recherche U NE TECHNIQUE PROMETTEUSE: LA STIMULATION MAGNÉTIQUE TRANSCRÂNIENNE La stimulation magnétique transcrânienne mérite aujourd'hui d'être portée à la connaissance des lecteurs de Il Un autre regard Il. Elle fait l'objet d'études cliniques et de protocoles de recherche en France et dans le monde, qui ont mis en évidence une efficacité certaine dans les dépressions modérées à sévères résistantes aux traitements, puis une action bénéfique sur les hallucinations auditives résistantes chez des patients souffrant de schizophrénie. Nous avons demandé à un médecin hospitalier participant à des recherches sur ce sujet, le Dr David Szekely du CHU de Grenoble, de nous expliquer comment fonctionne cet outil thérapeutique encore appelé rTMS (repetitive transcranial magnetic stimulation) et son intérêt pour les malades en psychiatrie. Un autre regard: Pouvez-vous nous expliquer sur quels principes repose la stimulation magnétique transcrânienne (rTMS)? que. On peut donc choisir la fréquence selon l'effet physiologique attendu dans la pathologie concernée. David Szekely: La stimulation magnétique transcrânienne repose sur la capacité des champs magnétiques à moduler durablement l'activité cérébrale. Cet effet sur qu'outil thérapeutique Comment l'activité du cerveau peut être visualisé grâce à l'imagerie fonctionnelle cérébra le. Chez les patients déprimés, l'action activatrice sur le cerveau préfrontal gauche va se manifester par une consommation accrue de glucose et une augmentation du débit sanguin cérébral au niveau de cette zone, sous influence du champ magnétique. Un stimulateur permettant de délivrer les impulsions magnétiques est relié à une sonde en forme de 8 qui focalise le champ magnétique sur une zone cérébrale précise de l'ordre de 1 cm3. Un courant électrique intense génère un champ magnétique de la puissance de ceux développés par un IRM. Le champ magnétique qui traverse la boîte crânienne est focalisé sur la zone déterminée à l'avance dans le cerveau. On constate que, suivant la fréquence et l'intensité des impulsions délivrées sur une zone du cerveau, l'activité cérébrale peut être diminuée, ou augmentée,localement et à distance du site de stimulation. Cet effet immédiat se prolonge dans le temps si l'on répète les séances quotidiennement pendant plusieurs jours, probablement du fait de l'activité sur la plasticité cérébrale de la techni- UNAFAM - n01 - 2010 a-t-on eu l'idée d'utiliser la rTMS en tant en psychiatrie? D. S.: Connaissant le pouvoir modulateur (inhibiteur ou facilitateur) de la stimulation magnétique sur l'activité cérébrale, il apparaissait intéressant de l'utiliser dans les parties du cerveau que l'on savait concernées par certaines pathologies psychiatriques. Les essais, il y a plus de 15 ans déjà, ont été concluants pour traiter avec des fréquences facilitatrices des patients déprimés au niveau du cerveau préfrontal. L'idée d'utiliser la rTMS dans sa fonction inhibitrice sur les zones du cortex temporo-pariétal concernées par les hallucinations auditives chez les personnes souffrant de schizophrénie, s'est développée il y a 10 ans environ. La zone clef se situe au-dessus et en arrière de l'oreille, les protocoles délivrent des impulsions magnétiques de basse fréquence afin d'inhiber une zone du cortex hyperactive durant la survenue des voix. Sur des patients qui présentaient des phénomènes hallucinatoires très invalidants malgré les traitements médicamenteux, on a pu observer qu'à raison de 2 séances par jour pendant une semaine, les hallucinations étaient réduites de façon significative, à la fois en fréquence et en intensité. On a montré également que cette amélioration se maintenait dans le temps, sur plu- -15 - sieurs semaines: 4 à 12 semaines, selon les patients. Ensuite, par expérience, on a mis au point des traitements qui font varier les fréquences des impulsions, le nombre des séances et leur durée ainsi que