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Fédération Inter-Etablissements d'addictologie
5ème Journée rouennaise ADDICTIONS – 4 juin 2007
LE CORPS MALMENE
Mme le Pr Thibaut, CHU de Rouen,
M le Docteur Protais, CH du Rouvray,
M le Pr Déchelotte, CHU de Rouen
Maison de l'Université
Mont-Saint-Aignan
Coordination de la journée : PR F. Thibaut
Rédaction : Dr Houy-Durand
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Les nouvelles conduites à risque peuvent prendre aujourd’hui la forme de violences, de jeux à risque (jeu
du foulard, traversée d’une autoroute...), d’atteintes corporelles (tatouages, piercing, automutilations).
Les automutilations concernent des sujets qui en toute conscience s’infligent délibérément, de façon
répétée, des blessures sur leur propre corps, sans volonté apparente de se donner la mort. Différentes
formes d’automutilations existent : entailles de la peau, phlébotomie, morsures, brûlures, ulcérations de la
peau. De façon plus grave, généralement chez des sujets psychotiques on retrouve parfois des
énucléations, arrachement de langue ou d’oreille, mutilations génitales.
Tatouages et piercing représentent une forme de communication, l’expression d’une identité ou d’une
différenciation, parfois même un art corporel (ex de Wim Delvoye), un phénomène de mode, une rébellion
ou la marque « souvenir » d’un évènement. Il s’agit parfois d’une recherche de sensations physiques ou
encore le témoin d’influences tribales ou culturelles.
Ils peuvent s’associer à des complications ou comorbidités graves : infectieuses, lésionnelles,
hypersensibilités aux tatouages, comorbidités addictives…
Une étude réalisée sur une population d’adolescents détenus aux USA révèle que 29 % ont au moins un
tatouage (55 % d’entre eux au moins 2) ; 69 % ont au moins un piercing (28% d’entre eux au moins 2) et
que 20 % des sujets les ont fait faire par des non-professionnels (risque infectieux+++).
Les études chez l’animal révèlent que l’automutilation est une réaction commune à la carence parentale
(les jeunes singes se cognent la tête en réaction à l’absence parentale). L’animal présente également une
analgésie pendant les phases d’automutilation.
On retrouve des automutilations chez 10 à 15 % des enfants au cours du développement, entre 9 et 18
mois, parfois jusqu’à 3 ans (se cogner la tête). Après 5 ans, 15 à 20 % des enfants présentant une
schizophrénie ou un retard mental se cognent la tête. A la fin de l’adolescence, la plupart des
automutilations surviennent chez les psychopathes (40 % des cas ou chez des psychotiques.
Sur le plan culturel, les grandes religions monothéistes interdisent le marquage des corps créés à l’image
de Dieu (sauf circoncision). Les symboles d’intégration des sociétés primitives (tatouages, piercing…) se
sont mués en manifestations antisociales. Ainsi, les rites d’inclusion seraient devenus des rites d’exclusion.
Sur le plan historique, les premières descriptions dans la littérature anglo-saxonne datent des années
1960. Elles concernaient des femmes jeunes, de bon niveau socio-culturel, qui s’auto-scarifiaient pour
soulager la tension anxieuse. Dès les années 1980, furent décrites des associations avec les troubles du
comportement alimentaire (boulimie) (25 à 40 % des cas), avec une impulsivité importante et une
personnalité de type « état limite ».
Sur le plan épidémiologique, la fréquence de ces automutilations serait en augmentation : 1% de la
population générale aux USA. Il s’agit plutôt de femmes dont le trouble débute dans 2/3 des cas à la fin de
l’adolescence (plus tardivement elles révèlent souvent une psychose). Les passages à l’acte sont en règle
répétés (3/4 des cas), parfois jusqu’à 100 fois, utilisant plusieurs méthodes d’automutilation. Le taux de
létalité est faible, puisque l’intention initiale n’est pas suicidaire. La durée habituelle d’évolution du trouble
est de 5 à 10 ans, parfois plus.
Des difficultés d’orientation sexuelle sont souvent retrouvées (homosexualité 25 % des cas) ; des
symptômes dysphoriques dans 45 % des cas ; les pathologies psychiatriques psychotiques s’associent
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souvent à des formes plus graves et après 30 ans. Des conduites addictives telles que les troubles du
comportement alimentaire s’y associent dans 1/3 des cas. Les antécédents personnels de violences
physiques ou sexuelles (30 % des cas) et le manque d’étayage familial pourraient être des facteurs
favorisants.
Il n’existerait pas de lien avec un trouble de personnalité spécifique, ou, selon certains auteurs, avec l’état
limite, la personnalité antisociale ou histrionique. L’impulsivité en revanche semble fréquemment associer
automutilations et autres comportements impulsifs (sexuels, alimentaires, abus de toxiques ou d’alcool,
TS…). Une diminution du tonus sérotoninergique pourrait être à l’origine de ces comportements impulsifs.
Sur le plan psychologique, il s’agit d’impulsions répétées à se faire du mal, les sujets décrivant une
impossibilité à résister, un état de tension psychologique insupportable, impossible à gérer, similaire à ce
qui est retrouvé dans les conduites addictives. L’anxiété est croissante, avec une agitation, un sentiment
de colère et d’impuissance. Des sensations de dépersonnalisation sont également décrites pendant l’acte
d’automutilation. Il existe une restriction des processus d’adaptation, le sujet ne parvenant pas à gérer
cette anxiété. Le passage à l’acte est suivi d’un soulagement important de la tension. L’humeur est souvent
dysphorique pendant et après le passage à l’acte. Les sujets décrivent une absence de douleur pendant le
passage. Il n’existe pas d’intention apparente de se donner la mort.
En conclusion, il s’agit de comportements dont l’incidence est en augmentation chez les adolescents. Les
liens de ces comportements avec les difficultés de contrôle de l’impulsivité, avec les addictions, avec les
troubles de la personnalité sont mal définis. Les antécédents d’abus sexuels sont un facteur favorisant.
L’approche thérapeutique nécessite d’être mieux étudiée faisant appel aux techniques de psychothérapie
et parfois aux antidépresseurs sérotoninergiques.
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