Réalisation artistique personnelle La Dame au violoncelle Guy Foissy

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Réalisation artistique personnelle
La Dame au violoncelle
Guy Foissy
Eléonore GUILLAUME
Cefedem Bretagne-Pays de la Loire
Promotion 2010/2012
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La Dame au violoncelle, Guy Foissy
I/ Elaboration du projet
a) La rencontre
b) « La Dame au Violoncelle »
II/ Démarche artistique : libertés, contraintes
a) La mise en scène
b) Démarche compositionnelle
c) L’interprétation
III/ Démarche pédagogique
a) Objectifs et méthodes d’apprentissage
b) Travail chorégraphique : intégrer la musique par le geste
c) Difficultés rencontrées
IV/ Bilan et perceptives
a) Autour du spectacle
b) Et après ...
Annexe
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I/
I/ Elaboration du projet
a) La rencontre
C’est en Octobre 2011 que j’intègre le projet de La Dame au Violoncelle. La compagnie
de théâtre Les Inventés est une des quatre compagnies résidente au TNT (Terrain Neutre Théâtre)
à Nantes. Cela permet d’être soutenus lors de créations, tel que la disposition de local de
répétition, l’accès au plateau (scène), et une priorité dans la programmation du théâtre. La
compagnie Les Inventés, dirigée par Servane DANIEL, a l’habitude de créer ses propres textes.
Se défendant d’une veine mélodieuse, cette compagnie a pour habitude d’intégrer dans ses
créations des artistes musiciens. Elle a travaillé avec un saxophoniste dans la pièce Jets de sang,
et avec une harpiste dans leur dernière création La sirène alcoolique. La pièce La Dame au
violoncelle marque donc un changement pour cette compagnie au niveau de l’appropriation d’un
texte d’auteur, tout en restant fidèle à l’imaginaire musical qui découle de cette création.
Ainsi débute cette aventure, avec à la clef une série de 9 représentations, du 31 Janvier au
11 Février 2012, soit deux semaines intenses, à vivre chaque soir une expérience nouvelle.
Je rencontre donc Servane DANIEL, directrice artistique de la compagnie, comédienne,
Laurence HAMERY, metteuse en scène, membre fondatrice, il y a dix, du TNT, et Medhi
MESKINI, régisseur du projet. Nous sommes quatre, et chacun, de par sa spécificité
professionnelle, sa sensibilité et son expérience, va apporter sa pierre à l’édifice dans ce
magnifique projet. Reste à compter parmi nous le lien qui nous rassemble : La Dame au
Violoncelle.
b) « La Dame au Violoncelle »
« On n’est sincère qu’avec ses rêves et la comédie commence quand les rêves
s’achèvent. »
La Dame au violoncelle invite à écouter son histoire, sa musique. Dans un rapport charnel
à son instrument, elle se livre, et peu à peu se délivre. Est-ce l’histoire d’un crime, celle de sa
vie ? Dans ce jeu de faux-semblants, la fantaisie dévoile l’histoire de cette dame aussi fantasque
que sincère.
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Faire-semblant est un art de vivre qui permet d’exister en société. Croire à cette illusion,
c’est presque du ressort de l’instinct de survie. « La plus part du temps, on fait semblant pour soimême. » La paraître masque en permanence l’authenticité de l’être. L’homme s’y perd parfois.
La Dame au violoncelle livre un procès aux faux-semblants qui nous entourent, se transformant
au fur et à mesure en véritable cage de sentiments. Cette pièce porte en elle une folie, une poésie,
et une thématique forte : la notion d’enfermement, et de libération. Comment s’enferme-t-on dans
un carcan, une souffrance, une vie qui ne nous correspond pas ? Jusqu’où cela peut nous mener ?
Comment peut-on y échapper ? Est-il possible de s’en libérer ?
Ce monologue de Guy FOISSY, écrivain français, a été créé au Théâtre Renaud-Barrault
à Paris le 20 Mars 1991. Né à Dakar en 1932, les premières pièces de Guy FOISSY ont été créées
en 1956 au Théâtre de la Huchette à Paris. Puis en 1965 par la Compagnie Jean-Marie SerreauAndré-Louis Périnetti. Actuellement plus de 80 de ses pièces ont été jouées, en France et dans
plus de 35 pays, et traduites dans une quinzaine de langues.
