le roi arthus - cercle lyrique de metz

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
SAISON 2013-2014
ERNEST CHAUSSON
LE ROI ARTHUS
NOUVELLE PRODUCTION
EN DEUX MOTS
À la cour du roi Arthus, la reine Genièvre s’éprend du
chevalier Lancelot. Démasqués par Mordred, le neveu
d’Arthus, ils vont devoir fuir.
CONTACTS
Flora Klein • tél + 33 (0)3 88 75 48 54 • courriel • [email protected]
Hervé Petit • tél + 33 (0)3 88 75 48 79 • courriel • [email protected]
Opéra national du Rhin • 19 place Broglie
BP 80 320 • 67008 Strasbourg
Photo Nis & For
www.operanationaldurhin.eu
DIRECTION MUSICALE MISE EN SCÈNE DÉCORS ET COSTUMES GENIÈVRE ARTHUS LANCELOT MORDRED LYONNEL ALLAN MERLIN LE LABOUREUR Jacques Lacombe
Keith Warner
David Fielding
Elisabete Matos
Andrew Schroeder
Andrew Richards
Bernard Imbert
Christophe Mortagne
Arnaud Richard
Nicolas Cavallier
Jérémy Duffau
Chœurs de l’Opéra national du Rhin
Orchestre symphonique de Mulhouse
Salabert (Universal Music Publishing Classical)
STRASBOURG
MULHOUSE
ve 14 mars 20 h
di 16 mars 15 h
ma 18 mars 20 h
ve 21 mars 20 h
ma 25 mars 20 h
ve 11 avril 20 h
di 13 avril 15 h
OPÉRA
LA FILATURE
Langue : français surtitré en français et en allemand
Durée approximative : 3 h 20
Conseillé à partir de 12 ans : collège et lycée
RENCONTRE
avec Jacques Lacombe
et Philippe Olivier
animée par Marc Clémeur
Strasbourg, Opéra
je 13 mars 18 h 30
entrée libre
L’ARGUMENT
Ernest Chausson a assisté à la création du Parsifal de Wagner à Bayreuth en 1882. Ce fut pour lui un choc.
Sa production se nourrira par la suite de cette découverte du langage wagnérien, qu’il fera sien en l’adaptant
à sa propre sensibilité et au public français. L’œuvre est d’ailleurs souvent surnommée « le plus grand opéra
wagnérien français ». Il écrit et peaufine la partition de cet unique opéra durant une dizaine d’années,
de 1886 à 1895. Une mort prématurée (un accident de bicyclette !) l’empêchera cependant de le voir jamais joué.
Chausson, s’il suit la voie tracée par Wagner, arrive à s’en démarquer par une orchestration légère et transparente,
et ouvre la voie à des compositeurs tels Debussy et Dukas... Peu d’action donc, dans ce Roi Arthus, exceptée
intérieure. Car c’est ici le doute et les questionnements qui mènent la danse.
Acte I
Tableau 1 : la cour du roi Arthus
À la cour, le roi Arthus loue les prouesses au combat des chevaliers de la Table Ronde, et particulièrement celles
de Lancelot. Sous le regard jaloux de Mordred, le neveu d’Arthur, le chevalier du Lac convient d’un rendez-vous
avec Genièvre, la femme du roi.
Tableau 2 : la nuit
Lyonnel, l’écuyer de Lancelot, déplore l’aveuglement de son maître et la trahison des amants auprès du roi.
Lancelot justement retrouve Genièvre pour leur rendez-vous. Mordred survient et découvre leur adultère.
Lancelot le blesse de son épée et le laisse pour mort.
Acte II
Tableau 1
Lancelot est tourmenté par sa mauvaise conscience, tandis que
Genièvre apprend que Mordred a survécu et les a dénoncés au roi.
Arthus cependant ne prête pas foi à ces racontars. Lancelot n’arrive à se
résigner à démentir l’accusation lancée contre eux, ne voulant pas opter
pour une vie d’hypocrisie à la cour. Genièvre et le chevalier décident
donc de fuir ensemble.
Tableau 2 : la cour du roi Arthus
Arthus, tourmenté, invoque Merlin, qui prophétise le déclin et la fin
de la Table Ronde. Il disparaît alors que le roi lui demande si le couple
adultérin en est coupable. La disparition de la reine est annoncée par
les chevaliers et Arthus les mène à la poursuite du couple.
Acte III - le champ de bataille
Genièvre embrasse Lancelot,
enluminure du XVe siècle
Tableau 1
Arthus poursuit Lancelot et lance l’assaut. Genièvre croit en la victoire de Lancelot, mais ce dernier, écartelé
entre son amour et sa loyauté, laisse ses armes et renonce à combattre son roi. Demeurée seule et sentant la mort
imminente de son amant, la reine s’étrangle avec ses propres cheveux.
Tableau 2
Sur le champ de bataille, Lancelot est blessé à mort en voulant séparer les guerriers. Arthus arrive et lui offre
son pardon. Le roi est emporté par des chœurs mystiques qui l’entourent et lui promettent d’accéder à l’idéal
et à la gloire éternelle. Il monte dans une nacelle et entame son ascension spirituelle.
L’INFLUENCE WAGNÉRIENNE
UNE ÉCRITURE EN DOUTE
Lorsque Chausson commence son opéra en 1886, l’influence de Wagner est déjà immense sur la scène française.
Celui qu’on appelle avec respect « le Maître de Bayreuth » a posé les bases d’un nouvel opéra, et ses principes
de composition sont largement repris. Ils portent notamment l’accent sur le dramatique, de la rédaction du livret
à la composition de la musique.
Chausson n’est pas exempt de cette influence, au contraire. Impressionné par la première représentation
de Tristan et Isolde à laquelle il assiste, il fait part de ses sentiments à son amie Madame de Rayssac dès 1880 :
« Je ne connais aucune œuvre ayant cette intensité de sentiments. Comme musique pure, c’est splendide
et de l’ordre le plus élevé ; comme manière de comprendre le drame musical, c’est une révolution. »
L’influence de Tristan et Isolde se fait d’ailleurs ressentir dans l’opéra de Chausson : couple illégitime, trahison
d’un roi, morts tragiques et rédemption… Des thématiques chères à Wagner. Dès le début de l’écriture, Chausson
le remarque et tente de s’en détacher, comme il l’explique à son ami Paul Poujaud en 1886 :
« Le plus gros défaut de mon drame est sans doute l’analogie du sujet avec celui de Tristan. Cela ne serait rien
encore, si je pouvais arriver à me déwagnériser. Wagnérien par le sujet et wagnérien par la musique, n’est-ce pas
trop à la fois ? »
Ces doutes d’une écriture trop wagnérienne ne vont plus le quitter de toute la rédaction, comme l’atteste son
abondante correspondance. Il est encore en pleine réflexion en 1888, essayant de se détacher du maître allemand.
