Revue de presse - Comédie de Béthune

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REVUE DE PRESSE
HENRY VI
william shakespeare
THOMAS JOLLY
CRÉATION CYCLE 1 - JANVIER 2012
LE TRIDENT - SCÈNE NATIONALE DE
CHERBOURG-OCTEVILLE
CRÉATION ÉPISODE 3 - NOVEMBRE 13
FESTIVAL METTRE EN SCÈNE
THÉÂTRE NATIONAL DE BRETAGNE - RENNES
CRÉATION INTÉGRALE - 21 JUILLET 14
68E FESTIVAL D’AVIGNON
©Nicolas Joubard
LA PICCOLA FAMILIA
Mise À JOUR OCT. 2014
Contact Presse :
Doette Brunet
06 21 43 59 41
[email protected]
11.10.14
11 octobre 2014
04/10/2014
2 octobre 2014
25 SEPTEMBRE 2014
« Shakespeare invite à s’essayer à tout »
25.09.2014
C’est un long garçon mince, plein de vie. Il s’appelle Thomas Jolly, il a 32 ans et vient de réussir un
exploit : mettre en scène les trois pièces du cycle Henry VI, de Shakespeare. Soit dix-huit heures de
représentation qui ont enthousiasmé Avignon, où le spectacle a été créé, en juillet. Comment diable
un tout jeune metteur en scène a-t-il pu s’intéresser à ce cycle qui n’avait jamais été présenté en France dans son intégralité (sauf deux scènes) et nous fait traverser la guerre de Cent Ans et celle des
Deux-Roses ? Thomas Jolly répond. Il parle d’amour, de voyage initiatique et de défi. Il se vit
volontiers comme une machine de guerre, mais cette guerre porte un « jolly » nom : le public, qu’il veut rassembler, et qu’il rassemble, en mettant en scène Shakespeare avec une énergie joyeuse,
entraînante, ouverte à tous. Dans Henry VI, il joue John Talbot, le fils de lord Talbot, et Richard
Gloucester, futur Richard III. Ainsi, Thomas Jolly est là, sur le plateau, avec les 20 comédiens qui
tournent cette saison dans les villes de France, avant de passer un mois à l’Odéon-Théâtre de
l’Europe, à Paris, en mai 2015.
Comment ça se passe, quand on joue dix-huit heures d’affilée ?
Pour s’y préparer, chaque acteur avait ses astuces : exercices, sport, piscine… On n’a pas pu engager un kinésithérapeute, un phoniatre ni un nutritionniste, comme je l’aurais voulu. Mais on avait des cuisinières qui préparaient des menus très adaptés. Et on menait une vie monacale. Les étapes
précédentes du travail nous avaient appris à franchir des durées. Mais quand on joue l’intégrale d’Henry VI, ce qui est très beau, c’est qu’on est comme des randonneurs en montagne : il n’y a pas de course ni de performance, sinon celle d’avancer un pas après l’autre, jusqu’au sommet. Cette traversée du temps se fait avec le public. Cela la rend non seulement moins fatigante, mais bien plus
belle, à cause de cette relation avec les spectateurs, qui est essentielle, pour moi.
Imaginiez-vous, quand vous vous avez commencé à faire du théâtre, qu’un jour vous mettriez en scène Henry VI ?
Je ne pensais même pas devenir metteur en scène. Depuis l’enfance, je voulais être acteur. Mais, quand j’étais à l’école du Théâtre national de Bretagne, à Rennes, je me suis rendu compte que j’aimerais pouvoir mettre sur un plateau ce que j’avais envie de voir et d’entendre. J’ai commencé avec un monologue adapté des Lettres de la religieuse portugaise. C’était en 2004, l’année où, grâce à un atelier, j’ai découvert Henry VI. Je n’imaginais pas qu’une œuvre puisse être aussi touffue, dantesque, protéiforme, luxuriante. J’y suis revenu en 2009, pendant un été de rupture amoureuse,
de désœuvrement et de pauvreté : je n’avais pas d’argent pour partir en vacances, j’étais seul à Rouen. En me promenant, j’ai vu que la traduction d’Henry VI par Line Cottegnies était sortie dans la
Pléiade. J’ai trouvé les 60 euros nécessaires pour acheter le livre. Je me suis dit : voilà une bonne
occasion pour relire les pièces historiques de Shakespeare ! Et je me souviens d’avoir été fasciné. C’était comme un désir d’amour, irrépressible, inextinguible : il fallait que je mette en scène Henry VI.
J’ai commencé à en parler, et j’ai senti beaucoup de scepticisme : si le cycle n’est pas monté, c’est certainement parce qu’il n’est pas très bon, me disait-on.
C’est vrai qu’Henry VIn’est pas considérée comme une grande œuvre de Shakespeare.
Je l’accorde. Elle n’est pas calibrée. Mais elle contient les motifs des chefs-d’œuvre qui viendront après : le rapport au père d’Hamlet dans celui entre Gloucester et York, le germe de Lady Macbeth
dans Lady Gloucester, la séparation des amants dans le bannissement de Suffolk… Shakespeare a autour de 30 ans quand il écrit Henry VI. C’est un jeune auteur qui expérimente et se cherche. Quand je le lis, je suis dans la même situation : j’ai 27 ans, j’ai fait deux spectacles, ma compagnie en est à ses balbutiements, et j’ai besoin d’expérimenter. Comme Shakespeare s’essaye à tout, il m’invite à m’essayer à tout, c’est-à-dire à toutes les formes et à tous les registres : le monologue, les scènes de
groupe, le vers, la prose, la comédie, la tragédie, le fantastique, le polar, la romance, et la politique,
évidemment…
Certains jeunes gens font un tour du monde avec un sac à dos. Ce voyage initiatique, je ne l’ai pas fait avec un sac à dos, mais avec Henry VI. Ma compagnie était partante : on a décidé de monter les deux
premiers actes et de les présenter au public. Pour moi, c’était un test essentiel : y a-t-il un public pour
ce type d’œuvre et d’histoire ? La réponse a été oui, quand nous avons présenté notre travail à
Rouen, en janvier 2010. Après, la ville de Rouen m’a proposé une carte blanche pour les journées du patrimoine, en septembre de la même année. J’ai décidé de mettre en scène toute la première pièce, où il est question de Jeanne d’Arc. Ca tombait bien ! On a joué dans une abbatiale, avec les chauvesouris qui volaient entre les acteurs. Très shakespearien ! Intrigués, des professionnels sont venus, et
nous ont donné de l’argent pour qu’on continue.
Assez pour aller au bout de l’intégrale ?
Non, mais cet argent permettait de travailler huit semaines. Je me suis lancé un défi : créer huit
heures de spectacles, soit une par semaine, ce qui permettait de présenter presque la moitié des
trois pièces. J’ai étoffé la distribution, nous avons répété à Cherbourg-Octeville, où nous avons créé
le spectacle, en janvier 2012. En novembre, nous avons été invité au festival Mettre en scène, à
Rennes. Avec succès, mais contrairement à ce que je pensais, il n’y a pas eu de proposition pour qu’on poursuive le cycle. Rien. C’était un peu normal : dès qu’on dépasse huit heures et qu’on sait qu’il y en aura dix-huit au total, tout devient très compliqué. Je me disais : « On n’y arrivera pas ; on
va tourner avec les huit heures, c’est chouette, mais il faut passer à autre chose, je ne veux pas mourir
sous mon Henry VI. » J’étais quand même un peu abattu. Puis le miracle est arrivé : François Le
Pillouër, le directeur du TNB, et Agnès Troly, la programmatrice d’Olivier Py, ont proposé d’accompagner la production, de façon que l’intégrale soit créée pendant le Festival d’Avignon.
Etes-vous d’accord avec ceux qui disent que vous faites un théâtre populaire ?
Je ris quand je l’entends dire, car le théâtre est populaire, et s’il ne l’est pas, pour moi, ce n’est pas du théâtre, mais autre chose. Cela ne veut pas dire que je l’oppose à un théâtre exigeant, un théâtre d’art ou de recherche. C’est une question de rapport au public. Comme il y a beaucoup de diversité dans la population, il faut pouvoir s’adresser à tout le monde en même temps. Je pense qu’il faut aller reconquérir le public. J’en ai marre d’entendre des gens qui n’osent pas pousser la porte des théâtres parce qu’ils sont intimidés par ces bâtiments et cet art qui, pour moi, doit être proche, simple, facile à vivre.
Shakespeare et Henry VIpeuvent aider, dans cette démarche ?
Oui, parce qu’ils parlent d’une époque de bouleversements qui renvoie à la nôtre. Chaque fois que, dans l’Histoire, il y a une fin de cycle, l’homme a besoin de récits. Or, nous n’en avons pas aujourd’hui. En tout cas pas de récits politiques comme celui d’Henry VI qui raconte une crise
majeure. Henry VI est un roi qui reste « coincé » dans le Moyen Age, alors que le monde autour de lui
est en train de basculer dans la Renaissance. Tout change : la façon de faire la guerre, l’esprit chevaleresque, la politique. Une nouvelle génération arrive avec d’autres armes, d’autres façons de penser. Le XVe siècle d’Henry VI et le XVIe vécu par Shakespeare voient l’invention de l’imprimerie, la découverte de l’Amérique, la révolution copernicienne… Imaginez, à l’époque, l’angoisse que ces bouleversements ont apportée ! C’était l’entrée dans un monde inconnu, comme actuellement, où on est arrivé au bout d’un système. Personnellement, la crise actuelle m’excite, parce qu’il y a beaucoup à inventer. Mais je vois et comprends bien que cela angoisse beaucoup de gens. Pour
lutter contre cette angoisse, il faut redonner aux gens des outils de pensée et de discernement. Ce
que je veux, à mon petit endroit, c’est être utile, en disant : « Shakespeare avait tout à nous dire, et il
s’adresse à tout le monde. Ecoutez-le, entendez-le. Moi, je ne donne pas de leçon. Lui non plus,
d’ailleurs, mais il y en a à tirer de son théâtre. Rentrez chez vous avec ces questions. Et à bientôt ! »
Voilà.
Notule :
Henry VI, au Théâtre national de Toulouse, du 1er au 12 octobre ; à Perpignan, au Théâtre de
l’Archipel (Cycle 2), le 18 octobre ; à Rennes, au Théâtre national de Bretagne (Cycle 1 épisodes 1 et
2, Cycle 2, épisodes 3 et 4), du 5 au 9 novembre ; à Béthune, à la Comédie (Cycle 1 et 2), les 22 et
23 novembre.
