ECOLE DES MINES D’ALES
L’éthique professionnelle :
action et humanisme
Maryse CADIEU
08/02/2014
L’éthique professionnelle, action et
humanisme
Présentation :
Après avoir proposé une définition de l’éthique professionnelle, concept de prime abord
antinomique, voire utopique, j’ai exploré les possibilités d’intégration de celle-ci au sein du
monde professionnel, et en particulier de l’entreprise. Mon angle d’approche consiste en
l’évitement de cette vision manichéenne opposant une culture capitaliste à laquelle nous
n’échappons pas, à un monde idéalisé l’argent ne serait pas au cœur de l’entreprise. Nous
vivons au sein d’un système que nous formons et qui nous conditionne. Cependant, on peut
considérer l’éthique professionnelle, caractéristique de lindividu, comme qualité à
promouvoir à l’intérieur de l’entreprise, comme compétence à rechercher.
Angle d’approche :
L’éthique professionnelle considérée non pas comme une approche abstraite et théorique mais
comme une invitation à l’action qui vise à remettre l’homme au cœur des décisions et des
opérations de l’entreprise en le définissant comme acteur à l’épicentre des décisions
stratégiques, au détriment d’une hiérarchie autoritaire et dogmatique.
Résumé de l’essai :
Après avoir redéfini l’éthique, au carrefour de la morale, de la loi judiciaire et de la
déontologie, il s’agit de remettre l’éthique au centre du monde professionnel : le monde de
l’entreprise empêche le libre-arbitre dans une certaine mesure.
Or l’éthique professionnelle n’est pas seulement une manière de penser, abstraite et théorique,
mais aussi une invitation à l’action. Elle tire ses origines de réflexions personnelles, mais
pourtant, elle tend à se normaliser dans le corps professionnel qui lui est inhérent. Elle admet
de nombreuses limites, de nombreux facteurs qui la composent, que ce soit dans le corps
dical, enseignant, ou dans l’industrie.
C’est en choisissant, dans ce contexte de crise économique, de remettre l’homme au cœur des
décisions et des opérations de l’entreprise ainsi qu’en assurant l’horizontali de ses
hiérarchies au détriment d’une verticalité autoritaire et dogmatique que nous construirons un
monde professionnel plus juste.
Eclaircissons d’abord la notion d’éthique. On la distinguera dans un premier temps de la
morale, ensuite de la loi juridique, et enfin de la déontologie. La morale est un ensemble de
devoirs propres à une culture. Ces devoirs varient d’une culture à l’autre, sont d’abord
enseignés comme les interdits religieux et ensuite intérioris. La morale impose d’une
manière autoritaire et dogmatique « ce qui doit être » et « ce qui ne doit pas être ». L’éthique,
à l’inverse, remet en question la notion de bien et de mal, et applique cette distinction en
fonction des besoins humains et non malgré eux. La règlementation de l’euthanasie est
aujourd’hui en France un problème éthique plus qu’un problème moral, car c’est une
réflexion qui dépasse des critères absolus.
L’éthique relève d’une sensibilipersonnelle. En revanche, la loi juridique est la même pour
tous les membres d’une communauté, universalité qui n’est pas propre à l’éthique. Quant à la
déontologie, elle est définie aujourd’hui dans le Larousse comme un ensemble des règles et
des devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l'exercent, les rapports entre
ceux-ci et leurs clients et le public. Autrement dit, la déontologie n’est pas seulement morale,
elle est juridique et technique également, et elle est partagée par la communauté qui en fait sa
ligne de conduite.
Si on définit ce qui relève du domaine « professionnel » comme ce qui est relatif à toute
activité rémunérée, on en déduit certaines limites de l’éthique professionnelle. En effet,
l’univers professionnel est un monde imparfait, et ses règles ne dépendent pas toujours de
notre volonté. Les employés sont des compétences de l’entreprise, pas des réformateurs de
celle-ci, et cette différence fondamentale s’inscrit dans le rapport de pouvoir entre
l’employeur et l’employé. L’employeur, lui, peut donner la direction qu’il souhaite à son
entreprise, mais peut-il se résoudre à mettre en danger léconomie de celle-ci pour des
considérations personnelles ? L’employé, quant à lui, n’a pas réellement de libre-arbitre.
Choisir entre l’action bonne et laction mauvaise quand on risque son emploi est dans cette
période de crise économique et de crainte du chômage un choix biaisé. Cette considération
nous pousse à ne pas penser l’éthique professionnelle comme seule abstraction, mais comme
un cadre garant de relations saines entre les hommes.