« Il y a surtout cet affreux Wagner qui me bouche toutes les voies. Je me fais l’effet d’une fourmi qui rencontre
une grosse pierre glissante sur son chemin. Il faut faire mille détours avant de trouver un passage. J’en suis là.
Je cherche. J’ai même de la patience et quelque peu d’espérance. »
Les mêmes questionnements se retrouvent d’années en années, le faisant repenser sans cesse son livret
et ses principes, ici en juin 1889 et juin 1891 :
« Mon cher ami,
Je suis d’une humeur de chien. Je vous écris parce que cela me fait plaisir de penser à vous. Je serais content
de vous voir. Mais, pour vous, il vaut mieux que vous ne me voyez pas en ce moment. Je suis détestable. Je suis
exclusivement soumis à l’influence Arthusienne ou Arthusielle. Ces jours-ci, le niveau est très bas. J’ai beaucoup
changé à mon livret ; je n’ai pas fini encore. Il me semble qu’il faudrait changer tout. Et pourtant non. Faut-il ?
Ne faut-il pas ? Ce que je viens de changer est-il bien ? Ne pourrais-je pas trouver mieux ? De là des tiraillements
incessants, des hésitations qui m’enragent. Je vois déjà que mon prochain drame sera fait d’une manière toute
différente. Je change d’avis sur l’emploi de la prose et des rimes. J’ai trop négligé le rythme. Je sens ce que je
chercherai à faire. Mais pour le moment c’est d’Arthus qu’il s’agit. Après, je verrai. La visite de Bouchor, très
agréable, a été mauvaise pour lui. Bouchor m’a troublé avec son classicisme, son goût pour les airs, son éternel
refrain que ce que nous cherchons est mauvais et impossible. Je ne suis nullement converti, mais il m’a troublé.
(Naturellement, gardez cela pour vous.) Je m’en tiens à ce que j’ai voulu faire. Je cherche seulement à rendre mes
personnages plus vivants, à les faire mieux parler et plus clairement, tout en les maintenant dans cette région
spéciale de la vérité artistique, qui n’a aucun rapport avec la vérité dite naturaliste. Je patauge, je grinche, je crois
trouver, j’efface, je travaille comme un malheureux, et je n’avance guère, je me couche avec désespoir et je me lève
avec terreur ; je voudrais causer avec des amis et j’ai peur après de ce qu’ils pourraient me dire ; le temps passe,
l’affreux temps ; voilà comment je vis. »
« J’ai relu Le Roi Arthus et me voilà réemballé. C’est le pauvre Lancelot qui écope dans le remaniement du
troisième acte. Il meurt dans la coulisse pendant que Genièvre a une conversation bigrement difficile à faire
avec le roi son époux. C’est égal. Je crois cela beaucoup mieux. Et puis après, on me laissera tranquille, j’espère,
avec Tristan et Yseult. »
« INTERMINABLE ARTHUS »
Ainsi, l’écriture du Roi Arthus passe par différents stades, ce qui explique certainement une composition étalée sur
presque dix ans. Wagner ne semble d’ailleurs pas vouloir se détacher de l’esprit de Chausson, comme il l’explique
à Raymond Bonheur en novembre 1892 :
« Me voici replongé dans Le Roi Arthus. J’en suis avec lui, depuis quinze jours, à une troisième phase. D’abord,
pendant que je terminais Le Poème de l’Amour et de la Mer (car il est fini aussi celui-là ; il reste l’orchestre, mais
cela ne m’inquiète pas), une indifférence inquiétante. Puis, quand j’ai commencé à m’y mettre, l’emballement
est revenu. Il me semblait que ça ne me donnerait aucune difficulté. Enfin, depuis aujourd’hui, les idées noires
reparaissent ; pas de grincherie ni de désespoir parce que je n’ai pas écrit un acte dans ma semaine. C’est quelque
chose de plus sérieux. Wagner, que je ne sens plus peser sur moi, quand j’écris de la musique symphonique, me
hante maintenant terriblement. Je le fuis tant que je peux, mais j’ai beau fuir, il est toujours là, près de moi,
me guettant très méchamment et me faisant écrire des tas de choses que j’efface. J’en suis sérieusement ennuyé.
Il faut pourtant y échapper, à ce diable d’homme. C’est une question de vie ou de mort. Mais dans un drame lyrique
comme Le Roi Arthus, vraiment, trop de choses tentent à le rappeler. Et, d’un autre côté, il y a trop longtemps que
j’y pense ; il faut absolument m’en débarrasser la cervelle. »
De fait, il continue de remanier la partition et le livret même huit ans après le début du travail, changeant scènes
et histoire. C’est ainsi qu’il décide en 1894 de modifier le premier tableau de l’Acte III, pour presser l’action autour
des amants adultérins et de la bataille qui se déroule en toile de fond.
« Cher ami,
Encore un changement ! Qu’en dis-tu de celui-là ? Voici longtemps que je tire la ficelle pour terminer cette
malheureuse scène de Lancelot et de Genièvre. Impossible de trouver le joint. Ça s’allongeait et c’est tout ce que
j’y gagnais, ou plutôt, perdais. Le diable, toujours, c’est de faire partir Lancelot, sans quelqu’événement extérieur
qui le force à prendre une résolution. Alors on risque de tomber dans des adieux, et l’on est fichu. Enfin, hier,
j’espère avoir trouvé une solution que je ne crois pas mauvaise. Ça consiste, vers la fin de la scène, à déplacer
l’intérêt. La bataille se rapproche et c’est elle qui devient le personnage principal. Lancelot est bien forcé de se
décider, car cette bataille ne peut toujours durer, et sa sortie devient plus facile et plus rapide.
Je ne sais si tu as connu la version où Genièvre, au moment où il va sortir, se jette dans ses bras, en faisant un
suprême effort pour le retenir. J’avais toujours eu l’intention de réserver pour ce moment-là une reprise ff *
de la phrase d’amour, assaisonnée de tout ce que Arcachon peut inspirer de plus fiévreux et de plus passionné.
Maintenant, la phrase d’amour va bien reparaître, mais comme étouffée et assourdie dans les bruits de bataille.
Et cela durera encore pendant une partie de la scène de Genièvre seule. Je crois que cela aidera à faire comprendre
la défaite définitive de l’amour égoïste de Lancelot et de Genièvre. Il n’y a plus de lutte possible. Peut-être
à un moment ne parlera-t-elle pas, parce qu’il lui serait matériellement impossible de se faire entendre.
Au lieu de donner beaucoup d’importance aux gestes de Genièvre, abandonnée, c’est toujours la bataille dans
la coulisse qui tiendra le premier plan, jusqu’au moment où elle s’éteindra assez subitement, ce qui donne à penser
à Genièvre que quelque chose d’imprévu vient de se produire, et la hâte à la mort.
