FINANCES La crise financière et économique: quels effets sur les finances communales? 2 partie e Olivier Dubois Conseiller Union des Villes et Communes de Wallonie Dans le numéro précédent de notre revue, nous avons détaillé les effets de la forte poussée inflationniste sur les recettes et dépenses des communes. Notre réflexion se prolonge ce moisci en abordant les effets de la crise bancaire ainsi que son impact sur l’état de l’économie réelle sur ces mêmes équilibres financiers du secteur local. L’occasion pour nous de revenir sur ce qui restera sans conteste l’une des périodes les plus chaotiques qu’aura connu l’économie mondiale depuis près de 80 ans. 54 Mouvement communal • 02/2009 La crise de l’environnement macroéconomique mondial La situation économique générale montre, dès le premier semestre 2007, des signes d’essoufflements qui vont peu à peu se traduire par un mouvement de crise sans précédent. L’impact est tel qu’il est régulièrement fait appel à la situation de 1929 et de la décennie qui a suivi pour en appréhender l’ampleur. Globalement, la déprise s’est déroulée en deux temps. Dans un premier temps, elle touche presque exclusivement le secteur bancaire et financier. Le mouvement débute durant l’été 2007 et la déprise s’est faite par paliers successifs. Des effets concrets en termes de recomposition du paysage des banques et assurances sont apparus, à la sortie de l’été 2008, aux Etats-Unis, d’abord, partout dans le monde, ensuite. L’origine du phénomène est due principalement au retournement des conditions de solvabilité des ménages américains ayant contracté, à partir de 2001-2002, des prêts hypothécaires à la limite de leurs moyens financiers (les subprimes, qui représentent 30 % du marché des crédits US en 2006, contre moins de 10 % en 2003). Nous pouvons synthétiser les mécanismes ayant conduit à la situation actuelle de la manière suivante. Entre 2003 et 2006, de nombreux prêts ont été octroyés aux Etats-Unis à des ménages à la limite de la solvabilité, sur base de taux variables, et durant une période où les taux étaient historiquement très bas. S’ajoutent à cela des formules particulières de remboursement des créances et de "recharge" de nouveaux crédits sur base de la croissance de la valeur de l’immobilier. La remontée des taux, liée notamment à la lutte contre l’inflation, provoque FINANCES La chute des cours de bourse des institutions bancaires doit être liée aux interrogations sur la survie même des différentes institutions et, dans une moindre mesure, aux bénéfices escomptés. En effet, la méfiance sur le marché interbancaire provoque une hausse des taux d’intérêts, de sorte que les taux à court terme (des montants empruntés) dépassent les taux à long terme (des prêts consentis), provoquant ainsi la fonte des bénéfices, voire des pertes financières. Vu le poids des capitalisations bancaires au sein des indices boursiers, c’est l’ensemble des valeurs de référence qui s’effondre. A l'heure actuelle, l'importance de la chute (- 50 % environ pour les 500 plus importantes entreprises US) est d'ampleur similaire à celle ayant frappé les économies entre 2000 et 2002, même si, à l’époque, la structure de la crise était très différente (les entreprises technologiques étaient les principales concernées). Voir graphique 1. Durant l'été 2008, les autres secteurs de l’économie sont encore peu affectés par la crise bancaire. Ainsi l’indice relatif aux entreprises des secteurs des biens et services industriels maintient encore, à l’entrée de l’été 2008, les niveaux enregistrés un an auparavant. Ce n’est qu’à partir de juillet 2008 que l’ensemble de l’économie mondiale entre dans une déprise importante. Celle-ci s’explique par différents facteurs (raréfaction du crédit, nécessaire au développement des entreprises, dès lors dans l’impossibilité de récupérer leurs créances, d’autant que la saisie massive de biens immobiliers contribue à la chute des valeurs. La crise s’est peu à peu étendue, depuis les établissements de crédits, à l’ensemble du système bancaire, car, par le biais de produits financiers très complexes (notamment la titrisation), la santé de l’ensemble des banques était dès lors partiellement liée au devenir des crédits subprimes. la hausse des charges de ces ménages et la chute de la valeur de leur bien immobilier. Les banques se trouvent Concrètement, la propagation s’est essentiellement faite par deux biais: directement, via les défauts de paiements des ménages ayant contracté ces subprimes et, indirectement, via le crédit inter-banques. En effet, de nombreuses institutions ont recours aux prêts inter-banques afin d’honorer leurs dettes à court terme. Face à la complexité de la situation, de nombreux émetteurs de crédits se sont montrés méfiants à l’égard de toute demande