La composition textuelle de La Dame au violoncelle a cette particularité de n’être pas
raconté de manière linéaire. La résolution finale est le point de départ, que les spectateurs ne
peuvent comprendre qu’à la fin. Tous les sens ne sont pas donnés, laissant une grande liberté
interprétative. Anne Ubersfeld cite cette phrase : « Le théâtre est un texte à trous ». Le texte de
Guy Foissy a demandé une part importante de travail à la table, afin d’en suivre les lignes, les
contours, et de s’imprégner de ce personnage rendu à la folie : trouver un écho afin de se
construire nous-mêmes, interprètes, notre histoire.
Le monologue est un défi pour les comédiens. Il demande une grande agilité dans
l’exploration de la palette des émotions. Ce texte en particulier voyage à travers des univers bien
différents : le burlesque rencontre le cynisme, la passion se transforme en idée noir ...
II/ Démarche artistique : libertés et contraintes
a) La mise en scène
« La Dame entre. Elle salue. Elle s’assied. Prend son violoncelle. Puis elle commence à jouer du
violoncelle, comme un concert. »
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Par sa forme et ses directives peu précises, l’ambiguïté de cette pièce propose plusieurs
angles d’approches. L’auteur n’ayant pas souhaité indiquer plus de précisions concernant la mise
en scène, elle laisse une grande liberté d’exécution, un grand choix de partis pris à chaque
nouvelle création. Apprenant que nous allions travailler sa pièce, l’auteur nous a écrit ce gentil
mot :
Je suis très heureux de ce projet dont je vous remercie.
Cette pièce m'importe beaucoup. Ce personnage féminin me fascine! Ce
qu'il y a d'extraordinaire (plus que pour mes autres pièces) c'est que
la comédienne m'impose totalement la vision de ce personnage. C'est
sa personnalité qui créé la personnalité du personnage...
Et puis le violoncelle... Joue-t-elle (semblant bien sûr), ou y-a-tun ou une violoncelliste sur scène, ou pas de violoncelle et elle
mime, ou...?
J'aimerais beaucoup aller vous applaudir à Nantes (ville que je
connais assez bien et que j'aime beaucoup)... avec mon épouse, Chantal
Bouisson... qui a monté la pièce à Tokyo... en japonais (avec une
interprète naturlish). Mais on est quand même loin... En train c'est
l'aventure... Toute une journée. En avion il y a un Nice-Nantes direct
par Air-France mais je ne suis pas parent avec madame Bettencourt, ni
un ex. Ce que parfois je regrette. Alors, quand vous aurez des photos... peut-être même une
vidéo, je vous regarderai religieusement.
Merci d'avoir choisi ma Dame.
Avec mes pensées amicales et affectueuses.
Guy FOISSY
La Dame au Violoncelle jouera-t-elle du violoncelle ? Aura-t-elle un violoncelle ? Joue-telle elle-même du violoncelle ? Y aura-t-il une musicienne/un musicien sur scène ? Ou
plusieurs ? Un violoncelliste ? Sera-t-il caché ? Visible ? La musique sera-t-elle jouée pendant le
spectacle ? Allons-nous utiliser de la musique enregistrée ? Et quelle musique ? Quel langage ?
Quelle(s) esthétique(s) ?
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Cette liberté directionnelle laisse une grande place aux interprètes. Nous avons pris
connaissance de différentes mises en scène, chacune vraiment différente : dans certaines, la Dame
au violoncelle ne jouait pas de violoncelle, d’autres où des musiciens (deux hommes
violoncellistes) jouaient, sur scène, visible du publique, une autre encore montrait une
comédienne seule en scène, sans violoncelle, une musique enregistrée pour l’accompagner.
Notre choix s’est fait rapidement : la Dame au Violoncelle jouera du violoncelle, ou fera
semblant, et la violoncelliste, par son jeux instrumental et sa présence sur scène, participera à la
scénographie. Mais quel rôle attribuer à la violoncelliste ? Quelles relations la comédienne et la
musicienne vont-elles construire ?