Musicalement, je crois que cette nouvelle version va me donner quelque chose de bien meilleur. Je serai forcé, par
exemple, de remanier un peu le commencement de l’acte, et d’atténuer tous les bruits de bataille qui y figurent déjà.
Il faudra n’y laisser que le juste nécessaire pour faire pressentir ce qui n’éclatera que plus tard. Après tout ce tapage,
les deux dernières scènes, calmes, feront une impression reposante et c’est là-dessus que je veux terminer.
Cet écrasement de l’individu par un fait matériel est d’une compréhension un peu genre Maeterlinck.
Mais Genièvre a si peu de rapport avec la Princesse Maleine ou la pauvre petite Mélisande... »
Ce n’est donc qu’en 1895 que Chausson achève son œuvre, comme il le confie à son ami Paul Poujaud :
« Cet interminable Arthus avec le temps avait muri et m’avait comme empoisonné. Après quelques explications
violentes, j’ai fini par avoir le dessus et maintenant je l’enterre fort gaiement sous un monceau de pages
d’orchestre (le second acte seul a 235 pages de brouillon !). Aussi, étant si bien en train, il me coûterait beaucoup
de m’interrompre, et voici la raison de mon séjour prolongé. Je voudrais revenir à Paris avec l’orchestre terminé.
Il me resterait les retouches de la dernière heure et la copie. C’est un travail qui peut se faire aisément à Paris.
Maintenant que la composition est terminée et que je suis bien décidé à n’y faire que quelques modifications de
détails, je commence à pouvoir regarder mon drame avec plus de calme et, sinon encore à le juger, du moins à me
rendre un peu compte de ce qu’il est. Vous savez que je ne pèche pas par excès de confiance en moi-même ;
je vous surprendrai peut-être en vous disant cette fois que je ne suis pas mécontent. J’espère que ce drame sera
un peu humain et pas trop selon la mode. »
*
fostissimo
Au final, Le Roi Arthus s’avère proche de l’œuvre de synthèse. S’il emprunte à Wagner sa thématique et certains
principes de composition, le premier acte flirte avec Les Troyens de Berlioz, à l’image de l’ouverture des deux
opéras qui toutes deux célèbrent un peuple venant de repousser les assauts d’un envahisseur, comme le souligne
Jean Gallois. Le dernier acte, lui, apparaît plus clairement comme de la main seule du compositeur et répond
à sa volonté de retrouver les fondements d’une esthétique française.
Enfin, le vieux roi reflète dans toute sa noblesse l’âme du musicien et son credo, tendu, en dépit de tout,
vers un Idéal élevé. Or le mot Idéal est, précisément, le dernier du livret…
« SI JE POUVAIS ÉCRIRE N’IMPORTE QUOI »
À propos du Roi Arthus qui l’obsède, car il entend s’y démarquer du Tristan wagnérien et atteindre au plus haut
niveau esthétique – n’écrit-il pas à son beau-frère, le peintre Henry Lerolle : « Il y a longtemps que j’aurais fini
(Arthus) si je pouvais écrire n’importe quoi. Mais voilà, je ne peux pas ! ». Exigence liée à son caractère, à sa
culture, à ses lectures : ce boulimique possède une bibliothèque d’une rare qualité, d’une étonnante diversité,
d’une rare contemporanéité. Et comment oublier sa collection de tableaux où voisinent Delacroix et Corot, nombre
d’impressionnistes et nabis – de Manet et Renoir à Berthe Morisot et Gauguin, de Maurice Denis à Vuillard –
auxquels répond une centaine d’estampes japonaises dues aux meilleurs maîtres du genre, d’Utamaro à Hokusaï,
d’Harunobu à Kiyonaga, de Toyokuni à Kunisada ?…
Source : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/2005/arts/ernest-chausson
LA COMPOSITION
L’œuvre est d’une parfaite ordonnance : un prélude orchestral précède les trois actes comprenant chacun deux
tableaux. Pour ne citer que quelques particularités liées à son écriture musicale et littéraire, retenons que le
traitement de l’orchestre laisse apparaître l’introduction du style symphonique dans l’opéra qui répond aux
mêmes exigences que celles du répertoire purement instrumental. Le dialogue se développe continument, sans
hiatus, et la musique, en reliant chaque tableau par des interludes, cultive l’art de la transition inaperçue. On ne
peut que souligner l’intelligence et la finesse avec laquelle il emploie le timbre des instruments et le moment qu’il
choisit pour les mettre en valeur, comme le souligne la présence des cymbales froissées qui interviennent à un seul
moment de l’opéra (chiffre 80, deuxième acte, deuxième tableau) – quand la nature frémissante laisse apparaître
Merlin – et du célesta inventé quelques années plus tôt. Beaucoup d’ouvrages spécialisés semblent toujours
ignorer que Le Roi Arthus, avec Louise de Gustave Charpentier, furent les premiers ouvrages à introduire cet
instrument dans le répertoire du drame lyrique. L’apparition de ce timbre nouveau est liée à la scène atemporelle
où le chœur des esprits (chiffre 75, troisième acte, deuxième tableau) annonce à Arthus « qu’à l’heure du glorieux
Réveil, le front mitré d’étoiles, [il] descendra du soleil », et sa sonorité lumineuse et cristalline contribue à créer
le climat d’irréalité qui enveloppe la fin de l’opéra. À signaler également l’emploi des cordes (l’alto et le violoncelle
interviennent en soliste dans les moments les plus poignants de l’œuvre), des timbales chromatiques (dans une
tessiture aiguë, peu habituelle), de la clarinette contrebasse (au timbre rare), de petites cymbales antiques et
de quatre trompettes. Ici, une troisième grande flûte vient s’ajouter aux deux autres. Enfin, Chausson enrichit
son harmonie en usant aussi bien des modes anciens que de la gamme par tons dont Debussy devait s’emparer
quelques années plus tard. De même, le folklore recréé pour la scène du laboureur apporte une couleur nouvelle.
Dans un souci bien français, il n’utilise que très peu les doublures. Les thèmes qui circulent dans la partition
s’éloignent du principe du leitmotiv, le compositeur ne les emploie pas de manière systématique, et va même
parfois jusqu’à les dissimuler. En décembre 1903, dans la Chronique des arts et de la curiosité, Paul Dukas avait
bien remarqué : « Le développement des motifs caractéristiques s’applique avec une certaine indépendance [...]
ce sont alors des épisodes musicaux affranchis, ou, du moins, développés à la manière de simples fragments
lyriques ou symphoniques et construits d’une manière autonome. » D’une expression et d’une sensibilité toute
françaises, le poème, souple et limpide, révèle un caractère très élevé et incantatoire, soutenu par une grande
puissance verbale. Animé par la volonté de se rapprocher d’un style noble et très simple, il apporta un soin
minutieux à sa rédaction, le reprenant sans cesse jusqu’à trouver l’expression la plus juste. Écrit en vers et prose
mêlés, la prose, étroitement asservie aux rythmes, est réservée aux passages de déclamation dramatique, tandis
que les vers – où souvent les rimes sont remplacées par des consonances – sont confiés aux passages d’un grand
lyrisme.