Brigitte Salino
Journaliste au Monde
DU 31 JUILLET AU 6 AOUT 2014
23 juillet 2014
07 PARIS CEDEX 13 - 01 57 28 20 00
Page
CULTURE
L'épopée de
Thomas Jolly éclaire
la nuit d'Avignon
Le jeune metteur en scène fait mouche
avec « Henry VI », de Shakespeare,
un spectacle marathon de dix-huit heures
Théâtre
Avignon
Envoyée speciale
B
luffant, étourdissant, hypnotisant Voila le morceau de
bravoure du Festival d Avignon, son Himalaya, son monstre
fou Henry VI, de William Shakespeare, mis en scene par le jeune
Thomas Jolly, 32 ans Dix-huit heures de spectacle, trois pieces, quinze actes, cent cinquante personnages, dix mille vers On arrete la le
Livre des records Vous entrez a
10 heures du matin dans la salle du
theatre, vous en sortez a 4heures
le matin suivant «Jour, f aïs place a
la nuit», comme dirait Richard III,
a la toute fin de la représentation
Henry VI n est sans doute pas le
meilleur spectacle du Festival, en
tout cas pas le plus pointu ou le
plus novateur (grosse concurrence d Ivo van Hove, il y a quèlques
jours, et de Thomas Ostermeier,
qui arrive le 23 juillet) Maîs la n est
pas la question Malgre les défauts,
les faiblesses, il emporte sans coup
férir, parce que quelque chose s accomplit la, qui abolit le temps ordinaire et vous fait plonger avec une
jeunesse, une fraicheur et un sens
du theatre exceptionnels dans I enfance de Shakespeare Et le public
en redemande, qui non seulement
n a pas fait défection, lors de la premiere, le 21 juillet, maîs a accueilli
cette epopee avec un enthousiasme de plus en plus délirant au fur
et a mesure de son avancée
C est la premiere fois qu on la
voit en France en (quasi) integrale,
cette trilogie ecrite par un Shakespeare da peine 25ans, dans les
annees 1590 Le futur auteur
dHamlety conte quarante ans de
l'histoire de I Angleterre, qui
voient ce noble et prospère royaume sombrer dans la division et la
barbarie Une saga qui commence
en 1422, au moment de la mort du
roi Henry V et du couronnement
d'Henry VI, a I age de 9 mois, et se
poursuit jusqu en 1464, avec la destitution du roi Edouard IV et la
montee en puissance d un certain
Richard III, qui fera I objet d une
autre piece Entre ces deux dates,
on traverse la guerre de Cent Ans
et la guerre des Deux-Rosés, dans
laquelle s affrontent de maniere
sanglante les nobles du royaume
Amour, aventure, folie et dérision du pouvoir, trahison, enchaînement meurtrier, reflexion sur
I Histoire et ses mécanismes Henry VI contient en germe tout le
theatre futur de Shakespeare, et
mélange la comedie, la tragédie, la
farce, la trivialité la plus crue et la
méditation métaphysique la plus
élevée
Le public a accueilli
cette saga avec
un enthousiasme de
plus en plus délirant
au fur et à mesure
de son avancée
Elle annonce les grandes pieces
a venir, RichardII et RichardlII
bien sur, maîs aussi Macbeth, fuies
César ou Conolan
Autant dire que c'est un terrain
de jeu et d aventure inouï pour
une jeune compagnie comme celle qu a créée Thomas Jolly, La Piccola Familia, qui porte bien son nom,
ou plutôt pas tout a fait e est un
tel theatre de partage que propose
le metteur en scene que sa
«famille» est bien plus grande
qu il ne le dit Un theatre qui pourrait etre celui invente par un
enfant dans un grenier, un theatre
« a mains (et a voix) nues », maîs
qui dans son genre fait montre
d une maitrise et d une sophistication assez epoustouflantes
Pas de video, pas de sonorisation des voix, pas de decor cherchant a creer I illusion Le metteur
en scène s'inscrit totalement dans
la tradition élisabéthaine du théâtre de tréteaux, qu'il renouvelle
par d'autres moyens. Thomas Jolly ne se cache pas d'aimer les
séries télévisées du genre « Game
of Thrones » (qui elles-mêmes
sont directement nourries de Shakespeare), et il en a retenu de
sacrées lecons sur la conduite d'un
récit, l'utilisation de la lumière et
de la musique. Même si ses effets
-sonores, notamment - sont parfois assez appuyés, force est de
reconnaître la puissance et l'efficacité produites, qui alpaguent le
spectateur à la moindre tentation
de défection.
L'Angleterre, la France, le siège
d'Orléans, les palais des nobles
anglais, le soulèvement du peuple
par Jack Cade... Tout se joue dans
un décor quasiment unique, un
échafaudage de métal monté sur
roulettes, qui donne une grande
fluidité à la mise en scène. Et laisse
le champ libre à l'imagination des
spectateurs et des acteurs.
Les lumières rouges envahissent la scène lors des scènes de
batailles, les épées sont figurées
par de longs rubans blancs ou rouges de gymnastes, Jeanne d'Arc est
une magicienne aux cheveux
bleus, des fleurs sont lancées comme des projectiles... Et lorsqu'Henry VI est contesté sur son trône, il
suffit que le coussin doré qui
recouvrait sa chaise soit jeté à bas
pour exprimer toute la violence
de cette tentative de destitution.
Le spectacle regorge de trouvailles
comme celles-ci, qui montrent le
sens qu'a Thomas Jolly du signe
théâtral simple et directement parlant.
Il faudrait aussi parler de la
conduite du spectacle, que Thomas Jolly a confiée à une rhapsode
irrésistible (Manon Thorel), qui,
aux entractes, vient résumer les
« épisodes » précédents ou appâter les spectateurs pour la suite.
Alors même si, au début du spectacle, on peut trouver que ce Henry VI verse un peu trop dans la
bouffonnerie, le chemin s'accomplit peu à peu dans la «contagion des ténèbres » : « four, fais place à la nuit. »
Ils sont dix-sept acteurs à jongler avec tous ces personnages.
Pas tous du même niveau il est
vrai, mais l'énergie de troupe porte le spectacle, et certains sont
excellents, à commencer par Thomas Jolly lui-même, qui joue un
saisissant Richard III, entre « warrior » de jeu vidéo et poète à la JeanLouis Barrault.
Beaucoup d'artistes, aujourd'hui, se revendiquent de cette
notion de «théâtre populaire»
dont on ne sait plus trop ce qu'elle
veut dire. Thomas Jolly, lui, le fait,
tout simplement. Si l'on peut
dire.»
FABIENNE DARGE
Henry Vl, de William Shakespeare
(traduit en français par Lme Cottegnies,
éd L'Avant-Scène Theâtre) Mise
en scène Thomas Jolly La FabricA,
Ies24et26]uilletàl0heures Tél
04-90-14-14-14 D e 2 0 €a 4 7 € Durée
18 heures Puis tournée d'octobre
à juin 2015, notamment au Théâtre
de l'Odéon, à Paris, du 2 au 17mai 2015
23 JUIL 14
Quotidien
OJD : 101616
Surface approx. (cm²) : 781
N° de page : 26
11 RUE BERANGER
75154 PARIS - 01 42 76 17 89
23 juillet 2014
eu
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AVIGNON Durant
dix-huit heures,
le metteur en
scène Thomas
My f ait
sensation
avec les crimes
du drame
shakespearien.
Par RENE SOLIS
Envoyé spécial à Avignon
A
ux valeureux specta
leurs, la direction reconnaissante distribue, a la
sortie de la FabricA, peu
avant 4 heures du matin, un pin's
«J'ai vu Henry VI en entier». Une
médaille pour recompenser l'endurance de tous ceux qui, entrés dans
la salle la "veille à IQ heures du
matin, ont suivi les dix-huit heures
de représentation. Pour la première, les comédiens de la Piccola
Familia, la troupe du metteur en
scène Thoma Jolly, ont fait court :
ils ont bouclé le marathon avec près
d'une demi heure d'avance sur
l'horaire annoncé. Un marathon
qui a enregistré un taux d'abandon
extrêmement bas. Les quelque
600 spectateurs ont réserve aux
vingt comédiens - ainsi qu'à
l'équipe technique - la plus longue
ovation de ce mois de juillet avi
gnonnais : plus de dix minutes,
comme un double bravo a la scène
et à la salle.
Chahuté par les intermittents, les
intempéries, les choix discutables
de programmation, le Festival
d'Avignon 2014 tient son triomphe,
son spectacle de légende. Le badge
ne s'y trompe pas : il y aura désormais des anciens combattants du
«J'ai vu Henry VI en entier» et pour
les deux représentations restantes,
jeudi et samedi, la chasse aux
billets risque de s'intensifier (i).
Les spectateurs d'Avignon ne sont
pas des masochistes, et le succès est
mérité : Henry VI est un spectacle
fédérateur, inventif, joyeux, une
course d'endurance théâtrale qui
n'accuse jamais sa longueur.
TAUPINIÈRE. Il faut dire que ça
n'arrête pas. Quarante ans d'histoire, la guerre de Cent Ans plus
la guerre des Deux Roses : la pièce
de William Shakespeare est une
AVIGNON
0540290400505/XVR/OTO/1
Têtes coupées, enfants massacrés: une véritable frénésie sanglante. PHOTO BRIGITTE ENGUERAND DIVERGENGE
«Henry VI»,
carnagesau
bout dè la nuit
Tous droits réservés à l'éditeur
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suite ininterrompue de batailles
militaires et de combats politiques,
où les situations - de même que les
vestes - n'arrêtent pas de se retourner. Henry VI est en fait constitué de trois drames historiques qui
suivent la chronologie (1422-1464)
d'un règne à cheval sur la fin du
Moyen Age et les débuts de la Renaissance, un siècle avant la naissance de Shakespeare.
Drôle de roi, dont les seules armes
semblent être la faiblesse et l'inaptitude au combat, tandis que ses
adversaires et ses partisans passent
leur temps à s'entre-tuer. Pacifiste
à scrupules et états d'âme, il médite
seul à l'écart, sur une taupinière,
en pleine bataille de Towton, rêve
d'être un berger observant la fuite
des jours et divisant son temps
paisible: «Tantd'heurespourgarder
mon troupeau ; / Tant d'heures pour
me reposer; I Tant d'heures pour méditer ; I Tant d'heures pour me diver
tir. » (2) Bref, Henry n'est pas dans
l'air de son temps. Car, côté guerriers sanguinaires, on n'a que l'embarras du choix : de têtes coupées
en enfants massacrés, c'est toute
l'aristocratie anglaise du XVe siècle
qui est atteinte de frénésie sanglante - le pire, au bout de la nuit
d'Henry VI, étant encore à venir.
«Car ici, je l'espère, commence notre
joie durable» -. le mot de la fin dans
la bouche d'Edouard d'York, le
nouveau roi, ressemble à une mauvaise blague. Dans l'ombre guette
son frère, l'infâme nabot Richard
de Gloucester, qui vient de trucider
Henry VI dans sa prison, et s'apprête à anéantir sa propre famille
pour parvenir au trône. C'est sur la
première scène de Richard III que
s'achève le spectacle, et c'est Thomas lolly, le metteur en scène, qui
interprète le monstre, en rockeur
dégénéré souple et froid.
BÛCHER. Le monstre, c'est d'abord
la pièce (15 actes, 150 personnages)
que le jeune homme - il a 32 ans et
est passé par l'école d'acteurs du
Théâtre national de Bretagnedompte haut la main. Le texte pose
moins de problèmes dramaturgiques que de mise en scène proprement dite. Comment restituer
une histoire répétitive sans lasser?
Question de rythme, d'abord. Les
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dix huit heures de spectacle sont
découpées en quatre grandes par
ties, elles mêmes divisées en deux.
Entre chacun des huit épisodes, un
entracte de trente minutes, et entre
chaque partie, un autre d'une
heure. Lesdits épisodes ont des
couleurs distinctes. Les deux premiers tirent vers le potache, les
chevaliers français crient «cataclop ! » en galopant sur leurs chaises
qui serviront ensuite au bûcher de
Jeanne d'Arc - perruque bleue et
seins à l'air, réjouissante incarnation de la «pute» et «sorcière» telle
que les Anglais la conçoivent. Mais
Jolly sait aussi noircir le ton, et
trouver pour chaque bataille des
idées nouvelles : brouillards, bruits
hors champ, échafaudages sur
roulettes, lumières rouges, éclairs
aveuglants, lancers de cotillons, giclées electro rock; pas d'images
léchées ni de haute technologie,
mais de l'artisanat dont les spectateurs voient tous les rouages.
Il dispose encore de deux atouts
majeurs : l'ajout d'un personnage
clownesque - la Rhapsode - qui
s'adresse aux spectateurs entre les
épisodes : «Non contents d'avoir déjà
enduré quatre heures de notre épopée,
vous êtes revenus. Pour en reprendre
treize!!! C'est gentil.» Irrésistible, la
comédienne Manon Thorel, qui a
aussi écrit les textes, fait un triomphe mérité à chaque apparition.