Le travail de création sur scène, les idées, les réflexions, la découverte en profondeur de
cette Dame au violoncelle, les interrogations, les discussions nous ont guidés vers une
violoncelliste reflétant la voix intérieure de cette Dame, une évocation de ses sentiments, ses
expressions, une figure de cette femme libérée. Mon rapport à l’instrument a également joué dans
le choix de cette mise en scène. La Dame se délivre à travers son instrument.
La scénographie s’est alors construite peu à peu. A chacun sa partition. Au niveau du
décor, le régisseur a construit, sur l’idée de la metteuse en scène, une structure en tulle de forme
arrondie, permettant, à l’aide d’un éclairage particulier, de voir à travers le voile lorsque celui-ci
est éclairé de l’intérieur, mais ne laissant rien paraître lorsque celui-ci est éclairé de l’extérieur
.Mes apparitions, bien définies, évoqueront sous cet angle l’image du rêve, du satiné, brouillant la
perception du public , entre le réel et l’irréel. Cette démarche laisse à chacun la liberté de recevoir
ces images de façon très subjectives : Qui est cette violoncelliste ? Le rêve intérieur de cette
Dame ? Le souvenir de celle-ci ? Un personnage guidant la Dame dans sa folie ?
Le plateau vide, habité par une chaise blanche, un violoncelle adossé à celle-ci, l’archet
posé, un voile blanc à jardin. La simplicité du décor, le vide provoqué par celui-ci, laissant au
spectateur le loisir de se créer lui-même son histoire... Un prélude de Chopin, en boucle comme
un disque rayé sur un piano faux, le public entre. Vous entrez chez la Dame au violoncelle.
b) Démarche compositionnelle
Forte de mes expériences auprès de différentes compagnies de théâtre, la composition de
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musique de scène ne m’était pas inconnue. En 2006, j’écrivais une musique pour La Cantatrice
Chauve d’E. Ionesco, mise en scène par Adrien Bernard-Brunel, par la compagnie du Théâtre du
Tricorne. Une composition pour violoncelle seul, où j’interprétais moi-même la musique
originale, intégrant la scénographie, illustrant les ding-dong de la pendule folle, rythmant les
longues conversations des familles Smith et Martin. Le choix du metteur en scène était d’utiliser
dans mes compositions une pédale de Loops, me permettant d’apporter une dimension
polyphonique à mes compositions. Cet apport ne fût pas négligeable ! Je devenais grâce à ce
précieux outil une femme-orchestre !
Pour ce nouveau projet, je retrouvais les mêmes contraintes : écrire pour violoncelle seul.
Et, autre contrainte, j’interprétais moi-même les musiques (aspect non-négligeable pour ma part,
n’ayant pas la même maîtrise de l’instrument que le piano) avec une comédienne pantomime
comme co-chambriste !
Le choix d’ouvrir la pièce avec le Lento de la troisième sonate de Vivaldi et conclure avec
l’Elégie de Fauré est apparu comme une évidence : il semblait assez réaliste (et réalisable)
d’entendre pour la première fois la Dame jouer une œuvre du répertoire. Vivaldi, par son tempo
lent et sa carrure simple, nous permettait facilement d’intégrer les injonctions de la Dame entre
chaque phrase musicale. De plus, la mémorisation de celle-ci nous a semblé relativement simple,
permettant à la comédienne d’être à l’aise facilement avec le texte musical, évitant de rajouter
une difficulté à son jeux d’interprète violoncelliste. La contrainte du temps d’apprentissage nous
empêchait d’aborder une pièce plus difficile, pour la comédienne (comme pour moi-même !) La
répétition stricte de ce mouvement durant la première période de la pièce apporta une touche
erratique. L’Elégie de Fauré, par la profondeur de sa ligne mélodique descendante, et sa
puissance évocatrice, semblait elle aussi accompagner au mieux cette fin tragique où la Dame se
donne la mort. Ces deux pièces puisées dans le répertoire n’ont, je l’espère, pas souffert de leur
absence d’accompagnement !
