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Thème 4 : Les échelles de gouvernement du monde : L’échelle mondiale.
La gouvernance économique mondiale
depuis 1944
Introduction :
La question de la gouvernance mondiale (notion clé du chapitre !) se pose dans le
contexte de la mondialisation. La mondialisation se définit comme la mise en relation et
l’interdépendance croissante entre les territoires à l’échelle mondiale. A cause de cette
interdépendance, il devient de plus en plus cessaire de définir des réglementations à
cette échelle. Cela ne signifie pas la mise en place d’un gouvernement mondial sur le
modèle traditionnel des Etats mais la mise en place de réglementations communes.
Ce chapitre porte sur la gouvernance économique mondiale qui se définit comme : la
mise en place de règles internationales visant à encadrer la mondialisation. L’objectif
actuel principale de cette gouvernance est d’assurer un développement durable
(croissance économique + augmentation du niveau de vie + respect de l’environnement)
et de renforcer la coopération entre les acteurs.
Les acteurs de la gouvernance mondiale ne sont donc pas que les Etats. Les
règlementations peuvent être proposées et mises en place par un multitude
d’acteurs publics (Etats, FMI, OMC, G7, G20, BRICS, Organisations régionales) ou
privés (ONG, FTN).
Plan du cours :
I. De 1944 à 1971: Le système de Bretton Woods organise l’économie mondiale
II. La gouvernance économique mondiale à l’épeuvre de la crise (1971-années
1990)
III. Gouvernance économique mondiale et mondialisation depuis les années 1990
I. De 1944 à 1971: Le système de Bretton Woods
organise l’économie mondiale
a. Contexte 1944 : une économie mondiale désorganisée et à reconstruire
Une des causes principales de la Seconde Guerre mondiale est la crise
économique de 1929 qui touche fortement l’Europe et favorise l’instabilité
politique et la mise en place de régimes totalitaires. Elle pousse aussi les pays au
protectionnisme
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qui réduit les échanges et donc l’interdépendance entre eux,
favorisant la guerre. Les pays occidentaux entendent donc bâtir une coopération
économique internationale solide : la stabilité monétaire et la croissance
économique sont considérés comme indispensables au maintien de la paix
mondiale.
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Protectionnisme : politique d’un État consistant à protéger son économie de la concurrence
extérieure, en limitant les importations par des taxes, des normes contraignantes ou des quotas,
en encourageant les exportations et en privilégiant les entreprises nationales par des commandes
publiques. Le protectionnisme est le contraire du libéralisme.
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A l’issue de la guerre, une nouvelle hiérarchie des puissances émerge :
o Les pays européens doivent assurer leur reconstruction (infrastructures
détruites, grosse inflation, monnaies faibles).
o Le Japon est placé sous tutelle américaine et l’URSS est une puissance
majeure au niveau politique, mais moins au niveau économique.
o Ce sont les Etats-Unis qui se retrouvent au sommet de la hiérarchie des
puissances, en tant que première puissance économique mondiale.
Quels sont les objectifs des Etats-Unis ?
o Les Etats-Unis se sont considérablement enrichis pendant la guerre en
exportant des armes et des produits industriels. Leur puissance repose sur
l’industrie. En 1944, ils produisent 60% des produits fabriqués dans le
monde. Ils cherchent donc des nouveaux débouchés pour garantir la
stabilité de leur économie qu’ils doivent transformer en économie de
paix.
o Ils cherchent également à maintenir leur puissance financière. Ils
détiennent 2/3 du stock d’or mondial.
o Ils cherchent également à éviter la propagation du modèle communiste.
Du coup, ils vont prendre des initiatives pour réduire la misère qui
règne dans le monde et promouvoir le libéralisme et le libre-échange
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comme modèles alternatifs au communisme.
b. La mise en place d’une gouvernance économique mondiale
Les accords de Bretton Woods (1944) :
Avant même la fin de la guerre, en juillet 1944, les délégués de 44 nations se
réunissent aux Etats-Unis lors de la conférence monétaire internationale de
Betton Woods. Les accords signés réorganisent l’économie mondiale.
Ils édifient un nouveau Système Monétaire International (SMI). La valeur de
chaque monnaie est exprimée en or ou en dollars. Un taux de change fixe,
indexé sur le cours du dollar, lui-même rattaché à l’or, est mis en place : c’est le
« Gold Exchange Standard ». Le dollar devient donc la monnaie de référence
internationale pour les échanges.
Deux banques sont créées :
o Le Fond Monétaire International (FMI) sert à maintenir la stabilité
des taux de change en prêtant de l’argent aux Etats en difficulté.
o La Banque Internationale pour la Reconstruction et le
Développement (BIRD) plus connue sous le nom de Banque Mondiale
fait des prêts à long terme pour la reconstruction, mais surtout pour des
projets de développement.