Source : Florence Le Doussal, « Le Roi Arthus : un opéra idéaliste, miroir du rêve créateur d’Ernest Chausson », in : Ernest Chausson
(Ostinato rigore. Revue internationale d’études musicales, vol.14), Paris, 2000, pp.129-130. © Éditions Jean-Michel Place, 2000
UNE ŒUVRE EMPREINTE DE TRADITION
Le Roi Arthus de Chausson se base sur la légende de la Table Ronde. Comme nombre d’opéras écrits avant lui,
le compositeur emprunte au domaine du mythologique pour situer son livret et l’action de l’opéra. Il s’écarte
toutefois de la tradition gréco-romaine, plus fréquemment représentée sur les scènes de son époque.
Tout le mythe arthurien n’est cependant pas repris dans l’œuvre. Ainsi Chausson met-il de côté les exploits des
chevaliers de la Table Ronde, tout comme il ôte toute évocation de la quête de ce Graal qui fascinait tant Wagner.
Il ne garde de fait que les personnages essentiels à ses yeux : le roi Arthur qu’il prénomme Arthus, la reine
Guenièvre dont le nom se change en Genièvre, Lancelot et son cousin et écuyer Lyonnel, Mordred, ici neveu du roi,
et Merlin qui vient faire une brève apparition. L’intrigue est concentrée autour du triangle amoureux de Lancelot,
Genièvre et Arthus qui prend place de drame principal, responsable du dénouement final.
Lancelot et Guenièvre, par Herbert James Draper
Cet attachement au mythe permet à l’histoire de poser certaines questions fondamentales. Ainsi, c’est la quête
spirituelle qui est développée dans le parcours du roi, en tant que recherche de la perfection et quête d’absolu
et de transcendance qui l’amènera à sa destination finale. Par l’évocation de la Table Ronde, une certaine
conception de la fraternité est également mise en avant.
À ces éléments s’ajoute également une histoire d’amour passionnel, qui rend presque secondaires les autres actions
du drame par l’éclairage porté sur Lancelot et Genièvre. Couple adultérin, ils sont condamnés pour leur idylle.
Tous deux meurent de leur propre volonté – Lancelot parce qu’il refuse de prendre les armes contre son roi,
Genièvre parce qu’elle se suicide avec ses propres cheveux –, et seul Arthus parvient à la fin de sa quête, emporté
par ses chœurs mystiques. Chausson ne cautionne pas l’amour adultère, aussi passionné qu’il puisse être.
Enfin, à ces concepts fondamentaux s’ajoute celui de la trahison comme élément destructeur. On le retrouve
évidemment dans l’amour interdit entre la reine et le chevalier, mais également dans le personnage de Mordred.
C’est celui-ci qui, jaloux de Lancelot et secrètement amoureux de Genièvre, va dénoncer les fautifs au roi et tenter
de lui dérober son trône.
Sous des caractères archétypaux, de profondes interrogations sont ainsi soulevées sur la nature même de nos
propres comportements.
EXTRAIT DU LIVRET
LE DÉNOUEMENT ENTRE GENIÈVRE ET LANCELOT
GENIÈVRE
Ingrat ! l’oublies-tu ? Notre amour l’exigeait.
Ta fidèle Genièvre n’est donc plus rien pour toi !
Au seul aspect d’Arthus ton amour est-il mort
ainsi que ton courage ?
Au moment décisif tu désertes la lutte, tu fuis.
Inutile lâcheté d’un cœur pusillanime, malgré toi
L’inéluctable enchaînement des choses t’étreint
dans un cercle de fer.
LANCELOT
à demi-voix, et comme se parlant à lui-même :
Oui, la fuite est stérile et vaine.
Le passé ne s’efface pas.
GENIÈVRE vivement :
Qu’importe le passé ?
Un indomptable amour nous enchaîne à jamais
l’un à l’autre.
À jamais, à jamais.
C’est notre bien suprême, le seul qui nous reste
au monde.
Le défendre jusqu’à la mort, voilà ton seul devoir.
Lancelot reste immobile, Genièvre l’observe
avec anxiété.
GENIÈVRE
Lancelot ! que veux-tu faire ? Ton regard m’épouvante.
Ah ! Se rapprochant de lui et avec tendresse.
Va combattre ; sois vainqueur.
Cher bien-aimé, voici la dernière épreuve,
et je suis à toi pour toujours.
LANCELOT prenant sa résolution. Il se lève très calme :
J’ai jeté mes armes.
Je ne les reprendrai plus pour combattre en rebelle.
GENIÈVRE
Dieu !
LANCELOT
Je vais arrêter la bataille.
GENIÈVRE
Insensé ! C’est impossible.
LANCELOT
Eh bien, fût-ce au prix de la vie je saurai parvenir
jusqu’au Roi ; j’irai.
GENIÈVRE
Ainsi, tu préfères la mort à l’amour de ta Genièvre.
LANCELOT
Je t’aime de toute mon âme.
GENIÈVRE
Tais-toi, tais-toi !
LANCELOT
À ce moment suprême j’arrache de mon cœur
Tout ce qui fut ma vie et mon coupable bonheur.
GENIÈVRE
Ah ! si tu m’aimais comme je t’aime
Serait-il rien au monde de plus cher pour toi
que notre amour ?
LANCELOT
Le plus saint de tous les devoirs l’ordonne.
Un voile tombe de mes yeux.
Je vois, je comprends enfin et j’obéis à la voix
qui parle dans mon cœur.
Genièvre, accepteras-tu de partager mon sort ?
GENIÈVRE
Que veux-tu dire ?
LANCELOT
Unis dans l’amour, unis dans le péché,
le serons-nous aussi dans l’expiation ?
LANCELOT
Genièvre !
GENIÈVRE
Jamais.
GENIÈVRE
À quoi donc songes-tu ?
Revoir Arthus ! Subir sa pitié ! Sa clémence peut-être.
Jamais. Jamais.
Des bruits de bataille commencent à se faire entendre
de plus en plus des différents côtés de la scène.
LANCELOT
Genièvre, écoute... Ces appels...
Là-bas, la bataille continue.
Le sang coule pour une cause criminelle...
Que fais-je ici ? Le temps presse...
Si le Roi vaincu, blessé peut-être...
Genièvre, c’en est donc fait...
Je ne te verrai plus !
Il la regarde dans une angoisse passionnée.
Puis, tout à coup, après un violent effort :
Adieu ! Adieu !
Il remonte vers le fond du théâtre
et s’adresse aux écuyers :
Je vous confie l’honneur de veiller sur la Reine.