Ma première apparition me laissa plus de liberté dans la démarche compositionnelle. Au
fil des émotions de la Dame, je témoignais de son mal-être, de ses peines, de sa folie, de ses
douleurs, tout en me détachant de toute forme illustrative, facilement simple. Guidée par ses
émotions, proposées par la comédienne, le travail de recherche s’est fait de façon assez fluide,
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animé par de longues phases de discussions entre la metteuse en scène, la comédienne et moi. Il
nous a fallu à chacune adapter notre langage : le regard de la scénographe, le jeu de la
comédienne et l’oreille de la musicienne, réunis ensemble.
c) L’interprétation
Le travail et les choix d’interprétations, en lien avec la mise en scène, se sont concentrés
sur plusieurs angles : d’une part, la complicité avec la comédienne, se rapprochant d’un travail
de musique de chambre, d’autre part mon personnage et son évolution au fil des apparitions.
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A la recherche de « l’illusion. »
L’apprentissage instrumental de la comédienne, que je développe dans le paragraphe suivant,
s’est articulé autour de la recherche de l’illusion : donner l’impression aux spectateurs que la
comédienne, seule en scène, joue elle-même du violoncelle. Coordonner chaque mouvement,
chaque coup d’archet, à la recherche du plus « juste ». Cachée derrière mon voile, à l’affût du
moindre geste de la comédienne, nous avons appris à nous sentir et à nous entendre. Le travail de
respiration est devenu indispensable, comme deux interprètes jouant en sonate. Exagérant chaque
geste durant la période d’apprentissage, la difficulté pour la comédienne de ne pas me voir s’est
peu à peu dissoute.
Durant les 9 représentations, notre jeu s’est vu évoluer : de plus en plus à l’aise toutes les
deux, nous pouvions connaître les réactions de chacune, nous libérant de la stricte concordance
des gestes .Pour l’anecdote, suite à une fin de phrase peu précise (la comédienne termine son
coups d’archet , tandis que je tenais encore le son), la Dame s’est servis de cet incident pour
rajouter à son jeu une dimension burlesque totalement improvisée : un regard intrigué vers son
violoncelle ,qui chantait tout seul ! Cet incident nous a permis de développer cet aspect, plus ou
moins improvisé à chaque représentation.
Le théâtre est une scène où tout est possible : je découvrais les sensations d’être enlacée tout
en jouant du violoncelle dans la scène où la comédienne passe derrière le voile et vient s’assoir
auprès de moi. Découvrir des sensations nouvelles avec son violoncelle, partager les vibrations,
se laisser guider par le récit, accompagner des émotions plus ou moins passionnelles, telle était
l’expérience autour de cette Dame au violoncelle.
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
Figure de la Femme libérée
Cachée derrière mon voile ovale, je sentais comme une protection autour de moi, un cocon en
coton protecteur, à l’abri des spectateurs. Je développais ainsi de nouvelles sensations de jeu : le
regard occulté, mes autres sens se développaient, le rapport au public différait de mes habitudes
de scène, et le lien avec la comédienne se resserrait : j’entendais sans les voir les réactions du
public, différentes chaque soir, j’écoutais le rythme et l’énergie proposés par la comédienne, nous
réagissions l’une l’autre, telles deux complices, l’une cachée, l’autre visible.
Au-delà de mon jeu instrumental, mes apparitions apportaient une expressivité
supplémentaire : derrière le voile, j’orientais mon image vers une expression corporelle, en lien
avec mon instrument. Mon travail d’interprète s’est surtout articulé autour du corps, d’une
certaine liberté de jeu à trouver et d’une aisance gestuelle expressive à développer. Chaque geste
devait être expressif, chaque mouvement était intégré à mon personnage.
III/ Démarche pédagogique
a) Objectifs et méthodes d’apprentissage
La contrainte du temps (à peine 3 mois) et de mes compétences instrumentales m’ont
obligée à faire appel à une tierce personne. Je contactais alors Benjamin Boiron, violoncelliste,
ancien étudiant du Cefedem, pour qui le projet prenait son sens, ayant lui-même travaillé sur
l’approche chorégraphique du geste instrumental. Notre travail en trio s’est donc articulé autour
de l’objectif principal pour ces trois mois de recherche : apprendre à une comédienne qui n’avait
jusque-là jamais touché un violoncelle à donner l’illusion sur scène qu’elle joue elle-même du
violoncelle.
A partir de ce premier objectif a découlé de nombreux questionnements : Faut-il entendre
la comédienne jouer ? Doit-elle jouer en touchant les cordes ? Les effleurer ? Si oui, comment
rendre un violoncelle silencieux ? Quelles sont les priorités à aborder ?