de crédit, s’interrogeant sur la capacité, pour l’emprunteuse, d’honorer ses engagements. S'est ainsi installé un climat de méfiance généralisé où, dans un marché très nerveux, la moindre rumeur concernant la situation d'une institution conduisait au gel des prêts entre banques. Privées ainsi de liquidités, de nombreuses institutions se sont trouvées en défaut de paiement. L’injection massive de liquidités dans le système financier international vise à lutter contre ce phénomène. Graphique 1: évolution depuis l’été 2007 des indices boursiers d’un panel d’entreprises mondiales ventilés suivant différents secteurs (1er juin 2007 = 100) 120 100 80 60 40 Global Secteur financier Biens et services industriels 20 8 -08 01-d éc ov-0 01-n 8 01-o ct-0 8 8 8 p-0 01-s e 01-a oû0 il-0 01-j u 01-j uin08 8 01-m ai-0 r-08 01-a v -08 01-m ars08 01-f év -08 01-j an 01-d éc-0 7 v-07 01-n o ct-0 7 01-o 07 p-07 01-s e out01-j a 01-j uil07 01-j u in-0 7 0 Source: STOXX. com, graphique: UVCW 55 Mouvement communal • 02/2009 FINANCES baisse du pouvoir d’achat des petits actionnaires, installation d’un climat de méfiance, peu propice aux investissements, …). caires et est donc directement frappée par la crise actuelle. Elle est à l’origine d’une perte de confiance envers la banque. vement la valeur des participations, les dividendes et le crédit. L’ampleur de la crise semble surprendre les analystes financiers, qui revoient plusieurs fois leurs prévisions de croissance à la baisse pour 2009, pour aboutir à pronostiquer une récession économique généralisée. - Contrairement à la situation belge, où la banque de détail fournit une partie des liquidités pour alimenter les lignes de crédit accordées, le volet français de Dexia repose moins sur ce type de financement (on ne trouve pas de réseau d'agences Dexia en France). En conséquence, Dexia est un acteur financier ayant un recours important aux prêts interbancaires pour alimenter son crédit. Le frein très net observé sur ce type de financement à court terme frappe donc plus durement Dexia que la moyenne des banques, ce qui explique en grande partie l’acuité de ses difficultés au niveau des liquidités. En principe, les communes ne peuvent effectuer des placements et disposer de participations directes dans l’actionnariat d’entreprises privées cotées en bourse que si le capital est garanti. Face au constat de la dégradation de la situation économique, la plupart des gouvernements des pays industrialisés se sont lancés dans une politique keynésienne d’investissements (provoquant des déficits publics, parfois importants) dans le but de relancer la machine économique. Ils ont également utilisé différents leviers pour soutenir l’offre de crédit aux entreprises. Le cas de la banque Dexia La banque Dexia, issue de la fusion et de la privatisation du Crédit communal de Belgique et du Crédit local de France, occupe une position particulière pour les communes de notre pays. C’est en effet le seul opérateur financier dont les communes sont, en partie, propriétaires. Son histoire et la place qu’elle occupe encore aujourd'hui sur le marché du crédit aux collectivités locales en fait également un interlocuteur incontournable du secteur public local. En tendance lourde, l’évolution de l’action de la banque Dexia s’inscrit dans celle de l’ensemble du secteur banquier: un sommet atteint durant l’été 2007 et une forte dégradation depuis une année environ. Fin septembre 2008 toutefois, concomitamment à Fortis, la banque voit le cours de son action chuter fortement et sa position se dégrader de manière inquiétante, obligeant les Etats français, belge et luxembourgeois à intervenir pour recapitaliser l’institution financière. Il semble que deux éléments majeurs soient à l’origine de la situation particulièrement délicate de Dexia: - Dexia possède, au départ de sa filiale française, une société de rehaussement de crédits aux Etats-Unis (FSA). Cette société est notamment active dans l’assurance de prêts hypothé1 On soulignera l'importance du secteur énergétique. 56 Mouvement communal • 02/2009 Sur base de ces éléments, fin septembre 2008, une perte de confiance en l’opérateur s’est installée sur les marchés, entraînant la chute des cours de l’action et l'intervention des pouvoirs publics. Evolution du secteur financier et finances communales Quels peuvent être les différents impacts de la crise du secteur financier sur les communes wallonnes? Afin de répondre à cette question, nous allons passer en revue les trois grandes relations qui lient les communes au secteur financier, soit successi- Les participations Cette restriction découle directement du règlement général de comptabilité communale qui précise, article 30, que "les placements ne peuvent être réalisés qu’auprès d’institutions financières… à