À bord de mon vaisseau conduisez-la vers un port
de la Gaule.
Là, pour elle il n’est plus rien à craindre.
Toi Lyonnel, viens avec moi.
LYONNEL
Mon maître !
GENIÈVRE se précipitant dans les bras de Lancelot :
Lancelot ! Ne m’abandonne pas.
La vie nous sépare. Eh bien que la mort nous rassemble
Unis dans l’amour, unis dans le péché,
Unis, éternellement unis dans la mort.
LANCELOT
Genièvre, Genièvre !
Ma vie désormais n’appartient qu’à mon Roi.
GENIÈVRE dans un cri de colère :
Ah !
Elle le repousse violemment et se dirige du côté opposé
de la scène. Lancelot, entraîné par Lyonnel, sort
presque aussitôt, en faisant un geste de désespoir.
Les trompettes, dans la coulisse, continuent à se faire
entendre de plus en plus rapprochées.
Après un moment d’attente, les écuyers descendent
en silence et s’approchent de la Reine.
GENIÈVRE les apercevant, d’une voix rauque
et saccadée, très vite :
Que faites-vous là ? Au vaisseau ! Au vaisseau !
Préparez le départ. Allez. Laissez-moi.
Les écuyers sortent par la gauche,
Allan hésite à les suivre.
ALLAN timidement :
Maîtresse, pardonnez...
GENIÈVRE
Va-t-en ; va-t-en !
Allan se retire lentement ; Genièvre, restée seule,
parcourt la scène à grands pas, en poussant
des cris inarticulés.
Trahie ! Abandonnée ! Méprisée !
J’ai pu le supplier en vain, lui, mon Lancelot !
J’implorais comme une grâce le bonheur de mourir
dans ses bras. Et lui, sans pitié...
Si pourtant, le souvenir de sa Genièvre
au dernier moment l’arrêtait... Si...
Lâcheté d’un cœur tout éperdu d’amour.
Il me fuit ! Il me fuit !
Et je sens que je l’aime toujours.
Les bruits de la bataille ont complètement cessé.
Dieu ! ce calme soudain... ce silence... Se pourrait-il ?...
Elle s’avance vers la droite et regarde vers la plaine.
Avec déchirement :
Oui, c’en est fait. La bataille a cessé.
Il a pu l’accomplir, le suprême abandon !
Elle se laisse tomber sur une roche et reste un moment
silencieuse, la tête cachée entre ses mains.
Lui survivre ! Comment l’a-t-il pu croire ?
Pourquoi poursuivre
Une inutile vie, sans gloire,
Sans amour. Délaissée ! Abandonnée !
Voici la fin du jour. La nuit tombe
Sur ma destinée.
Sans te plaindre, sans murmurer, entre, Genièvre,
Entre dans l’ombre pour toujours.
Elle se lève, semble chercher une arme,
puis ayant porté la main à son front,
elle s’arrête comme frappée d’une idée subite.
Ornement d’une vaine beauté,
Cheveux sombres et bleus comme la nuit,
Vous qui n’avez pas su retenir Lancelot
Dans vos filets soyeux,
Prêtez-moi votre secours ami.
Vous fûtes mon orgueil dans des jours heureux ;
Maintenant aidez-moi, aidez-moi à mourir.
Elle dénoue les nattes de ses cheveux,
les roule autour de son cou et s’étrangle.
Le rideau tombe lentement.
LA LÉGENDE DE LA TABLE RONDE
Les premières traces écrites autour des chevaliers de la Table Ronde apparaissent dans le Roman de Brut, achevé
vers 1155 par Wace. Cette œuvre en vers retrace l’épopée des rois bretons, de la fondation de l’Angleterre jusqu’à la
fin du règne d’Arthur. Elle serait inspirée de l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth et d’histoires
issues de la tradition orale, dans le but de relier la chevalerie française aux traditions insulaires anglaises.
Née de la tradition celtique, l’histoire a été récupérée par la civilisation chrétienne. Il n’existe pas de version unique
du récit des chevaliers de la Table Ronde. Toutes les variantes sont regroupées sous le titre de légende arthurienne,
car elles accordent une place prépondérante au roi Arthur. Les autres personnages sont évoqués ou non, à l’instar
de Merlin, Guenièvre, Lancelot du Lac, Perceval, Mordred, la fée Morgane ou Viviane. En France, c’est notamment
Chrétien de Troyes qui réadapte les légendes à la littérature courtoise et inclut la thématique du Graal, coupe étant
supposée avoir recueilli le sang du Christ. Il écrit entre 1176 et 1190 Lancelot ou le Chevalier de la charrette, Yvain
ou le Chevalier au lion et Perceval ou le Conte du Graal.
Mais cette morale chrétienne ne faisait a priori pas partie de la légende originelle. Ainsi, des éléments changent.
La prétendue trahison de la reine Guenièvre qui préfère Lancelot à Arthur est dans certaines versions celtiques
suscitée par le roi lui-même, qui souhaite garder le chevalier à la Table Ronde et demande à son épouse de le
retenir. De fait, l’infidélité est acceptée, et même nécessaire, ce qui n’est plus possible une fois la réécriture
religieuse opérée.
Chausson lui-même procède parfois à des synthèses radicales. Il n’y a pas chez lui d’amour absolu comme dans
les œuvres de Wagner. Pour preuve, ce Lancelot qui préférera finalement son roi à son amante. De même, il élude
grandement la légende de Mordred, qu’il désigne simplement comme neveu du roi. Or, dans l’histoire arthurienne,
il s’avère être son fils incestueux. Né d’une relation entre Arthur et Morgane, sa demi-sœur dont il ignorait le lien
de parenté, il est à la fois fils et neveu d’Arthur, et sera élevé dans la haine de son père par Morgane. Selon de
nombreux récits, c’est d’ailleurs de ses mains que meurent Arthur et la Table Ronde. Il s’empare parfois
du royaume et de la reine.