Autre trouvaille, l'usage des fais
ceaux, entre DCA et boîte de nuit.
Les deux registres sont là, la guerre
et le carnaval, le bal des meurtres
et des trahisons qui fait rire et qui
fait peur, le Moyen Age et l'époque
actuelle.
Ni un sommet, ni une révolution
esthétique, pas le Ring de Chéreau,
ni le Soulier de satin de Vitez, juste
tout un jour et toute une nuit de
théâtre qui revigorent. •*•
(1) La représentation dè jeudi doit être
retransmise en direct sur Culturebox.
France 2 a prévu une diffusion sur
trois jours les 27,28 et 29 juillet
(2) Le texte reprend ta traduction
cfe Line Cottegmes pour la Pléiade
La version complète de l'adaptation
est publiée par l'Avant-Scène théâtre
HENRY Vi de SHAKESPEARE
ms de Thomas Jolly. La FabncA,
55, av Eisenhower, Avignon (84)
Les 24 et 26 juillet à TO heures
Rens wwwfestival-avignoncom
23 JUIL 14
Quotidien Paris
OJD : 40558
164 RUE AMBROISE CROIZAT
93528 SAINT DENIS CEDEX - 01 49 22 73 29
Surface approx. (cm²) : 547
N° de page : 16
23 juillet 2014
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THEÂTRE
Le tour d'un monde
en dix-huit heures chrono
À la fois spectacle monstre et exploit sportif, l'Henry Vl, de Shakespeare, présente à la Fabrice par Thomas Jolly, subjugue,
avec un art consomme, des spectateurs sans cesse tenus en éveil.
FOT*L
Avignon, envoyé special
C'était lundi la premiere, a
la Fabnca, des trois « inte
grales » de l'odyssée dra
A - 27 juillet manque autour d'Henry VI,
de Shakespeare, conçue et
mise en scene par Thomas Jolly dans la sce
nographie inventive qu'il signe De surcroît,
il joue En particulier Richard III On n'a pas
fini de parler de ce brillant jeune homme
(trente et un ans) sorti en 2006 de l'école
du Theatre national de Rennes Quatre ans
plus tard, il ouvrait le chantier de cette rea
lisation monstre en quatre episodes, lesquels
nus bout a bout, ne durent pas moins de
dix huit heures, avec sept entractes Cela
commence a dix heures du matin pour
s'achever la nuit suivante un peu avant
quatre heures A la fin les spectateurs, trans
portes, ne se lassent pas de saluer un bataillon
de comédiens heureux, dont la vaillance et
l'engagement résolu ont fait merveille
La primauté au jeu, une variation
entre tragique et grotesque
Ce triomphe, le mot n'est pas trop fort,
AVIGNON
2820290400506/GNK/AZR/1
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est manifestement du a l'esprit d'une en
treprise tout uniment animée par un désir
de partage genereux, festif et lucide a la
fois II y a surtout, au concret, que c'est du
theatre a poings nus, pour ainsi dire, sans
artifice autre que les ressources vives de
l'art de l'acteur, certes a grand renfort de
lumieres sacrement élaborées (Lery
Chedemail, Antoine Travert, Thomas Jolly,
qui décidément veille a tout) et de musiques
volontiers percussives (Clement Mirguet)
C'est le jeu qui prime, dans toutes ses se
duisantes variations motrices, au cours de
l'alternance obligée du plus noir tragique
et du grotesque, voire de la farce, tout au
long d'une oeuvre qui brasse la vie et la
mort de quelque cent cinquante person
nages, grands, petits ou minuscules, dans
une epoque de grand chambardement du
monde avec ses cruelles luttes de pouvoir,
ses guerres a répétition, ses basculements
d'alliances, ses trahisons, ses vices in
nombrables et malgre tout des éclairs de
miséricorde, au fond incarnée par cet
Henry VI, dépasse par le Mal, repute faible
par exces de pieuse bonté dans la sphère
cannibale Bref, la constellation Shake
speare, peuplée d'une myriade de pous
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UNE TROUPE HARMONIEUSE, ROMPUE À PASSER, EN UN CLIN D'ŒIL, DU PREMIER PLAN À LA SILHOUETTE ALLUSIVE. PHOTO THOMAS BREGARDIS
Bieres d'étoiles humaines
préméditation des passions
Uneentreprise
en mouvement perpétuel
a mettre en lumiere On ne
peut
ici entrer dans le détail
L'ensemble rend magnifl
tout uniment
quenient compte, avec
d'une réalisation aussi pro
flamme, d'un temps hors animée
fuse, comme on ne peut
de ses gonds, spécifique du
mettre en relief le travail de
XVe siecle, a un moment par un désir
tel ou telle dans le collectif
aux resultats harmonieux
charnière de l'histoire de de partage
l'Occident auquel notre bel
Dans une troupe rompue a
aujourd'hui, a y bien regar
passer, en un clin d'œil, du
généreux.
der, n'a rien a envier au
premier plan a la silhouette
fond Shakespeare notre
allusive, difficile d'affirmer
contemporain La formule se vérifie C'est a qui va le pompon, tant c'est l'ensemble
signifie en sourdine, au fil d'un déferlement qui subjugue Je sors pourtant du lot Tex
d'images successives ou se distinguent quise Manon Thorel, définie comme rhap
autant une revolution culturelle plébéienne sodé (soit un rôle voisin de celui de
qu'une théorie de révolutions de palais l'Annoncier, dans le Soulier de satin, de
plus carnivores les unes que les autres, Claudel) Elle a écrit les textes de liaison
ils permettent de résumer l'intrigue et
l'ensemble étant emballe dans un maels
de prendre patience devant le rideau
trom d'énergique jeunesse joueuse, tur
bulente, parfaitement controlee dans la qu'elle distille avec une precieuse gour
AVIGNON
2820290400506/GNK/AZR/1
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mandise Chacune de ses spirituelles
apparitions est saluée avec gratitude
Le doute n'est pas permis Thomas Jolly
semble ne tout arme dans l'arène théâtrale
On flaire un artiste meneur d'hommes, ca
pable de fédérer et d'exalter autour de lui,
avec amour, une bande active d'acteurs,
regroupes sous la belle raison sociale de La
Piccola Farmlia, prets a le suivre au bout du
monde pour la cause d'un theatre de l'éveil
par le plaisir, qui pense en actes puissants et
doux Ce spectacle fleuve charrie le plus ra
dieux devenir On n' attend pas Thomas Jolly
au coin du bois, maîs sur le chemin lumineux
qu'il vient déjà de s'ouvrir si noblement
JEAN-PIERRE LÉONARDINI
Les 24 er 26 a 10 heures Sur Culrurebox
I integrale du spectacle sera sur franceîv ml
henry Vl le 24 de 10 heures a 3 heures 30
du matin le lendemain
Surface approx. (cm²) : 608
18 RUE BARBES
92128 MONTROUGE CEDEX - 01 74 31 60 60
Page 1/2
23 juillet 2014
Avignon
Shakespeare, jour et nuit
JL
I Dans la série des grandes « nuits
avignonnaises », le metteur en scène
Thomas Jouy a invité le public à suivre,
pendant plus de dix-sept heures,
la tragédie de Shakespeare Henry VI.
À dè rares défections près,
te public reste happé,
fidèle jusqu'au terme
de notre envoyé spécial
ete b représentation.
U est vrai que celle-ci
est entrecoupée
de sept entractes.
II faut le voir, quittant les remparts de la
ville en longue file, sous le soleil encore
doux du matin. Il faut le suivre, parcourant,
tel un groupe de pèlerins au pas tranquille,
les quèlques kilomètres qui le sépare du
nouveau haut lieu du festival, dans le quartier Monclar : la FabricA. Lui, c'est le public
du Henry Vide Shakespeare, qui se joue
de 10 heures du matin à 3 heures et demie...
du matin suivant.
L'aventure est folle, le pari insensé. Pour
les spectateurs comme pour les acteurs.
Sans doute, Avignon est propice à de tels
voyages au bout de la nuit du théâtre (lire
les repères). Un premier Henry VI présente
par Stuart Séide, en 1994, ne durait « que »
huit heures. La version proposée cette
année s'étale sur dix-sept heures trente !
Presque dix-huit heures de bonheur sans
égal dans le bruit et la fureur, les pleurs, le
rire et la joie. S'attaquant, du haut de ses
30 ans, à l'intégrale de cette oeuvre composée en trois parties, Thomas ]o\ly en
signe une mise en scène sidérante qui tient
en permanence en haleine, telle une formidable saga sauvage et baroque.
L'histoire s'étale sur plusieurs décennies.
Elle relate la triste et pitoyable histoire de
l'Angleterre, de la fin de la guerre de Cent
Ans (1453) à la fin de celle des Deux Roses
(1485). Meurtres, crimes, trahisons, repentances, reniements, courses à la gloire et
au pouvoir... s'y bousculent à foison, sur
fond de coups dè théâtre et de coups bas,
de passion, de cynisme, d'innocence sacrifiée.
Distillés par une cinquantaine de projecteurs auxlumières rasantes ou tombant
des cintres, les éclairages recomposent en
permanence l'espace du plateau : il est rue,
château, plage, champ de bataille, des deux
côtés de la Manche... Plongé dans la nuit
d'une brume irréelle, il se peuple de
monstres infernaux, surgis des plus noires
bandes dessinées. À moins, que, noyé dans
une opacité au rouge oppressant, il ne se
transforme en linceul de sang pour les
combattants.
Sur les accords désaccordés d'une
bande-son menant des douces musiques
du XVIe siècle au hard rock, sinon au rap,
HENRY Vl
de William Shakespeare
AVIGNON
AVIGNON
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* v
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92128 MONTROUGE CEDEX - 01 74 31 60 60
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HenryVI mis en scène par Thomas Jolly. Au rythme d'un jeu magistral, une vingtaine de comédiens se partagent pres de 200 personnages.
les scènes se fondent, entrechoquant hier
et aujourd hui ia tragédie et le grotesque,
le noble et le trivial
Une vingtaine de comédiens, pour la
plupart comparses de thomas lolly depuis
plusieurs annees au sein de sa troupe, La
Piccola 1-amilia, se partagent pres de deux
cents personnages Tous plus vivants vi
brants les» uns que les autres, au rythme
d un jeu magistral Tour a tour superbes,
effrayants, grandioses, terribles, vertueux,
DIX GRANDES TRAVERSÉES THÉÂTRALES D'AVIGNON
• 1985: Le Mahabharata, par Peter Brook - 9 heures.
• 1987: Le Soulier de satin, par Antoine Vitez - ll heures
• 1994: Vole mon dragon, par Hervé Guibert
et Stanislas Nordey - 7 h 30
1994: Henry Vl, par Stuart Séide - 8 heures
1995: La Servante, par Olivier Py - 24 heures
2002: MYC, par Christophe Huysman,
eul en scene - 9 heures
2005: Les Vainqueurs, par Olivier Py - 9 h 3O.
