Modèles Impulsionnels de Neurones: Théorie et Applications Romain Brette INSERM U483 http://www.snv.jussieu.fr/brette/ [email protected] Le neurone Les neurones communiquent par impulsions électriques (potentiels d’action). 10 mV 1s http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Modèles impulsionnels Impulsions → impulsions http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Modèles impulsionnels Variable continue → impulsions (encodeur) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Formulation générale 1) Une équation différentielle: 2) Un mécanisme de réinitialisation: impulsion quand V > seuil http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Exemples Modèle de Lapicque (1907): L. Lapicque, J physiol pathol gen 9, 620-635 (1907) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Exemples Modèle à conductances synaptiques: dV τ = −(V − V0 ) − ∑ wi g (t − ti , j )(V − Es ) dt i, j ti,j = temps d’une impulsion venant du neurone i g(.) = conductance synaptique wi = efficacité synaptique Es = potentiel de réversion synaptique Propriété fondamentale, la fuite: http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Le temps des impulsions peutil coder une information? Ex.: injection d’un courant constant Le modèle émet une série d’impulsions régulières aux instants Tn = nT perturbation => Tn = nT + θ ( n ) Le temps des impulsions n’est pas reproductible http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Reproductibilité des impulsions – entrée constante La réponse du neurone à un courant constant n’est pas reproductible Z. Mainen, T. Sejnowski, Science 268, 1503-1506 (1995) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Point de vue fréquentiel Information pertinente: la fréquence des impulsions (l’instant précis des impulsions est aléatoire) Modèles fréquentiels: r = f(r1, r2, …, rn) r1 r2 rn r http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Reproductibilité des impulsions – entrée variable La réponse du neurone à un courant variable est reproductible Z. Mainen, T. Sejnowski, Science 268, 1503-1506 (1995) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Reproductibilité des impulsions Dans les deux cas: le même neurone, le même bruit interne dynamique instable dynamique stable http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Fiabilité des modèles impulsionnels La réponse des modèles impulsionnels à fuite à un stimulus apériodique est 1) reproductible ; 2) indépendante de l’état initial courant injecté R. Brette, E. Guigon, Neural comput 15, 279-308 (2003) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Fiabilité et synchronisation Des neurones qui reçoivent le même stimulus dynamique se synchronisent, même s’ils sont au départ dans des états différents. http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Exemple de codage impulsionnel: réponse à une entrée périodique Exemple: dV = −V + k sin(ωt ) dt Cadre général: avec f(V,t+T)=f(V,t) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ L’application impulsionnelle ϕ: temps d’une impulsion → temps de la prochaine Dynamique continue du modèle impulsionnel = dynamique discrète de l’application impulsionnelle Brette, R. Dynamics of one-dimensional spiking neuron models. J Math Biol 48, 38-56 (2004). http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Cas périodique Si f(V,t+T)=f(V,t), alors φ(t+T)= φ(t)+T φ = relèvement d’un homéomorphisme du cercle http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Homéomorphismes du cercle φ est le relèvement d’un homéomorphisme du cercle (si continue) ou d’une application du cercle conservant l’orientation (sinon) Nombre de rotation = inverse de la fréquence de décharge (pour T=1) (Poincaré, Denjoy) Nombre de rotation rationnel: orbite périodique stable Nombre de rotation irrationnel: orbite dense dans le cercle ou dans un Cantor Brette, R. Rotation numbers of discontinuous orientation-preserving circle maps. Set-Valued Analysis 11, 359-371 (2003). http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Accrochage de phase Nombre de rotation rationnel: « accrochage de phase » http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Spécificité des modèles impulsionnels Deux propriétés spécifiques des modèles impulsionnels: 1) la synchronisation, 2) la détection de coïncidences. http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Le perceptron impulsionnel Architecture du perceptron (feedforward) et modèles impulsionnels (au lieu de fréquentiels) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Sélectivité à l’orientation Dans le cortex visuel primaire (V1), des neurones répondent à des contours ou des barres orientés, avec une orientation et à une position spécifiques. http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Premières étapes du traitement visuel Rétine Thalamus ON V1 OFF contraste local orientation locale http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Connectivité thalamocorticale: le modèle de Hubel et Wiesel OFF OFF OFF OFF ON ON ON ON ON Thalamus OFF OFF OFF OFF + V1 D. Hubel, T. Wiesel, J. physiol. 160, 106-154 (1962). http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Trois propriétés essentielles des neurones sélectifs à l’orientation 1) Forte sélectivité à l’orientation (mi-hauteur à mi-largeur < 20°) 2) Invariance au contraste: la largeur (mais pas la hauteur) de la courbe de sélectivité est indépendante du contraste. 