BIBLIOGRAPHIE NON EXHAUSTIVE
AUTOUR DU ROI ARTHUR ET DE SES CHEVALIERS
• vers 800 : Historia Brittonum de Nennius
• vers 1135-1138 : Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth
• vers 1155 : Roman de Brut de Wace
• vers 1176 : Lancelot ou le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes
• vers 1180 : Yvain ou le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes
• vers 1190 : Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes
• vers 1200 : Le Roman de Graal de Robert de Boron
• vers 1210 : Perlesvaus, le haut livre du Graal d’un auteur anonyme
• vers 1230 : Lancelot-Graal d’un auteur anonyme
• 1470 : La Mort d’Arthur de Thomas Malory
• fin du XIVe siècle : Sire Gauvain et le Chevalier vert de Pearl Poet
• vers 1930 : La Chute d’Arthur de J.R.R. Tolkien
• entre 1938 et 1977 : La Quête du roi Arthur de Terence Hanbury White (5 volumes)
• 1948 : Le Roi pêcheur de Julien Gracq
• entre 1965 et 1971 : Le Roman du roi Arthur de Xavier de Langlais (5 volumes)
• 1984 : L’Enchanteur de Barjavel
• entre 1987 et 1997 : Le Cycle de Pendragon de Stephen R. Lawhead (5 volumes)
• 2005 : La Ménopause des fées de Gudule
1903
ANNÉE DE LA CRÉATION DE L’ŒUVRE
Histoire
• Signature d’un traité de désarmement
entre l’Argentine et le Chili
• Cuba abandonne l’entrée de la baie de Guantanamo
aux américains, qui y construisent leur base militaire
• Tremblements de terre en Turquie, qui font plus
de 2 000 victimes
• Coup d’État en Serbie
• Élection du pape Pie X
• Scission entre les bolcheviks, parti dirigé par Lénine,
et les mencheviks
• Formation de l’Union politique et sociale des femmes
au Royaume-Uni
Sciences
• Marie Curie, Pierre Curie et Henri Becquerel
obtiennent le prix Nobel de physique pour leurs travaux
sur la radioactivité.
• Ernest Fourneau et Poulenc frères déposent le brevet
de la Stovaïne, premier anesthésique local de synthèse
• Ivan Petrovitch Pavlov participe au quatorzième
Congrès médical international de Madrid, où il expose
sa théorie des réflexes conditionnés
• Liaison TSF entre Londres et New-York
• Début de la production en série d’automobiles
par le fabricant suédois Scania
Musique
• La Symphonie n°9 de Bruckner est créée à Vienne
• L’opéra d’Albert Dupuis, Jean-Michel, est créé
au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles
• Tosca, de Giacomo Puccini, est créé à l’OpéraComique de Paris en version française
• Erik Satie écrit Trois morceaux en forme de poire
• Arnold Schönberg compose le poème symphonique
Pelléas et Mélisande
• Ouverture du cabaret Le Moulin Rouge
Littérature
• La pièce Le Miracle de Saint Antoine de Maeterlinck
est créée à Bruxelles
• Premier prix Goncourt à être décerné,
pour John-Antoine Nau et son roman Force ennemie
• Premier roman de Marie de Régnier, L’Inconstante
• Jack London publie L’Appel de la forêt
• Publication de Bourses de voyage de Jules Verne
• Parution de la dernière nouvelle de Tchekhov,
La Fiancée
• Apollinaire écrit La Chanson du mal-aimé
Cinéma
• Sortie du Vol du grand rapide réalisé par Edwin
Stanton Porter, premier grand western
Beaux-arts
• François Emile Ehrmann, Œdipe et le Sphinx
• Bay Osman Hamdy, Vieil homme devant
des tombeaux d’enfants
• Tony Robert-Fleury, Le Bain
LES COULISSES DU ROI ARTHUS
Dernière ligne droite dans les ateliers de costumes, de perruques et d’accessoires avant la « générale-piano »,
première répétition en costumes accompagnée au piano et qui permet de se rendre compte de l’aspect visuel
du spectacle.
L’assemblage de la veste d’Arthus est en route...
... sa cape bleue horizon aussi.
Quant aux atours de Genièvre, ils sont en assemblage
eux-aussi, comme sa robe...
... ou en décoration, comme la cape style Arts déco
fleuri peinte au pochoir et à la main.
Un petit coup de patine sur les chaussures
des infirmières et de Merlin, et elles seront
prêtes elles aussi !
La cuirasse d’Arthus est peaufinée à l’atelier d’accessoires.
À l’atelier de perruques…
celle de Genièvre
... et celle de Merlin
... mais aussi des perruques portées par les messieurs des Chœurs
hommes qui évoquent des artistes fréquentés par Ernest Chausson :
Marcel Proust
Claude Monnet
ou Edouard Manet.
SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE
par Laurence Grauwet,
professeur chargée de mission DAAC auprès de l’OnR
Les personnages, les rôles, les tessitures
Genièvre
Soprano
Arthus
Baryton
Lancelot
Ténor
Mordred
Baryton
Lyonnel
Ténor
Allan
Ténor
Merlin
Baryton
Un laboureur
Ténor
Un chevalier
Basse
Un écuyer
Basse
1er et 2e soldats
Ténors
3 et 4 soldats
Basses
Chœurs
Chevaliers, écuyers, pages, bardes,
dames de la suite de Genièvre
e
e
La composition de l’orchestre
Cordes
12 violons 1
10 violons 2
8 altos
6 violoncelles
4 contrebasses
Harmonie
3 flûtes (plus flûte piccolo)
3 hautbois (plus cor anglais)
2 clarinettes, 1 clarinette basse, 1 clarinette contrebasse
3 bassons (plus contrebasson)
4 cors
4 trompettes
3 trombones
1 tuba
Timbales
Percussion 1 : petites cymbales antiques
Percussion 1I : triangle, grosse caisse, cymbales
2 harpes
Célesta
Musique de coulisses
Acte III, scènes 2 et 3 : 2 trompettes (en même temps que deux en fosse)
Écoute 1 : le premier Prélude
Notions à aborder
• Les thèmes récurrents (au moins 18 thèmes et motifs dans tout l’opéra)
• La densité de la partie orchestrale
• La narration musicale confiée à l’orchestre
• L’importance des vents (cor anglais, hautbois, flûte, clarinette basse) et la puissance du tutti (cuivres)
• Une écriture musicale avant tout dramatique et poétique
Repères
• Prélude au tempo très animé, à l’intensité générale fortissimo
• Orchestration variée, expressive et puissante
• Des thèmes principaux, récurrents dans l’œuvre, rappelant l’usage du leitmotiv dans les opéras de Wagner :
Thèmes
Thème des batailles
Thème des chevaliers
Caractères
Dynamique, épique, virile
Eléments musicaux
Mouvements répétitifs, dans l’aigu,
de violons en triolets avec éclats
de cuivres, échelle mélodique
pentatonique
Annoncé par un trille et des fusées
de triples croches
Héroïque, guerrier, une chevauchée
Cordes et bois graves dans le grave
Impression de grandeur et d’espace
en octaves, thème repris et amplifié
élargi
Accompagnement : trémolos,
chromatismes, registres extrêmes
Thème des batailles
Thème des chevaliers
Thème
Thème 1
du Roi Arthus
Caractère
Éclatant, majestueux
Éléments musicaux
Fanfare de cuivres, mélodie ascendante en Do
Majeur (début pentatonique), exposée d’abord en
valeurs rythmiques régulières puis reprise avec son
rythme pointé jusqu’à une intensité fff
Accompagnement : écriture verticale, comme une
marche, roulements de timbales, percussions
métalliques
Ce thème est sublimé dans le chœur final
de l’opéra.