l'espacement des cures dans le temps. En travaillant sur ces différents paramètres, on cherche à améliorer l'efficacité des traitements et la durée dans le temps de l'effet positif, mais aussi à appliquer les techniques dans d'autres indications thérapeutiques. Il apparaît nécessaire dans les différentes applications de répéter des séries de séances pour maintenir le bénéfice de ces traitements, sans doute du fait d'un effet cumulatif des séances. Quand et comment décide-t-on de proposer ce traitement? D. S. : Actuellement, la rTMS est proposée aux malades qui ne répondent pas ou partiellement aux stratégies de soins (pharmacologiques et/ou psychothérapeutiques). Il s'agit toujours d'un traitement adjuvant au traitement de fond. En psychiatrie, les dépressions résistantes et les hallucinations auditives résistantes dans la schizophrénie sont les deux indications principales. D'autres travaux en cours cherchent à évaluer l'efficacité thérapeutique dans les TOC, le stress post-traumatique ou encore le déficit attentionnel avec hyperactivité de l'enfant. Le traitement est appliqué à raison de plusieurs séances par semaine (une à deux séances par jour du lundi au vendredi) pendant 1 à 6 semaines selon les cas. Le principe de la technique, la nécessité de répéter les séances pour être thérapeutique, les effets secondaires et les contraintes sont expliqués de façon détaillée par écrit aux patients qui donnent ensuite leur consentement écrit à la réalisation du traitement. Le principe de ce traitement par ondes magnétiques peut parfois générer une appréhension chez certains patients, mais rares sont ceux qui interrompent les soins en cours de cure car les séances sont très bien supportées. Les désagréments possibles sont un inconfort au niveau du point de stimulation, ou par le bruit produit par la machine. Les malades entendent en effet les chocs produits par les stimulations (à l'instar de ceux que l'on entend dans un appareil d'IRM, mais beaucoup moins intenses). des bouchons de protection auriculaire peuvent donc être parfois proposés aux patients. Avec les protocoles que nous utilisons, environ un patient sur deux répond au traitement (25 à 30 Dio de patients en rémission, 40 à 50 Dio de patients améliorés par la technique). Lorsque les patients répondent à ce traitement, les effets sont parfois spectaculaires dans la dépression. Pour les patients schizophrènes, la disparition complète des voix est rare, mais on observe souvent une atténuation significative de la fréquence de survenue de leurs hallucinations ou bien du nombre de voix entendu, de leur intensité, ce qui améliore grandement la qua ité de vie des patients. Les patients se remettent ainsi à lire, à prendre le métro et le bus, à reprendre des activités qu'ils avaient abandonnées. Les effets se maintiennent de façon variable dans le temps. On est amené à proposer une deuxième cure dont les effets sont parfois encore meilleurs qu'avec la première cure. Généralement, on propose desséancesdites de consolidation ou de rappel pour maintenir l'effet thérapeutique. Quoi qu'il en soit, il est indispensable que les patients puissent se rendre disponibles, sur une période de quelques jours à quelques semaines selon l'indication, pour les séances quotidiennes. Dans certains centres, une IRM cérébrale est réalisée pour pouvoir localiser plus précisément la zone du traitement - c'est ce que l'on appelle la neuronavigation couplée à la rTMS. Lesrésultats en termes d'efficacité thérapeutiques semblent renforcés, mais peu de centres sont équipés en France actuellement. 