Lire Lacan. L`éthique de la psychanalyse. Le

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Jean Ansaldi
10/07/08
LIRE LACAN
Lire Lacan :
L’éthique de la psychanalyse
Qui se heurte aux difficultés de la vie commune en société est inévitablement confronté à la morale qui l’encadre ; il importe du même
coup de mieux maîtriser ses racines et sa logique.
Si le « travailleur social » est surtout interpellé par la morale dans
la mesure où ceux à qui il a affaire sont avant tout des « personnes »
(persona = masque, rôle sur une scène de théâtre), s’il vise un certain
rabotage des arrêtes trop vives de ses interlocuteurs afin qu’ils s’intègrent dans une vie commune, il ne peut aller jusqu’au bout de cette
logique : nous servons des hommes et des femmes qui ne sont pas
que des personnes mais qui sont aussi des sujets.
Le « travailleur social » n’est pas psychanalyste et il importe que
chacun demeure dans son champ d’action sans tout mélanger. Il
n’empêche que si l’éthique n’est pas son affaire, de manière principale, il ne peut pas ne pas la laisser éclairer latéralement le champ de sa
pratique afin de pouvoir comprendre un peu la résistance occasionnelle, le comportement de tel ou tel qui peut paraître socialement
suicidaire mais qui ne fait que dire qu’il se compte pour un au
moment où il sent sa dimension de sujet sur le point d’être abolie par
la nécessité du « vivre ensemble ».
L’éthique de la psychanalyse n’a pas à déborder sur le champ
social. Elle peut néanmoins l’éclairer en ses moments de crise, là où
quelqu’un résiste jusqu’à la folie pour ne pas se laisser réduire à une
personne qui n’aurait que des droits et des devoirs.
Jean Ansaldi enseigne la théologie systématique à la faculté de théologie protestante de Montpellier ; il enseigne également sur les textes
lacaniens au DEA de psychanalyse à l’Université de Montpellier III.
Il est l’auteur de nombreuses publications à l’articulation de la foi
d’une part, de l’éthique et de la psychanalyse de l’autre.
ISBN : 2-913376-00-2
15 €
Lire Lacan : l’éthique de la psychanalyse
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LIRE LACAN
L’éthique
de la psychanalyse
Le Séminaire VII
Jean Ansaldi
CHAMP SOCIAL ÉDITIONS
La collection Psychanalyse est dirigée
par Joseph Rouzel
« L’inconscient, c’est le social » affirme Jacques Lacan vers la fin de sa vie.
Déjà Freud avait levé le voile, qui, dans Psychologie des foules et analyse du
moi, posait que « L’opposition entre la psychologie individuelle et la psychologie sociale, ou psychologie des foules, qui peut bien nous paraître à première
vue très importante, perd beaucoup de son acuité si on l’examine à fond
[…]. La recherche psychanalytique nous a appris que toutes ces tendances
sont l’expression des mêmes motions pulsionnelles qui, dans les relations entre
les sexes, poussent à l’union sexuelle, et qui, dans d’autres cas, sont certes
détournées de ce but sexuel ou empêchées de l’atteindre, mais qui n’en conservent pas moins assez de leur nature originelle pour garder une identité bien
reconnaissable. » (Essais de psychanalyse, trad. nouvelle, Paris, Payot,
1981, P. 123)
Prendre au sérieux la dimension de l’inconscient dans le travail social, c’est
en mesurer l’incidence aussi bien dans la rencontre clinique au cas par cas
de chaque sujet, que dans les rapports des sujets entre eux, à savoir le lien
social.
Il n’y a pas comme l’affirment certains, sans doute pour se débarrasser
d’une question qui les embarrasse, le sujet d’un côté et le social de
l’autre.
L’éthique de la psychanalyse pousse les travailleurs sociaux à se questionner en permanence sur la place qu’ils occupent dans l’espace social. Le
discours analytique représente de fait une tentative pour affronter le
malaise social, non pour l’évacuer, mais pour en situer plus précisément
les contours, afin d’en dégager des actes en connaissance de cause.
