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L’AVENIR DES ÉNERGIES
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TDC NO 1076
GÉOLOGIE
La Terre est une planète du système solaire.
En tant que planète, elle recèle des sources
d’énergie interne. Elle s’est formée par
accrétion de planétoïdes, c’est-à-dire par
l’addition progressive d’éléments solides
de type météorites. Au fur et à mesure de la
croissance de la planète, à chaque impact,
l’énergie cinétique s’est convertie en chaleur, don-
nant une Terre d’abord liquide, qui s’est progres-
sivement refroidie, solidifiée en surface, gardant
en profondeur une zone à très haute température
de l’ordre de 5 000 °C. Cette « chaleur initiale »
se dissipe encore aujourd’hui selon deux méca-
nismes : la conduction, lente diusion de la cha-
leur à travers les enveloppes terrestres ; la convec-
tion, liée à des mouvements de matière du manteau
et ayant des manifestations en surface, dont les
plus visibles sont l’émission de laves volcaniques
et l’hydrothermalisme.
À cela s’ajoute la chaleur produite par la désin-
tégration d’éléments radioactifs dont la croûte
continentale est riche (essentiellement potas-
sium 40K, thorium et uranium utilisé dans l’indus-
trie nucléaire). S’ajoutant à la conduction de cha-
leur initiale, cela explique l’élévation de tempéra-
ture avec la profondeur et la possibilité d’utiliser
cette source d’énergie qualifiée de géothermique.
Mais cette augmentation progressive de la tempé-
rature, le gradient géothermique, n’est pas iden-
tique en tous les points du globe ; dans les zones
volcaniques ou bien dans des zones où la croûte
est plus mince (par exemple dans la plaine d’Al-
sace), l’exploitation de cette source d’énergie est
favorisée.
La taille de la planète en fait aussi la source
d’une importante énergie gravitationnelle, utilisée
par exemple en récupérant l’énergie des rivières
et des fleuves qui s’écoulent de leurs sources en
altitude vers le niveau zéro des océans.
L’énergie solaire
Par son appartenance au système solaire, la
Terre reçoit un apport extérieur d’énergie : l’énergie
solaire. Les radiations lumineuses agissent sur les
enveloppes périphériques − atmosphère, hydros-
phère, lithosphère, biosphère −, où elles subissent
diérentes conversions. Elles échauent l’atmos-
phère, dont la température s’élève, phénomène
amplifié par l’effet de serre. Dans la gamme de
pression/température de la Terre, l’eau peut pas-
ser à l’état gazeux, s’évaporer, s’élever en altitude
(énergie potentielle) avant de se condenser et de
retomber en gouttes de pluie ou flocons de neige.
Combinés à la gravité, ces transferts sont à l’ori-
gine de la dynamique de l’atmosphère et de l’hy-
drosphère, dont les mouvements l’énergie ciné-
tique constituent à leur tour des sources d’éner-
gie. Ainsi, les différences de température sont
responsables des mouvements de convection de
l’air de l’atmosphère, à l’origine des vents et de
l’énergie éolienne. L’énergie potentielle de l’eau
a été gagnée car, en chauffant au soleil, elle a
changé d’état pour devenir vapeur, s’est élevée
dans l’atmosphère avant de se condenser sous
l’eet du refroidissement et de retomber sous forme
de pluie ou de neige, alimentant les cours d’eau.
Les végétaux verts, les algues, certains micro-
organismes peuvent au cours de la photosynthèse
convertir l’énergie lumineuse en énergie chimique
grâce à leur aptitude à fabriquer de la matière car-
bonée organique. Le carbone ainsi réduit peut, en
se réoxydant, restituer une partie de cette énergie,
Processus géologiques et
ressources énergétiques
L’exploitation des ressources du sous-sol, issues d’un long
processus de formation, doit être pensée dans une logique
de durabilité afin de préserver l’avenir de l’humanité.
> PAR GÉRARD BONHOURE, INSPECTEUR GÉNÉRAL HONORAIRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
C’est de
la biomasse
fossile
qu’est tirée
l’énergie
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L’AVENIR DES ÉNERGIES
chez les êtres vivants sous forme de travail, mais
aussi sous forme de chaleur. La matière organique
constitue aussi une source d’énergie. On en tire ce
que l’on appelle « l’énergie de la biomasse » ; elle
comprend par exemple la combustion du bois pour
se chauffer ou cuire des aliments, la fabrication
d’éthanol d’origine végétale ajouté aux carburants
classiques des voitures. Le biofuel tiré de certaines
algues contribuera peut-être aux biocarburants de
demain. Pour l’essentiel cependant, c’est de la bio-
masse fossile − charbon, pétrole et autres sources
d’énergie fossile − qu’est tirée l’énergie : la photo-
synthèse qui l’a formée date de quelques dizaines
ou centaines de millions d’années.