1 -16 - Un autre regard •••• Observe-t-on parfois des effets indésirables et des contre-indications? y a-t-il tué sur la stimulation magnétique en France, ce traitement fait déjà partie de l'arsenal thérapeutique contre la dépression en Israël, au Canada et aux États Unis. La rTMS peut remplacer dans certains cas les moins sévères l'électro-convu lsivothéra pie. La rTMS est en passe d'être reconnue dans d'autres pays en Europe et l'extension de ses indications pour traiter les hallucinations auditives résistantes sera sans doute bientôt validée. D. S. : Les risques sont limités et dépistés le plus souvent par l'interrogatoire sur les antécédents du patient. Compte tenu du risque de provoquer des crises convulsives, ce traitement est soumis à des règles de sécurité (paramètres de stimulation, surveillance par l'équipe soignante ou médicale durant les séances), particulièrement si le patient a présenté des crises convu lsives durant l'enfance ou s'il est épileptique. Notons que ce risque est faible, évalué à 1 pour 100000 environ. Autre effet que l'on peut qualifier d'indésirable: le bruit généré par la machine peut engendrer des acouphènes. Mais cet inconvénient s'estompe et disparaît rapidement. Des maux de tête peuvent également survenir après les séances. Ils sont rares et cèdent au paracétamol. En France, pour l'instant, la stimulation magnétique n'est donc pas réalisée dans les établissements privés, quelle que soit l'indication. La rTMS fait donc encore l'objet d'expérimentations aussi bien dans les dépressions, les troubles bipolaires que la schizophrénie ou les TOCs dans le but d'optimiser les résultats et de déterminer les sous-populations qui seraient « bons répondeurs)). L'amélioration des localisations cérébrales, les paramètres optimaux, l'évaluation de l'énergie à délivrer en fonction de l'âge du patient et des médicaments associés sont autant de domaines Les contre-indications visent certaines prothèses auditives et les clips cérébraux métalliques, les pacemakers et les défibrillateurs implantables. Les personnes ayant présenté des problèmes vasculaires cérébraux récents ou les femmes enceintes sont également exclues. ciblés par les recherches en cours. C'est pourquoi les psychiatres français qui pratiquent cette technique et qui conduisent des recherches se sont organisés en société savante (le Club rTMS et psychiatrie, associé à la société française de psychiatrie biologique AFPBN) afin de promouvoir la recherche clinique autour de la rTMS. Plusieurs protocoles sont en cours ou vont se mettre en place prochainement. Le nombre de centres pratiquant la rTMS croit également assurant une couverture en France métropolitaine (seule la Guadeloupe est à ce jour équipée pour les départements ultramarins). Combien coûte un traitement? D. S. : Pour l'instant ce traitement n'a pas reçu d'agrément et de cotation de la part des autorités sanitaires. Ils ne sont donc pas remboursés par la Sécurité Sociale en France. La rTMS est encore considérée comme expérimentale et doit être effectuée dans un centre hospitalier. Lesséances sont par conséquent non facturées pour le patient. Si les autorités de santé n'ont pas encore sta- • Propos recueillis par A. P.-N. Centres pratiquant la rTMS en psychiatrie 1 CHS du Rouvray, Dr Gaël FOULDRIN Pr Emmanuel HAFFEN 3 Hôpital Ste-Marguerite, Dr Raphaelle RICHIERI 4 CHU Rouen, Pr Florence THIBAUT 5 CHU Grenoble, Dr David SZEKELY 2 CHU Besançon, j ., , d 1 .,'". - l Coilt ,J Lqgbylri1lil'\1S11llMI L.~.~",,-.",.~Ol' LoU !.'J n" ••• ' 6 7 8 9 CH Pitié-Salpétrière, Paris Dr Anthony ALBOU EPS Ville-Evrard, Dr JAN UEL CHU Bordeaux, Dr DAUDET CHU Strasbourg, FOUCHER jack 10 CHGR Rennes, Dr DRAPIER, Dr NAUCZYCIEL 11 CH Bron, Dr POULET 12 CHU Clermont-Ferrand, Pr 1.jALENQUES 13 15 16 17 18 19 20 21 22 CH Ste-Anne, Dr PLAZE, Dr GUEGEN CHU Créteil, Dr G.SABA CHU Montpellier, Dr AMAR CHU Poitiers, Dr Nemat jAAFARI CH Dijon, Dr TROjAK CHU St-Etienne, Dr Aurélie GAY Monaco, CH Princesse Grace, Dr Valerie AUBIN CHU Pointe-à-Pitre CHU Saint Antoine, Pr PERETTI 23 CHU Nice, Pr PRINGUEY L'outil de neuronavigation permet de mettre en concordance l'image IRM du patient avec la sonde de stimulation en temps réel. 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