Thème 1 du Roi Arthus
Consignes
1. Écouter le début du Prélude (moins d’une minute) : décrire l’ambiance de ce passage à l’aide d’adjectifs.
2. Chanter, jouer et reconnaître les thèmes.
Écoutes comparées
• La Chevauchée des Walkyries, Prélude de l’Acte III de l’opéra Die Walküre pour l’influence de Wagner
(thème des chevaliers)
• Laideronnette impératrice des pagodes de Maurice Ravel pour piano à quatre mains de Ma mère L’Oye
pour l’utilisation des gammes pentatoniques.
Écoute 2 : Acte I, scène 1, 1er tableau « Gloire à vous qui m’avez secondé »
Notions à aborder
• Le récitatif continu
• Le chromatisme
• Les couleurs modales de l’harmonie, la référence aux modes anciens, aux échelles pentatoniques
Le récit d’Arthur : l’action dramatique liée à la musique, la découverte des rôles principaux
1. Arthur célèbre la victoire contre les Saxons et rend hommage aux chevaliers en évoquant Escalibur, la table
ronde et la disparition de Merlin :
Voix de baryton soliste, thème d’Arthus à l’orchestre, ambiance solennelle, harpe à l’évocation de Merlin,
récit déclamatoire
2. « Hurrah » triomphaux des écuyers, pages, dames d’une part, et d’autre part des chevaliers, bardes :
Double chœur : sopranos, contraltos, ténors, basses (I), ténors et basses (II)
intensité ff, accompagnement très animé (thème des batailles, phrases ascendantes)
3. Arthur évoque la paix retrouvée (vin de la victoire) puis demande aux bardes de chanter, accompagnés
de leur harpe, pour glorifier Lancelot :
Voix de baryton soliste, ambiance calme et poétique, contraste avec ce qui précède, lignes mélodiques
souples, phrasé lié, solos de bois
Thème 1 de Lancelot, au caractère émouvant, entendu au cor : « L’invincible, le preux, le loyal chevalier »
et « Mais la victoire, qui met en fuite les saxons »
Thème 1 de Lancelot
4. Aparté de Mordred, jaloux. Lancelot s’adresse au roi avec humilité :
Voix de baryton accompagnée par un sombre motif de clarinette basse, chromatique et descendant
Voix de ténor, à l’orchestre : thème de Lancelot, flûte, hautbois, cor, violons
5. Les bardes chantent la gloire de Lancelot et simultanément, les huit chevaliers et Mordred clament
leur jalousie (« Vengeons-nous ! ») :
Double chœur d’hommes, solos du baryton, ostinato agité des cordes, rythmes pointés,
registres graves éclairés par des aigus extrêmes (ambiance vindicative et tendue).
Fin du passage : atmosphère grandiose, Crescendo, Tutti du chœur mixte sur « Hurrah ! »,
thème du Roi Arthur à l’orchestre.
6. Arthus s’inquiète : « Pourquoi, cher Lancelot (…) seul, baisses-tu la tête ? ».
Arrivée de Genièvre donnant un rendez-vous secret à Lancelot, ce qui n’échappe pas à Mordred…
Changement de densité et d’intensité (voix et orchestre)
Thème de Lancelot, douloureux, joué par les violoncelles, phrase du cor anglais (de mauvaise augure)
Voix de soprano, chant enjôleur tout en nuances, motif de la séduction de Genièvre sur un accompagnement
au rythme lancinant
Voix de baryton (Mordred) : « Malheur, malheur à vous deux ! »
Motif de Genièvre
Consignes
• En lisant ou en écoutant la scène, relever le champ lexical lié à la légende du Roi Arthur.
• Concernant les trois rôles principaux, quels sont leurs traits de caractère ?
Arthus, loyal, confiant (au début de l’Acte I) est au centre de l’action.
Genièvre, insensible à la raison, est dépourvue de scrupules et de remords.
Quant à Lancelot, il est l’incarnation de la faiblesse humaine, rongé par son amour coupable mais se montrera
loyal envers son roi, en digne chevalier (rédemption à la fin de l’œuvre).
Remarque
Au cours de l’interlude orchestral qui relie cette scène à la suivante, on entend un thème nouveau symbolisant
l’échec et la désillusion du Roi Arthus (solo de violoncelle).
Thème 2 du Roi Arthus
Écoute 3 : Acte I, scène 3, 2e tableau
début du duo d’amour « Délicieux oubli des choses de la terre »
Repérer
• Le lyrisme des lignes vocales et la délicatesse de l’écriture orchestrale (violoncelle, doux roulements
de timbales, cor, flûte, cor anglais)
• Le thème de l’amour heureux (Lancelot : « Ta voix chante dans mon âme. À tes côtés ») utilisé par
le compositeur jusqu’au début de l’Acte III :
Thème de l’Amour heureux
Écoute 4 : Acte II, scène 1, 3e tableau,
Le laboureur « Rion, le Roi des Îles »
Lancelot écoute la chanson du laboureur tout en méditant sur son crime.
Référence au folklore : échelle mélodique modale, intervalle de quinte des cordes, caractère simple
Pratique musicale
Le Chant du laboureur
Écoute 5 : Acte II, scène 5, 4e tableau, « Merlin, entends ma voix »
Arthus invoque Merlin qui lui apparaît dans une vision (« Pommiers verts »).
1. Atmosphère magique et poétique : thème du monde surnaturel joué par les cordes,
pianissimo, cymbales froissées
2. La prophétie de Merlin : voix posée, grave et déclamatoire du personnage
Thème du monde surnaturel (transposé dans l’aigu)
À remarquer
• Le langage harmonique au cours de l’œuvre, marqué par celui de César Franck et l’école française
• Le traitement mélodique du texte et la déclamation inspirée par Debussy
Repérer le thème au début du chœur final de l’Acte III : « Viens par delà les flots bleus », dernier tableau
Des voix célestes invitent Arthus à partir vers un autre monde. Elles sont symbolisées par un double chœur placé
derrière la scène, vocalisant au départ sur le thème du monde surnaturel. Cinq sopranos solistes chantent
« Viens par delà les flots bleus » (écriture diatonique), accompagnées par les deux chœurs à quatre voix mixtes
(écriture chromatique).