la condition expresse de prévoir une garantie de remboursement de capital placé". Cette précaution a été annuellement rappelée par le Ministre des Affaires intérieures dans la circulaire budgétaire. Pour des raisons historiques, les communes disposent toutefois indirectement de parts dans certaines entreprises cotées. Cela se fait par le biais de structures intermédiaires, généralement des holdings, parfois via les intercommunales de financement ou certaines sociétés comme Publi-T. Ainsi, on peut relever que les communes belges disposent de parts dans Dexia (via le Holding communal), dans ELIA, dans Suez/GDF, dans Distrigaz ou encore dans Fluxys1. L’ensemble de ces participations subit la crise actuelle des valeurs boursières comme le prouve le tableau suivant, offrant une synthèse des principales évolutions des actions des sociétés au sein desquelles les communes belges disposent de parts. La participation des communes wallonnes dans des entreprises cotées en Bourse Entreprise Evolution de la bourse depuis le 1er janvier 2008 DEXIA - 61 % ELIA - 20 % SUEZ/GDF - 40 % DISTRIGAZ + 20 % mais chute récente FLUXYS - 22 % avec forte chute récente Importance de la participation et des dividendes des communes wallonnes +/- 4,5 %, dividendes estimés: 23,4 millions d’euros de recettes en 2007 Estimée à 5,50 %, dividendes estimés: 2,6 millions d’euros en 2007 Estimée à 4,33 %, dividendes estimés: 5,7 millions d’euros en 2007 Estimée à 6,25 %, dividendes estimés: 2,6 millions d’euros en 2007 Suez/GDF et Distrigaz sont considérés comme des secteurs risqués et les communes s’en retirent progressivement. Elles tentent par contre de monter dans l’actionnariat d’ELIA et de Fluxys, secteurs réglementés dont les résultats sont considérés comme plus sûrs. En ce qui concerne Distrigaz, il s'agit du poids constaté avant les récentes décisions en matière d'actionnariat dans cette société. FINANCES - dividendes des participations dans les intercommunales énergétiques: 143 millions d’euros (55 %, soit 3,3 % des recettes ordinaires totales); - dividendes des participations dans Dexia via le Holding communal et directement adossées à Dexia via le système des certificats4: 35 millions d’euros (13 %, soit 0,8 % des recettes ordinaires totales); - autres dividendes (participations dans d’autres secteurs comme la télédistribution, rendements des placements à terme, certificats de trésorerie, intérêts des comptes courants et autres intérêts, remboursement des emprunts consentis par la commune, etc.): 82 millions d’euros (32 %, soit 1,9 % des recettes ordinaires totales). La plupart de ces postes de recettes de dette subissent des pressions à la baisse. Ainsi, rappelons que la libéralisation du secteur énergétique n'est pas sans incidence sur les dividendes perçus par les communes. En ce qui concerne les dividendes perçus par les communes, tant au travers du Holding communal que directement au départ de Dexia, leur devenir fait l'objet de nombreuses inquiétudes. Globalement, il convient de distinguer deux mécanismes. L’incidence financière première est une détérioration de la valeur du patrimoine détenu par les communes. Ainsi, on peut estimer la chute de l'action Dexia entre juillet 2007 et octobre 2008 à environ 3,8 milliards d'euros pour les pouvoirs locaux belges2 (au niveau wallon, cela représente environ 1,2 milliard d’euros). Il n’y a toutefois pas d’incidence directe sur le résultat courant tant que les communes ne vendent pas les parts qu’elles détiennent dans ces structures. Si tel était le cas, les recettes qui viendraient gonfler le résultat des communes seraient bien moindres que ce qu’elles pouvaient en espérer il y a encore quelques mois. Les communes belges possèdent également de nombreuses participations dans des entreprises non cotées. C’est notamment le cas des intercommunales actives dans divers secteurs3. On signalera à leur propos que, le cas du secteur énergétique mis à part, ces participations sont sources de revenus peu importantes pour les communes. Les dividendes Les différentes participations, certificats et placements des communes rapportent des dividendes. Ceux-ci sont repris, en comptabilité communale, au sein des recettes de dette. En ce qui concerne les communes de la Région wallonne, ces recettes représentent environ 260 millions d’euros, soit quelque 6 % des recettes ordinaires totales (chiffres 2007). De manière synthétique, on peut estimer que ces 260 millions d’euros se répartissent de la manière suivante: Une évolution structurelle liée à la dilution de la part détenue par le Holding dans Dexia suite à l'entrée des Etats belge, français et luxembourgeois dans le capital de la banque. Le Holding, en glissant d'une importance de 16,5 % à 14 % du capital environ, voit, à volume de dividendes égal, ses revenus issus de Dexia se réduire de 15 %. Un choc conjoncturel, conséquence directe de la crise actuelle du secteur financier. Celui-ci devrait durer au minimum durant deux exercices. 