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Les croyances en politique:
modalités de socialisation et mobilisation dans l'action politique
Cette journée d’étude sera l’occasion de questionner les effets socialisateurs des croyances
sur les individus et d'en évaluer la traduction dans les pratiques politiques. Il s'agira donc de se
demander comment ces croyances « forment et transforment » les individus, et comment les
individus mobilisent les croyances dans le cadre d’actions politiques. Le concept de croyance a
longtemps été un objet périphérique dans la littérature des sciences sociales. Il était en effet associé
au religieux et pouvait, de ce fait, renvoyer à une forme d'irrationalité contraire à l'inscription des
sciences sociales dans l'univers scientifique. Depuis quelques décennies, les croyances ont été
réintroduites dans les sciences sociales, dans des objets aussi divers que l'analyse des politiques
publiques ou la littérature sur les mobilisations collectives. Pour autant, cette notion reste toujours
controversée. La section thématique 49 du XIème congrès de l’Association française de science
politique intitulée « Le pouvoir de la croyance. Statut explicatif d'un concept problématique »
propose d’ailleurs de revenir sur ce concept en s’intéressant à « la dynamique des coopérations et
interactions sociales » par le biais de quatre instances que sont : « les croyances (entendues comme
des « dispositions à agir »), les formes de mises en discours disponibles et valorisées, la prévisibilité
et la convergence des conduites ». Nous nous inscrivons dans une perspective proche de celle
proposée par cette section thématique mais qui en diffère en ce que nous souhaitons repenser les
effets de ces croyances à l’aune des théories de la socialisation.
En articulant la sociologie de la socialisation et la sociologie des croyances, nous proposons de
repenser les processus de production et d’apprentissages des croyances qu’elles soient politiques ou
non et leurs éventuelles influences sur les individus. En effet, nous partons du postulat que certaines
croyances, qui ne sont pas forcément politiques, peuvent avoir des effets politiques sur les
individus, et vice versa : des croyances que l’on peut considérer comme politiques peuvent avoir
des effets limités (Hamidi, 2009) sur les individus. De plus, les croyances ne s'imposent pas
toujours avec la même intensité selon les individus : une même croyance peut être partagée par
différents individus, mais pas forcément avec le même degré de conviction ou d'adhésion
(Bourdieu, 1973 ; Champagne, 1990).
Comment s’articulent donc les croyances et l’action politique ? Cette question intéresse des
disciplines (science politique, sociologie, anthropologie, histoire, philosophie…) et des thèmes
divers.
Axe 1 : Clarifier l’objet « croyances »
La frontière semble poreuse avec d'autres concepts tels que l'idéologie (Ansart, 1974), le régime de
vérité (Foucault, 1975), le référentiel (Jobert et Muller, 1987), la doxa (Bourdieu, 1980), les mythes
(Veyne, 1983)... En outre, la notion peut mal se distinguer de l'ethos, entendu comme « ensemble
objectivement systématique de dispositions à dimension éthique » (Bourdieu, 1994). Partant de ce
constat, les contributions pourront s’attacher à clarifier le concept de croyance en tant que tel mais
aussi en tant qu’objet difficile à appréhender : comment parler des croyances ? Quels sont les
éléments qui les constituent ? Comment les saisir et les mesurer ? Est-il possible d’isoler des effets
propres des croyances ?
Axe 2 : La fabrique des croyances
Quelles sont les différentes instances de socialisation (familiale, scolaire, professionnelle,
religieuse, militaire, politique, étatique...) qui participent à la fabrique des croyances ? Quels sont
les mécanismes concrets, formels et informels de production de ces croyances par ces institutions ?
Peut-on parler d’entrepreneurs de croyance ? Quelles croyances produisent-ils (sentiment
d’appartenance nationale, valeurs partagées, bien-fondé d’une cause à défendre, etc.) ? Toutes les
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croyances sont-elles créées de manière consciente par ces entrepreneurs ? Les communications
pourront, par exemple, étudier le rôle des médias, des nouveaux médias (et principalement Internet)
et des intermédiaires sociaux dans la production des croyances. Peut-on parler d'un « two-step
flow » de la transmission (Lazarsfeld, 1948) ?
Axe 3 : Transmission et conditions sociales de (non)-adhésion aux croyances
L'importance accordée aux croyances varie-t-elle selon les institutions, la position sociale des
individus qui la composent et leur trajectoire ? Les institutions produisent ou transmettent des
croyances, mais ces dernières n’agissent pas sur tous les individus de la même manière.
