L`importance de la reproduction à plus grande échelle pour le

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DOCUMENT OCCASIONNEL DU FIDA
4
L’importance de la reproduction à plus grande
échelle pour le développement agricole et rural
Une réussite exceptionnelle au Pérou
Oeuvrer pour que les populations rurales pauvres se libèrent de la pauvreté
Ont apporté leur contribution au contenu du présent document, directement ou
indirectement, Johannes Linn, David Nabarro, Rodney Cooke, Elwyn Grainger-Jones,
Shyam Khadka, Cheikh Sourang et Barbara Massler pour ce qui est des données sur le
Pérou, et Sara Bridges et Bruce Murphy pour ce qui est de l’assistance rédactionnelle. Je
remercie tout particulièrement Roberto Haudry de Soucy qui, en tant que chargé de
programme de pays du FIDA au Pérou pendant de nombreuses années, était responsable
de la contribution du FIDA à la réussite qui est présentée ici. Merci aussi à Josefina Stubbs,
Directrice de la Division Amérique latine et Caraïbes, qui supervise les activités du FIDA
au Pérou.
© 2013 Fonds international de développement agricole (FIDA)
Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas
nécessairement celles du Fonds international de développement agricole (FIDA). Les
appellations et la présentation utilisées ne constituent en aucun cas une prise de position du
FIDA quant au statut juridique d’un pays, d’un territoire, d’une ville ou d’une zone ou de ses
autorités, ou quant au tracé de ses frontières ou limites. Les expressions "pays développés"
et "pays en développement" n’ont qu’une utilité statistique et ne représentent pas
nécessairement une prise de position quant au stade de développement atteint par un pays
ou une région donnée.
Tous droits réservés.
Couverture: ©FIDA/Pablo Coral Vega
ISBN 978-92-9072-432-2
Septembre 2013
DOCUMENT OCCASIONNEL DU FIDA
4
L’importance de la reproduction à plus
grande échelle pour le développement
agricole et rural
Une réussite exceptionnelle au Pérou
Kevin Cleaver
Vice-Président adjoint Département gestion des programmes
Fonds international de développement agricole
Rome, Italie
Oeuvrer pour que les populations rurales pauvres se libèrent de la pauvreté
Table des matières
Résumé
2
I.
Corrélation entre la pauvreté, l’agriculture et la faim
3
II.
Comment stimuler la production agricole
6
III. Rôle de la reproduction à plus grande échelle dans
les opérations du FIDA
11
IV. Conclusions
17
Références
18
Sigles
APD
Aide publique au développement
CORREDOR
Projet de développement du couloir Puno-Cuzco
FAO
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
FEAS
Projet de promotion du transfert de technologies aux
communautés paysannes des hauts plateaux
KfW
Kreditanstalt für Wiederaufbau
MARENASS
Projet de gestion des ressources naturelles dans la sierra
méridionale
ONG
Organisation non gouvernementale
PIB
Produit intérieur brut
S&E
Suivi-évaluation
Document occasionnel du FIDA
Résumé
La thèse avancée dans le présent article est que les gouvernements des pays qui planifient
leurs programmes de développement agricole et rural à grande échelle, c’est-à-dire en
englobant l’ensemble du secteur agricole et la plupart, voire la totalité, des ingrédients
importants de la croissance agricole et du développement rural, obtiennent de meilleurs
résultats en termes de production agricole et de réduction de la pauvreté et de la faim en
milieu rural que les pays qui n’investissent pas massivement et à grande échelle. La raison
en est que, dans la plupart des pays à faible revenu, l’agriculture reste le secteur
prédominant de l’économie qui utilise le plus de main-d’œuvre et en majorité des pauvres,
qui sont également ceux qui souffrent de la faim. Toute action publique visant à stimuler
l’agriculture sur une grande échelle est payante parce qu’elle accroît la production vivrière
et relève les revenus ruraux. Les donateurs qui appuient les programmes de grande
envergure des gouvernements sur le long terme contribuent donc davantage au succès de
ces pays que ceux qui interviennent à petite échelle et ont des objectifs à court terme ou qui
investissent dans de petits projets. L’expérience du FIDA au Pérou, où il aide depuis 20 ans
le gouvernement à investir davantage dans le développement agricole et rural des zones
pauvres de la région andine, a donné des résultats spectaculaires en termes de réduction de
la pauvreté. L’exemple péruvien montre que deux ingrédients sont essentiels: la volonté des
pouvoirs publics de lancer des interventions à grande échelle et la volonté des donateurs de
les soutenir sur cette voie.
