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distanciation entre la conscience nationale et le sentiment religieux se met en place. En
France, il y a deux « nations » qui se rapportent à la « véritable Église »6. Il ne faut
toutefois pas voir cette division comme un emmurement des deux religions. Tous deux
sont convaincus que : « l’excellence d’un État est en fonction directe du degré d’unité
atteint dans les différents domaines »7, mais plus encore, la suprématie du roi reste une
obsession pour la population, qui reprend le slogan de Guillaume Postel : « une foy, une
loy, un roy »8. Les deux « nations » s’opposent face à Rome9. Paolo Sarpi, représentant
des contestataires catholiques français, est l’homme qui a représenté la critique la plus
importante contre le concile de Trente, soit que le concile, au lieu d’être convoqué pour
une réforme de la religion chrétienne, est plutôt « le théâtre d’une lutte entre les États
temporels et la papauté pour le contrôle de l’Église »10. Malgré le peu de contestataires
catholiques, le fait est que les catholiques aussi critiquent le concile. Ils le considèrent
comme un synode romain qui ne représente pas les autres nations11. Ainsi, malgré les
distances entre le sentiment religieux et la conscience nationale, les deux « nations »
s’opposent aux décrets du concile de Trente, lequel ne peut représenter leurs intérêts pour
la société comme pour leurs intérêts particuliers.
1.2 Protestants et catholiques : coexistence et guerre
Au-delà de la conscience nationale, c’est une société de deux religions qui coexistent en
France. Bien qu’ils ne prêchent pas la même religion, les deux groupes vivent ensemble,
travaillent ensemble, ils font partie de la même société12. Les deux groupes sont
convaincus que ce n’est qu’une question de temps avant que protestants et catholiques se
réunissent à nouveau13. Malgré le désir d’un maintien d’unité politique, il faut relever les
tensions entre les deux groupes. Les réformés ont parfaitement conscience de leur
6 Tallon, La conscience, p. 58.
7 Yardeni, op. cit., p. 77.
8 Ibid, p. 78.
9 Tallon, La conscience, p. 57.
10 Alain Tallon, Le concile de Trente, Paris, Les Éditions du cerf, 2000, p. 90.
11 Francis Rapp, « La naissance de l’Europe moderne », dans Jean Bernhard et al, L’Époque de la réforme
et du concile de Trente, volume 14 de Gabriel Lebras et al. Histoire du Droit et des Institutions de l’Église
en Occident, Paris, Éditions Cujas, 1990, p. 96.
12 Bernard Hours, L’Église et la vie religieuse dans la France moderne : XVIe –XVIIIe siècle, Paris, Presses
Universitaires de France, 2000, p. 153.
13 Hours, op. cit., p. 81.