Réviser votre opinion sur l’accordéon Par Jean-François Picaut L’Orchestre symphonique de Bretagne poursuit sa politique d’ouverture culturelle en accueillant Pascal Contet dans le cadre du festival Le Grand Soufflet. L’accordéoniste, figure de proue du renouveau de cet instrument, bénéficie d’une réception très chaleureuse du public. Si, dans votre esprit, l’accordéon est toujours arrimé au seul genre du musette, il est grand temps de réviser votre opinion, et Pascal Contet va vous y aider. Pour le rencontrer, il faut plutôt se tourner vers les orchestres symphoniques, comme aujourd’hui, car c’est un habitué des créations en musique contemporaine. On le croise aussi dans les ciné-concerts, aux côtés de jazzmen comme Andy Emler et Joëlle Léandre, deux improvisateurs hors pair. Il fréquente également les scènes de théâtre. Ce soir, l’Orchestre de Bretagne l’a convié pour un programme placé sous le signe de la Fiesta latina. Une fiesta, qui n’exclut pas la gravité, comme on le verra, et qui fait appel à des compositeurs latino-américains mais aussi occidentaux. Pascal Contet fait son entrée avec Blaze pour orchestre à cordes et accordéon, un titre composé en 2012 par le Britannique Benjamin Ellin pour l’Orchestre d’Auvergne. Le compositeur présente son œuvre comme une « sonate pour accordéon avec ensemble de cordes » et dit avoir souhaité « utiliser les sonorités de l’accordéon… tout en [s’]éloignant des stéréotypes associés à l’instrument ». Il peut se flatter d’avoir réussi. « Blaze » signifie « flammes » et la pièce reflète bien le côté mouvant et chaleureux du feu. La flamme semble d’abord vacillante. Le frémissement des cordes en traduit les progrès par àcoups. Dans un dernier moment, l’ampleur et la plénitude sonores disent le flamboiement triomphant. C’est superbe. Pascal Contet revient pour le célèbre Adios Nonino d’Astor Piazzolla. Cette œuvre en hommage au père du compositeur est ici transposée pour accordéon en lieu et place du bandonéon. Les passages joyeux et enlevés y alternent avec de vraies complaintes. L’écho du tango est omniprésent tandis que le chant de l’accordéon plane au-dessus de la masse parfois grondante de l’orchestre. La Valentino Suite de Christophe Julien est en quelque sorte un développement de son Goodbye Valentino illustré par Julia Migenes Johnson. Le compositeur, surtout connu pour ses musiques de film, l’a dédiée à Pascal Contet. Le style argentin est relayé par des mélodies qui frôlent le sirupeux, un passage lent, ample et méditatif, y précède une fin haletante et dramatique. La pulsation du tango y est toujours sensible. L’accordéon, au centre du dispositif musical, y fait entendre des graves somptueux. La fin du concert est plus légère. Strass medianoche est une composition de Graciela Pueyo pour un quatuor réunissant accordéon, guitare, contrebasse et violon, en hommage à Piazzolla. La transposition pour orchestre de chambre et accordéon est l’œuvre de la compositrice elle-même. Le swing propre au tango y est partout présent et l’accordéon mène la danse. Volver, le classique de Carlos Gardel, ici présenté dans sa version pour accordéon et orchestre, un arrangement signé Tomas Bordalejo, retrouve l’atmosphère d’époque. Le public, conquis par cette défense et illustration de l’accordéon, acclame le soliste et l’orchestre et obtient en rappel une partie de la Suite Valentino. Deux albums récents permettent de mieux cerner les diverses facettes de Pascal Contet. C’est d’abord Fantaisies lyriques (Sony, septembre 2015) avec le clarinettiste Paul Meyer. Les deux complices y signent de nouveaux arrangements sur des fantaisies d’opéra qui avaient auparavant été arrangées pour piano et clarinette. Et puis, il y a Utopian Wind (Plein feu / Socadisc, 2015), une suite d’improvisations que Pascal Contet traduit par « Vent des utopies ». C’est la captation d’un concert d’improvisations réalisées au cours des Journées de l’utopie, en Autriche, où il avait été invité comme compositeur-interprète. Cet album, intimiste, méditatif, placé sous le signe de sa mère, décédée il y a près de vingt ans, Pascal Contet le présente comme l’un de ses plus personnels et l’aboutissement de vingt‑cinq ans consacrés à l’improvisation.