En tant qu’acteurs sociaux, les professionnels de l’action sociale, ont le
devoir de donner forme à ce qu’ils agissent auprès de populations opprimées de plus en plus nombreuses. Dans cette tentative la psychanalyse
est un point d’appui solide, non seulement pour les concepts opératoires
que l’on peut y emprunter, mais surtout pour l’attitude sans cesse questionnante qu’elle exige des intervenants sociaux, dans l’espace de la clinique mais aussi dans les relations inter-professionnelles.
Joseph Rouzel
Tous droits de reproduction réservés.
Copyright © Les éditions du Champ social, 1998.
Les éditions du Champ social – 43 rue Flamande – 30 000 Nïmes.
ISBN : 2-913376-00-2
Collection Psychanalyse
Jean Ansaldi
Lire Lacan :
L’éthique de la psychanalyse
Le Séminaire VII
Avertissement
Ce texte est constitué pour l'essentiel par un cours destiné
aux étudiants de DEA de philosophie et de psychanalyse de
l'Université de Montpellier III. C’est dire que l’on n’y trouvera
pas un travail exégétique complet sur la totalité du Séminaire. Le
nombre de rencontres étant trop réduit, il a fallu faire des choix.
Or choisir c’est perdre ! De plus, le genre « résumé du contenu »
était interdit car il ne s’agissait pas d’économiser aux étudiants la
lecture directe de Jacques Lacan mais au contraire de faciliter la
plongée personnelle dans l’œuvre du psychanalyste français.
Ce Séminaire, central de mon point de vue, est un travail
piégé : Lacan y avance en s’appuyant sans cesse sur un débat serré
avec Aristote et son Souverain Bien, Augustin et le péché originel, Descartes et le surgissement du sujet, Kant et l’impératif
catégorique, Sade et son Être suprême en méchanceté, Bentham
et l’éthique utilitariste, Nietzsche et le nouvel hédonisme, et bien
d’autres encore. Comme à son habitude, il procède de manière
plus allusive et synthétique qu’analytique. Qui ignore à peu près
tout de ses interlocuteurs passe à côté de la visée première.
Par ailleurs il importe que les grandes notions lacaniennes
soient en place. Exemple : Lacan posera la grande règle de
l’éthique de l’analyse : « Ne cède pas sur ton désir ». Qui confond
le désir et la jouissance conclura trop vite à un nouvel hédonisme, alors même que c’est à une éthique héroïque que l’auteur en
appelle, éthique toujours située aux confins de la mort et dont
l’Antigone de Sophocle fournira le paradigme !
C’est dire que les pages qui suivent entendent davantage
éclairer le Séminaire lacanien de manière latérale que l’épuiser
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dans ses contenus. Bref, j’ai voulu développer ce que Lacan
reçoit des auteurs qu’il appelle à la barre sans toujours les présenter à ses auditeurs ; mais aussi convoquer moi-même d’autres
penseurs et à d’autres problématiques que l’auteur semble ignorer et qui sont, de mon point de vue, susceptibles d’aider à
mieux percevoir l’originalité du propos lacanien ou, au contraire, à pointer que quelquefois il apporte des touches nouvelles sur
des structures déjà perçues par d’autres.
Certes l’éthique lacanienne est avant tout éthique de la psychanalyse. Elle n’en interpelle pas moins d’autres pratiques sociales qui
demeurent traversées par une tension latente : le choix entre d’une
part une inévitable morale largement commune à une culture et,
d’autre part, diverses éthiques de conviction dont Antigone demeure l’un des paradigmes possibles.
*
Mais, dira-t-on, pourquoi une telle étude dans une collection
davantage préoccupée du champ social ? Pour deux raisons au
moins :
1 – Qui se heurte aux difficultés de la vie commune en société est inévitablement confronté à la morale qui l’encadre. D’où
vient-elle ? À quoi sert-elle ? S’origine-t-elle dans un contrat
social largement transparent et négocié ? N’est-elle que le reflet
des intérêts des plus puissants qui y règnent en pleine clarté ou
en sous-main ? Provient-elle de la « nature de l’homme » ou d’un
Dieu qui, par elle, conduit le monde en fonction d’un mystérieux dessein ?