2
I. Corrélation entre la pauvreté,
l’agriculture et la faim
La grande diversité des résultats obtenus par les pays en matière d’agriculture, de réduction
de la pauvreté et de lutte contre la faim, ainsi que des régimes appliqués par les
gouvernements au secteur agricole, permet d’étudier la corrélation entre performance du
secteur agricole, réduction de la pauvreté et de la faim, et action menée par les pouvoirs
publics pour appuyer l’agriculture à grande échelle1.
Les données les plus récentes de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation
et l’agriculture (FAO) montrent qu’au fil des ans des progrès considérables ont été faits pour
réduire le nombre total de personnes sous-alimentées dans le monde, et que la pauvreté
recule elle aussi. Selon l’Annuaire statistique 2013 de la FAO, le nombre de personnes
sous-alimentées est tombé de 1 milliard pour la période 1990-1992 à 868 millions pour
2010-2012 (FAO 2013, p. 90) et la prévalence de l’inadéquation du régime alimentaire
est passée de 26% pour 1990-1992 à 19% pour 2010-2012. Toutefois, les progrès
considérables observés en Asie et dans la région Amérique latine et Caraïbes se voient dans
une certaine mesure neutralisés par un accroissement du nombre de personnes pauvres
et dénutries dans de nombreux pays de l’Afrique subsaharienne et dans quelques pays
d’autres continents.
Les bons résultats du secteur agricole ont-ils joué un rôle important dans le recul de la
pauvreté et de la faim dans les pays dont le succès a été le plus marquant? Les données
factuelles montrent que la croissance agricole a des retombées importantes en termes de
réduction de la pauvreté:
• Une croissance agricole qui progresse de 1% par an en moyenne pousse les revenus à
la hausse dans une proportion de 2,7% pour les trois déciles inférieurs de revenus des
pays en développement (Banque mondiale 2007; De Janvry et Sadoulet 2009).
• L’investissement dans l’agriculture est de 2,5 à trois fois plus efficace que tout
autre investissement pour améliorer les revenus des populations pauvres (Banque
mondiale 2007).
• La croissance agricole, par opposition à la croissance en général, est habituellement le
moteur principal de la réduction de la pauvreté (Diao et al. 2007, p. 10).
Mais le contraire est tout aussi vrai; un recul de la croissance agricole appauvrit les quasipauvres, ce qui pourrait expliquer dans une certaine mesure la progression de la pauvreté et
de la faim dans les pays en développement en 2008, puis à nouveau en 2010, lors de l’envol
des prix des produits alimentaires dans le monde entier.
1 La reproduction à plus grande échelle n’est pas définie ici de manière précise. L’expression fait référence aux
projets ou programmes qui ont des retombées pour un grand nombre de personnes en milieu rural. Ce nombre
variera en fonction de la taille du pays: ce qui serait considéré un programme de grande envergure en Chine aura
une incidence sur bien plus de personnes qu’un programme de grande envergure exécuté au Togo, par exemple.
L’expression fait également référence à la pérennité de l’action menée: les programmes doivent avoir des effets
durables. En revanche, elle ne dit rien du coût du programme. Les programmes de faible coût ayant des eff ets
positifs pour un grand nombre de personnes ont plus d’utilité que des programmes très coûteux ayant des effets
similaires pour le même nombre de personnes.
3
Document occasionnel du FIDA
Les observations témoignant de l’incidence positive de la croissance du secteur agricole
sur la réduction de la pauvreté ne datent pas d’hier. Une poussée de la croissance agricole
due à une amélioration de la productivité est à l’origine du développement initial de
l’Europe occidentale, du Japon et des États-Unis et, ultérieurement, de la Chine et de la
République de Corée (Banque mondiale 2007, p. 35).