2009: La Trilogie (Littoral, Incendies et Forêts},
par Wajdi Mouawad -ll heures
• 2011 : Des femmes [trilogie des Trachidiennes,
Antigone et Electre], par Wajdi Mouawad - 12 heures
» 2014: Henry Vl, par Thomas Jolly - 17 h 30
AVIGNON
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loyaux, ils s'avèrent tout autant blesses,
fragiles victimes et bourreaux ou agneaux
sacrifies tel Henry VI, le roi pieux et pu
sillanime, interprète par Thomas Germaine
Charhne Porrone est son épouse de fer
Eric Chdllier Damien Gabriac Alexandre
Dam, Gilles Chabner Pier Lamande, Da
mienAvice les ducs et pairs conspirateurs
et ambitieux
A de rares défections pres, le public reste
happe fidèle jusqu au terme de la repre
scntation II est vrai que celle-ci est entre
coupée de sept entractes d une demi heure
ou d'une heure Juste ce qu il faut de temps
pour prendre l'air et le soleil dans la grande
cour, s'allonger dans l'herbe se restaurer
En habituées des nuits théâtrales avi
gnonnaises, les Normandes Veronique,
Martine et Claire Marie avaient prépare
des sandwichs achetant sur place bieres
et cafes Ariane la Toulousaine s était mu
nie de chaussettes de contention, tandis
qu Elisabeth laDijonnaise s était équipée
d un petit banc afin de reposer ses pieds
déchausses A l'instar d'Huguette et de son
mari, originaires d Arcachon, elles
avouaient toutes s'être couchées la veille
aux habituelles heures festivalières « Peut
etre une heure plus tôt glisse Martine C estci dire a minuit passe »
Pendant ces dix sept heures trente
quèlques spectateurs se sont légèrement
assoupis < Au bout de dix heures de spec
tacle e est bien normal », lâche sans honte
Pierre Avignonnais « De toute façon, lui
fait echo Cecile, jeune Montpellieraine on
se réveille vite, portes par l'énergie des ac
leurs » Et aussi par les interventions de la
délicieuse rhapsode (Manon Ihorel) qui
régulièrement, pendant le spectacle vient
rappeler au public les grandes lignes de
I histoire qui se raconte (ou évoquer la lutte
des intermittents) Au hl de ses apparitions,
le public applaudit, de plus en plus fort,
puis a tout rompre Et frappe des mains et
des pieds, debout, pour une ovation de pres
de vingt minutes, lors des saluts a la fin de
la représentation Tourbu maîs heureux
« Que I on ne nous, dise pas que nous
sommes ici pour la seule gloire de la per
formanœ, lance Guy, venu des environs
d'Avignon avec un groupe d amis Ce qui
est beau, e est d'avoir vécu cette nuit en
semble On est tous réunis par le même
amour du theatre et des acteurs Cest une
fete, un moment extraordinaire Plus tard,
je le raconterai a mes petits enfants
DIDIER MÉREUZE
A La FabricA IQ heures les 24 et 26 juillet REMS
04 901414 60 ou www festival avignon com
Retransmission sur le site culturebox francetvmfo fr
du 24 iu Ilet 10 heures au 25 |u Ilet 3 h 30
En tournee en France d octobre 2014 a juin 2015
La traduction de Men y V accompagnée d un dossier est
pub! ee dans la revue Lavant scene theâtre 290 p 20 €
23 JUIL 14
Quotidien Paris
OJD : 317225
14 BOULEVARD HAUSSMANN
75438 PARIS CEDEX 09 - 01 57 08 50 00
23 juillet 2014
Thomas Jolly,
un prince en Avignon
FESTIVAL L'intégrale de « Henry VI » de William
Shakespeare, soit quinze heures de spectacle,
enthousiasme le public.
ARMELLE HELIOT aheliot(3>lef igaro.fr
D
ix heures du matin, 3 h 30
du matin Un long voyage
Avignon en a F habitude Le
Mahabharata, Le Sauber de
satin, La Servante demeu
rent dans la legende non seulement
par leur puissance poétique, mais aussi
parce qu'ils étaient de longues traversees et que le public adore cela II faut
s'en mefier Au theâtre, le sens se passe de l'exploit physique Mais Henry VI
de William Shakespeare selon Thomas
Jolly est un exploit artistique
Nous vous avions déjà parle avec
enthousiasme de cette étonnante et
remarquable transcription scenique des
trois pieces qui constituent le cycle
Henry VI (nos editions du 13 janvier
2014), lorsque la troupe de la Piccola
Familia avait presente la premiere partie de cette epopee a Sceaux Le jeune
artiste a d'ailleurs reçu pour cette piece
le prix Beaumarchais-Figaro 2014 du
meilleur spectacle
C'est avec une grande impatience
que l'on attendait l'ensemble Les
fondamentaux demeurent les mêmes
une troupe nombreuse et plutôt jeune
avec quèlques aines expérimentes et
originaux, tres peu d'clcmcnts
sceniques des praticables de metal qui
s'agglomèrent ou se désolidarisent,
Thomas Jolly,
32 ans, s'impose
comme un metteur
en scene d'une
inventivité
magistrale.
AVIGNON
des lumieres
franches
(Lery
Chedemail, Antoine Travert) , de la
musique, du son sans crainte des effets
(Clement Mirguet) C'est tout Le reste
n'est que theâtre, pur theâtre
Une équipe très unie
Et c'est epoustouflant Les trois pieces
du cycle Henry VI (1589-1591), ce sont
quinze actes, soixante-dix-huit scènes,
cent cinquante personnages, dix mille
vers et un peu de prose La qualite premiere du travail de Thomas Jolly tient a
la traduction éblouissante de Line
Cottegnies, professeur a la Sorbonne
Nouvelle-Paris-III Le premier matériau, c'est ce texte, qui va des registres
les plus familiers aux plus nobles et que
l'universitaire a repense au plus pres du
theâtre avec lejeune metteur en scene
Henry VI part de la mort du vain
queur d'Azincourt, Henry V, passe de
la guerre de Cent Ans a la guerre des
Deux-Rosés jusqu'au surgissement du
«crapaud du diable», Richard III
Thomas Jolly, qui l'incarne comme un
sombre Peter Pan, intègre d'ailleurs en
épilogue le premier monologue de cette tragédie Scènes fastueuses de la
cour et scènes de batailles épiques,
scènes comiques jusqu'au burlesque,
scènes intimes, lyrisme et cocasserie,
rien n'échappe a la maitrise de l'équipe
tres unie Dix-neuf comédiens passent
d'un rôle a l'autre avec une virtuosité
et une energie sans faiblesse
II faut citer la fcrocitc joyeuse du traitement d'une Jeanne d'Arc aux cheveux
bleus, Flora Diguet, la candeur si humaine du roi, Thomas Germaine, Eric
Challier, le sombre duc d'York,
Geoftrey Carey, Gloucester notamment,
et Bruno Bayeux, le cardinal C'est un
peu injuste car chacun assure son parcours avec sensibilité, vaillance, haut
talent Pour faire le lien avec le public et
résumer les scènes coupées, un person
nage de rhapsode incarne par Manon
Thoral intervient régulièrement Elle est
délicieuse et fait craquer le public '
A 32 ans, Thomas Joli} s'impose
comme un maitre d'une inventivité
profuse et généreuse, d'une autorite
sans raideur dans la conduite de ce
merveilleux voyage •
Les 24 et 26 juillet, avant une longue
tournee. Texte et dossier documentaire
publies par L'Avant-Scène Theâtre.
Surface approx. (cm²) : 234
N° de page : 11
Page 1/1
TAGESSPIEGEL.DE
23 juillet 2014
23 juillet 2014
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TAGESSPIEGEL.DE
23 juillet 2014
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LALIBRE.BE (BELGIQUE)
22 juillet 2014
22 juillet 2014
Page 1/1
Source : www.lalibre.be
AGENCE FRANCE PRESSE MONDIALES
11/15 PLACE DE LA BOURSE
75061 PARIS CEDEX 02 - 01 40 41 46 46
22 JUIL 14
Quotidien Paris
22 juillet 2014
Surface approx. (cm²) : 589
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22/07/2014 09:04:00
Un "Henry VI" plus palpitant qu'une série TV au Festival
d'Avignon (COMPTE RENDU)
Par Marie-Pierre FEREY
AVIGNON, 22 juil 2014 (AFP) - Le jeune metteur en scène Thomas Jolly crée
l'événement au Festival d'Avignon avec un "Henry VI" en 18 heures plus palpitantes qu'une
série télévisée, tout en restant extraordinairement fidèle à Shakespeare.
Line longue ovation a salué à 4 heures du matin la fin de la première
représentation, et bien peu de spectateurs avaient déserté, dans la salle de 600 places où
ils étaient entrés à 10 heures du matin la veille.
Presque un tour du cadran, pour une plongée qui tenait à la fois de la série
télévisée pour ses effets et son suspense, et du grand Shakespeare pour le texte
parfaitement audible et la théâtralité intacte.
II fallait peut-être l'audace d'un très jeune metteur en scène - 28 ans au début
du projet de 4 ans, 32 ans aujourd'hui - pour monter cette pièce de la démesure: Henry VI,
c'est trois pièces en une, 15 actes et 150 personnages, une débauche de batailles et des
fleuves de sang versés.
L'intrigue est impossible, truffée de pairs du royaume attachés à s'entretuer avec
ardeur, traversée par la guerre de Cent Ans, puis celle des "Deux Roses", interminable
querelle sur la légitimité du trône.
Mais à la fin du spectacle, le public débattait avec maestria du rôle de
"Gloucester", de celui de "York" ou des retournements de veste de "Warwick".
Ce n'est pas la moindre qualité de cet "Henry VI" que d'avoir su rendre
parfaitement intelligible l'arbre généalogique compliqué de la royauté britannique au 15e
siècle. Pour y parvenir, Thomas Jolly le déploie physiquement sur scène deux fois, sans que
cela passe jamais pour une leçon d'histoire, et fait appel à une narratrice irrésistible, Manon
Thorel, dont
chaque
intervention
lors des 7 entractes ravit littéralement le public.
22 JUIL 14
AGENCE
FRANCE
PRESSE
MONDIALES
11/15 PLACE DE LA BOURSE
75061 PARIS CEDEX 02 - 01 40 41 46 46
Quotidien Paris
- De la farce à la tragédie Surface approx. (cm²) : 589
On lui doit aussi le plaidoyer le plus créatif du festival sur la lutte des
intermittents du spectacle, pendant un entracte où les techniciens déblayaient tomates Page 2/2
pourries et giclées de sang sur la scène dévastée.
Sur 13 heures de spectacles (hors entracte), tous les registres du théâtre de
Shakespeare sont honorés avec inventivité et brio par la troupe de 21 comédiens, de la
farce à la tragédie en passant par une fête techno et un carnaval.
On rit beaucoup, ce qui est un comble dans une pièce d'une réelle noirceur. Ici
c'est le messager du roi qui fait des apparitions éclairs en patins à roulettes, là, un
téléphone rouge vif au milieu d'une scène en costumes: autant de piques d'humour qui font
ressortir le tragique.
Thomas Jolly reconnaît être "friand de séries télévisées" et avoir "placé ses
entractes dans des endroits stratégiques pour ménager le suspense", mais on ne saurait
AVIGNON
Tous droits réservés à l'éditeur
4082190400507/GBV/MVD/4
réduire la pièce à ses effets spectaculaires.
Car rien du texte touffu n'a été sacrifié ou presque, des scènes les plus ardues et
des monologues sur l'appétit de pouvoir, la douleur des fils orphelins et des pères endeuillés
dans ce long massacre.
Thomas Jolly compose lui-même un très beau rôle d'ange noir pour le futur
Richard III, né difforme et qui se choisit un destin d'assassin. Car "Henry VI", première des
pièces historiques de Shakespeare, se clôt là ou commence le sanglant "Richard III".
"Henry VI dessine 50 ans d'histoire d'une nation qui se délite, qui dégénère, au
point qu'à un moment est assis sur le trône un monstre", résume-t-il.
Seulement trois représentations de ce marathon sont données à Avignon, les 21,
24 et 26 juillet, mais la pièce sera diffusée en direct sur Culturebox le 24 juillet, et en
épisodes sur France 2 les 27, 28 et 29 juillet.