2 Estimation sur base du nombre d’actions Dexia détenues par le Holding communal en comparant une action cotée à 25 euros et 5 euros. 3 Pour un aperçu, v. notamment, Les entreprises publiques locales, mai 2008, Dexia, p. 38. 4 Afin de permettre aux communes qui le souhaitent de vendre leurs participations dans le Holding communal, une partie de leurs participations (environ 20 %) ont été converties en certificats, négociables entre communes (mais donnant lieu à peu de transactions) et dont les dividendes sont directement liés aux bénéfices reversés par Dexia (et non à ceux distribués par le Holding communal). 57 Mouvement communal • 02/2009 FINANCES En effet, au niveau du Holding, il convient de distinguer le résultat comptable du transfert des liquidités. Du point de vue comptable, en 2009, les dividendes du Holding communal versés aux communes, seront la conséquence du résultat du consortium pour l'exercice 2008, lui-même directement lié aux activités des sociétés dont il détient des actions pour l'année 2007. Toutefois, le Holding communal utilise, afin d'honorer ses engagements en termes de liquidités, les dividendes que lui-même perçoit en fonction des résultats enregistrés par les différentes sociétés durant l'exercice précédent. Ainsi, la crise actuelle devrait peser sur les dividendes versés par le Holding en 2009 en raison de probables difficultés de liquidités et encore en 2010 en raison d'un résultat comptable 2009 affecté par la crise qui a frappé le secteur bancaire en 2008. On notera encore qu'aucun chiffre n'est actuellement disponible sur l'importance de la contraction des dividendes. Celle-ci dépend en effet des résultats définitifs pour 2008 et de la politique qui sera menée à l'égard des actionnaires, tant au niveau de Dexia que du Holding communal. On notera également que les événements récents prouvent toute la pertinence de la stratégie de diversification menée par le Holding communal ces dernières années (les dividendes Dexia représentent, en 2008, environ 70 % des résultats du Holding). Cette politique devrait être poursuivie, une fois le choc actuel absorbé. A plus long terme, enfin, on s'interrogera sur la possibilité, pour le secteur bancaire, de proposer encore des croissances importantes de leurs dividendes. Une politique plus prudente, leçon à tirer de la crise actuelle, devrait en effet empêcher de retrouver les croissances de 10 % à 15 % rencontrées depuis 2000, tout en garantissant une plus grande solidité et une meilleure stabilité aux activités des banques. Les crédits Le devenir actuel du secteur financier aura (et a déjà) également un impact marqué sur la politique des institutions financières en matière de crédit. Trois éléments permettent à notre sens de la définir: la disponibilité du crédit, les conditions d’octroi et les taux d’intérêts pratiqués. La disponibilité du crédit fait directement appel à la capacité qu'a l'institution financière à libérer des crédits, indépendamment de sa politique individuelle de sélection des dossiers qui lui sont soumis. On a déjà signalé que la crise actuelle du secteur financier est principalement une crise des liquidités. Celle-ci pourrait amener (et amène déjà) certaines institutions à stopper ou limiter temporairement l'octroi de crédits. Le crédit aux pouvoirs locaux étant une activité prioritaire de Dexia, les moyens disponibles leur seront vraisemblablement attribués prioritairement. Ainsi, il apparaît que les lignes de crédits sont réservées à chaque début d'exercice et sont par conséquent garanties en ce qui concerne la banque franco-belge. Il ne semble donc pas que les inquiétudes doivent être trop grandes à cet égard. Au niveau des autres institutions financières, seule ING semble disposer de parts de marché importantes au niveau des communes. On suivra donc l’actualité de la banque néerlandaise avec beaucoup d’attention. Les conditions d'octroi font référence à la sévérité avec laquelle la banque analyse chaque demande de crédit et y répond (ou n'y répond pas) favorablement. Les largesses dans l'octroi des crédits dans le passé récent et la crise des liquidités ont logiquement conduit à se montrer plus sévère sur la libération des crédits. Dès lors, un nombre croissant d'entreprises se plaignent d'un accès restreint aux financements, freinant leur expansion ou remettant en cause leur existence même. Les communes risquent-elles d'être confrontées à ce problème? 