Une autre façon d’envisager la question consiste à comparer les pays où le recul de la
pauvreté et de la sous-alimentation a été le plus marqué à ceux dont la croissance agricole
a été la plus rapide au cours de la même période. Le tableau 1 montre que les pays en
développement dont le secteur agricole s’est développé le plus rapidement ont aussi
enregistré le recul le plus marqué de la pauvreté et de la malnutrition2.
Les pays indiqués au tableau 1 sont ceux dont le secteur agricole a enregistré les
meilleurs résultats au cours des presque 20 années qui se sont écoulées entre les années 1990
et 2000 (jusqu’en 2008). Tous ces pays “stars” de la croissance agricole pour lesquels des
TABLEAU 1
Pays dont le taux
de croissance du
PIB agricole était le
plus élevé dans les
années 1990 et 2000
Taux de croissance
du secteur agricole
dans les années
1990 et 2000
(pourcentage par an)
Évolution de la
proportion de la
population vivant avec
moins de 1,25 USD par
jour entre 1998 et 2008
(pourcentage de
la population)
Variation en pourcentage
de la population
sous-alimentée entre
1990/1992 et
2004/2006a
(pourcentage)
Moyenne globale des
pays en développement
3,3
-20
-
Algérie
5,2
-
-
Belize
4,8
-
-
Bénin
5,2
-
-9,0
Brésil
4,0
-9,7
-4,0
Burkina Faso
6,7
-49,7
-5,0
Cambodge
4,6
-
-13,0
Chili
4,3
-1,5
-
Chine
4,0
-31,6
-
Éthiopie
4,8
-46,0
-27,4
Malawi
5,7
-50,8
-16,0
Maroc
5,7
-6,3
-
Mozambique
5,6
-45,9
-22,0
Paraguay
4,4
-16,9
-4,0
Pérou
4,4
-6,7
-15,0
République arabe syrienne
5,6
-
-
République démocratique
populaire lao
4,0
-37,2
-8,0
République-Unie de Tanzanie
4,0
-
-
Rwanda
4,4
-
-5,0
Viet Nam
4,9
-45,1
-15,0
a
FIDA2010a, p. 249-253, basé sur les données de FAOSTAT (http://faostat.fao.org/).
Note: le tiret signifie que les données ne sont pas disponibles.
2 Voir FIDA 2010a, qui compare l’incidence de la pauvreté (tableaux p. 248 à 253) au taux de croissance du secteur
agricole (p. 238 à 241). Le tableau 1 énumère les pays dont le taux de croissance moyen du secteur agricole au cours
des années 1990 et 2000 était égal ou supérieur à 4% par an, soit celui de la Chine. La troisième colonne montre le
recul de l’incidence globale de la pauvreté dans un pays (mesurée en pourcentage de la population qui vit avec moins
de 1,25 USD par person ne par jour). Les données sont des moyennes simples. Pour ce qui est de la Guinée et de
Myanmar, les statistiques officielles placeraient ces pays dans le groupe de ceux dont la croissance agricole est forte,
mais ces chiffres étant contestables, ils n’ont pas été inclus dans le tableau.
4
données sont disponibles, à l’exception du Chili, étaient également au cours de la même
période les champions du recul de la pauvreté (réduction du pourcentage de leur
population vivant avec moins de 1,25 USD par personne par jour, comme on le voit à la
troisième colonne). Même dans le cas qui faisait exception, celui du Chili, la pauvreté a
quelque peu reculé à mesure que l’essor du secteur agricole s’accélérait. De même, en
prenant la baisse de la malnutrition comme variable dépendante, les pays dont le secteur
agricole progressait à un rythme soutenu ont en général enregistré un net recul du
pourcentage de leur population souffrant de malnutrition3. Les analyses de la Banque
mondiale (2007) et de l’Institut international de recherche sur les politiques
alimentaires (IFPRI) (2007) citées plus haut semblent indiquer qu’il existe empiriquement
une corrélation étroite entre une forte croissance du secteur agricole et une réduction
de la pauvreté. On verra au tableau 1 les pays concernés et l’ampleur des résultats qu’ils
ont obtenus.