Le travail le plus judicieux fût de commencer directement par les bases de l’instrument, et
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de se focaliser en priorité sur le bras droit (celui de l’archet), signe le plus distinctif du
violoncelliste. Jouer en effleurant les cordes semblait relever de l’impossible, c’est pourquoi il
nous a fallu réfléchir à rendre le violoncelle de Servane le plus silencieux possible ! La tâche ne
fut pas des plus faciles ! Après plusieurs essais, il s’avéra que lorsque l’archet complétement
détendu, sans colophane, vient rencontrer un violoncelle dont les cordes sont toutes désaccordées,
et libérées de toutes vibrations par le truchement d’un tissu noir installé entre la touche et les
cordes, le violoncelle devient absolument muet ! Difficile de sortir le moindre son ! Libéré de ce
souci, l’apprentissage pouvait commencer.
La phase s’appropriation s’est faite en grande partie sur les ressenties physiques que l’on
a avec cet instrument. Comment se sentir à l’aise avec un violoncelle, comment le recevoir,
comment se l’approprier, avec le plus grand naturel ? Le dialogue a été un outil pour cette
démarche : Quelles sensations je reçois lorsque je joue du violoncelle ? Moi qui suis pianiste,
j’entretiens un tout autre rapport avec cet instrument où le contact avec l’instrumentiste est
relativement conséquent par rapport au pianiste. Du témoignage de mes expériences, au jeu en
imitation et en mimétisme, la comédienne commença à être de plus en plus familière avec son
violoncelle, jusqu’à trouver une attitude globale du violoncelliste. Cette attitude comprend le
moindre détail : comment régler sa pique, poser le violoncelle et le reprendre, comment tendre
son archet, comment porter son instrument, comment le ranger dans son étui ? La comédienne
commençait elle aussi à créer son personnage.
b) Travail chorégraphique : intégrer la musique par le geste
Le travail pédagogique autour du geste instrumental s’est déroulé sous plusieurs angles.
Le premier point abordé a été la simplification et l’appropriation du geste. Comme développé cidessus, nous nous sommes concentrés uniquement sur le travail du bras droit : les reprises
d’archet, la souplesse de la main droite, la détente du bras droit. A travers le mouvement, toujours
en lien avec la musique, nous avons recherché, comme un chorégraphe, une relation entre la
musique et le geste de la comédienne. Le langage technique du violoncelliste a pu nous aider
dans notre démarche (tirer, pousser). Le travail en imitation a été très bénéfique : bien que
difficile de jouer « en miroir », la captation vidéo a été un outil précieux. A partir de codes bien
définis, nous avons pu simplifier les gestes chorégraphiés de Servane, lui permettant de
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mémoriser facilement ces mouvements en peu de temps : chaque début de phrase commencera en
poussant, à la pointe, et chaque fin de phrase terminera en tirant. La création d’un support, outil
pour la mémorisation des gestes, a été source de réflexion : il n’était pas utile que la comédienne
connaisse les notations du langage musical, mais la codification des coups d’archets pouvait lui
permettre de travailler sur un support écrit : le support ressemblait alors à une série de chiffres
représentant le nombre de temps à compter en relation avec le travail motivique, rassemblés par
des liaisons indiquant les reprises d’archet. Difficile de reconnaître le Largo de Vivaldi sur ce
support !
Ainsi, l’interprétation convaincante de la comédienne commençait à faire son chemin. Le
travail sur la respiration a été plus délicat : comment faire comprendre qu’un musicien, même
lorsqu’il joue seul, respire avec son geste instrumental ? Il était difficile de trouver un naturel
dans les respirations de Servane. Le travail en binôme a pu appuyer cette notion : pour partir
ensemble, il faut respirer ensemble. J’adaptais ainsi mon jeu en fonction de la comédienne, mes
respirations, mes coups d’archets. M’entendant respirer, toutes formes de
tension
disparaissaient.