5 Dans les systèmes de contrôles qui analysent notamment la disponibilité de fonds propres pour financer les crédits, les prêts aux pouvoirs publics bénéficient d’une pondération avantageuse: par rapport aux crédits octroyés aux ménages ou aux particuliers, celui octroyé aux collectivités locales doit être couvert 5 fois moins sur fonds propres. 58 Mouvement communal • 02/2009 De par leur position privilégiée, il semble que les pouvoirs publics - dont on imagine difficilement qu'ils soient déclarés insolvables - présentent de très fortes garanties quant à leur capacité “ Il s'agit de l'une des périodes les plus chaotiques depuis près de 80 ans ” à assumer les charges des emprunts5. S'ajoutent à cela les contrôles de la tutelle en matière de budgets et d'investissements qui constituent autant d’assurances supplémentaires pour l’institution financière prêteuse. Aussi, à l'instar des Etats qui trouvent, facilement et à conditions avantageuses, des liquidités, les communes ne devraient pas souffrir de la crise actuelle en ce qui concerne l'accès au crédit. Enfin, les taux d'intérêts pratiqués constituent le dernier élément de définition de la question du crédit. La hausse des taux des prêts interbancaires, les frais supplémentaires liés notamment aux garanties octroyées par les pouvoirs publics, ainsi que la réduction des gains que se procuraient les banques par le biais de placements - obligeant à chercher ailleurs les sources de bénéfices - poussent les taux vers le haut. On peut ainsi estimer que les marges très faibles constatées précédemment (moins de 10 points de base pour certains crédits accordés aux communes) ont aujourd'hui laissé place à des marges beaucoup plus importantes (90 à 100 points de base est devenu pratique courante). Toutefois, à l'inverse, les baisses successives des taux directeurs par les banques centrales (instrument utilisé pour relancer l'activité économique via un accès moins onéreux au crédit) tirent les taux pratiqués vers le bas. Le graphique repris ci-contre illustre en fait la neutralisation de ces deux mouvements. Les différentes courbes rappellent toutefois que les taux d'avant la crise de l'automne 2008 avaient déjà remonté de 1,5 % à 2 % depuis début 2006. FINANCES Graphique 2: taux d'intérêt appliqués par les établissements de crédit belges sur les nouveaux crédits aux sociétés non financières (moyennes mensuelles) 10 Taux d'intérêt 8 6 4 Découvert bancaire Autres crédits d'un montant inférieur ou égal à 1 millions d'euros avec fixation initiale du taux d'une durée supérieure à 5 ans 2 Autres crédits d'un montant supérieur à 1 millions d'euros avec taux variable et fixation initiale du taux d'une durée inférieure à 1 an 200 6-01 200 6-0 2 200 6-0 3 200 6-0 4 200 6-0 5 200 6-0 6 200 6-07 200 6-0 8 200 6-0 9 200 6-10 200 6-11 200 6-1 2 200 7-01 200 7-0 2 200 7-0 3 200 7-0 4 200 7-0 5 200 7-0 6 200 7-07 200 7-0 8 200 7-0 8 200 7-0 9 200 7-10 200 7-11 200 7-1 2 200 8-01 200 8-0 2 200 8-0 3 200 8-0 4 200 8-0 5 200 8-0 6 200 8-07 200 8-0 8 200 8-0 9 200 8-10 200 8-11 0 Source: BNB En conclusion, il ne semble pas, qu'en ce qui concerne le crédit, la disponibilité des liquidités et même les conditions d'octroi seront particulièrement resserrées en ce qui concerne les communes, leur statut privilégié d'organisme public jouant en leur faveur. Dans l'état actuel, il apparaît qu'il ne faut pas s'attendre, à court terme, à un renchérissement du crédit, d'ailleurs déjà entamé depuis fin 2005. A moyen et long termes, la situation est très incertaine. On peut ainsi se demander si un relèvement des taux directeurs de la BCE (une fois l'activité relancée) ne va pas se traduire par une hausse réelle des taux dans le cas où, tirant les leçons de la crise, les banques décident de revenir vers leurs activités premières et faire de l'octroi de crédits une source de rentrées plus importante. Remarquons enfin que dans la réalité, il faut tenir compte du fait que la hausse des taux n'influence pas directement la totalité de l'encours, mais uniquement les nouveaux emprunts contractés, ainsi que la partie des emprunts qui sont soumis à une révision des taux au cours de l'année. Ce pourcentage de la dette varie fortement d'une commune à l'autre en fonction du type d'emprunt contracté (taux fixe, révision quinquennale, triennale, annuelle) et des éventuelles couvertures contractées par rapport à une hausse des taux. L'évolution de l'activité économique globale et finances communales Outre les aspects purement financiers développés dans le point précédent, il convient également de s’interroger sur les liens existants entre la position budgétaire des communes et l’évolution de l’environnement socio-économique. Certes, de tout temps, les gouvernements de la plupart des pays occidentaux ont mis en place des systèmes par lesquels les collectivités locales étaient moins soumises aux aléas de l’environnement économique général. C’est notamment une lecture possible