Comprendre les effets de la diffusion et de l’imposition des croyances par les institutions nous
conduira à observer comment réagissent les agents exposés à ces croyances. Une double entrée par
les individus et leur trajectoire sociale et par leurs interactions avec les institutions (Hamidi, 2009)
peut nous permettre de questionner les effets socialisateurs de certaines croyances. Dans quelle
mesure ces croyances peuvent-elles avoir une emprise sur les individus ? Pourquoi certains croientils quand d’autres ne croient pas (Suaud 1978) ? Les voies de socialisation étant diverses, les
principes de socialisation auxquels sont soumis les individus sont hétérogènes et peuvent même être
contradictoires (Lahire, 2001). Y'a-t-il un intérêt à la croyance ? Est-il socialement distribué ? Dans
les récits de vie des enquêtés, peut on parler d'une illusio de la croyance (Bourdieu, 1994)?
Axe 4 : Les croyances comme pratique de domination
Le fait que certains adhèrent davantage pose la question des croyances comme objet de pouvoir. On
peut se référer ici à la sociologie des institutions : véhiculer une croyance peut viser
l’homogénéisation d’un groupe social et permettre d’asseoir les rapports de domination entre ceux
qui détiennent le monopole de l'homologation et de la diffusion des croyances légitimes et les autres
(Lagroye, 2006 et 2009 ; Pudal, 2009). L’imposition de croyances peut-elle être considérée comme
une violence symbolique ? On pourra s’intéresser à la diffusion des croyances dans l'espace social,
et notamment aux mécanismes d’imposition et d'incorporation des croyances dominantes chez les
dominés (Elias, 1939 [1973] ; Bourdieu, 1980). En quoi l’adhésion aux institutions et aux valeurs
ou principes qu’elles défendent est-elle la manifestation de rapports de domination ? Peut-on
affirmer que les dominés peuvent se faire, consciemment ou non, les relais des rapports de
pouvoir ? Dans des contextes d’incertitude, les croyances ne peuvent-elles pas également être
analysées comme un mode de causalité politique, qui permettrait par exemple aux dominants et aux
dominés d’interpréter la transformation des rapports de pouvoir (Geschiere, 1995) ou aux dominés
d’interpréter une crise de santé publique (Ashforth, 2002) ?
Axe 5 : Activation des croyances dans l’action politique
Adhérer à une croyance ne conduit pas pour autant directement à la mobilisation et à l’action
politique. Les propriétés sociales, le contexte ou la situation ont-ils une influence sur la propension
qu’ont les individus à mobiliser des types de croyances particuliers ? Qu’est-ce qui pousse un
individu à agir de manière conforme (ou non) à ses croyances ? Les usages de ces croyances par les
agents peuvent être contraires aux objectifs que se sont fixées les diverses institutions. Par ailleurs,
les individus étant soumis de manière différenciée à des croyances multiples, on peut observer des
phénomènes de dissonances. Ainsi ils peuvent développer des stratégies, recourir à des bricolages,
des « adaptations secondaires » (Goffman, 1968), voire des résistances (Joignant, 2007; Hirschman,
1995). Les communications pourront s'attacher à comprendre comment les croyances sont ou non
mobilisées politiquement (intérêt pour la politique, comportements électoraux, engagement
politique....).
Axe 6 : Les modalités des effets des croyances sur l’action
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La relation croyances-action ne peut être formulée sur le seul mode : « je crois donc j’agis ». En
effet, les individus peuvent d'abord agir et ensuite seulement croire, et ainsi construire leurs
croyances à partir de leurs actions, voire même justifier leurs actions par leurs croyances. Dès lors,
dans quelle mesure peut-on affirmer que les croyances sont des déterminants de l’action (Mariot,
2006) ? Les croyances n'ont, en effet, pas toutes le même statut : si certaines sont normatives et
dicibles, d'autres semblent être davantage pragmatiques et moins dicibles (Bailey, 1971). Les
croyances peuvent donc être également considérées comme des registres de justification et de
légitimation des pratiques des individus (Desage et Godard, 2005).
Les propositions issues de disciplines autres que la science politique (sociologie, histoire,
philosophie, anthropologie...) sont les bienvenues. Le comité scientifique privilégiera les
propositions de communications abordant des questions méthodologiques, se basant sur un travail
empirique et comportant dans la mesure du possible une dimension comparative voire
internationale. Les communications peuvent s’inscrire dans un ou plusieurs des axes ici suggérés.
D’une longueur de 4000 signes maximum, elles sont à adresser avant le 15 mars 2011 à l'adresse
suivante : [email protected]
Bibliographie :
ANDERSON Benedict, L'imaginaire national : réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme,
Paris, La Découverte, 2002.
ANSART Pierre, Les idéologies politiques, Paris, PUF, 1974.
ASHFORTH Adam, « Quand le Sida est sorcellerie. Un défi pour la démocratie sud-africaine »,
Critique internationale, n° 14, janvier 2002, p. 119-141.
BAILEY Frederick George, Les règles du jeu politique, une étude anthropologique de la politique,
Paris, PUF, 1971.