I. L’éthique : une résolution personnelle amenée à l’universalité
L’éthique est d’abord une réflexion personnelle. Aristote, dans Ethique de Nicomaque,
l’énonce : « Mais l’honneur apparaît comme une chose trop superficielle pour être l’objet
cherché, car, de lavis général, il dépend plutôt de ceux qui honorent que de celui qui est
honoré ; or nous savons d’instinct que le bien est quelque chose de personnel à chacun et
qu’on peut difficilement nous ravir. » (Bonheur, chapitre III). Pour le philosophe grec, la
recherche du bonheur est au cœur de la recherche de l’éthique, se pose comme un but de
celle-ci. Ainsi tenter de définir de manière normalisée une éthique professionnelle, par
extension, est difficile. Les lois morales, le vécu personnel, les lois collectives et la
déontologie forment un ensemble d’où se dégage l’idée de l’éthique, en une subjectivité qui
échappe à une normalisation.
D’autre part, l’éthique se veut aussi action « Dans ces conditions, il est nécessaire de
rechercher ce qui concerne les actions et la manière dont nous pouvons les accomplir. Car
les actes commandent souverainement nos dispositions, comme nous l'avons dit. » (La vertu,
chapitre II, 1). Selon le même auteur, l’éthique est donc indissociable de l’action bonne, elle
n’est pas seulement représentation de l’esprit mais agissement juste. Ainsi, expliciter l’éthique
professionnelle avec une norme universelle, c’est se confronter à l’incomplétude d’une
éventuelle définition. Cependant, nous pouvons espérer dégager l’expression d’un socle
commun aux éthiques individuelles.
Le philosophe Paul Ricoeur, dans « Ethique » du Dictionnaire de philosophie politique et
morale (2004) lafinit : « Vivre bien, avec et pour les autres, dans des intentions justes. » En
effet, de nombreuses intentions sont des dénominateurs communs à la discussion sur l’éthique
de l’entreprise : finalité de l’économie, question sociale, droits fondamentaux, identité au
travail, citoyenneté dans et de l’entreprise, loyauté commerciale, information du
consommateur, respect de l’environnement.
Quels sont alors les facteurs dont dépend l’éthique professionnelle ?
Paul Dupouey, dans son ouvrage Ethique et formation, l’intervention sur la personne et
autres problèmes, énonce 4 problèmes fondamentaux de l’éthique professionnelle : la relation
aux personnes, la relation à l’argent, la relation au politique et celle à l’information. D’abord,
la relation aux personnes assurera la compatibilité des fins et des moyens avec « l’intention
formelle de respect de la personne. » Qu’elles soient physiques, mentales, morales,
religieuses, ethniques, ou sociales, toutes ces dimensions de la personne sont à considérer,
pour définir l’éthique professionnelle. Le monde médical et le débat sur l’autorisation de
l’euthanasie, l’autorisation de mise sur le marché de produits chimiques toxiques dans les
produits alimentaires sont des exemples de remise en cause de l’intégrité de l’individu, et
impliquent une nécessaire flexion éthique. Ensuite, rappelons que l’argent n’est pas la seule
fin de l’entreprise : celle-ci peut faire le choix d’offrir des produits de la meilleure qualià sa
clientèle, avoir le conseil d’administration le plus important, ou la meilleure part de marché,
misant ainsi plus sur la qualité, la dominance ou sur la taille que sur la rentabilité. Mais les
stratégies de l’entreprise ne sont pas corrélées avec sa dimension éthique. Une entreprise qui
souhaite faire le plus de chiffre d’affaire n’aura pas inévitablement une politique moins
éthique qu’une entreprise tournée vers des objectifs non directement politiques et financiers.
Paul Dupouey nous le rappelle, si « la fin vaut les moyens », alors pourquoi ne pas tout mettre
en œuvre pour atteindre un objectif idéologique, au dépit de toute obligation morale ? Gagner
en transparence sur les objectifs d’une entreprise mais surtout des moyens pour les réaliser,
permettrait selon l’auteur une réflexion plus aisée sur l’éthique de l’entreprise. Cependant, on
peut penser qu’une entreprise qui dépend essentiellement de son actionnaire majoritaire sera
contrainte de lui laisser une influence importante dans ses tactiques : on y verra donc l’intérêt
de l’indépendance financière pour assurer le caractère juste des actions. La dimension
politique rentre également en jeu : les liens entre élus locaux et les marchés publics (dont ils
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