de la délocalisation de l’impôt foncier - moins dépendant des performances économiques générales - dans de nombreux pays. Il est ainsi aujourd'hui certain que les recettes de l'Etat, très liées à la conjoncture par le biais de l'ISOC et de la TVA notamment, subiront beaucoup plus que les administrations locales les effets d'un ralentissement économique. Il n’en reste pas moins qu’une certaine sensibilité des communes à l'égard du contexte socio-économique existe. Ainsi, au niveau belge, il est certain que, indirectement, l’état de la croissance économique influence les recettes fiscales liées à l’impôt des personnes physiques ou certaines taxes locales. Aspects qualitatifs Principalement, nous avons identifié les influences suivantes entre les recettes et dépenses des communes et la situation socio-économique du pays. Au niveau des recettes, certaines recettes de prestation peuvent être liées à la capacité contributive des ménages. Le mouvement reste toutefois très certainement marginal. Le lien qui unit la croissance économique et les recettes fiscales est plus évident. Au niveau des recettes additionnelles à l'IPP, le rendement de l'impôt est directement lié au volume des revenus déclarés par les ménages. En période de moindre conjoncture, l'augmentation des personnes sans-emplois, voire, dans une moindre mesure, les mouvements de modération salariale, sont de nature à freiner la progression du produit de l'impôt. On remarquera cependant que par le truchement du système de précompte et d'enrôlement, il s'écoule environ deux ans entre l'effet d'un contexte socio-économique changeant et son impact sur les recettes communales. Le lien qui lie la croissance économique et les recettes additionnelles au précompte immobilier est un peu moins marqué mais ne doit néanmoins pas être négligé. Le contexte économique est en effet un facteur d'urbanisation, donc de revenu cadastral croissant. C'est le cas, au niveau des ménages, 59 Mouvement communal • 02/2009 FINANCES qui bénéficient des revenus nécessaires au financement des projets ainsi que la confiance en l'avenir, facteur important en faveur de la réalisation de projets. C'est également le cas au niveau des acteurs économiques puisque des projets d'extension d'activités, plus fréquents en période de haute conjoncture, se traduisent par des constructions. On remarquera toutefois que les liens qui unissent les deux variables semblent complexes, de sorte qu'une confrontation entre la croissance économique et celle du revenu cadastral bâti ne permet pas de dégager une corrélation forte, même si certaines phases se retrouvent avec un décalage toutefois variable (de 2 à 4 ans). Un lien équivalent unit la conjoncture et le produit des taxes communales. Il semble toutefois moins évident en ce qui concerne les ménages, les taxes les plus fréquentes (hygiène, etc.) étant insensibles à l'environnement économique. Il est certainement plus évident en ce qui concerne les taxes de portée économique (force motrice, activités commerciales, etc.). Les subsides et recettes de fonds ne paraissent pas directement liés à la conjoncture économique. Enfin, les recettes de dette ont été abordées dans le chapitre précédent de notre article. En ce qui concerne les dépenses, le principal lien qui mérite d'être souli- 60 Mouvement communal • 02/2009 gné est celui qui influence les budgets des CPAS. En période plus difficile, les centres d'aides sociales seront certainement confrontés à des dépenses en hausse, tant au niveau des aides consenties qu'au niveau de la charge de travail du personnel qui peut nécessiter des recrutements. Ceci s’inscrit dans un contexte de dualisation croissante de la société où un nombre croissant de personnes disposant d’un emploi s’ajoutent aux personnes précarisées s’adressant au CPAS pour bénéficier d’une aide. Par ailleurs, à l’image de la gestion de dossiers du Fonds mazout, des missions de plus en plus étendues sont confiées aux CPAS de notre pays. Ainsi, à titre d'exemple, au sein du CPAS de Charleroi, le nombre mensuel de bénéficiaires du revenu d'intégration (RI) a augmenté de 30 % entre janvier 2006 et août 2008. Le nombre d'heures consacrées aux services d'aides aux familles et aux personnes âgées a également crû de près de 10 % durant ces deux dernières années. Il en ressort une charge sans cesse croissante qui se traduit, par exemple, au niveau du personnel (40 % des dépenses totales en 2007) dont le nombre d’ETP a crû de 70 % entre 1995 et 2004 pour seulement 22 % pour l’ensemble du personnel des pouvoirs locaux (communes, CPAS, provinces, zones de police, etc.). Aspects quantitatifs Pour pouvoir évaluer l’impact de la crise de l’économie réelle sur la situation des finances communales, nous nous appuyons principalement sur le modèle économétrique