Acte III
Brefs repères
A. Le Prélude
La mort, la fatalité : clarinette contrebasse et roulements de timbales pianissimo, thème caractérisé par
l’intervalle de triton
B. Chant de Genièvre, avant son suicide « Trahie, abandonnée », scène 3, 3e tableau
• Phrases mélodiques expressives d’un grand lyrisme, soutenues par une orchestration colorée et poétique
• Virtuosité vocale (requise pour tous les solistes) : puissance (orchestre important), registre très étendu
• Appels des trompettes en coulisses
Bibliographie
• Le Roi Arthus d’Ernest Chausson (opus 23, 1886-1895), Paul Dourson, p. 8-14,
in L’Éducation musicale, n°408
• Ernest Chausson : Le Roi Arthus et ses thèmes musicaux, Jacques Viret, p. 14-18,
in L’Éducation musicale, n°360
BIOGRAPHIES
Jacques Lacombe, Direction musicale
Directeur musical du New Jersey Symphony Orchestra et de l’Orchestre symphonique de
Trois-Rivières, le chef d’orchestre canadien mène en parallèle une carrière internationale dans le
domaine symphonique et lyrique. Premier chef invité de l’Orchestre symphonique de Montréal
puis directeur musical de la Philharmonie de Lorraine et chef associé de l’Orchestre d’Avignon,
il est régulièrement l’invité des orchestres canadiens, nord-américains et européens (Nice, Malaga,
Monte Carlo, Toulouse, Berlin, Halle). Il est également invité par l’Orchestre Victoria de Melbourne
et l’Orchestre symphonique de Nouvelle-Zélande. Dans le domaine lyrique, il a récemment dirigé
La Bohème et Tosca au Covent Garden de Londres, Die Fledermaus de Johann Strauss et Werther
au Metropolitan Opera, Ariadne auf Naxos à l’Opéra de Munich, la création mondiale de Lillian
Alling de John Estacio à Vancouver, Le Cid de Massenet et la création mondiale de Marius et
Fanny à Marseille, plusieurs productions à Monte-Carlo, Turin et au Deutsche Oper de Berlin
dont Un ballo in maschera, Ariadne auf Naxos, Der fliegende Holländer, Eugène Onéguine…
Keith Warner, Mise en scène
Keith Warner est l’un des metteurs en scène majeurs de notre temps. Il met en scène notamment Lohengrin au
festival de Bayreuth, le Ring des Nibelungen de Wagner à Tokyo, I Pagliacci et Cavalleria Rusticana au Staatsoper
de Berlin, Tosca à Londres, The Turn of the Screw à La Monnaie de Bruxelles, Die Frau ohne Schatten à Hambourg
ainsi que La Damnation de Faust de Berlioz et Faust de Gounod à Dresde. Son Wozzeck de Berg au Covent
Garden de Londres lui vaut un Olivier Award. Il y monte également le Ring. Il est invité régulièrement à l’Opéra de
Francfort, pour Death in Venice de Britten, La Cenerentola de Rossini, Vol de nuit et Il Prigioniero de Dallapiccola,
ainsi que Lear de Reimann et The Tempest d’Adès. Il entretient une collaboration régulière avec le Theater an
der Wien où il met en scène le Macbeth de Bloch, Don Giovanni de Mozart,
Flammen de Schulhoff, Orlando Paladino de Haydn, Kat’a Kabanova de
Janáček, Lucrezia Borgia de Donizetti, et Mathis der Maler de Hindemith.
Il vient de mettre en scène Les Diables de Loudun de Penderecki
à Copenhague. Il a mis en scène à l’OnR Simon Boccanegra en 2010
et Tannhäuser en mars dernier.
Ernest Chausson
Ernest Chausson naît à Paris le 20 janvier 1855. Il bénéficie
de l’instruction d’un précepteur qui, intéressé par les activités
artistiques, l’emmène dès ses jeunes années aux concerts et
aux expositions. Licencié en droit, il devient avocat en 1877
et continue de se passionner pour l’art. Il écrit plusieurs
nouvelles, s’essaie au dessin.
En 1878, ses trois premières partitions sont publiées : Chanson,
Sonatine pour piano à quatre mains et L’Âme des Bois. C’est
cette même année qu’il commence à suivre au Conservatoire
de Paris la classe de composition de Jules Massenet. Il rejoint
en 1882 la Société nationale de Musique, dont il deviendra plus
tard le secrétaire. C’est également cette année qu’il découvre
le Parsifal de Wagner, en assistant à sa création à Bayreuth.
L’œuvre lui fait un grand effet. L’année suivante, en 1883,
il épouse Jeanne Escudier, avec qui il restera jusqu’à sa mort.
Il continue de composer et rencontre la flore artistique de Paris,
à l’image de Vincent d’Indy, Henri Duparc, Gabriel Fauré, Claude Debussy, ou encore Stéphane
Mallarmé et Claude Monet.
Son œuvre se compose de trois périodes. Les années de 1878 à 1886 voient nombre de mélodies
élégantes, avec des chansons comme Le Charme en 1879, Les Papillons en 1880 ou Le Colibri en 1882.
Se distinguent également les prémices d’une influence wagnérienne, qui se retrouvent dans La Dernière
Feuille en 1880, année où il assiste à une représentation de Tristan et Isolde, ou dans La Caravane
en 1887. Cette influence du compositeur allemand est fortement présente dans la seconde période
de sa composition, qui débute avec sa nomination au secrétariat de la Société nationale de Musique
en 1886. Ses œuvres prennent un tournant dramatique plus affirmé. Parmi celles-ci, La légende de
Sainte-Cécile en 1891, mais également son unique opéra, Le Roi Arthus, qu’il écrit de 1886 à 1895.
Enfin, il entre vers 1894 dans une nouvelle ère, dans laquelle une influence des écrivains russes
et des poètes symbolistes est visible. Le Cycle des serres chaudes, écrit de 1893 à 1896 sur des poèmes
de Maeterlinck ou la Chanson perpétuelle en 1898 datent notamment de cette période.
Il meurt le 10 juin 1899 à Limay, heurté à la tête lors d’une chute de bicyclette.
PROLONGEMENTS
PÉDAGOGIQUES
Arts du son
• Orchestration caractérisée par la mise en valeur des bois
et la puissance des cuivres
• Repérer et mémoriser les thèmes principaux (leitmotives)
• Écriture vocale expressive et dynamique des voix de solistes
et des chœurs
• Influences de l’opéra wagnérien (Parsifal, Tristan et Isolde)
et de l’école franckiste
• La musique médiévale savante et populaire
(« chant du laboureur » dans l’opéra)
Arts du langage
• Portraits des personnages principaux de l’opéra
• Un livret à l’intrigue simple, poétique et symboliste,
dont l’action est intériorisée
• Légendes arthuriennes et sources
• Le merveilleux médiéval
Arts du spectacle vivant
• Théâtre : jeux de rôles à partir d’extraits du livret
Arts du visuel
• Enluminures et légendes arthuriennes
• L’image du chevalier au cinéma, à la télévision ou
dans les jeux vidéos
• Peintres symbolistes et impressionnistes à l’époque
de Chausson
Arts de l’espace
• Architecture des châteaux médiévaux, imaginer le château
du Roi Arthur
Histoire
• Le Moyen-âge, la chevalerie
La Table Ronde
• L’écriture médiévale
• Le Roman de Brut de Wace
• Le Mythe de la Table Ronde
• Lecture comparative des différents récits autour
des Chevaliers de la Table Ronde
• L’amour courtois
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