BOURDIEU Pierre, « La production de la croyance : contribution à une économie des biens
symboliques », Actes de la recherches en sciences sociales, n°13, février 1977, p. 3-43.
BOURDIEU Pierre, La distinction: critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979.
BOURDIEU Pierre, « L'opinion publique n'existe pas », in Questions de sociologie, Paris, Éditions
de Minuit, 1984, p. 222-235.
BOURDIEU Pierre, Raisons pratiques : sur la théorie de l'action, Paris, Seuil, 1994.
CHAMPAGNE Patrick, Faire l'opinion, le nouveau jeu politique, Paris, Éditions de Minuit, 1990.
DESAGE Fabien et GODARD Jérôme, « Désenchantement idéologique et réenchantement
mythique des politiques locales. Retour critique sur le rôle des idées dans l'action publique », Revue
française de science politique, vol. 55, n°4, août 2005, p. 633-661.
DURKHEIM Émile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF, 1985 (1ère édition
1912).
ELIAS Norbert, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Levy, 1973.
FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.
GESCHIERE Peter, Sorcellerie et politique en Afrique. La viande des autres, Paris, Karthala, 1995.
GOFFMAN Erving, Asiles : études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus,
Paris, Éditions de Minuit, 1968.
GOFFMAN Erving, L’arrangement des sexes. La dispute. 2002.
GUIONNET Christine « Entrées de femmes en politique : l’irréductibilité du genre à l’heure de la
parité », Politix, vol. 15, n°60, 2002. p. 113-146.
HALBWACHS Maurice, La mémoire collective, Paris, PUF, 1950.
HAMIDI Camille, « Franchir les frontières du politique. Engagement associatif et socialisation
politique : vers une théorie des effets limités », Communication au colloque « La politique
informelle en France et en Europe (19ème-20ème siècle) », Lorient, 16-17 décembre 2009, en cours
3
de publication.
HIRSCHMAN Albert O., Défection et prise de parole: théorie et applications, Paris, Fayard, 1995.
JOBERT Bruno et MULLER Pierre, L'État en action, Paris, PUF, 1987.
JOIGNANT Alfredo, « Compétence politique et bricolage. Les formes profanes du rapport au
politique », Revue française de science politique, 2007/6, vol. 57, pp 799-818.
LAGROYE Jacques, La vérité dans l'Église catholique : contestations et restauration d'un régime
d'autorité, Paris, Belin, 2006.
LAGROYE Jacques, Appartenir à une institution. Catholiques en France aujourd'hui, Paris,
Economica, 2009.
LAHIRE Bernard, L'Homme pluriel : les ressorts de l'action, Paris, Nathan, 1998.
LAZARSFELD Paul, The People's choice : how the voter makes up his mind in a presidential
campaign, New York, Columbia University Press, 1948.
MARIOT Nicolas, Bains de foule. Les voyages présidentiels en province, 1888-2002, Paris, Belin,
2006.
PUDAL Bernard, Un monde défait. Les communistes français de 1956 à nos jours, Bellecombe-enBeauges, Éditions du Croquant, 2009.
SCOTT Joan, La citoyenne paradoxale, les féministes françaises et les droits de l’homme. Albin
Michel, 1998.
SUAUD Charles, La vocation : conversion et reconversion des prêtres ruraux, Paris, Éditions de
Minuit, 1978.
VEYNE Paul, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l'imagination constituante, Paris,
Seuil, 1983.
Comité scientifique :
Muriel Darmon (Sociologue Centre Max Weber – Lyon II)
Brigitte Gaïti (Politiste CESSP-CRPS – Paris I)
Daniel Gaxie (Politiste CESSP-CRPS - Paris I)
Dominique Kalifa (Historien Centre d'histoire du XIXe siècle – Paris I)
Cédric Mayrargue (Politiste CEAN - IEP de Bordeaux)
Judith Revel (Philosophe et italianiste - Paris I)
Comité organisateur :
Nicolas Azam (CESSP-CRPS – Paris I)
Clémentine Berjaud (CESSP-CRPS – Paris I)
Damien Boone (CERAPS – Lille II)
Sümbül Kaya (CESSP-CRPS – Paris I)
Ewa Krzatala-Jaworska (CESSP-CRPS – Paris I)
Nolwenn Neveu (CESSP-CRPS – Paris I)
Nazli Nozarian (CESSP-CRPS – Paris I)
Sandrine Vinckel (CESSP-CRPS – Paris I)
Proposition de calendrier :
8 février 2011 : Diffusion de l’appel à contributions.
15 mars 2011 : Dernier délai pour le retour des propositions de communication (4 000 signes
maximum).
Avant le 9 avril 2011 : Réunion du comité scientifique afin de sélectionner les communications.
Avril 2011 : Diffusion de la liste des communications retenues.
1er septembre 2011 : Dernier délai pour le retour des communications.
30 septembre 2011 : Journée d’études de l'École doctorale.
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