L’humanité puise dans toutes ces sources d’éner-
gie. Certaines sont utilisées directement, comme
le vent ou le courant des rivières lorsqu’ils font tour-
ner des moulins mécaniques destinés à broyer le
grain, ou bien en convertissant l’énergie de la com-
bustion en énergie mécanique dans les moteurs à
explosion. Mais, le plus souvent, ces énergies ne
sont utilisables qu’après une ou plusieurs conver-
sions pouvant mener, entre autres, à fabriquer un
vecteur énergétique privilégié, l’électricité desti-
née à être convertie à son tour… en lumière, cha-
leur, mouvement, etc.
Le carbone fossile
De l’énergie solaire permettant la photosyn-
thèse au pétrole ou au charbon que l’on extrait,
plusieurs étapes déterminent la localisation des
gisements et donc la répartition des ressources.
Les connaître permet d’orienter la prospection et
d’améliorer les chances de succès.
Rien ne se produit sans une première étape :
la fabrication de grandes quantités de matière orga-
nique. L’analyse de la composition du charbon,
les traces de fossiles, l’association avec d’autres
roches permettent de dire qu’il s’est formé à partir
de végétaux terrestres riches en cellulose et en
lignine en milieu continental. Le pétrole avec ses
huiles provient initialement d’algues plancto-
niques marines. Actuellement, les zones de forte
productivité marine se situent sur les marges
des continents, dont l’altération apporte par les
fleuves les éléments minéraux indispensables.
Deuxième étape, la « mise en conserve de l’éner-
gie » ne peut se faire que si le carbone organique
n’est pas intégralement oxydé en CO2 par la
respiration, condition réalisée dans des milieux
pauvres en dioxygène. Cela correspond de nos
jours à des océans étroits dans lesquels l’eau n’est
pas brassée, où l’on observe une accumulation
de matière organique non décomposée. Sur les
continents, les milieux humides (lagunes, bassins
de bordures de continent, lacs) à forte producti-
vité présentent aussi de telles accumulations qui
pourraient annoncer un futur charbon.
Ce sont donc ces zones spécifiques que les géo-
logues vont essayer de repérer dans l’histoire de
la Terre. Mais l’application de la connaissance du
passé à l’observation du présent n’est pas simple.
Origine de la
matière organique.
Zone d’accumulation
au crétacé inférieur
et migration ultérieure.
Asthénosphère
Asthénosphère
Crétacé inférieur Crétacé moyen Crétacé supérieur Tertiaire Actuel
– 140 Ma – 120 Ma – 100 Ma – 80 Ma – 50 Ma
Roches
sédimentaires
lacustres
Roches
salines
(évaporites)
Roches
sédimentaires
marines détritiques
Roches
sédimentaires
marines détritiques
calcaires et marneuses
Roches
sédimentaires
marines
(milieu confiné)
Roches
sédimentaires
marines détritiques
et biogéniques
de bassin subsident
Plateforme
Rift
océanique
Ouverture océanique
(rift océanique à l’axe de la dorsale)
Rifting
(rift continental)
Bassin continental
(eau douce)
Lagune (eau salée)
puis milieu marin fermé
(sans communication permanente
avec l’océan mondial) Dorsale
Isotherme 1 300 °C
limite lithosphère-
asthénosphère
Marge passive
600 km 1 000 km
200 km
Delta
Manteau lithosphériqueManteau lithosphérique
●●●
© BERNARD SULLEROT
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L’AVENIR DES ÉNERGIES
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GÉOLOGIE
Statistiquement, les gisements déjà connus nous
indiquent que les conditions géologiques favo-
rables, associant des bassins propices à la sédi-
mentation à des zones climatiques favorisant une
forte productivité, n’ont été réunies qu’à certaines
périodes, par exemple au carbonifère ou au per-
mien pour le charbon, ou bien au jurassique pour
le pétrole. C’est donc d’abord vers ces terrains datés
que l’on va se tourner.