L’éclairage lacanien est ici primordial qui nous éloigne tout
autant des dénonciations faciles que des soumissions trop résignées. La morale s’avance masquée : non pas qu’elle cache avant
tout les noirs projets des maîtres, encore que ceux-ci puissent à
l’occasion s’en servir, mais parce qu’elle s’origine dans le désir
inconscient de chacun d’entre nous : rejoindre un Souverain
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Bien qui nous a manqué et que nous quêtons sans cesse.
Dans ses contenus concrets, elle peut varier selon les cultures ; pourtant, dans tous les cas, elle est inéconomisable pour
protéger les plus faibles du pervers ; de plus, elle s’impose parce
qu’elle trouve en nos désirs déçus une alliance qui la fortifie.
Nul ne peut échapper à la morale : il importe du même coup
de mieux maîtriser ses racines et sa logique.
2 – Mais si le « travailleur social » est surtout interpellé par la
morale dans la mesure où ceux à qui il a affaire sont avant tout des
« personnes » (persona = masque, rôle sur une scène de théâtre), s’il
vise un certain rabotage des arrêtes trop vives de ses interlocuteurs
afin qu’ils s’intègrent dans une vie commune, il ne peut aller jusqu’au bout de cette logique : nous servons des hommes et des
femmes qui ne sont pas que des personnes mais qui sont aussi des
sujets, des individualités irréductibles dans leur unicité.
C’est ici qu’intervient l’éthique lacanienne qui invite chacun à
« ne pas céder sur l’ultime de son désir », même si celui-ci, à l’image
d’Antigone, doit payer le prix social de son unicité. Certes, encore
une fois, le « travailleur social » n’est pas psychanalyste et il importe
que chacun demeure dans son champ d’action sans tout mélanger.
Il n’empêche que si l’éthique n’est pas son affaire, en tout cas de
manière principale, il ne peut pas ne pas la laisser éclairer latéralement le champ de sa pratique afin de pouvoir comprendre un peu
la résistance occasionnelle, le comportement de tel ou tel qui peut
paraître socialement suicidaire mais qui ne fait que dire qu’il se
compte pour un au moment où il sent sa dimension de sujet sur le
point d’être abolie par la nécessité du « vivre ensemble ».
Si donc il demeure vrai que l’éthique de la psychanalyse n’a
pas à déborder sur le champ social car elle n’y a pas sa place de
manière principale, elle peut néanmoins l’éclairer latéralement
en ses moments de crise, là où quelqu’un résiste jusqu’à la folie
pour ne pas se laisser réduire à une personne qui n’aurait que des
droits et des devoirs.
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Introduction
1 – Déjà, en son premier chapitre, Lacan se démarque d’un
hédonisme spontanéiste en posant l’inéluctable de la culpabilité comme un fait de structure et non, simplement, comme le
résultat d’accidents historiques individuels. Certes il y a en
chacun de nous de la culpabilité « pathologique » liée aux avatars de notre histoire personnelle ; l’obsessionnel, avec ses
symptômes spécifiques et son besoin de punition en est un
exemple. Mais la culpabilité structurelle (il n’emploie pas ce
terme) est d’un autre ordre : « S’il y a en effet quelque chose que
l’analyse a pointé, c’est bien au-delà du sentiment d’obligation à
proprement parler, l’importance de l’omniprésence, dirions-nous,
du sentiment de culpabilité » 1. Freud l’avait déjà noté dans le
mythe fondateur de Totem et tabou : le pacte du « vivre
ensemble » entre les frères, et donc toute vie collective, se tisse
sur un fond de culpabilité.
Ici deux sous-remarques s’imposent :
. On mesure à quel point Lacan va se démarquer d’une compréhension de la psychanalyse comme entreprise de déculpabilisation tout azimut, d’une définition de celle-ci comme liberté
sans loi. On pense ici à la lecture de Freud faite par Marcuse qui
a dominé le freudo-marxisme et les années 68, et qui est restée
peut-être dans le soubassement inconscient de notre univers collectif 2 :
Cet auteur garde de Freud le principe de plaisir mais interprète le principe de réalité comme un principe de rendement imposé
par les pouvoirs afin d’éviter que trop d’énergie ne se dépense
dans la sexualité au détriment du travail socialement rentable.