développé par le Professeur Michel Beine, en 2005, dans le cadre de l’observatoire des finances locales. Dans son étude économétrique menée dans le cadre d’une convention de recherche avec l’IWEPS, ce Professeur a tenté d’identifier, à l’aide d’estimations économétriques, les déterminants des recettes et des dépenses communales en Région wallonne. Initialement mise au point afin de prévoir l’évolution des recettes et dépenses de chaque entité wallonne, son étude permet toutefois de dégager certaines corrélations macro-économiques en liant l’évolution de certaines variables de recettes ou de dépenses à l’évolution générale des revenus, à celle de l’emploi, du nombre de bénéficiaires du RI ou de l’évolution du PIB. Rappelons toutefois que son étude s’attache aux corrélations entre variables sans en dégager nécessairement de conclusions sur les liens de cause à effet. Principalement, les conclusions de l’étude s’expriment en termes d’élasticité d’une variable dépendante (un type de recettes ou de dépenses) par rapport à certaines variables explicati- FINANCES ves dont quelques unes sont reliées au contexte socio-économique national. L’élasticité donne la variation (en %) de la variable à expliquer en fonction de la variation d'1 % de la variable explicative. Ces résultats peuvent être résumés de la manière suivante: La participation des communes wallonnes dans des entreprises cotées en Bourse Poste budgétaire Additionnels IPP Additionnels au PRI Taxes communales Dépenses des CPAS Variable significative liée au contexte général Elasticité Revenu moyen Emploi national RC bâti Entre 0,16 et 0,76 Entre 1,78 et 1,90 Revenu moyen Nombre d’indépendants PIB national Nombre de bénéficiaires du RI par habitant Revenu moyen 0,4 0,6 0,6 Si nous disposons sur cette base d’un modèle, encore convient-il de l’alimenter en prévisions concernant la situation macro-économique belge en 2009. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les prévisions publiées en octobre 2008 par l’institut IRES de l’UCL. Toutefois, compte tenu de l'extrême volatilité des prévisions, très régulièrement revues à la baisse, nous avons modifié certains paramètres de l'IRES pour lesquels nous disposions de données plus récentes. C'est ainsi que la prévision de croissance de 0,8 % pour 2009 a été revue à la baisse en tenant compte des dernières perspectives publiées par Dexia (contraction du PIB de 0,7 %) et que nous avons estimé que le revenu disponible réel des ménages ne progresserait pas en 2009. Les perspectives d'emploi et de chômage restent inchangées. Sur cette base, nous pouvons estimer que, comparativement à un scénario 0,12 0,06 - 0,08 de référence lié à une croissance économique annuelle de 2 %, les pertes de recettes fiscales des communes wallonnes s'établissent comme suit: en ce qui concerne les recettes additionnelles à l'IPP, il convient de tenir compte de la temporalité du recouvrement et du versement aux communes de cet impôt. Ainsi, le ralentissement de 2008 et de 2009, devrait se faire sentir dans les recettes fiscales en 2010 et 2011. D'après nos calculs, la perte de recettes fiscales par rapport au scénario de référence s'établit dans une fourchette de 2,7 millions d'euros à 6,6 millions d'euros pour 2010 et entre 16,8 millions d'euros et 18,8 millions d'euros pour 2011. Nous avons signalé la difficulté d'établir une relation précise entre activité économique et progression du revenu cadastral. Il ne nous a, par conséquent, pas été possible d'estimer l'impact de la crise actuelle sur cette variable. A titre d'information, nous précisons qu'entre les années de forte et de faible progression de l'assiette d'imposition, les écarts de recettes se situent aux environs de 3,5 millions d'euros. L'impact sur les taxes communales est direct. Une décroissance de l'activité affecte les recettes dès l'exercice en cours. D'après nos estimations, la perte serait de l'ordre de 3,2 millions d'euros en 2008 et 14,9 millions d'euros en 2009. En ce qui concerne les dépenses, l'analyse économétrique avait montré que seules les dépenses des CPAS avaient un lien suffisamment marqué par rapport à l'environnement macroéconomique. Sur base des élasticités disponibles, le surcoût est estimé à 1,1 million d'euros en 2008 et 8,0 millions d'euros en 2009. Inflation, crise bancaire, crise de l'économie réelle: une estimation de l'impact sur les finances locales Au travers de cet article et de celui précédemment publié, relatif aux effets de l'inflation, nous avons présenté un aperçu des différents effets des différentes crises de ces derniers mois sur les finances locales. A cette occasion, nous avons également tenté d'en présenter une quantification en s'appuyant sur différentes techniques et différentes hypothèses. Sur base de ces différents calculs, il nous est possible de proposer une évaluation globale de l'impact de ces trois crises sur les finances communales. Millions d'euros 2008 2009 1. CRISE DU SECTEUR BANCAIRE Perte de valeur de patrimoine (pertes virtuelles basées sur le cours des actions) Dépenses Charge de la dette Recettes Dividendes du Holding communal Coût de la crise du secteur bancaire (sans dividendes NRJ) - 1.200 Négligeable Négligeable - N.E.6 Pertes de dividendes 6 A titre d’exemple, une diminution de 50 % des dividendes versés par Dexia au Holding communal, impactés en conséquence directe aux communes coûterait 11 millions d’euros de recettes en moins aux entités wallonnes. 