Les Etats-Unis dominent ces deux banques. En 1947, ils complètent les accords
de Bretton Woods par la mise en place du Plan Marshall, une aide de 13
milliards de dollars aux pays d’Europe occidentale qui permet :
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Dernier rappel :
Le libre-échange est un système économique qui prône la libre circulation des produits
et services par la suppression des barrières douanières (droits, taxes) et de tout ce qui
peut entraver le commerce.
Le libéralisme économique est une doctrine prônant la non-intervention de l’Etat dans
le domaine économique et social. Elle est donc favorable aux libertés politiques et
économiques comme la libre entreprise, la dérégulation du marché du travail…
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o De fournir un débouché aux entreprises américaines et donc de stimuler
la production industrielle.
o D’endiguer l’influence soviétique.
Les pays européens créent l’Organisation européenne de coopération
économique (OECE) pour gérer cette aide américaine.
La mise en place du GATT
Lors les accords de Bretton Woods, la création d’une 4e institution est proposée :
l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) destinée à réglementer les
marchés. Mais sa création n’est pas ratifiée par le Sénat américain qui a peur
que cette organisation ne devienne trop contraignante et donc contraire au
libéralisme.
En 1947, cette organisation est donc remplacée par le General Agreement on
Tarifs and Trade (GATT) ou Accord Général sur les Tarifs douaniers et le
Commerce. Il est signé à Genève par 23 pays qui représentent 50% du
commerce mondial c’est-à-dire par les principaux acteurs du commerce
mondial.
Il est destiné à promouvoir le libre-échange comme règle de commerce
international. Les droits de douane sur les produits manufacturés sont abaissés
pour relancer les échanges dans le contexte de l’après-guerre. Le GATT
s’occupe des produits industriels, mais pas de l’agriculture ou des services.
Ces accords correspondent donc aux intérêts américains : ils luttent contre le
protectionnisme (ce qui assure des débouchés aux produits américains) mais
offrent un cadre de négociation souple qui correspond aux désirs du Congrès
américain de ne pas mettre en place une organisation trop contraignante.
Le rôle de l’ONU
Le but principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU) est le maintien de la paix
internationale. L’ONU est fondée en 1945 (à New York, donc aux E-U, ce n’est
évidemment pas anodin !) et ses fondateurs considèrent que la coopération
économique entre les Etats constitue un facteur de garantie du maintien de la paix
pour deux raisons principales :
La coopération économique devrait assurer le veloppement
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de tous et donc la
stabilité politique interne des pays.
L’augmentation des échanges rend les économies des différents Etats
interdépendantes. Or, si les Etats dépendent les uns des autres, ils ne vont
logiquement pas se faire la guerre.
Le FMI et la BIRD sont donc rattachés à l’ONU dès sa création.
Le retour à la croissance économique
Le retour à la stabilité monétaire relance les échanges de façon spectaculaire :
c’est le début des Trente Glorieuses. La plupart des Etats (comme on l’a vu
avec le cas de la France) adoptent la théorie économique du keynésianisme qui
affirme que l’action de l’Etat dans l’économie et la politique monétaire est
nécessaire pour soutenir la croissance économique (c’est une forme
d’interventionnisme d’Etat mais qui concerne surtout la réglementation interne,
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Dernier rappel : Développement = croissance économique + augmentation du niveau de vie
de la population. Développement durable = croissance économique + augmentation du niveau
de vie de la population + respect de l’
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et pas externe : à l’interne on a un Etat providence, mais dans le commerce
international on favorise le libéralisme).
Les Etats-Unis sont les piliers du nouveau système économique international et
dominent les nouvelles institutions internationales qui fonctionnent selon leurs
intérêts (SMI, FMI, BIRD, GATT, ONU). Ils connaissent un « âge d’or » :
principaux contributeurs du FMI, leurs FTN exportent massivement, diffusion
de leur mode de vie sur toute la planète.
c. Les limites du système de Bretton Woods
La guerre froide :
La guerre froide limite la gouvernance économique mondiale aux Etats non
communistes. L’URSS participe à la conférence de Bretton Woods et signe les accords
en 1944. Mais comme les Etats-Unis dominent le système, l’URSS considère que ces
accords sont au service de l’impérialisme américain et se retire du système en 1946. Elle
refuse toute participation au nouveau système (SMI, GATT…) et oblige les autres pays
communistes à en faire autant : la Tchécoslovaquie refuse donc le plan Marshall dès
1947 et se retire du FMI en 1954.