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Or une telle manière de faire serait aujourd’hui dépassée du fait
de l’évolution de la technique et de l’abondance des biens. Du
coup Marcuse appelle à abandonner ce principe et à laisser libre
cours à la spontanéité du plaisir : le corps qui ne serait plus utilisé comme un instrument de travail à plein temps se sexualiserait à nouveau. La régression impliquée dans un tel développement de la libido se manifesterait d’abord par une activation de
toutes les zones érotiques et donc par la renaissance de la sexualité polymorphe prégénitale et par le déclin de la suprématie
génitale. Dès lors, prophétise toujours Marcuse, la sublimation
serait encore possible qui ouvrirait sur des comportements
renouvelés, mais sans régression instinctuelle. Bref, un monde
sans lois et sans morale s’annoncerait où l’homme deviendrait
naturellement fraternel, naturellement respectueux de la nature,
etc. Au pessimisme pragmatique que Freud développe dans
Malaise dans la civilisation, Marcuse substitue un nouvel orphisme dont Narcisse serait en quelque sorte le dieu.
Cette relecture marcusienne de Freud possède un point
commun avec Lacan : ce dernier ne croit pas non plus que
l’éthique de la psychanalyse doive se donner pour idéal la
maturation génitale d’un désir au départ polymorphe et pervers. Mais ce point mis à part, Lacan se situe aux antipodes et
c’est à titre de contre-épreuve illustratrice que j’ai convoqué
Marcuse dans ce débat.
Pour Lacan en effet, la culpabilité est d’abord effet de structure ; elle est produite par le désir lui-même. L’ordre suivant doit
être conservé : – Il y a de l’éthique parce qu’il y a du désir ; – Il
y a du désir parce qu’il y a de la loi ; – Il y a de la loi parce qu’il
y a du langage et de la mort. Le toujours-déjà-là de ces trois affirmations va marquer l’éthique de l’analyse d’une dimension de
tragique indépassable.
. Ce toujours-déjà-là de la faute va-t-il rapprocher Lacan de
Saint-Augustin et de sa notion de péché originel ?
Il n’est pas douteux que les deux hommes ont en commun un
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point de départ clinique, même si celle-ci ne repose pas tout à
fait sur les mêmes techniques : pour Lacan cela va de soi ; pour
Augustin la place manque pour être plus précis. Pourtant, on
trouve chez lui une longue auto-analyse 3 ; mais aussi une persévérante et attentive écoute pastorale de tiers pendant de nombreuses années où, comme le prophète, il ne pouvait que constater : « Les pères ont mangé des raisons verts et les fils en ont eu les
dents agacées ».
Le problème théorique d’Augustin était double : d’une part il
n’avait aucune idée de la définition et du fonctionnement d’un
mythe ; pour lui, l’antécédence d’Adam et de sa faute était historique au sens diachronique du terme. D’autre part, et pour
rendre compte du toujours-déjà-là de la faute et de la culpabilité,
il ne connaissait d’articulation entre les générations que la
dimension biologique de la sexualité. La culpabilité devait donc
passer par là : « La faute originelle provient d’un péché réellement
commis par un unique Adam et transmis à tous par la génération
(generatione in omnes transfusum) ». On mesure que par là se mettait en place un malheur culturel sur la sexualité occidentale.
Évidemment Lacan n’en n’est plus là : c’est qu’il connaît une
autre articulation entre les générations, le registre du symbolique.
Le sujet est fruit du langage ; or celui-ci le précède mais comme
une dimension toujours habitée par le désir de l’Autre. Parce que
mon histoire est d’abord celle du désir de cet Autre, ma naissance est anticipée et la culpabilité précède mon existence.
. Autrement dit, et pour conclure sur ce deuxième point, on
voit que, dès son introduction, Lacan se situe quant à son
éthique : il s’éloignera d’Aristote et du primat du plaisir dans
l’éthique, des reprises contemporaines de l’hédonisme, du moralisme kantien, pour intégrer l’apport de certains courants du
judéo-christianisme (Augustin, Luther, Kierkegaard, etc) 4.
Aucune « libération » politique, sociale, sexuelle, ne pourra
extraire l’homme de sa dimension de tragique : Antigone ne
commence pas sa vie à zéro ; elle ne peut oublier sa descendan11
ce œdipienne et effacer l’atè (destin familial) avec laquelle elle
doit se confronter jusqu’au bout.
