Lire Lacan :
L’éthique de la psychanalyse
Qui se heurte aux difficultés de la vie commune en société est inévi-
tablement confronté à la morale qui l’encadre ; il importe du même
coup de mieux maîtriser ses racines et sa logique.
Si le « travailleur social » est surtout interpellé par la morale dans
la mesure où ceux à qui il a affaire sont avant tout des « personnes »
(persona = masque, rôle sur une scène de théâtre), s’il vise un certain
rabotage des arrêtes trop vives de ses interlocuteurs afin qu’ils s’intè-
grent dans une vie commune, il ne peut aller jusqu’au bout de cette
logique : nous servons des hommes et des femmes qui ne sont pas
que des personnes mais qui sont aussi des sujets.
Le « travailleur social » n’est pas psychanalyste et il importe que
chacun demeure dans son champ d’action sans tout mélanger. Il
n’empêche que si l’éthique n’est pas son affaire, de manière principa-
le, il ne peut pas ne pas la laisser éclairer latéralement le champ de sa
pratique afin de pouvoir comprendre un peu la résistance occasion-
nelle, le comportement de tel ou tel qui peut paraître socialement
suicidaire mais qui ne fait que dire qu’il se compte pour un au
moment où il sent sa dimension de sujet sur le point d’être abolie par
la nécessité du « vivre ensemble ».
L’éthique de la psychanalyse n’a pas à déborder sur le champ
social. Elle peut néanmoins l’éclairer en ses moments de crise, là où
quelqu’un résiste jusqu’à la folie pour ne pas se laisser réduire à une
personne qui n’aurait que des droits et des devoirs.
Jean Ansaldi enseigne la théologie systématique à la faculté de théo-
logie protestante de Montpellier ; il enseigne également sur les textes
lacaniens au DEA de psychanalyse à l’Université de Montpellier III.
Il est l’auteur de nombreuses publications à l’articulation de la foi
d’une part, de l’éthique et de la psychanalyse de l’autre.
ISBN : 2-913376-00-2 15
Lire Lacan : l’éthique de la psychanalyse
Jean Ansaldi
L I R E L A C A N
L I R E L A C A N
L’éthique
de la psychanalyse
Jean Ansaldi
Le Séminaire VII
CHAMP SOCIAL ÉDITIONS
couv ansaldi sem 7 2008:couv ansaldi nouv coll 10/07/08 11:42 Page 1
La collection Psychanalyse est dirigée
par Joseph Rouzel
« L’inconscient, c’est le social » affirme Jacques Lacan vers la fin de sa vie.
Déjà Freud avait levé le voile, qui, dans Psychologie des foules et analyse du
moi, posait que « L’opposition entre la psychologie individuelle et la psycho-
logie sociale, ou psychologie des foules, qui peut bien nous paraître à première
vue très importante, perd beaucoup de son acuité si on l’examine à fond
[…]. La recherche psychanalytique nous a appris que toutes ces tendances
sont l’expression des mêmes motions pulsionnelles qui, dans les relations entre
les sexes, poussent à l’union sexuelle, et qui, dans d’autres cas, sont certes
détournées de ce but sexuel ou empêchées de l’atteindre, mais qui n’en conser-
vent pas moins assez de leur nature originelle pour garder une identité bien
reconnaissable. » (Essais de psychanalyse, trad. nouvelle, Paris, Payot,
1981, P. 123)
Prendre au sérieux la dimension de l’inconscient dans le travail social, c’est
en mesurer l’incidence aussi bien dans la rencontre clinique au cas par cas
de chaque sujet, que dans les rapports des sujets entre eux, à savoir le lien
social.
Il n’y a pas comme l’affirment certains, sans doute pour se débarrasser
d’une question qui les embarrasse, le sujet d’un côté et le social de
l’autre.
L’éthique de la psychanalyse pousse les travailleurs sociaux à se question-
ner en permanence sur la place qu’ils occupent dans l’espace social. Le
discours analytique représente de fait une tentative pour affronter le
malaise social, non pour l’évacuer, mais pour en situer plus précisément
les contours, afin d’en dégager des actes en connaissance de cause.
En tant qu’acteurs sociaux, les professionnels de l’action sociale, ont le
devoir de donner forme à ce qu’ils agissent auprès de populations oppri-
mées de plus en plus nombreuses. Dans cette tentative la psychanalyse
est un point d’appui solide, non seulement pour les concepts opératoires
que l’on peut y emprunter, mais surtout pour l’attitude sans cesse ques-
tionnante qu’elle exige des intervenants sociaux, dans l’espace de la cli-
nique mais aussi dans les relations inter-professionnelles.
Joseph Rouzel
Tous droits de reproduction réservés.
Copyright © Les éditions du Champ social, 1998.
Les éditions du Champ social – 43 rue Flamande – 30 000 Nïmes.
ISBN : 2-913376-00-2
Collection Psychanalyse
Jean Ansaldi
Lire Lacan :
L’éthique
de la psychanalyse
Le Séminaire VII
Avertissement
Ce texte est constitué pour l'essentiel par un cours destiné
aux étudiants de DEA de philosophie et de psychanalyse de
l'Université de Montpellier III. C’est dire que l’on n’y trouvera
pas un travail exégétique complet sur la totalité du Séminaire. Le
nombre de rencontres étant trop réduit, il a fallu faire des choix.
Or choisir c’est perdre ! De plus, le genre « résumé du contenu »
était interdit car il ne s’agissait pas d’économiser aux étudiants la
lecture directe de Jacques Lacan mais au contraire de faciliter la
plongée personnelle dans l’œuvre du psychanalyste français.
Ce Séminaire, central de mon point de vue, est un travail
piégé : Lacan y avance en s’appuyant sans cesse sur un débat serré
avec Aristote et son Souverain Bien, Augustin et le péché origi-
nel, Descartes et le surgissement du sujet, Kant et l’impératif
catégorique, Sade et son Être suprême en méchanceté, Bentham
et l’éthique utilitariste, Nietzsche et le nouvel hédonisme, et bien
d’autres encore. Comme à son habitude, il procède de manière
plus allusive et synthétique qu’analytique. Qui ignore à peu près
tout de ses interlocuteurs passe à côté de la visée première.
Par ailleurs il importe que les grandes notions lacaniennes
soient en place. Exemple : Lacan posera la grande règle de
l’éthique de l’analyse : « Ne cède pas sur ton désir ». Qui confond
le désir et la jouissance conclura trop vite à un nouvel hédonis-
me, alors même que c’est à une éthique héroïque que l’auteur en
appelle, éthique toujours située aux confins de la mort et dont
l’Antigone de Sophocle fournira le paradigme !
C’est dire que les pages qui suivent entendent davantage
éclairer le Séminaire lacanien de manière latérale que l’épuiser
5
1 / 14 100%