Fruit d'une vaste co-production, elle jouera aussi en tournée pendant deux ans,
découpée en plusieurs cycles, notamment au Théâtre des Gémeaux, à Sceaux, en décembre,
et au Théâtre de l'Odéon, en mai.
mpf/dab/ed
JANVIER-FÉVRIER 2014
AGENCE FRANCE PRESSE MONDIALES
11/15 PLACE DE LA BOURSE
75061 PARIS CEDEX 02 - 01 40 41 46 46
17 JUIL 14
17 juillet 2014
Quotidien Paris
Surface approx. (cm²) : 507
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17/07/2014 07:32:00
Un "Henri VI" monstre en 18 heures au Festival
d'Avignon (PRESENTATION)
Par Marie-Pierre FEREY
PARIS, 17 juil 2014 (AFP) - Un marathon de 18 heures avec sept entractes, plus
de 200 personnages, trois pièces et dix mille vers: "Henri VI" de Shakespeare, mis en scène
les 21, 24 et 26 juillet en Avignon est le pari fou d'un metteur en scène de 32 ans.
"Cela fait dix ans que j'y pense, quatre ans depuis les premières répétitions en
février 2010", raconte Thomas Jolly, rencontre sur les répétitions alors que l'équipe se
demandait chaque jour si elle allait jouer ou non, en raison du conflit des intermittents.
La "saga" le subjugue en 2004 alors qu'il est encore à l'école du Théâtre national
de Bretagne (TNB). En 2009, pendant un été "de désoeuvrement", il décide de la monter.
"On était une toute jeune compagnie, six à l'époque, il y a plus de 200 personnages, c'est
un projet réputé inmontable". Raison de plus pour stimuler ce jeune homme fin, sans cesse
en mouvement.
"Le projet a mis du temps à convaincre, trop lourd, trop cher, trop de monde:
c'est une des raisons qui m'ont poussé à le monter, parce que ce discours timoré me
désespère", dit-il. Une vaste coproduction s'organise autour du TNB pour monter le projet en
deux cycles de 8h30. L'intégrale ne sera donnée qu'à Avignon cette année et une fois à
Rouen, le 20 juin 2015.
"Henri VI n'est pas simplement l'histoire de deux familles - Lancastre, une rose
rouge pour emblème et York, rose blanche - qui se courent après pour savoir qui va être
roi, c'est bien davantage une peinture d'un siècle en révolution", décrit Thomas Jolly. Tout
bascule entre le XVe siècle décrit dans la pièce et le XVI siècle de Shakespeare: l'imprimerie
17 JUIL
est née, FRANCE
la Bible PRESSE
circule, les
idées de Luther se répandent, Galilée déclare que la Terre
est 14
AGENCE
MONDIALES
Quotidien
Paris
11/15
PLACEla
DE LA
BOURSE
ronde,
navigation
et
le
commerce
explosent
...
"tout
est
dedans",
souligne-t-il.
Et
de
75061 PARIS CEDEX 02 - 01 40 41 46 46
raconter en riant comment l'expression de "président normal" pour François Hollande est
Surface approx. (cm²) : 507
sortie dans les médias alors que l'équipe parlait du "roi normal" Henri VI.
- Entraînement de sportifs Page 2/2
Dans un siècle sanglant, Henri VI, assis sur le trône dans le désordre de la guerre
de cent ans, est un roi pieux, juste et sage, balloté au gré des guerres fratricides entre
grands du royaume. "II est pertinent de voir combien ce roi n'a pas le pouvoir, comme les
politiciens que nous avons élus et qui semblent impuissants", dit-il.
Pour rendre lisible cette pièce fleuve, Thomas Jolly et ses 21 comédiens se sont
inspirés de l'époque "où l'on jouait devant le peuple, des gens debout et à ciel ouvert (dans
le théâtre londonien The Globe): il faut un rebondissement tous les quarts d'heure, un mort,
un empoisonnement, un coup de théâtre!" lance-t-il. Pour "créer une frustration", il a placé
les entractes au moment "de plus fort suspense", comme les séries TV dont il est friand.
Avignon est coutumier des marathons, "La Servante" d'Olivier Py en 24 heures en
1995, "Le Mahâbhârata" de Peter Brook en 9 heures en 1985 ... Le public aime partager ces
AVIGNON
Tous droits réservés à l'éditeur
4865680400504/XTO/ARL/4
moments d'exception, même s'il dodeline un peu de la tête. "Nous disons au public: +si
vous voulez dormir, n'hésitez pas, les fauteuils sont moelleux!+ ", lance Thomas Jolly.
"Par contre, aux acteurs je dis d'être engagés à toute les secondes de la
représentation". Une performance physique, à laquelle les comédiens se sont préparés
comme des sportifs, en jouant d'abord 8 heures, puis 13 heures, puis 18. Un narrateur sera
au bord du plateau pour guider le spectateur dans les méandres de la pièce.
Une tournée de deux ans est déjà prévue et la pièce est diffusée intégralement
sur Culturebox le 24 juillet.
mpf/pjl/gf
2 juillet 2014
LES INROCKUPTIBLES – SUPPLEMENT
2 JUILLET 2014
Page 1/1
JUIL / AOUT 14
Bimestriel
Surface approx. (cm²) : 4680
N° de page : 40,41,42,...,55
4 RUE ARMAND MOISANT
75015 PARIS - 09 50 27 41 60
L’actualité du théâtre en France
Page 5/15
JUILLET-AOÛT 2014
olly
Shakespeare, l'histoire humanisée
des salles entières. Pourtant, il faut
t bientôt 18 quand il aura monté l’intégrale
ène, aucun gadget, aucune vidéo, juste 21
le XVe siècle pendant lequel a vécu ce roi
y a tout juste 30 ans et fait du théâtre
Le metteur en scène de 32 ans monte, pour la
première fois en France, l'intégrale d'Henry Vl.
21 acteurs, 24 techniciens pour une saga
monstre de 18 heures : c'est l'événement
d'Avignon !
• Henry Vl, de William Shakespeare, mis en scene par
Thomas Jo!ly avec La Piccola Familia La Fabrica, 55
avenue Eisenhower 84000 Avignon, 0490 14 14 14,
a Wh les 21, 24 et 26/07
Quelles sont les difficultés d'une telle œuvre ?
La
guerre
des
Deux Roses,
le
grand
Schisme
d'Angleterre, c'est une matière colossale Lin vrai plaisir,
un formidable terrain de jeu m a î s une somme et une
durée qui peuvent effrayer Dans un souci de clarté, je
nçais qui se battent les uns contre nous apprend veux
pas,
en faire un geste didactique et pédagogique Après
A
quand
remonte
votre
premier
contact
avec
la
pièce
trois
premières
étapes de travail, et plusieurs épisodes,
autres, on a deux mondes sur le on voit bien qu’on
Henry Vl i
nous créons le spectacle, dans son ensemble, a Avignon
moinsun formidable
en
teau, plus de cent
J'étaispersonnages.
élève à l'Ecole du Théâtrepense
National dede
Bretagne
aboutissement Cest une chance de pouet j'ai plongé, pendant un atelier, dans un monde
voir présenter un spectacle de cette ampleur dans un
se
ns la deuxième partie,
c’est plus moins et que tout
monde aujourd'hui formaté avec des durées parfois
d'épines, un gouffre, une vaste saga, passionnante, sanglante
actes qui retracent
50 ans de règne Regardez
d'un
imposées Et j'ai l'espoir un peu présomptueux qu'après
matique, le conflit
se 15resserre
sur lescrispe.
ce genre d'expérience, la politique culturelle pourrait
enfant proclame roi a l'âge de 9 mois, jusqu'à son assasroyaume avec lasinat
guerre
civile
enlll en 1471
cette année 2013
:
par le futur
Richard
inventer d'autres façons de travailler ll faudrait pouvoir,
Qu'est-ce
qui vous séduit
nouveau, accéder à des œuvres rares et magnifiques
gleterre. Et dans la
troisième,
il sedans ceontexteentend les de
gens
comme Cromwe/l d'Hugo, et Le Soulier de satin de
Je suis fascine par la pertinence qu'a Shakespeare quand
uit à deux familles
(lalaGuerre
deset les petites
dire il retranscrit
ouvertement
il marie
grande histoire
de
Claudel
grands épisodes du passé en y injectant les mouvements
Comment définir Henry Vl ?
ses) puis à une deseule,
celle des leur homophobie,
l'âme des héros, êtres de chair, de sang, de souffle
C'est un roi très beau, qui croît possible un monde juste
Cest
l'histoire
humanisée
Ainsi
qu'un
passionnant
respectueux de chacun Une pensée politique très
ntagenêt pour finir tragiquement à leur racisme. Et etpenmélange de farce et de drame, de comique, de romance
forte maîs déconnectée de la réalité
térieur de RichardetIII.
ser,inouïe
ce n'est pasVous
se dites
prendre
la tête
de fantastique Cest d'une richesse
que les théâtres
sont;des boîtes à magie où
A quel moment vous êtes-vous senti prêt à vous lancomptent autant l'enfer, que la terre et le ciel. .
Henri
VI, est un roi c’est joyeux, et surtout
c'est la clé du
cer dans cette grande aventure ?
Oui, la scène, la cage, les cintres Je veux tout utiliser,
A l'été bienveillant,
2009, après une rupture amoureuse,
j'ai vécu un citoyen.
tout montrer Si
Je suis
par la puissance de la tech
pieux,
discernement
onfasciné
se sougrand moment de solitude Pour pallier a mon désoeunique pour moi un projecteur qui s'allume peut être
bien
dans
la Grèce antique, on
re assis sur juste,
vrement, j'ai paisible.
relu, dans l'édition devient
la Pléiade,
toutes
les
aussi émouvant qu'un acteur La technique est porteuse
pièces sa
historiques
de Shakespeare
Et mon une
désir s'est
de poésie
La lumière,
la musique, la scénographie, les
payait
amende
quand
on n'allait
critique
ne, il fau- Dans
costumes sont porteurs de sens Je veux utiliser tous les
allumé à la lecture d'Henry Vl Je me suis dit "Merde, j'ai
auœuvre"
théâtre.
89,tropJeanu dans son sur26 Rue
ans, je suis
petit pour cettepas
grande
Maîs
outils à ma disposition pour servir la poésie et le sens du
j'avais envie d'aller au bout Alors nous avons commencé
texte Sur scène nous serons 21 acteurs, et 24 technithéâtre
doit faire
Thi-baudat Pour vous, le ciens
dans son Pierre
un travail de plateau sous l'intitulé Makmg Henry Vl, un
C'est une expérience infiniment riche de théâtre
de deux heuresà A notre
grande éducation
surprise, le
et ?
de vie, une utopie qui se concrétise
notre
compare
ichard III ? le spectacle
public s'est engouffré, avec curiosité et jubilation, dans
Propos recueillis par
Shakespeare ne fait pas autre chose. Nedjma Van Egmond
François
Hollande.
le projet Alors
nous avons continue
Je trouve ça très Il écrit Henry VI parce qu’Élisabeth
éressant. Quand on a commencé à Ier a commandé des chroniques his?
15 QUIMPER. ACTUS
Lundi 3 février 2014 Le Télégramme
3 fEvrier 2014
Piccola familia. Formidable épopée d’Henry VI
Delphine Tanguy
Rarement montée sur une
scène de Théâtre, la
version d’Henry VI du
jeune metteur en scène
Thomas Jolly a été saluée
par un public
enthousiaste, samedi au
Théâtre de Cornouaille.
Première saison d’une
aventure théâtrale, dont
l’intégralité sera
présentée au festival
d’Avignon, cet été.
Jeanne d’Arc avec ses cheveux bleus
semble tout droit sortie d’une BD
d’Héroïc Fantasy.
Aborder un demi-siècle d’histoire
d’Angleterre, les 12.000 vers, les
quelque 150 personnages de cette
pièce de Shakespeare en huit heures de représentation aux côtés
d’une vingtaine de comédiens, est
une expérience assez rare pour des
spectateurs et un véritable challenge relevé, samedi au Théâtre de Cornouaille, par le metteur en scène
Thomas Jolly et sa fougueuse troupe de la Piccola Familia.