Nous en sommes peut-être à une définition nouvelle de la
psychanalyse : est-ce une démarche thérapeutique ? Une herméneutique ? Une Weltanschauung (vision du monde) ? Peut-être
un peu de tout ça ; mais avant tout la psychanalyse est une éthique
du désir.
2 – Une distinction sémantique va jouer un rôle capital dans
l’ouvrage : la différence entre morale et éthique. (Il ne faut pas
dogmatiser et la reporter partout : d’autres auteurs emploient
indifféremment l’un ou l’autre terme ; d’autres encore les distinguent autrement).
La psychanalyse lacanienne a mis en évidence la différence
entre le Moi (personne) et le Je (sujet). Le Moi est essentiellement
d’ordre spéculaire et donc imaginaire : je m’identifie aux images
sociales que me renvoie l’autre (notez le « a » minuscule). Le sujet
surgit du choc avec la parole de l’Autre ; il est donc essentiellement d’ordre symbolique et inévitablement inconscient. (Notez
le « A » majuscule).
. La morale est donc d’ordre imaginaire ; elle règle les rapports
entre les personnes (persona = masque), entre les semblables. Or
l’image étant investie narcissiquement, (si je m’identifie à l’autre,
cet autre devient Moi), la morale suit dans ce registre. Ce que je
dois aimer et protéger sur l’autre c’est l’image de mon Moi. Nous
sommes dans la morale et sa surveillance par le surmoi. (Nous y
reviendrons longuement).
Ne nous y trompons pas, Lacan ne prône pas l’effacement de
la morale de la vie commune qu’il appelle le monde du bien ou
des biens. Il n’ignore pas qu’il faut vivre ensemble. D’ailleurs,
constate-t-il, l’analyse n’est pas sans avoir sécrété dans l’histoire
des règles morales : idéal de l’amour génitalisé, idéal de l’authenticité, c’est-à-dire d’une transparence de Moi à Moi, idéal de
non-dépendance, etc.
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. Mais là n’est pas le spécifique de la psychanalyse qui doit au
contraire s’inscrire dans une éthique, c’est-à-dire dans un comportement qui permette le surgissement du sujet. Or, ici aussi, un
« tu dois » se donne que Freud a ainsi formulé : « Wo es war, soll
Ich werden », ce que Lacan traduit, de manière discutable mais
suggestive : « Là où est le ça, il faut que le je advienne ». L’éthique
de l’analyse se situe donc essentiellement autour de cette advenue du sujet ; d’où la fameuse loi : « Ne cède pas sur ton désir ».
Mais du même coup, si l’on situe bien l’éthique sur l’axe du symbolique et non de l’imaginaire, on ne peut plus faire le contresens qui consisterait à comprendre : « Ne cède pas sur ta jouissance ». Non seulement l’éthique de l’analyse n’appelle pas à la
jouissance tout azimut ; mais elle entend justement se démarquer
de la perversion, là où précisément on cède sur le désir pour garder intact l’accès à la jouissance.
. Dans le fond, le Séminaire VII vise à éviter que, dans la relation analytique, le psychanalyste ne vienne occuper la position du
pervers en empêchant l’analysant d’émerger comme sujet d’un
désir inconscient. Du même coup, on comprend que sa lecture
peut être utile à des professionnels qui travaillent dans les relations
humaines (formateurs, travailleurs sociaux, éducateurs, enseignants, médecins, pasteurs, etc). Il appartient alors à ces derniers
de serrer de plus près leur propre travail pour mesurer en quoi ils
sont concernés partiellement par la position de l’analyste selon
Lacan : ne pas « pervertir » la relation, être au service de leurs
consultants respectifs et non de leur propre jouissance.
NOTES
1 - Le Séminaire VII, Paris, Seuil, 1986, p. 11.
2 - Éros et civilisation, Contribution à Freud, Paris, éd. de minuit, 1968.
3 - Cf. entre autres Les Confessions.
4 - Cf. ANSALDI Jean, « L’éthique théologique à distance de l’obsessionalité et
de la perversion », in Études théologiques et religieuses, 1997/73, p. 409 ss.
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