Dans son rapport sur «"Les relations des cultes avec les pouvoirs publics" (2006), le professeur
Jean-Pierre Machelon propose un panorama confessionnel de la France contemporaine :
« En un siècle [depuis la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État] s’est
affirmée une diversité religieuse sans précédent. Les quatre cultes reconnus en 1905 (catholicisme,
protestantismes réformé et luthérien, judaïsme) côtoient aujourd’hui des religions
géographiquement ou historiquement nouvelles (ne pas oublier que la France religieuse d’avant
1905 comptait une importante population musulmane notamment dans les départements algériens).
Ainsi l’islam, mais aussi les sagesses d’Asie, à commencer par les bouddhismes, sans oublier ces
autres formes, anciennes ou modernes, de christianisme que sont l’orthodoxie ou les églises
évangéliques, font partie intégrante du paysage religieux français. La France est ainsi le pays
européen qui compte le plus grand nombre de musulmans, de juifs et de bouddhistes. Cette diversité
est encore plus significative Outre-mer, comme l’illustre l’île de la Réunion où coexistent chrétiens,
hindouistes et musulmans.
Complexe, multiple et difficile à saisir, offrant au regard une multitude de groupes, de structures et
d’affiliations de natures, de tailles et de pratiques différentes : tel se présente le tableau
confessionnel de la France contemporaine. En ressortent des problèmes inconnus en 1905, à
commencer par la délimitation du fait religieux, dès lors que des définitions jusque-là normatives ne
suffisent plus à rendre compte de ces réalités nouvelles : ainsi de la notion de "ministre du culte",
indissociable de la paroisse catholique ou protestante, mais peu pertinente, par exemple, dans le
cadre d’une mosquée sunnite ou d’un dojo zen. La présence durable, sur le territoire national, de
nouvelles identités confessionnelles qui, le plus souvent, rassemblent des personnes issues d’autres
continents (Afrique, Asie, Amérique) et représentent des expressions en provenance d’autres aires
de civilisation, montre bien que la mondialisation n’est pas seulement économique, mais aussi
culturelle et religieuse.
Faute de statistiques publiques recensant l’appartenance religieuse des Français (le dernier
recensement officiel date de 1872), il est toutefois difficile de quantifier cette mutation. En croisant
les diverses estimations et projections que donnent habituellement les enquêteurs et experts, qui
s’appuient sur les chiffres avancés par les groupes religieux eux-mêmes, on peut néanmoins
esquisser le tableau suivant :
Le catholicisme demeure largement majoritaire, même s’il connaît, en proportion, une baisse
sensible depuis les années soixante-dix. En 2006, selon un sondage IFOP-La Croix, 65 %
des Français se déclaraient catholiques, alors qu’ils étaient, au début des années soixante-
dix, plus de 80 % à le faire et 90 % en 1905. Si les catholiques pratiquants réguliers sont de
moins en moins nombreux, leur identité s’est affermie, grâce notamment aux "communautés
nouvelles" et aux mouvements charismatiques.
L’agnosticisme progresse. Le nombre des personnes ne s’identifiant à aucune religion (plus de
25 % des Français) augmente, en particulier chez les jeunes. Toutefois, se dire "sans
religion" ne signifie pas nécessairement que l’on se sente athée ou que l’on se désintéresse
des questions dites "spirituelles". Par ailleurs, cette tendance n’empêche pas la progression
parallèle de formes de sacralité diffuses ou sectaires.
L’islam est globalement devenu la deuxième religion de France, non sans présenter une grande
diversité d’expressions. On estime actuellement à environ 4 millions le nombre de personnes
de tradition musulmane, soit 6 % de la population (mais 14 % des 18-24 ans), liées pour
beaucoup au Maghreb, mais aussi à l’Afrique noire ou à la Turquie.
Le protestantisme demeure stable en nombre, mais varie en composition. Représentant environ
2 % de la population (4 % des 18-24 ans), soit 1,2 million de personnes, les protestants ont
vu croître le nombre des évangéliques et des pentecôtistes en leur sein : on estimait, en 2005,
qu’ils étaient 350 000 (395 000 en comptant les églises évangéliques de diasporas
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