« C’est une entreprise qui est joyeuse, artisanale et le théâtre est encore cet endroit d’imaginaire, de jeu
qui permet de traverser 50 ans d’histoire avec une chaise en paille, trois
ou quatre chapeaux. Le cinéma ne
pourrait pas le faire », explique le
metteur en scène Thomas Jolly, qui
a su éviter l’écueil de la reconstitution historique et, à 30 ans, a envisagé cette aventure théâtrale comme un voyage initiatique.
Une multitude de trouvailles
scénographiques
Déployant des trésors d’inventivité
et multipliant les trouvailles scénographiques, il fait entrer le public
de plain-pied dans cette grande épopée, et l’entraîne des champs de
bataille des villes françaises assiégées aux coulisses de la cour du roi
d’Angleterre où se tissent les intrigues dans une incessante et machiavélique course au pouvoir, sur fond
de rivalités entre les maisons d’York
et de Lancastre.
Et au fil des heures, l’attention des
spectateurs ne va pas faiblir. Au
bout de 35 minutes, ils sont déjà
prévenus, avec beaucoup d’humour
par une comédienne, personnage
irrésistible à la stature élisabéthaine dont les interventions vont ponctuer ce spectacle fleuve, qu’ils
n’ont encore vu que les deux premières scènes du 1er acte de la première partie.
Tenus en haleine par les actions et
les tableaux qui se succèdent à un
rythme soutenu ainsi que des personnages hauts en couleur tels que
Jeanne d’Arc arborant des cheveux
bleu pétard et dont le physique et
la hardiesse sont dignes d’un personnage de la BD Héroïc Fantasy,
les spectateurs assistent réjouis aux
atermoiements d’une guerre qui
s’enlise et que Shakespeare fait basculer dans la farce.
La déculottée des Français
Le côté grand-guignolesque de cette guerre des Deux roses est illustré
à merveille par cette sorte de haka,
que se livrent, dans une ambiance
survoltée de soirée électro, les belligérants aux portes d’Orléans. On
prend part, hilares, à la déculottée,
au sens propre comme au figuré,
des Français présentés comme des
couards, à l’assaut des soldats qui
chevauchent des chaises en paille
et brandissent vaillamment des
rubans de gymnastique rythmique.
On suit avec passion les exploits de
Lord Talbot magnifiquement incarné par l’acteur Jean-Marc Talbot jus-
qu’à sa défaite à Bordeaux où il
assiste impuissant à la mort de son
fils, joué par Thomas Jolly, une des
seules scènes qu’il s’est autorisée
pour conserver ce regard extérieur
nécessaire au metteur en scène.
Dans la deuxième partie, l’action se
recentre sur le royaume d’Angleterre. Si la pièce verse insidieusement
dans la tragédie et que se dessine la
figure d’un Richard III « complètement déformé par l’ambition », les
effets spéciaux et les ressorts comiques n’en sont pas moins sollicités.
La pièce s’achève sur le bannissement de Suffolk, l’amant de la reine, avec un public, visiblement heureux mesurant sa chance d’avoir
participé à l’aventure ainsi offerte
sur un plateau.
Thomas Jolly : metteur en scène hors normes
Delphine Tanguy
Les comédiens et le jeune metteur en scène Thomas Jolly ovationnés par le public.
« Il y a trois pièces de Shakespeare.
J’ai souhaité séquencer la création
de la trilogie en deux grands cycles.
Le premier cycle a été créé en janvier 2012 et le second est en cours
de création. Le troisième épisode a
été créé à Rennes et le quatrième
sera créé pour le Festival d’Avignon
en juillet, où sera présentée l’intégralité de la pièce, soit 18 h 30 de
représentation », commente le jeune metteur en scène Thomas Jolly
qui s’est lancé dans cette aventure
hors normes, il y a quatre ans.
Plusieurs raisons à cela pour ce trublion du théâtre français : lutter
contre une forme de calibrage des
objets culturels, s’investir avec sa
compagnie dans un travail de longue haleine, explorer ce formidable
terrain de jeu qu’offre cette pièce
de Shakespeare mais aussi un monde qui bascule dans la modernité
pour mieux réinterroger notre époque.
Du grand théâtre populaire
Comique et tragique se succèdent dans cette pièce révélant le côté populaire du
théâtre de Shakespeare.
Comment cependant tenir en haleine les spectateurs aussi longtemps ? Pour Thomas Jolly, les
réponses se trouvent dans l’écriture
même de Shakespeare.
« Shakespeare écrit à l’époque du
théâtre Élisabéthain, à ciel ouvert.
Thomas Jolly, metteur en scène : « Il y a un côté performatif pour l’équipe artistique
mais aussi pour les techniciens et les équipes d’accueil des théâtres ».
On est assis au balcon ou debout à
l’orchestre. Le climat plus la station
debout créent un inconfort. Il y a
une volonté chez Shakespeare de
tenir le spectateur, une forme d’entertainment, avec des rebondissements tous les quarts d’heure ».
« On sort des guerres fratricides des
Deux roses et on est au moment de
l’arrivée d’Elisabeth 1re. Elle commande des chroniques historiques
dont Shakespeare va s’inspirer pour
écrire sa pièce. À l’époque, les spectateurs assistent à leur propre histoire, un peu plus de cent ans après
les faits », poursuit-il.
« Aujourd’hui, ce qui nous tient
c’est la question de l’entertainment. Les scénaristes hollywoodiens n’ont fait que reproduire cette structure », ajoute encore le metteur en scène qui accorde beaucoup
d’importance à ce rapport au
public, à la complicité entre acteurs
et spectateurs. « C’est du grand
théâtre populaire. C’est un peu comme si on regardait plusieurs épisodes d’une série télévisée ou qu’on
s’enquillait les Star Wars à la suite ».
16 janvier 2014
Les Inrockuptibles / Mercredi 15 janv
15 janvier 2014
Le Fi
14 janvier 2014
x
à partir du
10
Janvier
HENRI VI
Les Gémeaux - Sceaux
L’actualité du théâtre en France
L’actualité du théâtre en France
JANVIER-FÉVRIER 2014
Thomas Jolly
Jolly
Sa version d’Henry VI bouleverse des salles entières. Pourtant, il faut
s’enquiller 13 heures de spectacle et bientôt 18 quand il aura monté l’intégrale
de la pièce cet été à Avignon. Sur scène, aucun gadget, aucune vidéo, juste 21
acteurs qui parcourent presque tout le XVe siècle pendant lequel a vécu ce roi
bienveillant et normal. Thomas Jolly a tout juste 30 ans et fait du théâtre
à l’époque
de Shakespeare.
sallescomme
entières.
Pourtant,
il faut
des
et bientôt 18 quand il aura monté l’intégrale
Théâtral magazine : Monter Henry VI, Français qui se battent les uns contre
scène, aucun
gadget, aucune vidéo,
juste 21
les autres, on a deux mondes sur le
c’est une entreprise titanesque…
Thomas Jolly
: Cela fait trois
ans que aplateau,
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pendant
lequel
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cederoicent personnages.
je suis sur ce projet. C'est un peu Dans la deuxième partie, c’est plus
lly a tout juste
30 ans et fait du théâtre
mon voyage initiatique. J’ai animé dramatique, le conflit se resserre sur
.
un atelier au Théâtre National de un royaume avec la guerre civile en
nous apprend pas,
on voit bien qu’on
pense de moins en
moins et que tout se
crispe.
Regardez
cette année 2013 :
Bretagne sur le théâtre Elisabéthain. Angleterre. Et dans la troisième, il se on entend les gens
C’est là que je me suis passionné réduit à deux familles (la Guerre des dire ouvertement
pour Henry VI. C'est Shakespeare Roses) puis à une seule, celle des leur homophobie,
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les
uns
nous apprend
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jeune
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de Richard
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dedans, du fantastique,
en
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pieux, bienveillant, discernement citoyen. Si on se soupolitique, de la trajuste,
vient bien dans la Grèce antique, on
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tout paisible.
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Dans la deuxième
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polar, de la romance, du
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Regardez
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VI, drait être tordu dans son sur Rue 89, Jean- pas au théâtre.
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Angleterre. Etle XVe
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Shakespeare ne fait pas autre chose.
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Hollande.
éduit à deux1471.
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Je trouve ça très Il écrit Henry VI parce qu’Élisabeth
l'invention de l'imprimerie, de Luther intéressant. Quand on a commencé à Ier a commandé des chroniques hisoses) puis età duune
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pas seulement paisible.
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au théâtre.
Rue 89,
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le théâtre
Pierre
Thi-baudat
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François
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Janvier
- Février 2014
magazineon
26 Théâtral
Il écrit Henry VI parce qu’Élisabeth
Ier a commandé des chroniques his-
@ Guillaume Prié
Le théâtre joyeux
Tout le début du spectacle est joué pas faire de cet objet qu’un produit
face public parce qu'on est dans un culturel. Dans le public, l'organisme
royaume, et je range les acteurs reprend le dessus puisqu'on a faim,
selon un protocole hiérarchique. on a soif, on a sommeil, on a envie
Mais au fur et à mesure je décons- d'aller aux toilettes ; la vie est sollicitruis ce rapport et ça se resserre tée, les gens se rencontrent, se parentre eux. Je mets aussi les acteurs lent, mangent ensemble. Ça crée le
face au public pour créer un peu grand présent du théâtre.
d’empathie. C’est
Pourquoi avoir choisi
une façon de faire
Thomas
Germaine
des gros plans au
pour
jouer
le rôle
J'ai créé un tout
théâtre. On oublie
petit spectacle qui d'Henri VI ?
que le face public se s'appelle H6 au carré et qui C’est un acteur qui a
pratique
depuis est l’intégrale de la pièce la voix meurtrie, cas2000 ans pour des Henri VI en 45 minutes sur sée, quelque chose
raisons vocales et 6 m² avec quatre acteurs.
comme une blessure.
Ce que je trouve très
d’éclairage. C’est
pertinent pour jouer
quand le cinéma est
arrivé que tout d'un coup le théâtre ce rôle, parce qu’Henri VI est un
a placé les acteurs de profil et de dos. bébé de 9 mois lorsqu'il monte sur le
Quand vous aurez monté la der- trône et il ne cessera jamais de dire
nière partie, l’intégrale va durer 18 qu'il ne voulait pas être roi. Et puis
heures. Est-ce une durée raisonna- Thomas a une présence lunaire plus
ble ?
que solaire. Enfin, j'avais besoin d'un
Henri VI est une pièce qui ne se acteur qui passe de 9 mois à 51 ans.
regarde pas mais qui se traverse. La Thomas est aussi dans ce flou là ; à
durée permet de s'extraire et de ne certains moments on dirait qu’il a 20
ans et à d'autres 35.
Comment voyez-vous l'avenir du
théâtre ?
Il faut arrêter de dire qu’aller au
théâtre va de soi pour tout le monde.
Il faut reconquérir le public. J'ai créé
un tout petit spectacle qui s'appelle
H6 au carré et qui est l’intégrale de
la pièce Henri VI en 45 minutes sur 6
m² avec quatre acteurs. On le joue
dans les cours d'école, sur les places
des villages, dans les salles des fêtes,
dans les hôpitaux, en prison… pour
que les gens n’aient pas peur de
pousser la porte d’un gros théâtre. Le
théâtre est fait pour tout le monde.