Le travail suivant a été de faire ressentir chez la comédienne les sensations instrumentales
du violoncelliste, comme les vibrations, alors que, paradoxalement, celle-ci jouait sur un
violoncelle silencieux et privé de toutes vibrations. Le personnage de la Dame entretenant une
relation particulière avec son violoncelle, très proche de la sensualité, il a fallu développer chez la
comédienne une dimension affective avec son instrument : le toucher à travers les caresses,
l’évocation de la résonnance, aidée par l’écoute de mon violoncelle, la relation physique avec
celui-ci ...
c) Difficultés rencontrées
Pour Servane comme pour moi-même, l’adaptation de l’une par rapport à l’autre a été une
des premières difficultés, chacune à notre stade d’apprentissage. De mon côté, ce travail de
chambriste – bien particulier !- m’a demandé une écoute attentive tout au long de l’apprentissage
à travers une observation très poussée. Sur le plan technique, quelques arrangements ont été
nécessaires : adapter mes coups d’archet, suppression des « trilles » dans le Vivaldi (la main
gauche de la comédienne étant plutôt immobile sur son manche), mais également la suppression
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du vibrato (délicat à intégrer pour la comédienne) qui m’obligea à
orienter mon travail
d’interprète vers une nouvelle recherche sonore. Le renversement dramaturgique lors de ma
première apparition me donnait ensuite une plus grande liberté d’interprétation. Je découvrais
également la sensation de jouer sans jamais voir le public, mais visible de celui-ci .Le rapport
avec celui-ci était alors de l’ordre de l’évocation : je l’entendais sans le voir, j’étais à l’affût de la
moindre réaction sans en voir les contours ... Je devais projeter mon son au-delà de ce voile,
jouer pour ces spectateurs invisibles, tout en me sachant visible par eux : qu’elle était l’image que
je renvoyais ? Mes expressions étaient-elles assez soulignées pour passer à travers le tulle ? Je
devais exagérer mes mouvements, mes gestes, afin de transmettre le plus d’émotions possibles. Je
devais jouer sans cesse avec mes apparitions, évolutives, en lien avec le jeu proposé par la
comédienne : l’apaiser, lui redonner de l’énergie, rythmer le discours, adoucir ses propos ...
Chaque représentation demandait une grande interaction : l’inspiration de Servane, les couleurs
proposées par celle-ci guidait ce lien qui nous unissait, source de notre complicité. Le travail
d’interprétation allait bien au-delà du jeu de violoncelliste.
IV/ Bilan et perceptives
a) Autour du spectacle
Le spectacle vivant est une grande famille où se retrouvent toutes sortes de professionnels : pour
qu’un spectacle puisse vivre, il demande à être entouré. Au niveau de la communication, de la
diffusion, de l’administration... En annexe, les articles autour du spectacle témoignent de cet
entourage.
b) Et après ...
Suite au succès rencontré par cette Dame au violoncelle au TNT, une nouvelle série de
représentations est prévue pour la saison prochaine, entre Octobre et Décembre 2012. De plus,
une résidence scène est prévue début Septembre, afin de remodeler, peaufiner et affiner ce
spectacle. Espérons que s’en suivra de nouvelles représentations, à la rencontre d’un nouveau
public, au –delà de la Loire-Atlantique...
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Annexes
Ce soir : la Dame au violoncelle au TNT à
Nantes
mercredi 01 février 2012
- Nantes

Servane Daniel et son violoncelle ce soir au TNT.
Photo : Christophe Herrou
Il n’y a pas que la Folle Journée dans la ville, il y a aussi de bons petits spectacles à ne pas louper
dans de chouettes lieux dont fait partie le TNT. Ce mercredi 1er février donc, place à la « Dame
au violoncelle », une pièce de Guy Foissy et un nouveau spectacle de la compagnie Les Inventés
« On n'est sincère qu'avec ses rêves, et la comédie commence quand les rêves s'achèvent ». La
Dame au violoncelle invite à écouter son histoire, sa musique. Dans un rapport charnel à son
instrument, elle se livre et peu à peu se délivre. Est-ce l'histoire d'un crime, celle de sa vie ? Dans
ce jeu de faux-semblants, la fantaisie dévoile l'histoire de cette dame aussi fantasque que sincère.
Mercredi 1 février à 21h. Jusqu’au 11 février, du mardi au samedi. Mise en scène :
Laurence Hamery. Avec Eléonore Guillaume et Servane Daniel. De 6 à 13 €. Tel : 02 40 12
12 28. Au TNT (Terrain Neutre Théâtre), 11 Allée de la Maison- Rouge à Nantes.
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Ouest France, le 7 Février 2012
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