Mais comment localiser, à des époques loin-
taines, un océan étroit situé sous des latitudes
propices, sachant que la tectonique des plaques
a profondément remanié la répartition des conti-
nents et des océans ? On se fonde sur des recons-
titutions paléogéographiques pour prédire avec le
maximum de précision la localisation actuelle de
ces restes d’océans disparus et de leurs précieuses
bordures continentales. Leur répartition très par-
ticulière conditionne la possibilité pour un pays
d’appartenir ou non au club fermé des pays pro-
ducteurs de pétrole.
Mais cela ne suffit pas. Encore faut-il que le
charbon ou le pétrole se présentent sous une
forme exploitable avec les technologies actuelles.
On connaît des exemples d’affleurements sédi-
mentaires, par exemple en Limagne ou dans les
Alpes, contenant en mélange des hydrocarbures,
mais sous une forme non exploitable. En effet,
les étapes suivant l’accumulation de la matière
première organique sont déterminantes dans la
formation du gisement.
Dans tous les cas, le sédiment initial a dû subir
un enfouissement, dans un bassin subsident, c’est-à-
dire subissant un enfoncement progressif, ce qui
est entre autres le cas des plateaux continentaux.
Ils reçoivent en permanence des sédiments qui
s’accumulent, provoquant une augmentation de
pression. Celle-ci déclenche des modifications
de la matière organique qui mènent à la forma-
tion du kérogène, forme initiale du pétrole, et de
petites molécules, sous forme gazeuse à la pres-
sion atmosphérique (phénomène de cracking).
Dans des contextes diérents, des phénomènes
similaires (subsidence, augmentation de pres-
sion responsable de la houillification) se produisent
pour les roches mères à l’origine du charbon. Au
terme de ces phénomènes, la future source d’éner-
gie est chimiquement prête…
Mais d’autres évolutions se produisent. Pour le
pétrole, la pression lui fait parfois quitter sa roche
mère et migrer, vers la surface, dans une roche
qualifiée de roche réservoir où il se glisse dans les
pores et les interstices. Si cette roche réservoir
est couverte d’une formation imperméable, dans
une géométrie favorable (un pli, un ensemble de
failles), le pétrole reste piégé en profondeur. S’il
est remonté à la surface et partiellement réoxydé,
il devient inutilisable.
Si toutes les conditions précédentes sont réu-
nies, encore faut-il que les techniques appropriées
permettent une extraction économiquement
rentable. Les veines de charbon sont-elles assez
épaisses, définies, faciles à suivre pour que l’on
puisse y faire fonctionner une mine, pendant plu-
sieurs années ? Le pétrole peut-il être chassé de
la roche mère puis récupéré, en quantité conve-
nable, sachant qu’on peut en récupérer au maxi-
mum environ 30 % ? Et puis il faut compter avec
les dicultés d’accessibilité. Ainsi, l’exploitation
offshore du pétrole des plateaux continentaux
nécessite de travailler sous une tranche d’eau de
plusieurs milliers de mètres.
Outre la localisation des gisements, l’exper-
tise des géologues permet, notamment grâce au
traitement informatique de données sismiques,
de constituer des images en trois dimensions des
gisements, améliorant ainsi l’évaluation du poten-
tiel d’exploitation.
Énergie renouvelable ou non
renouvelable ? Quelles alternatives ?
Des matériaux organiques comme la tourbe
peuvent aujourd’hui servir directement de car-
burant, indépendamment de tout processus géo-
logique. Des sédiments riches en matière orga-
nique se forment encore aujourd’hui, mais ils se
présentent sous une forme qui ne permet pas
d’en tirer immédiatement de l’énergie. Peut-être
donneront-ils du pétrole ou du charbon… dans
quelques millions d’années. Autant dire qu’à
l’échelle du temps de l’humanité, ces roches for-
mées ne pourront pas compenser celles que l’on
utilise actuellement. On prélève donc dans un
stock obligatoirement fini, qui ne se reconstitue
pas au fur et à mesure.
●●●
Il faut compter
avec les difficultés
d’accessibilité
Anticlinal
Piège par anticlinal Piège contre
dôme de sel Piège contre faille
Sel
Faille
Hydrocarbures
pris au piège.
On prélève
dans un
stock fini
© BERNARD SULLEROT
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TDC NO 1076
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L’AVENIR DES ÉNERGIES
BAUDIN François,
TRIBOVILLARD
Nicolas, TRICHET
Jean. Géologie de la
matière organique.
Paris : Société
géologique de
France/Vuibert, 2007.