Propos recueillis par HC
■ Henry VI, de Shakespeare, mise en
scène de Thomas Jolly. Episodes 1 et 2
Les Gémeaux, 49 avenue Georges
Clémenceau 92330 Sceaux, 01 46 61
36 67, du 10 au 22/01
Théâtre de Cornouailles, Quimper,1/02
Nouveau théâtre d’Angers, 8/02
Théâtral magazine
Janvier - Février 2014
27
JANVIER 2014
Les Inrockuptibles / Mercredi 4 décem
4 DÉCEMBRE 2013
27 NOVEMBRE 2013
LES BLOGS
12 NOVEMBRE 2013
Le 12 novembre 2013
13 heures dans les bras de Shakespeare : quelle orgie de
théatre !
Quelle traversée ! Quelle orgie de théâtre ! Quelle audace et
quelle générosité ! Le samedi 9 novembre 2013 restera une date
dans l’histoire du TNB (théâtre national de Bretagne), dans celle
de son festival « Mettre en scène », et dans la vie des spectateurs. Présents depuis le matin dans la grande salle du TNB, ils
en sont sortis éblouis, passé minuit, au terme de cet « Henry VI »,
trois pièces en une de Shakespeare jouées par la compagnie La
Piccola Familia dans la mise en scène de son jeune (né en 1982)
et très talentueux animateur, Thomas Jolly.
Scène de « Henry VI » (Brigitte Enguerand)
Un spectacle hors normes
Que tous les programmateurs de spectacles formatés en prennent de la graine :
sÈ une durée peu ordinaire (un spectacle en trois soirées ou en une intégrale de treize heures, entractes compris) ;
sÈ un metteur en scène peu connu ;
sÈ des acteurs dont le nom ne dit le plus souvent pas grand-chose hormis celui de Geoffrey Carey (familier des spectacles de
Christoph Marthaler) qui n’est cependant pas une star « bancable » ;
sÈ une pièce au très long cours, « Henry VI » l’une des moins connues et ses moins jouées de Shakespeare.
Bref de quoi faire peur, notion habituellement traduite dans une stupide formule : « Ce n’est pas pour mon public. » Foutaises. Le
public est prêt à tout, sa curiosité, son envie sont insatiables. Il est même prêt à rester une journée entière assis dans un fauteuil
(et pour ce qui me concerne, un strapontin, tant la salle était pleine) quand la force infinie du théâtre est au rendez-vous.
Ce samedi-là, au soir de l’intégrale qui se sera déroulée dans une ambiance plus proche d’un concert de rock que d’une soirée
à la Comédie-Française, le public offrit aux acteurs, à toute l’équipe du spectacle et aux techniciens, une standing ovation massive et immédiate qui semblait devoir durer éternellement jusqu’à ce qu’une énième baisser de rideau ne vienne y mettre fin.
Alors il faut ici remercier ceux qui ont veillé sur cette aventure hors norme. Mona Guichard qui au théâtre de Cherbourg a
produit le premier cycle, François le Pillouër, patron du TNB qui a produit le second et sans attendre a fait de Thomas Jolly un
artiste associé à son établissement, et enfin Olivier Py, nouveau directeur du festival d’Avignon où sera créé en juillet prochain le
troisième cycle, ainsi pourra-t-on voir l’ensemble des trois cycles (près de 17 heures de théâtre !) dans un lieu non encore choisi
qui, espérons-le, sera à la mesure de cette aventure démesurée.
Du théâtre tourné vers le public
Thomas Jolly propose un théâtre qui se veut résolument public. Tourné vers le public. En partage. L’histoire des rois anglais est
complexe, une famille ramifiée en deux branches (les York et les Lancastre) qui se disputent la légitimité (la Guerre des deux
roses, blanches et rouges), est au cœur de « Henry VI » et de l’histoire d’Angleterre (Shakespeare écrit en s’inspirant de faits qui
se sont produits un siècle plus tôt). On s’y perd entre les descendants, l’ordre des rejetons et des prétendants au trône. Alors
Thomas Jolly intègre dans sa mise en scène trois séances formidables, utiles et drôles, de tableaux généalogiques où chacun
explique à sa manière la légitimité d’untel.
De même, il ponctue l’aventure par les interventions d’une femme rhapsode, la finaude Manon Thorel, aux interventions écrites
(par elle-même) et improvisées. A chaque reprise après l’un des multiples entractes, elle nous rafraichit la mémoire, nous résume
les épisodes précédents de cette saga en forme de feuilleton, demande si on tient le coup, nous dit qu’on peut dormir si la
fatigue se fait sentir, se moque des idées du metteur en scène, des costumes des acteurs (qu’ils ont réalisés eux-mêmes prétend-t-elle), nous parle d’une scène de ménage que l’on vient de voir et de celle que l’on va voir (les acteurs balayant le plateau),
bref elle met le public de son côté. Sans putasserie aucune, sans cabotinage, avec une complicité et une empathie telles que le
public au bout de deux ou trois fois, attend sa venue et lui fait fête.
Pas de micros HF, des voix qui portent et une machine à jouer
Pas de vidéo, pas de micro HF, les acteurs donnent de la voix (certains manquent encore de métier, de modulation, pas grave,
ils iront se bonifiant en jouant tant et plus), ils se posent le plus souvent face au public pour mieux se faire entendre et comprendre (on verra dans une moment de révolte populaire du peuple de Londres, une actrice passer dos nu avec inscrit au feutre
sur la peau « marre de jouer face public »), toujours un souci constant de compréhension, de plaisir et de contact.
Pas de décors grandiloquents, non plus. Les colonnes du palais ici sont en des fûts en tissus qui se replient comme des lampions, les bateaux et les animaux sont en papier, les épées sont des cannes de minigolf ou des rubans chinois, le sang sortant
des entrailles est lui-même un ruban rouge, et dans cette guerre qui oppose, entre autres, les Anglais aux Français, les chevaux
de ces derniers sont des chaises que l’on chevauche. Le théâtre ici puise dans son enfance, dans l’increvable « on dirait que ».
Et quand la scène se passe à Rouen, Bordeaux ou Londres, une inscription en grandes lettres nous le dit.
Thomas Jolly signe la scénographie, simple, celle d’une machine
à jouer (du Shakespeare), mais pas seulement. Un escalier monté
sur roulettes conduisant au trône, un portique flanqué de portes
sonores, une bande étroite s’avançant au centre vers le public, et
avant le vacillement du pouvoir, un léger praticable au centre de la
scène.
Pas de costumes d’époque non plus. Mais des partis pris (Sylvette Dequest, Marie Bramsen) qui font mouche : les cheveux bleu
pétrole français de Jeanne la pucelle (Flora Diguet) et son harnais
en cuir légèrement SM, la cravate blanche mafioso du duc d’York
(Eric Challier), le costume discret, comme effacé (comme sa
personne) du roi Henry VI (Thomas Germaine), la belle robe rouge
Scène de « Henry VI » (Brigitte Enguerand)
(seul costume qui, volontairement, en jette) de son ambitieuse reine
Marguerite venue de France (Charline Porrone) dans les bagages
de Suffolk personnage aux accents parfois cornéliens (Damien Avice), le costume basique et ample d’homme d’église du gras
cardinal Winchester (Bruno Bayeux) ou celui resserré de Gloucester épousant la maigreur d’ascète de l’acteur (Geoffrey Carey).
21 acteurs à tout faire
Vingt et un acteurs dont le metteur en scène (petit rôle) et sa collaboratrice dramaturgique (Julie-Lerat-Gersant) occupent le
plateau. Presque tous jouent plusieurs des 150 personnages qui traversent cette aventure commençant par les funérailles du
roi Henry V, le couronnement de son fils devenu roi Henry VI à l’âge de neuf ans. Elle se poursuit par les guerres extérieures
et intestines qui déchirent le royaume et s’achèvera avec l’assassinat du roi emprisonné à la Tour de Londres par le futur roi
Richard III. C’est une impressionnante plongée dans le monde du pouvoir, de l’autorité suprême et de sa contestation : procès
en légitimé, luttes d’influences, de clans, ambitions personnelles, et tout ce qui va avec : trahisons, complots, empoisonnements,
assassinats…
Il faudrait encore parler de la traduction de Line Cottegnies (pour l’instant non éditée) et de bien d’autres choses. Rendez-vous
l’été prochain au Festival d’Avignon.
Pour l’instant contentons-nous de célébrer ce théâtre à pleines mains. Il brasse les genres (Thomas Jolly et sa compagne La
Piccola Familia ont flirté aussi bien avec « Photographie » de Lagarce que « Moâ » de Sacha Guitry, Marivaux et Ravenhill). Le
metteur en scène se joue habilement des codes, affronte avec panache les os scéniques (scènes de bataille) et domine les
pièges de la durée avec une précoce maîtrise. Thomas Jolly a un sens et un goût constant du music-hall qui est comme la boite
à rythme du spectacle. Et puis soudain, jaillissent des moments d’envolées visuelles et musicales, éberlués de lyrisme : pluie
noire tournoyant dans le vent, fuseaux lumineux isolant les corps, lanterna magica…
« Une communauté éphémère »
De bout en bout, une croyance éperdue dans les forces du théâtre et son impérieuse nécessité. Thomas Jolly :
« C’est un apaisement d’avoir dans nos cités ces espaces noirs vides et silencieux d’où la création peut jaillir. C’est un
espoir d’y voir se rassembler le public, tous les publics qui constituent le temps d’une représentation une communauté
éphémère. Le théâtre rassemble parce que la culture est un bien commun. En ces temps douteux de division, le théâtre
devient un endroit de résistance et une preuve rassurante de l’intelligence et de discernement citoyen. »
Il parle comme l’ont fait en leur temps, des Vilar, des Planchon, des Vitez, des Chéreau. Ce dernier dans « J’y arriverai un jour »
écrivait ces mots (cités dans le journal du Théâtre National de Strasbourg) que Thomas Jolly doit boire comme du petit lait :
« Il faut travailler dans le doute le plus total en essayant de trouver la réponse : qu’est-ce qui fait qu’à ce moment bien
précis, sur le plateau, le théâtre dit des choses que lui seul peut dire ? Qu’est-ce qui fait qu’il est irréductible à tout autre
art? Qu’est-ce qui fait que l’on continue à demander aux gens de payer pour qu’on leur raconte une histoire et que cela les
intéresse ? »
Installant le théâtre dans le temps d’une représentation hors norme les jours
d’intégrale, ou une série courant de soir en soir comme un feuilleton, Thomas Jolly
entraîne les spectateurs dans une connivence collective.
La troupe unie, raconte à un public qui fait bloc l’histoire d’un monde qui se délite,
d’une société qui ignore le mot solidarité (hormis celle, ponctuelle, des intérêts partagés) et se vautre dans les méfaits de l’individualisme et de son avatar le chacun
pour soi où tous les coups sont permis pourvu que l’on gagne. On y voit non le
triomphe des idées, mais du plus malin, du plus sanguinaire, des prêts à tout pour
conquérir le pouvoir pour le pouvoir même.
Scène de « Henry VI » (Brigitte Enguerand)
De Henry VI à François Hollande
Ah comme les ombres de nos pitoyables ou pathétiques politiciens se dressent ici et là dans le sillage de ces personnages et
de ces histoires vieilles de plusieurs siècles. Et comment ne pas penser à François Hollande derrière l’indécis, le noueux roi
Henri VI qui voudrait bien faire mais reste le plus souvent paralysé ou bien agit à contre temps, un souverain isolé dans son
palaisqui ne sait trop comment contrôler une cour où les prétendants se ramassent à la pelle et jouent des coudes, qui ne sait
comment prendre de la hauteur et faire preuve de détermination face à des ennemis carnassiers, manipulateurs et voraces euxmêmes prêts à s’étriper entre eux comme dans « Henry VI ».
