L’université des patients ,le patient un acteur de santé publique dès aujourd’hui Catherine Tourette-Turgis, MCU , Université Pierre et Marie Curie Responsable du DU et du Master en éducation thérapeutique de l’UPMC L’education et la formation tout au long de la vie Fin 2009: Plus de 15 milllions de personnes vivant sur le territoire français avec au moins une maladie chronique Aucun dispositif universitaire à ce jour n’a dévelopé une offre d’éducation et de formation dans leur direction L’avancée des thérapeutiques a prolongé la vie de millions de personnes vivant avec des maladies chroniques mais la promesse thérapeutique n’est pas assortie d’une promesse sociale Reprendre des études, se ré-insérer socialement est une demande forte des personnes survivantes à des épisodes aigus graves au décours de leur maladie La maladie comme un évènement auto-didacte • De nombreuses personnes survivant à une maladie chronique expliquent qu’elles ont voulu savoir, comprendre, qu’elles ont dû aller chercher des informations sur Internet , qu’elles n’ont pas reçu l’information ou ne se sont pas senties écoutées et comprises au moment où elles en auraient eu besoin. • Les patients notamment dans le champ du VIH ont démontré leurs capacités à produire du savoir sur la manière dont ils vivaient la maladie mais aussi sur les médicaments , ils se sont imposés dans les groupes de recherche thérapeutique et ils sont à l’origine de recommandations officielles médicales et sociales. • Il n’existe pas de filière d’enseignement sur les maladies de type universitaire proposée à tout patient qui désire étudier, apprendre, se spécialiser dans ce domaine. • Il existe des formations courtes dans les associations mais leur manque de reconnaissance universitaire est un frein social en termes d employabilité pour ceux qui en bénéficient et aussi ceux qui les délivrent. • La Loi HPST et notamment l’article 84 sont une opportunité pour demander à l’université de diplômer en éducation thérapeutique les patients qui exercent les fonctions à titre bénévole, volontaire ou salarié, d’informateurs, de formateurs, de conseillers, de patient –expert. • Ouvrir une filière universitaire aux patients experts , valoriser les acquis de leur expérience associative mais aussi les acquis de leur expérience personnelle présente à ce jour un haut degré de pertinence universitaire, sociale et sanitaire et s’inscrit dans les nouvelles orientations de l’université. On observe trois courants d’ idées dans les évolutions de la relation aux savoirs en santé portés par trois types d’acteurs différents (1) les soignants qui développent des stratégies d’éducation et d’enseignement aux patients avec pour but l’amélioration de leurs comportements en faveur du maintien de la santé ou de la prévention des complications (2) les mouvements communautaires visant à l’entraide, à l’empowerment , la formation à partir de l’expérience concrète de la maladie et du soin (3) les spécialistes en sciences de l’éducation qui intègrent l’éducation du patient dans les courants d’auto-formation et de formation par l’expérience, mais aussi dans les courants de la formation des adultes . • Ce projet d’université des patients s’inscrit dans la triple valence de l’éducation thérapeutique , sa valence clinique, sa valence communautaire et sa valence scientifique Organisation de cette université des patients • Cette Université des Patients doit pouvoir répondre à plusieurs types de besoins émergents à différents moments de la trajectoire de vie et de soin d’un patient. • Pour l’inscrire dans la Loi HPST, l’université des patients pilote un DU en éducation thérapeutique en direction des patients experts des associations de patients, à ce jour 30% des places dans le DU de l’université Pierre et Marie Curie leur sont réservées et la première année montre l’intérêt des formations hybrides ( soignants et patients) • L’université Pierre et Marie Curie à la demandes des associations est en cours de dépôt d’un DU pour patients experts ( 120 heures), aidant-naturels experts. • L’université des patients est une filière abritée par les services de formation continue de l’université Pierre et Marie Curie et aussi par l’UFR de sciences et technologies et ce ci afin de proposer aux patients étudiants qui le souhaitent de s’inscrire au Master en Education thérapeutique après une validation des acquis professionnels et validation des acquis de l’expérience conduite par la cellule REVA de l’UPMC. • Elle propose aux patients qui ne désirent pas entrer en Master trois autres types de cursus construites sous la forme de certificats de compétences de 120 heures valables et cumulables tout au long de la vie. 3 cursus à l’intention des patients experts( 120 H) 1 .Un cursus centré sur les savoirs autour de • Les maladies chroniques • Les thérapeutiques • L’état de la recherche dans les traitements des maladies chroniques • L’observance thérapeutique et les modèles d’intervention • Mieux vivre avec sa maladie et ses traitements • Connaître ses droits , rédiger son CV après avoir été malade • Ce premier certificat de compétences répond à un besoin d’études approfondies sur les maladies chroniques, leur impact, les traitements, les droits sociaux, l’accès au soin, les manières de mieux vivre avec une maladie. Il s’agit de venir apprendre dans un climat empathique pour améliorer ses connaissances y compris sur sa propre maladie dans un cadre universitaire qui permet une réflexivité • 2. Un cursus centré sur le militantisme en santé • Construire un plaidoyer en santé • Savoir faire de la collecte de fonds et du lobbying • Savoir parler en public ( politiques, industriels, patients, soignants) • Connaître les associations de patients • Initiation à la recherche communautaire • Connaître l’histoire et les acteurs qui ont lutté et changé le monde de la santé • Ce certificat propose des activités comme la rédaction d’un plaidoyer, la formation à la prise de parole en public, l’animation de groupes de discussion, l’apprentissage du dialogue avec les politiques, les professionnels de santé, les industriels. Il propose aussi une étude approfondie de l’apport du militantisme en santé à l’amélioration des systèmes de santé. Il s’agit de venir apprendre dans un climat pacifique l’histoire des maladies par le biais des acteurs qui en ont changé l’histoire et qui appartiennent au domaine universitaire • 3. Un cursus centré sur la reprise des études en santé et ETP • Les habiletés universitaires de base : savoir écrire, rédiger, lire, faire une note de synthèse • Apprendre à utiliser les banques de données • Apprendre à faire un exposé oral , à prendre des notes • Apprendre à faire une revue de la littérature • S’entraîner à faire des présentations orales dans les cursus en santé existants y compris la faculté de médecine ou les services hospitaliers • Un deuxième certificat de compétences répond à un besoin de se familiariser avec les habiletés universitaires de base comme la lecture d’articles, la rédaction d’un note de synthèse, l’écriture d’un mémoire, l’initiation à la recherche universitaire et à ses outils majeurs dans le domaine du soin, de l’éducation et de la santé Il s’agit de venir se préparer avant ou après le DU à la reprise d’études universitaires dans un climat de réussite et de bénéficier de toutes les ressources de l’UPMC, ses moyens, ses bourses, ses stages ,ses partenariats ( faculté de sciences , médecine) • Chaque cursus donne droit à la délivrance d’un certificat de compétences de 120 heures • D’autres cursus sont en cours de création et seront proposées par les associations de patients • Les enseignants dans les cursus sont à 40% des enseignants universitaires, et à 40% des représentants du monde associatif, des patients experts, des personnes de la société civile ayant une expertise , à 20% des politiques, des industriels, des experts de très haut niveau • Les équipes pédagogiques comprennent au moins 40% de patients experts pu des représentants du monde associatif , 20% viennent du monde industriel, commercial, politique Une université des patients à distance : une e-ETP • Les patients dans les pays à ressources limitées pratiquent l’éducation thérapeutique et suppléent au manque de soignants formés ou dédiés aux fonctions d’éducation du patient. • Il s’agit donc de proposer à 50 patients par an issus du Maghreb, des pays de l’Afrique de l’Ouest francophone, de Haiti, une formation à distance en éducation thérapeutique avec des regroupements régionaux, le programme est celui du DU, le diplôme délivré sera un DU de l’UPMC. Objectif principal • Ouvrir l’université Pierre et Marie Curie à des publics vulnérables qui ont besoin de savoirs spécifiques pour survivre, rester socialisés, insérés mais qui sont aussi producteurs et créateurs d’un savoir d’expérience dont la société a besoin pour développer des interventions éducatives ou sociétales théoriquement fondés et validées. Il s’agit donc d’un échange sur le mode du don et du contre-don. L’Université enseigne mais elle apprend aussi des personnes auxquelles elle enseigne et elle s’engage à ne pas laisser s’effacer ou disparaître les savoirs de vie et d’expérience qui lui sont apportés par ses publics . • Objectifs secondaires • -démontrer l’acceptabilité et la faisabilité par le biais d’un site pilote de la diplômation des patients-experts • -démontrer l’impact de la démarche de formation sur la santé et la ré-insertion de malades chroniques • -ouvrir un champ de recherches nouveau dans le soin et l’éducation des patients en s’appuyant sur une expérience d’éducation et de formation inédite • -diffuser une nouvelle culture du savoir dans le champ des maladies chroniques qui rompte avec la verticalité des enseignements donnés aux malades médico-centrés • -répondre à une demande grandissante des personnes vivant avec une maladie chronique d’utiliser leur expérience, de faire reconnaître leur expertise au service de la transmission de leurs savoirs à d’autres publics • -participer à la ré-insertion des malades par le biais de la reprise d’études universitaires • -adapter les dispositifs d’enseignement universitaire aux malades chroniques et pousser les autres universités à le faire en agissant auprès de la communauté des universitaires • Créer une culture universitaire de l’accueil des publics vulnérables au niveau de leur santé • Renforcer le droit à la formation et l’éducation tout au long de la vie Conclusion • Le désir de soigner n ’est plus l’apanage de la sphère médicale ,il a envahi la sphère sociale dans la mesure où il est l’enjeu de pratiques professionnelles institutionnelles, organisationnelles et que la gestion du soin est un des débats majeurs de la société contemporaine. Le désir d’éduquer constitue une des pulsions fortes du maintien de notre organisation sociale mais il se heurte de par les termes de certaines de ses missions à des obstacles qu’il génère parfois lui-même en acceptant ces missions impossibles. En revanche soigner et éduquer entretiennent des relations passionnelles depuis l’aube de l’humanité et ceci bien avant la création d’institutions qui en ont domestiqué les pratiques. L’émergence des théories du care dans le soin et dans l’éducation montre à quel point l’éducation fait partie du soin de soi, du soin de l’autre et du soin social global.