Fédération Inter-Etablissements d'addictologie 5ème Journée rouennaise ADDICTIONS – 4 juin 2007 LE CORPS MALMENE Mme le Pr Thibaut, CHU de Rouen, M le Docteur Protais, CH du Rouvray, M le Pr Déchelotte, CHU de Rouen Maison de l'Université Mont-Saint-Aignan Coordination de la journée : PR F. Thibaut Rédaction : Dr Houy-Durand CHU_Hôpitaux de Rouen - 1 rue de Germont - 76031 Rouen cedex - tél. : 02 32 88 89 90 – www.chu-rouen.fr 2007_maillot.rtf - 31/01/2008 1/3 Les nouvelles conduites à risque peuvent prendre aujourd’hui la forme de violences, de jeux à risque (jeu du foulard, traversée d’une autoroute...), d’atteintes corporelles (tatouages, piercing, automutilations). Les automutilations concernent des sujets qui en toute conscience s’infligent délibérément, de façon répétée, des blessures sur leur propre corps, sans volonté apparente de se donner la mort. Différentes formes d’automutilations existent : entailles de la peau, phlébotomie, morsures, brûlures, ulcérations de la peau. De façon plus grave, généralement chez des sujets psychotiques on retrouve parfois des énucléations, arrachement de langue ou d’oreille, mutilations génitales. Tatouages et piercing représentent une forme de communication, l’expression d’une identité ou d’une différenciation, parfois même un art corporel (ex de Wim Delvoye), un phénomène de mode, une rébellion ou la marque « souvenir » d’un évènement. Il s’agit parfois d’une recherche de sensations physiques ou encore le témoin d’influences tribales ou culturelles. Ils peuvent s’associer à des complications ou comorbidités graves : infectieuses, lésionnelles, hypersensibilités aux tatouages, comorbidités addictives… Une étude réalisée sur une population d’adolescents détenus aux USA révèle que 29 % ont au moins un tatouage (55 % d’entre eux au moins 2) ; 69 % ont au moins un piercing (28% d’entre eux au moins 2) et que 20 % des sujets les ont fait faire par des non-professionnels (risque infectieux+++). Les études chez l’animal révèlent que l’automutilation est une réaction commune à la carence parentale (les jeunes singes se cognent la tête en réaction à l’absence parentale). L’animal présente également une analgésie pendant les phases d’automutilation. On retrouve des automutilations chez 10 à 15 % des enfants au cours du développement, entre 9 et 18 mois, parfois jusqu’à 3 ans (se cogner la tête). Après 5 ans, 15 à 20 % des enfants présentant une schizophrénie ou un retard mental se cognent la tête. A la fin de l’adolescence, la plupart des automutilations surviennent chez les psychopathes (40 % des cas ou chez des psychotiques. Sur le plan culturel, les grandes religions monothéistes interdisent le marquage des corps créés à l’image de Dieu (sauf circoncision). Les symboles d’intégration des sociétés primitives (tatouages, piercing…) se sont mués en manifestations antisociales. Ainsi, les rites d’inclusion seraient devenus des rites d’exclusion. Sur le plan historique, les premières descriptions dans la littérature anglo-saxonne datent des années 1960. Elles concernaient des femmes jeunes, de bon niveau socio-culturel, qui s’auto-scarifiaient pour soulager la tension anxieuse. Dès les années 1980, furent décrites des associations avec les troubles du comportement alimentaire (boulimie) (25 à 40 % des cas), avec une impulsivité importante et une personnalité de type « état limite ». Sur le plan épidémiologique, la fréquence de ces automutilations serait en augmentation : 1% de la population générale aux USA. Il s’agit plutôt de femmes dont le trouble débute dans 2/3 des cas à la fin de l’adolescence (plus tardivement elles révèlent souvent une psychose). Les passages à l’acte sont en règle répétés (3/4 des cas), parfois jusqu’à 100 fois, utilisant plusieurs méthodes d’automutilation. Le taux de létalité est faible, puisque l’intention initiale n’est pas suicidaire. La durée habituelle d’évolution du trouble est de 5 à 10 ans, parfois plus. Des difficultés d’orientation sexuelle sont souvent retrouvées (homosexualité 25 % des cas) ; des symptômes dysphoriques dans 45 % des cas ; les pathologies psychiatriques psychotiques s’associent CHU_Hôpitaux de Rouen - 1 rue de Germont - 76031 Rouen cedex - tél. : 02 32 88 89 90 – www.chu-rouen.fr 2007_maillot.rtf - 31/01/2008 2/3 souvent à des formes plus graves et après 30 ans. Des conduites addictives telles que les troubles du comportement alimentaire s’y associent dans 1/3 des cas. Les antécédents personnels de violences physiques ou sexuelles (30 % des cas) et le manque d’étayage familial pourraient être des facteurs favorisants. Il n’existerait pas de lien avec un trouble de personnalité spécifique, ou, selon certains auteurs, avec l’état limite, la personnalité antisociale ou histrionique. L’impulsivité en revanche semble fréquemment associer automutilations et autres comportements impulsifs (sexuels, alimentaires, abus de toxiques ou d’alcool, TS…). Une diminution du tonus sérotoninergique pourrait être à l’origine de ces comportements impulsifs. Sur le plan psychologique, il s’agit d’impulsions répétées à se faire du mal, les sujets décrivant une impossibilité à résister, un état de tension psychologique insupportable, impossible à gérer, similaire à ce qui est retrouvé dans les conduites addictives. L’anxiété est croissante, avec une agitation, un sentiment de colère et d’impuissance. Des sensations de dépersonnalisation sont également décrites pendant l’acte d’automutilation. Il existe une restriction des processus d’adaptation, le sujet ne parvenant pas à gérer cette anxiété. Le passage à l’acte est suivi d’un soulagement important de la tension. L’humeur est souvent dysphorique pendant et après le passage à l’acte. Les sujets décrivent une absence de douleur pendant le passage. Il n’existe pas d’intention apparente de se donner la mort. En conclusion, il s’agit de comportements dont l’incidence est en augmentation chez les adolescents. Les liens de ces comportements avec les difficultés de contrôle de l’impulsivité, avec les addictions, avec les troubles de la personnalité sont mal définis. Les antécédents d’abus sexuels sont un facteur favorisant. L’approche thérapeutique nécessite d’être mieux étudiée faisant appel aux techniques de psychothérapie et parfois aux antidépresseurs sérotoninergiques. CHU_Hôpitaux de Rouen - 1 rue de Germont - 76031 Rouen cedex - tél. : 02 32 88 89 90 – www.chu-rouen.fr 2007_maillot.rtf - 31/01/2008 3/3