Ce sous texte les « scolaires » qui étaient là au matin de l’intégrale samedi dernier ne s’en souciaient guère. Certains venaient
peut-être au théâtre pour la première fois. Le TNB avait bien fait les choses : il leur avait réservé les meilleures places. Les invités
de marque c’étaient eux. Certains ne devaient voir que la première partie (3h30), la plus solaire, la plus drôle (après la tragédie
et la boucherie prennent le dessus) mais ils n’avaient pas envie de partir. Dans la salle comme sur la scène, la relève est là.
Triomphante.
J.-P. Thibaudat
12 NOVEMBRE 2013
Les folles journEes de Rennes
La Bretagne n’est pas que celle des bonnets rouges…mais aussi celle de «Mettre en scène » l’un
des plus vivaces festivals de création d’aujourd’hui.
Le théâtre est vieux? Allons donc. Une majorité de jeunes ,parmi mille spectateurs, sont les fans
absolus des treize heures du brillant et décoiffant «Henry VI» de Shakespeare vu par le non moins
jeune Thomas Jolly: une révélation. Quant au nouvel opus du Théâtre du Radeau et de François
Tanguy, «Passim», c’est une splendeur. Vous doutez du théâtre? Allez à «Mettre en scène». Et
comme si peu d' histoires- et encore plus aujourd'hui qu'hier- donnent un peu d'espoir en ces
temps poisseux, et surtout si personne n'en parle, on vous raconte quelques éclats de ce festival. Il
se déroule à Rennes, Quimper, Lannion, Vannes, Brest, Saint-Brieuc, Lorient , jusqu’au 30
novembre.
Dix-sept ans, c'est l'âge de la jeunesse, il va bien à « Mettre en scène », Rencontres Internationales
de metteurs en scène et chorégraphes. A l’origine, comme toujours quand les choses marchent, il y
a un homme, un « patron » comme dirait Louis Jouvet, en l’occurrence un grand producteur et
passeur, un "incubateur" de talents comme on dit aujourd'hui, un indocile souteneur à
l'ancienne: le directeur du Théâtre National de Bretagne, François Le Pillouer. On a passé une
journée et un soir à Rennes. Impressions rapides sur deux grands spectacles, avec le soutien des
photographies de Brigitte Enguerrand, une artiste du théâtre, un grand témoin à sa façon, et sa
juste place.
«Henry VI» comme il nous plait Entre chaque acte, une adorable comédienne en robe bleue s’adresse à son cher public avec des
mots très shakespeariens de son cru, pour faire un bref résumé des épisodes précédents, ou parler
des improvisations géniales des acteurs que le metteur en scène n’a pas retenues, ou prévenir les
âmes sensibles de fermer les yeux pendant quelques scènes de massacre et d’horreur, car «Henri
VI », la trilogie historique de Shakespeare n’en manque pas. On arrive en cours de route : la salle
l’accueille et l’ovationne, c’est peu dire. Premier point : Thomas Jolly et sa bande savent s’adresser
au public, le tenir en haleine, en toute complicité, sans démagogie ni violence choc.
C'est parti pour la guerre des Deux Roses, entre les Lancastre et des York. Voici un feuilleton
hallucinant de vie, d’humour, de rage où vingt et un acteurs totalement débridés changent de rôle,
s’amusent, se font peur, et nous aussi, vêtus d’horipeaux de théâtre élisabéthain à trois francs six
sous, et avec un talent fou, même si, treize heures plus tard ( on en a vu quatre) la fatigue se fait un
peu sentir, mais dans les voix seulement. La salle est en surchauffe, ravie, en redemande.
Pour la forme, cela tient de « Harry Potter » , «Stars Wars», du théâtre d’ombres ou de bateleurs, du
gros plan intime et du plan large épique. Le sang gicle sur les rideaux de plastique blanc derrière
lesquels les déchainent les émeutes populaires menées par Jack Cade, vraie dégaine de pop star. Et
puis nous voici dans la chambre du duc d’ York, avec papier peint so british où son cadet va se faire
saigner sans pitié. Ne voir en Henri VI, l’indécis aucune allusion directe à un président
d’aujourd’hui, et pourtant, on y pense, mais pas le temps de s’arrêter, les scènes s’enchainent sans
merci. On est loin du théâtre en pantoufles, ou genre académique si souvent en vigueur.
Thomas Jolly, retenez ce nom : ce metteur en scène a été élève à l’Ecole du TNB. Il a fondé sa
compagnie bien nommée « la Piccola Familia». Hommage ou souvenir du "Piccolo teatro" de Giorgio
Strelher? Il a déjà présenté à "Mettre en scène", éditions précédentes, un autre spectacle qui ne
nous avait pas sidéré. Le Pillouer lui a donné le temps de murir, il l'a accompagné, et il a non
seulement les moyens, surtout la conviction pour ce faire.
La machinerie du théâtre, les entrées , les sorties, l’énergie des acteurs, en solos ou en scènes
chorales, l’art des lumières, on se demande bien ce que Thomas Jolly ne maîtrise pas. Surtout, son
théâtre a une fougue formidable, il sait raconter une histoire, ce gars là. Son "Henry VI" , une
histoire de bruit, de fureur et de joie du théâtre s'annonce au prochain Festival d'Avignon. Ce « Henri VI » sera joué en intégrale au prochain Festival d’Avignon, et il est d’ici là en tournée au
Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon (14 et 15 déc), aux Gémeaux à Sceaux (du 10 au 22 janvier),
puis à Quimper et Nantes.
Odile Quirot
8 NOVEMBRE 2013
21 FÉVRIER 2013
JANVIER-FÉVRIER 2013
Janvier 2013
Henry VI – cycle 1 / de William Shakespeare / mes Thomas Jolly
ENTRETIEN THOMAS JOLLY
Une aventure enthousiaste et bouillonnante
La Piccola Familia présente Henry VI – cycle 1,
adapté de la première moitié du triptyque
shakespearien consacré à la geste royale des
derniers Plantagenêt.
Vous dites espérer monter le second cycle. Quels
sont les obstacles que rencontre un tel projet ?
T. J. : Un projet comme celui-là, dans une
période où les politiques ne font pas le pari de la
culture, demeure une drôle d’idée. Pourtant, ce
projet démontre que le public, quels que soient
son âge et son bagage culturel, répond présent à
ce type d’œuvre, par goût de l’aventure et de
l’épique, et parce qu’il permet, pendant huit
heures, de créer une communauté éphémère. A
la fin du spectacle, le public s’applaudit aussi
de ce temps de communauté, qui reste un
besoin, et qu’on appelle l’être ensemble. Et pour
appâter le public, nous avons créé H6m2. C’est
le petit frère moqueur et ludique d’Henry VI. Vu
en amont du grand, il a un effet teaser,
désamorce l’appréhension de la durée et fait
venir les spectateurs, qui auraient peur de
rentrer dans un théâtre ; un peu comme à la
Renaissance, on parodiait les spectacles des
salles de théâtre sur les places et les marchés.
« Shakespeare est trÈs malin : son Écriture
est une mÉcanique d’Éducation du public. »
Crédit photo : Guillaume Prié
Que présente cette vaste fresque de huit
heures ?
Thomas Jolly : Henry VI, c’est trois pièces. On a
monté l’intégralité de la première et la moitié de
la deuxième, un peu comme la saison 1 d’un
ensemble plus vaste. Nous jouons le premier
cycle à l’Onde et espérons pouvoir créer le
second pour la saison 2013-2014. Je me suis
arrêté au milieu de la deuxième pièce, car
Shakespeare fait disparaître, à ce moment-là,
tous les personnages de l’ancien monde, celui
du règne d’Henry V : il ne reste rien des valeurs
du Moyen Age finissant. Les intérêts personnels
passent désormais avant l’intérêt commun,
l’esprit de la chevalerie et l’idée d’une justice
liée au divin, disparaissent au profit d’une
individualisation liée à l’invention du moi et à
l’entrée dans la modernité, matrice de notre
époque. Tous les anciens ont été assassinés ou
écartés du pouvoir et Henry VI se retrouve au
milieu des jeunes loups voraces, qui remettent
en question sa légitimité. S’amorce la guerre des
Deux-Roses, qui sera le cœur du second cycle.
Comment vous emparez-vous d’une telle œuvre ?
T. J. : La chose qui m’a semblée primordiale,
c’est le souci de lisibilité et de clarté, en
utilisant un vocabulaire et des codes qui
deviennent autant de conventions avec le public
et permettent de développer l’histoire.
Shakespeare est très malin : son écriture est une
mécanique d’éducation du public. Il fait entrer
dans son histoire par le rire, et, peu à peu,
pousse le public vers une forme plus exigeante,
celle de la tragédie. Je démarre avec des
couleurs, des musiques, des matériaux très
chauds, pour aller progressivement vers des
choses plus électroniques, plus froides, plus
technologiques, comme en un lent basculement
d’un monde ancien vers un monde nouveau, qui
ressemble à celui d’aujourd’hui, un monde qui
progresse et se déshumanise à la fois.
Propos recueillis par Catherine Robert
14 FÉvrier 2012
3 FÉVRIER 2012
17 JANVIER 2012
JANVIER 2012
En long, en large et en tragique
Christian Esnay revisite Euripide et Thomas Jolly et la Piccola Familia, Henry VI
Une pièce devient-elle forcément ennuyeuse au-delà de 2h de temps ? Christian Esnay, Thomas
Jolly et la Piccola Familia prennent le pari de l’inverse. En reprenant Euripide pour le premier et
Henry VI de Shakespeare pour les seconds, ils créent la tragédie en épisodes. Synopsis, juste
avant la saison 1 de ces séries théâtrales. Attention, vous n'avez actuellement pas accès à
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Face à l’inéluctable formatage que conduit l’obsession du taux de remplissage des salles, il peut
paraître fou de se lancer aujourd’hui dans des spectacles au très long cours si on ne s’appelle pas
Mouawad ou Py. Deux «irresponsables » ont rencontré dans leur projet la frilosité des
programmateurs mais aussi l’audacieux soutien d’irréductibles lieux. A Chatillon, Christian Esnay
inaugure le 21 janvier une tétralogie d’Euripide visible par épisodes ou dans son intégralité. Sur
le même principe, Thomas Jolly et la Piccola Familia créent à Cherbourg, dans le cadre de la
réouverture du théâtre à l’italienne, un premier épisode d’Henry VI, de deux parties d’environ
quatre heures, en vue de monter sur les trois prochaines années l’ensemble de cette pièce fleuve
de Shakespeare.
Shakespeare l’historien
Même vent de révolte chez Henry VI. « Henry est cet enfant qui a raison des adultes/Henry est
l’intelligence qui devra triompher de la bêtise/Henry est la lumière qui devra résorber l’ombre/
Henry est l’audace qui devra combattre le découragement » commente Thomas Jolly à propos de
son projet. Avec la Piccola Familia, compagnie aux allures de collectif, ce jeune metteur en scène
formé au TNB avait séduit avec un très réussi Toâ, reprise d’une pièce tardive et très peu montée
de Sacha Guitry dans laquelle il combinait parfaitement humour et profondeur, ressorts
traditionnels et modernité théâtrale. C’est en cherchant à nouveau parmi les textes peu connus de
célèbres auteurs que la compagnie avance cette nouvelle création. Henry VI regroupe trois pièces
de William Shakespeare. 15 actes, 12000 vers, 150 personnages pour retracer 50 ans d’Histoire,
racontant le règne de cet enfant proclamé roi d'Angleterre à l'âge de 9 mois, au milieu d'une
guerre si longue que pour la nommer l'on dit - en se trompant - qu'elle a duré cent ans. Un projet
pharaonique qui devrait se développer sur trois ans et s’inscrit parfaitement dans la ligne de cette
compagnie qui s’empare du plateau comme d’un terrain de jeu pour transformer chaque texte en
outil de jubilation théâtrale.
Eric Demey
27 SEPTEMBRE 2011
17 SEPTEMBRE 2010
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