H i g H l i g H t s 2 011 : R a d i o l o g i e Dépistage du cancer du poumon par tomodensitométrie – avancée récente en radiologie Hatem Alkadhi, Thomas Frauenfelder, Diethard Schmidt Institut für Diagnostische und Interventionelle Radiologie, UniversitätsSpital Zürich L’édition du mois d’août du New England Journal of Medicine a publié un essai multicentrique très remarqué sur le dépistage du cancer du poumon (National Lung Screening Trial, NLST) aux Etats-Unis [1]. Des personnes à haut risque de cancer bronchique, âgées de 55 à 74 ans, ont été soumises à un dépistage soit par radiographie thoracique conventionnelle, soit par tomodensitométrie (TDM) faible dose. L’étude a pu mettre clairement en évidence que la TDM faible dose entraînait une mortalité significativement réduite par rapport à la radiographie thoracique (réduction relative de 20%). Cette étude de grande envergure soulève bien entendu quelques aspects qui méritent discussion (voir à cet effet le highlight pneumologie de E. Russi, FMS SMF 1–2/2012). Parmi ceux-ci, nous pouvons citer le nombre relativement élevé de résultats faux positifs, ainsi que le problème de surdiagnostic (overdiagnosis) lié à la TDM: un nombre non négligeable des cancers détectés ne deviendra jamais symptomatique. L’étude a également passé sous silence le problème du rapport coûts/ efficacité entre la TDM et la radiographie thoracique, moins coûteuse [2]. Les questions de dose d’irradiation dans le dépistage par TDM Hatem Alkadhi Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis. En pratiquant le dépistage d’une population par TDM, plusieurs raisons nous poussent à prendre en considération la dose d’irradiation cumulée. D’abord, il y a une certaine interaction entre le risque de cancer induit par les rayonnements ionisants et le risque de cancer du fumeur proprement dit. Certains auteurs attribuent à l’interaction rayonnements/tabagisme un effet multiplicateur, d’autres un effet intermédiaire situé entre l’addition et la multiplication. On peut donc partir du principe que le risque de développement d’un cancer dépasse l’effet additif [3]. Ensuite: alors que le risque de cancer induit par rayonnement ionisant diminue généralement avec l’âge, le risque de cancer bronchique induit par rayonnement ionisant ne semble pas suivre cette diminution [3]. De plus, on admet communément aujourd’hui l’existence d’un risque non négligeable de cancer dû aux examens pratiqués à l’aide de rayonnements ionisants, y compris les rayonnements à faible dose. Lors du dépistage, il s’y ajoute encore l’aspect des examens répétés – la dose d’irradiation étant cumulative. Pour exemple, au cours de l’essai NSLT, chaque participant a été soumis à un examen TDM faible dose à trois moments différents [1]. Dans cet essai, la description du protocole choisi pour la TDM est très sommaire. Elle mentionne simplement que les «paramètres d’examen ont été fixés de telle façon que la dose effective se monte à 1,5 mSv». Et l’article auquel elle renvoie pour la description plus approfondie du plan d’étude [4] ne satisfait pas non plus les attentes. Il n’en reste pas moins que concernant le problème de la dose d’irradiation en TDM thoracique, les points suivants méritent attention: la technique de reconstruction d’image classique en TDM, la rétroprojection filtrée ou filtered back projection, recourt à un compromis entre niveau de bruit et netteté de l’image. Ce compromis implique à son tour que la dose de radiation ionisante reçue par le patient lors d’une TDM ne peut pas descendre en-dessous d’une certaine limite minimale si l’on veut que l’image atteigne encore une qualité diagnostique. Une dose inférieure augmenterait le niveau de bruit de l’image. La dose effective moyenne d’une TDM thoracique standard se situe entre 7 et 9 mSv. On peut l’abaisser à un niveau situé entre 1 et 2 mSv en faisant appel à la technique de la rétroprojection filtrée en combinaison avec de nombreuses méthodes de réduction de la dose d’irradiation. Ces méthodes comprennent entre autres la réduction du voltage et la modulation automatique du courant du tube, ainsi que le déplacement à vitesse élevée de la table d’examen [5]. Avec la rétroprojection filtrée comme technique de reconstruction standard, il n’est plus guère possible d’abaisser sensiblement la dose reçue par un adulte normo-pondéral (par ex. à moins de 1 mSv) sans faire de compromis sur le plan de la qualité de l’imagerie. De plus, le