61 Mouvement communal • 02/2009 FINANCES 2. INFLATION (inflation constatée jusque juin 2008, 5 % sur base annuelle jusque décembre 2008, 2 % ensuite) Dépenses Personnel Fonctionnement Transferts Total des dépenses + 21.9 + 15.0 + 19.9 + 56.7 + 58.9 + 28.6 + 40.7 + 128.2 +5.4 0 0 0 + 5.4 - 51.3 + 9.8 + 37.6 + 41.5 + 14.2 + 103.1 - 25.1 Recettes Prestations Fonds Recettes fiscales Subsides Total des recettes Coût de la phase inflationniste 3. CRISE DE L’ÉCONOMIE RÉELLE (Calculs basés sur les dernières prévisions de l’IRES) Dépenses Dépense des CPAS + 1,1 + 8,0 Recettes Additionnels à l’IPP (impact prévu en 2010 et 2011). Additionnels au PRI Taxes communales Coût de la crise de l’économie réelle (sans PRI) 0 0 maximum estimé: - 3,4 - 3,2 - 14,9 - 4,3 - 22,9 Coût global de la crise - 55,6 - 48,0 + dividendes Prévision du solde exercice propre avant effets des crises -34,9 -32,2 Prévision du solde exercice propre crises incluses -90,5 -80,2 + dividendes Conclusions Les pays occidentaux connaissent depuis plusieurs mois une situation économique exceptionnelle. Chez nous, comme dans la plupart des pays, cela s'est traduit par une forte poussée inflationniste, suivie par une crise du secteur bancaire qui a entraîné dans son sillage une chute de la croissance économique menant à la récession pour l'année 2009. Bien que relativement protégées de ces chocs, les finances locales n'en subissent pas moins certains effets identifiables et, dans une certaine mesure, mesurables. L'élément à l'impact financier le plus important est sans conteste l'inflation. En ce qui concerne les hausses de prix, les communes semblent d'ailleurs moins protégées que les autres niveaux de pouvoir, certaines recettes - fiscales notamment - n'étant indexées qu'avec retard. On peut ainsi estimer que la poussée d'inflation de 2008 aura coûté aux communes wallonnes environ 50 millions d'euros et devrait encore proposer, en 2009, des frais résiduels de l'ordre de 25 millions d'euros. Il conviendra en effet d'assumer notamment 62 Mouvement communal • 02/2009 l'indexation pleine des salaires actée en 2008 alors que certaines ressources n'auront toujours pas intégré les effets de l'indexation. Il s'agit d'un élément important dont les gestionnaires communaux doivent tenir compte. C'est également un point qui interpelle et qui pousse notre association à réfléchir à des mécanismes de sauvegarde plus efficaces. La crise bancaire aura également un effet sur les finances communales. Le premier est potentiel: il tient compte de la diminution de la valeur de leur portefeuille d'actions dans Dexia et certaines entreprises énergétiques notamment. Concrètement, des impacts se feront sentir au niveau de la diminution annoncée des dividendes perçus. A court terme au moins, il semble, par contre, qu'aucun effet important sur la disponibilité des crédits et même sur la progression des taux d'intérêts ne devra être enregistrée puisque la diminution des taux directeurs de la BCE compense actuellement la croissance des marges réclamées par les banques. Troisième élément de cette crise: la chute de l'activité économique. Celle- ci devrait peser sur les recettes communales en 2009 et durant les deux exercices suivants. Un impact important est également identifié au niveau des dépenses des CPAS. Au global, les crises devraient coûter aux communes wallonnes, environ 50 millions d'euros en 2008 et en 2009, ce même montant cachant des origines différentes (inflation en 2008, inflation et crise de l'économie réelle en 2009). A cela s'ajoutera également, en 2009, la perte de dividendes, partiellement ou totalement compensée par le Gouvernement wallon via un crédit de 20 millions d'euros décidé fin 2008. Replacé dans une perspective globale, cela porterait le mali 2008 à -90 millions d'euros et 2009 à -80 millions d'euros, sans les pertes de dividendes. Notre analyse et nos réflexions démontrent la nécessité qu'il y a, pour les gestionnaires communaux, de rester attentifs à l'évolution du contexte socio-économique régional et permettent d'en identifier les principaux vecteurs et leur poids respectif. CDN 472