Les pays du Tiers Monde
La gouvernance économique mondiale est aussi contestée par les pays du
Tiers Monde.
o Lors de la conférence de Bandung (1955), de nombreux pays optent
pour le non-alignement et refusent de coopérer avec les différents blocs.
o En effet, ils jugent que le « nouvel ordre économique international »
n’est pas favorable à leurs intérêts et reste trop similaire au système
d’exploitation colonial : à ce moment-là, ces pays ne sont pas
industrialisés. Dans les échanges internationaux, ce sont donc des pays
exportateurs de matières premières pour les FTN des pays
occidentaux qui les transforment en produits manufacturés à plus forte
valeur ajoutée qu’ils exportent à leur tour. Ainsi, les exportations des
pays du Tiers Monde valent moins que celles des pays occidentaux et en
plus, ce sont les pays occidentaux qui fixent la valeur de ces
exportations.
o Dès 1963, 77 pays en développement s’organisent au sein de l’ONU
pour fonder le G77, pour défendre leurs intérêts.
o En 1960, les pays producteurs de pétrole fondent l’Organisation des
Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) pour affaiblir l’influence des
compagnies pétrolières occidentales et fixer les quotas de production et
donc les prix du pétrole et du gaz.
Les pays du Tiers Monde contestent le système de Bretton Woods dès le début
des années 1950. Au début, les puissances occidentales ne les écoutent pas trop,
mais les années 1950-1960 marquent l’apogée des luttes de décolonisation. De
nouveaux Etats sont créés, et pour éviter qu’ils ne basculent dans le
communisme, les Occidentaux sont obligés d’accéder à une partie de leurs
requêtes.
Un compromis est trouvé : de nouvelles institutions sont créées au milieu des
années 1960 : la Conférence des Nations unies pour le commerce et le
développement (CNUCED) et le Programme des Nations unies pour le
développement (PNUD). Ce sont des organismes qui favorisent l’aide au
développement (infrastructures : ports, barrages, voies ferrées, mais aussi
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éducation et santé). L’idée est la suivante : c’est en se développant que les pays
du Tiers Monde parviendront à un niveau de puissance égal aux pays
occidentaux, ce qui devrait rétablir le système (mais ce n’est pas le cas, car ces
pays continuent à avoir des économies de rente, donc dépendent des pays
occidentaux).
Le contexte d’après-guerre marque une étape majeure dans la construction d’une
échelle mondiale de gouvernement qui s’exprime par la mise en place d’institutions
internationales au sein desquelles les Etats peuvent négocier et réglementer la
mondialisation (donc fonctionnement intergouvernemental).
Le fonctionnement intergouvernemental est toutefois limité car tous les Etats ne
négocient pas d’égal à égal : les Etats-Unis dominent la gouvernance mondiale et ce
sont eux qui mettent en place ces institutions internationales, qui favorisent leurs
intérêts : paix (ONU), libre-échange (GATT), stabilité de leur monnaie (FMI),
développement pour lutter contre le communisme (BIRD, CNUCED, PNUD).
Transition : _____________________________________________________________
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II. La gouvernance économique mondiale à l’épreuve de
la crise (1971-années 1990)
a. La fin du système de Bretton Woods
Dès la fin des années 1960, la croissance économique mondiale ralentit : les
coûts de production sont de plus en plus élevés à cause des hauts salaires et des
taxes qui perdurent. Les entreprises font moins de profit et la concurrence est de
plus en plus rude. Les faillites se multiplient, le chômage et les prix augmentent.
La crise économique révèle son ampleur dans les années 1970. Les Etats-Unis
n’arrivent alors plus à financer la conquête spatiale, l’Etat-providence et la
guerre du Vietnam. On dit que leur balance de paiement rentre dans un déficit
croissant. Cela signifie que les sorties de biens et capitaux sont supérieures aux
entrées : le pays dépense plus qu’il ne gagne (les FTN américaines émettent par
exemple trop d’IDE à l’extérieur) donc il doit emprunter de l’argent.
Le pays a alors recours à la fabrication de monnaie. Il fabrique tellement de
dollars qu’en 1971, les dollars en circulation dans le monde représentent
cinq fois la valeur de l’or conservée aux Etats-Unis (le pays n’est donc plus en
mesure de convertir tous ces dollars en or). Des pays, comme la France depuis
1964, convertissent leurs dollars en or, ce qui montre une perte de confiance
dans le dollar. Le stock d’or américain diminue donc encore plus.
Pour stopper cette diminution, le 15 août 1971, le président Nixon annonce la
fin de la convertibilité du dollar en or (ça veut dire qu’on ne peut plus changer
les dollars en or, donc ça permet aux E-U de garder leur stock d’or).
C’est la fin du système de Bretton Woods, qui s’officialise en 1976 lors des
accords de Kingston. A partir de cette date, on instaure un système de change
flottant (voir PPT). La valeur des monnaies fluctue librement en fonction de
l’offre, de la demande, des décisions des Etats, de leur convertibilité, etc., ce qui
entraîne une forte insécurité monétaire.
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