niveau de bruit de l’image augmente proportionnellement au volume du corps irradié. La reconstruction itérative La reconstruction itérative est une technique de scanographie mise au point l’an dernier pour s’affranchir de la limite imposée à la réduction de la dose d’irradiation par la rétroprojection filtrée [6]. Cette technique consiste à intégrer dans le processus de formation de l’image de coupe une boucle de correction qui est parcourue à plusieurs reprises et au cours de laquelle le sinogramme mesuré est comparé avec le sinogramme estimé. On utilise des algorithmes de reconstruction non linéaires exploitant cette comparaison pour améliorer la résolution spatiale des objets dans les zones de l’image où le contraste est élevé et pour la dégrader dans les zones où il est faible. Cette étape de régularisation est essentielle pour améliorer le rapport signal sur bruit de la Forum Med Suisse 2012;12(1–2):25–26 25 H i g H l i g H t s 2 011 : R a d i o l o g i e A B Figure 1 Reconstruction axiale du poumon par une TDM faible dose, avec une dose d’irradiation effective de 0,5 mSv. A: Reconstruction par rétroprojection filtrée, avec un niveau de bruit élevé de l’image. B: Formation de l’image par reconstruction itérative, avec un niveau de bruit plus faible et une meilleure qualité de l’image à dose d’irradiation égale. reconstruction itérative. On calcule ensuite la projection de l’image de coupe pour obtenir des données brutes simulées que l’on compare à leur tour aux données brutes mesurées pour éliminer les artéfacts. La reconstruction itérative (lat. iterare: recommencer) consiste à répéter plusieurs fois la boucle de régularisation et de comparaison des images. Les premières expériences avec la reconstruction itérative de la TDM thoracique ont montré que cette technique améliore effectivement le rapport signal sur bruit et la netteté de l’image, et par là même sa qualité (fig. 1 x). Nous estimons qu’elle devrait permettre d’abaisser la dose d’irradiation effective de la TDM thoracique nettement en-dessous de 1 mSv (et de se rapprocher du niveau d’une radiographie thoracique conventionnelle). La reconstruction itérative contribue donc à optimiser la TDM faible dose sans porter atteinte à la qualité diagnostique de l’examen. De plus, cette technique réduit l’impact du volume du corps irradié sur le niveau de bruit et la qualité de l’image, ce qui fait de la TDM faible dose une option envisageable chez les patients en excès pondéral ou obèses. Résumé En dépit de la controverse qu’il suscite, le sujet du dépistage pulmonaire par TDM des patients à risque va occuper une place de choix dans les débats sur la médecine et le coût de la santé qui seront menés ces prochaines années. Un rôle clef revient ici aux spécialistes en radiologie: il faudra optimiser les techniques d’examen nécessaires et les mettre à disposition du clinicien. Les protocoles à faible dose serviront à garantir la qualité diagnostique des images fournies, indépendamment de la constitution du patient. Ce n’est qu’à ce prix que l’on réussira à réduire la dose collective reçue par la population à un minimum absolu. Grâce aux techniques de reconstruction d’image récentes comme la reconstruction itérative, nous devrions être en mesure d’atteindre la réduction souhaitée de la dose d’irradiation sans réduire essentiellement la valeur diagnostique de l’imagerie. Correspondance: PD Dr Hatem Alkadhi Institut für Diagnostische und Interventionelle Radiologie UniversitätsSpital Zürich CH-8091 Zürich hatem.alkadhi[at]usz.ch Références 1 Aberle DR, Adams AM, Berg CD, et al. Reduced lung-cancer mortality with low-dose computed tomographic screening. N Engl J Med. 2011;365(5):395–409. 2 Sox HC. Better evidence about screening for lung cancer. N Engl J Med. 2011;365(5):455–7. 3 Brenner DJ. Radiation risks potentially associated with low-dose CT screening of adult smokers for lung cancer. Radiology. 2004;231(2): 440–5. 4 Aberle DR, Berg CD, Black WC, et al. The National Lung Screening Trial: overview and study design. Radiology. 2011;258(1):243–53. 5 Baumueller S, Alkadhi H, Stolzmann P, et al. Computed tomography of the lung in the high-pitch mode: is breath holding still required? Invest Radiol. 2011;46(4):240–5. 6 Thibault JB, Sauer KD, Bouman CA, Hsieh J. A three-dimensional statistical approach to improved image quality for multislice helical CT. Med Phys. 2007;34(11):4526–44. Forum Med Suisse 2012;12(1–2):25–26 26