3) Suppression: si l’on superpose sur le stimulus optimal un stimulus non-optimal, la réponse du neurone décroît de manière significative. http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Le problème de l’iceberg A cause du seuil, la largeur de la courbe de sélectivité augmente avec le contraste. seuil http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Perceptron impulsionnel Particularité: les entrées thalamiques ne sont pas indépendantes a priori. ONONONONON Thalamus V1 Expérimentalement: les neurones thalamiques ayant des champs récepteurs proches sont souvent synchronisés. J. Alonso, W. Usrey, R. Reid, Nature 383, 815-9 (1996) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Stimuli Barres orientées en mouvement (type micro-saccades ; durée d’une fixation = 40 ms en moyenne) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Stimuli Barres orientées en mouvement (type micro-saccades ; durée d’une fixation = 40 ms en moyenne) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Synchronisation neuronale induite par le stimulus Les neurones reçoivent la même entrée dynamique, ils se synchronisent ; le neurone cortical décharge http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Synchronisation neuronale induite par le stimulus Les neurones reçoivent la même entrée dynamique, ils se synchronisent ; le neurone cortical décharge http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Synchronisation neuronale induite par le stimulus Les neurones reçoivent une entrée dynamique différente, ils se désynchronisent ; le neurone cortical ne décharge pas http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Synchronisation neuronale induite par le stimulus Les neurones reçoivent une entrée dynamique différente, ils se désynchronisent ; le neurone cortical ne décharge pas http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Observations principales z z Les neurones thalamiques se synchronisent spécifiquement à l’orientation optimale, ce qui provoque la réponse du neurone cortical. Cette propriété dépend peu du contraste, car elle est fondée sur l’alignement. http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Observations principales z z Les neurones thalamiques se synchronisent spécifiquement à l’orientation optimale, ce qui provoque la réponse du neurone cortical. Cette propriété dépend peu du contraste, car elle est fondée sur l’alignement. http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Invariance au contraste Mi-largeur à mi-hauteur: 10° http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Sélectivité de l’entrée • peu sélective • dépend du contraste • irrégulière http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Suppression La superposition d’une autre barre désynchronise les neurones http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Perceptron classique vs. perceptron impulsionnel Perceptron classique: détecte un motif par produit scalaire X stimulus poids Perceptron impulsionnel: détecte une propriété géométrique du stimulus (invariance par translation dans une direction) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Discussion du modèle: source de synchronisation Défaut de la synchronisation induite par le stimulus: la sélectivité dépend du stimulus. Synchronisation interne: interactions latérales rétroaction http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Simulation des modèles impulsionnels Deux approches: • méthodes à pas de temps (Runge-Kutta) • méthodes événementielles http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Méthodes à pas de temps Algorithme: à chaque pas de temps: • recalculer l’entrée totale de chaque neurone • mettre à jour l’état des neurones (Runge-Kutta) • identifier les neurones qui déchargent et les réinitialiser Remarque: le temps des impulsions est discrétisé Difficulté: la discontinuité à l’impulsion perturbe le schéma d’approximation Solution: réinitialisation améliorée (interpolation) + conductances synaptiques suffisamment régulières Shelley, M. J. & Tao, L. J Comput Neurosci 11, 111-9 (2001). http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Défauts des méthodes à pas de temps C’est une méthode d’approximation. • problème de précision • risque de détection erronée des impulsions • perte de l’ordre des impulsions dans un pas de temps • risque de synchronisation anormale liée à la discrétisation du temps • complication du calcul de l’entrée totale (dûe aux conditions de régularité sur les conductances) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Méthodes événementielles Algorithme: • déterminer le prochain événement (prochaine impulsion) • mettre à jour l’état des neurones au prochain événement • recommencer Difficulté: l’équation différentielle doit pouvoir être résolue analytiquement Avantages: méthode (quasi) exacte, pas de problème de précision http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Solution événementielle pour un modèle réaliste dV τ = −(V − V0 ) − ∑ wi g (t − ti , j )(V − Es ) dt i, j où g (t ) = θ (t )e − t /τ s Equivalent à un modèle impulsionnel à deux variables: dV = −(V − V0 ) − g × (V − Es ) dt dg τs = −g dt τ avec g → g + wi à chaque instant tij Brette, R. Event-driven simulation of integrate-and-fire neurons with exponential synaptic conductances. Submitted (2004). http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Discussion: calcul impulsionnel dans d’autres modalités • L’audition: * localisation de sources sonores1 * perception de la hauteur par autocorrélation2 • L’olfaction: codage d’une odeur en un motif spatio-temporel3 • Le toucher: codage impulsionnel de la position des objets4 1 L. A. Jeffress, J Comp physiol psychol 41, 35-39 (1948) 2 J. C. R. Licklider, Experientia 7, 128-134 (1951) 3 G. Laurent, Nat rev neurosci 3, 884-95 (2002) 4 M. Szwed, K. Bagdasarian, E. A hissar, Neuron 40, 621-630 (2003) http://www.snv.jussieu.fr/brette/ Publications Théorie générale des modèles impulsionnels Brette, R. Dynamics of one-dimensional spiking neuron models. J Math Biol 48, 38-56 (2004). Brette, R. Rotation numbers of discontinuous orientation-preserving circle maps. Set-Valued Analysis 11, 359-371 (2003). Fiabilité neuronale: Brette, R. & Guigon, E. Reliability of spike timing is a general property of spiking model neurons. Neural comput 15, 279-308 (2003). Algorithme événementiel: Brette, R. Event-driven simulation of integrate-and-fire neurons with exponential synaptic conductances. Submitted (2004). Synchronisation et sélectivité à l’orientation: Brette, R. & Guigon, E. What is the Role of Thalamic Synchronization in Thalamocortical Processing? A Model Study in the Context of Orientation Selectivity in the Primary Visual Cortex. Submitted (2004). http://www.snv.jussieu.fr/brette/