SAVOIR
En comparaison, même si l’énergie du Soleil
baisse, même s’il est prévu qu’il absorbe la Terre
dans quelque quatre milliards d’années, chaque
journée apporte sa quantité d’énergie solaire
avec ses conséquences indirectes sur les vents,
la pluie, l’écoulement des rivières… Si la réserve
d’eau d’un barrage électrique baisse, elle se
reconstitue selon un cycle annuel. Ces sources
d’énergie apparaissent comme inépuisables à
l’échelle du temps humain : elles sont qualifiées
de renouvelables.
Évaluer la part à donner aux unes ou aux autres
pour préserver l’avenir du fonctionnement de l’hu-
manité, qui dépend aujourd’hui étroitement des
apports énergétiques, implique donc une analyse
à la fois des quantités d’énergie disponible et, pour
les énergies non renouvelables, de la durée pen-
dant laquelle elles seront disponibles.
Plusieurs éléments interviennent : les réserves
(R), c’est-à-dire les quan tités extractibles avec les
moyens technologiques, et non pas les quantités
absolues présentes (c’est-à-dire les ressources
potentielles) ; les quantités (Q) utilisées, le rapport
R/Q pouvant donner une première estimation du
nombre d’années devant mener à l’épuisement de
la réserve ; l’augmentation de la réserve liée à la
découverte de nouveaux gisements.
Le peak oil (pic pétrolier), une valeur souvent
utilisée pour communiquer sur cette disponibilité,
correspond au moment auquel, après être passée
par un sommet, l’exploitation de la ressource est
amenée inexorablement à diminuer. L’estimation
du peak oil est entachée de nombreuses incer-
titudes : difficulté d’anticiper sur les résultats à
venir de la prospection, estimation douteuse de la
réserve en relation en particulier avec l’imprévisi-
bilité de l’évolution des techniques d’extraction,
erreur volontaire sur les informations fournies
par les pays producteurs pour des raisons poli-
tiques, etc. Pour certains, le peak oil est déjà passé,
pour d’autres, le pétrole a encore de beaux jours
devant lui.
Énergies non renouvelables mais en stock et
disponibles de façon continue d’un côté, énergies
renouvelables mais intermittentes de l’autre, avec
entre les deux l’électricité, vecteur que l’on sait
encore mal stocker : le problème est complexe. Et
pourtant, il faut bien décider dès aujourd’hui des
sources d’énergie que l’on choisira d’utiliser dans
l’avenir.
Les unités énergétiques
Tableau réalisé d’après : www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/unites-de-l-energie
Type de travail
(contexte) Travail mécanique Travail électrique Chaleur Référence du pétrole
Unité de base
définition
Joule (J) : travail d’une
force de 1 newton dont
le point d’application se
déplace de 1 mètre dans
la direction de la force
Wh (wattheure) :
énergie fournie par le
travail d’un instrument
électrique de puissance
1 watt pendant
une heure
Calorie (cal) :
quantité de chaleur
nécessaire pour élever
la température de 1 g
d’eau de 14,5 à 15,5 °C
sous 1 bar de pression
atmosphérique
Tonne d’équivalent
pétrole (tep) : énergie
calorifique d’une tonne
de pétrole « moyen »
Multiples kJ kilojoule
Utilisations domestiques
kWh : kilowattheure
Production
d’électricité : 1 MWh
(mégawattheure)
= 1 000 kW / 1 GWh
(gigawattheure)
= 1 million de kWh
1 kcal = Cal
(« grande calorie »)
= 4,18 kJ
= 4 180 J
Encore utilisée par
tradition en diététique
ktep ou 1 000 tep,
Mtep ou
1 million de tep
Équivalences Unité du système
international (SI) 1 Wh = 3 600 J 1 cal = 4,18 J 1 tep = 29,3 109 kJ
Ordres de grandeur
(les valeurs sont
largement arrondies)
Flash d’appareil photo :
en dizaines de joules
Énergie cinétique d’une
voiture de1,5 tonne
roulant à 125 km/h :
en millions de joules
(106 J)
1 kWh : un fer à repasser
pendant une heure ou
un radiateur de « 1 000
watts » ou 10 ampoules
de 100 watts
Production annuelle
de la centrale de
Flamanville : 20 TWh
Une « grande éolienne »
pendant une heure :
4 500 kW
Une journée
d’alimentation :
2 000 Cal
(kilocalories)
1 tep = 7,33 barils
de pétrole
(1 baril = environ 159 l)
Consommation
mondiale en énergie
primaire :
environ 10 Gtep
Production quotidienne :
20 000 barils soit
140 000 tep
Les unités de production d’électricité sont caractérisées par leur puissance nominale, c’est-à-dire la puissance maximale
qu’elles sont capables de délivrer.
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