Kasanin (début aigu, brève durée de l’épisode et ré-
mission complète) n’en faisaient pas partie. En 1968,
aussi bien le DSM-II que l’ICD-8 introduisirent la caté-
gorie schizophrénie, type schizoaffectif, mais la dénition
était vague et ne com-
portait que l’association
de symptômes schi-
zophréniques et affec-
tifs. Dans le DSM-III
(1980), les psychoses
schizoaffectives avaient
pratiquement disparu:
les épisodes maniaques et d épressifs englobaient aussi
des cas de symptômes psychotiques affectivo-incon-
gruents, et ce n’est qu’en marge
qu’une catégorie
troubles
schizoaffectifs était ajoutée, mais sans aucune
directive diagnostique et avec la remarque qu’elle ne
devait être utilisée que s’il n’était pas possible de faire
la distinction entre trouble schizophrénique et affectif.
Dans la version révisée, DSM-III-R (1987), les troubles
schizo affectifs furent réintroduits comme troubles psy-
chotiques non autrement spéciés, et dans le DSM-IV
(1994) ils étaient rattachés à la catégorie des schizo-
phrénies et autres troubles psychotiques. En fonction
de la description encore vague du trouble schizoaffectif
dans le DSM-IV, le DSM-V apportera probablement plus
de précision, mais apparemment sans imposer claire-
ment cette catégorie diagnostique (www.dsm5.org). La
classication des troubles schizoaffectifs dans l’ICD-9
(1976) était la même que dans l’ICD-8, mais l’ICD-10
(1992), actuellement encore utilisée, présente les
troubles schizoaffectifs comme une catégorie à part en-
tière dans le chapitre des troubles schizophréniques et
délirants.
En ce qui concerne les psychoses aiguë et de brève
d urée à évolution favorable, ces deux systèmes de clas-
sication internationale n’ont introduit que relativement
tard les groupes diagnostiques leur correspondant, en
tentant d’intégrer les divers concepts nationaux aux-
quels ils correspondent. Dans l’ICD-10 (1992), on parle
de troubles psychotiques aigus et transitoires, et dans le
DSM-IV (1994) de troubles psychotiques brefs, les cri-
tères de ces deux groupes diagnostiques étant basés sur
des conventions plutôt que sur des preuves formelles.
Les critères de l’ICD-10 sont plus détaillés que ceux du
DSM-IV et distinguent plusieurs sous-types. Les troubles
psychotiques aigus et transitoires se manifestent de
manière aiguë, sont de brève durée, les patients ré-
pondent bien aux antipsychotiques et leur pronostic est
bon malgré d’éventuelles récidives. Ils se distinguent
aussi des psychoses schizophréniques par l’absence
de décit préalable au niveau des fonctions psycho-
sociales.
Implications pour la clinique et la recherche
Bien qu’il faille tenir compte des critères des systèmes
de classication mentionnés ci-dessus pour le diagnostic,
les nombreuses révisions de ceux-ci au cours des der-
nières décennies montrent qu’ils ne permettent pas
toujours de donner une image dèle et stable des pa-
thologies psychotiques telles qu’on les observe dans la
réalité clinique. Ces systèmes de classication ne tiennent
par exemple aucun compte du fait que les troubles schi-
zoaffectifs ne sont pas toujours monomorphes, et qu’ils
peuvent aussi avoir une évolution polymorphe, c.-à-d.
qu’à long terme il peut y avoir des épisodes aussi bien
schizophréniques qu’affectifs [19].
De même, les critères pour qu’un diagnostic de trouble
psychotique aigu et transitoire puisse être posé, concer-
nant dans l’ICD-10 avant tout la durée maximale des
symptômes psychotiques, sont trop peu spéciques
pour guider le traitement dans la réalité clinique [11,
19, 20]. La classication proposée dans l’ICD-10 consti-
tue en effet un appauvrissement par rapport à la descrip-
tion extrêmement détaillée des psychoses cycloïdes de
Leonhard [11]. On remarque ainsi souvent que seuls
l’examen psychopathologique approfondi et l’observation
de l’évolution des symptômes au l du temps dans le
contexte d’un programme de soins structurés permettent
de déterminer précisément le type de psychose dont
souffre le patient.
Considérant la complexité de ce diagnostic différentiel
et le côté parfois relativement arbitraire des éléments
qui les différencient, on suggère plutôt de recourir à des
concepts diagnostiques
plus généraux tels que
«premier épisode psy-
chotique» ou «psychose
émergente» et de ne po-
ser un diagnostic caté-
goriel précis qu’avec un
certain recul. On sug-
gère également de recourir à un concept de diagnostic
dimensionnel plutôt que catégoriel, dans le cadre du-
quel on prend en compte les divers éléments du tableau
clinique (symptômes positifs, symptômes négatifs, ma-
nie, dépression) pour orienter le choix du traitement.
Tr aitement
Les études conduites chez des patients présentant un
premier épisode de psychose ont mis en évidence qu’un
long délai, en moyenne de 2 ans, sépare l’apparition des
symptômes et la mise en route du traitement (durée de
psychose non traitée, DUP), et que ce délai pouvait
avoir des conséquences importantes: risque de suicide,
détérioration de l’intégration sociale, développement
de co-morbidités, moins bonne réponse au traitement
Dans le cadre des premiers
épisodes psychotiques,
l’attention est surtout portée
à la mise en route d’un
traitement adéquat dans les
plus brefs délais
Plusieurs arguments sug
gèrent qu’une distinction
claire entre troubles schizo
phrènes et affectifs bipolaires
ne soit pas toujours possible
au début de la maladie