Les faits résumés ci-dessus montrent que, tout au moins aux stades initiaux du
développement, la croissance agricole est un moteur efficace de réduction de la pauvreté.
Quand les pays atteignent le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure
(par exemple le Chili qui, comme le montre le tableau, a enregistré de bons résultats dans
le secteur agricole sans que la pauvreté diminue davantage), il pourrait être plus efficace,
pour réduire encore la pauvreté, d’intervenir dans d’autres secteurs que l’agriculture, en
fonction de l’importance que garde le secteur agricole dans l’économie nationale.
3 Il convient de préciser qu’un secteur agricole qui contribue à réduire la malnutrition peut avoir des caractéristiques
très différentes d’un secteur agricole qui contribue à réduire la pauvreté: la malnutrition est un indicateur indirect
imparfait de la pauvreté, et vice versa.
5
Document occasionnel du FIDA
II. Comment stimuler la
production agricole
En sait-on suffisamment sur les moyens de stimuler la croissance agricole et le
développement rural dans les pays à faible revenu, et sur leur rapport avec la notion de
“reproduction à plus grande échelle”? Une abondante littérature démontre que
l’investissement national et international dans le développement agricole et rural, tant privé
que public, stimule la croissance. Le Rapport sur le développement dans le monde 2008 (Banque
mondiale 2007) portait sur cette question, tout comme le Rapport sur la pauvreté rurale 2011
(FIDA 2010a). Le rapport de la Banque mondiale indique que, pour développer avec succès
l’agriculture, des investissements importants et des politiques appropriées sont nécessaires.
Une première série de mesures concerne les investissements servant à améliorer l’accès des
exploitants agricoles et des entreprises agro-industrielles aux marchés. Il importe à cette fin
de prendre des mesures incitatives, de conclure des accords avec les pays partenaires et
d’investir dans l’infrastructure et les services publics. Ces mesures et ces investissements
permettent en général d’instaurer un environnement qui stimule l’investissement privé
dans la commercialisation, la fourniture des intrants agricoles, la transformation des
produits agricoles et, bien sûr, les activités agricoles elles-mêmes. Les investissements sont
à la fois privés et publics, l’État investissant surtout dans l’infrastructure et l’éducation en
milieu rural, l’information, la réglementation et les politiques. La seconde série de mesures
met l’accent, tant au niveau international qu’à celui de chaque gouvernement, sur la
productivité des petites exploitations agricoles, la production vivrière, la lutte contre la
dégradation de l’environnement et la gestion des ressources naturelles, car les petits
exploitants ont des besoins bien spécifiques en matière d’information, d’infrastructures et
d’appui. Il faut à cette fin encourager aussi la recherche-développement et proposer des
instruments pour atténuer les risques encourus par les exploitants ainsi que des services
financiers ruraux, entre autres. La mobilité de la main-d’œuvre est importante, tout comme
la qualité de la gouvernance du secteur public et la constance des donateurs. Il faut
également des investissements plus importants dans les zones rurales, pour inciter les
jeunes à ne pas les quitter.
Les investissements qui contribuent à stimuler la croissance agricole concernent
notamment les domaines suivants:
• appui à l’investissement à l’échelle des exploitations;
• investissements dans la recherche et la vulgarisation agricoles;
• finance rurale;
• régime foncier, régénération et gestion des terres;
• création d’emplois ruraux et appui aux petites entreprises autres qu’agricoles par des
investissements dans l’agriculture paysanne, les activités agro-industrielles, la
commercialisation et la fourniture des intrants;
• développement des organisations paysannes pour aider à gérer les investissements à
l’échelle des villages et permettre aux exploitants agricoles de faire entendre leur voix
dans les instances politiques nationales et locales;
• infrastructure;
• gestion de l’eau et de l’irrigation en milieu rural;
• voirie et énergie en milieu rural;
6
• gestion durable des biens naturels, notamment des forêts, des zones de pêche, des
pâturages et de l’eau;
• nutrition et sécurité alimentaire des ménages en menant des actions éducatives en
milieu rural pour faire évoluer la production vivrière et le régime alimentaire des
ménages;
• création de services publics décentralisés dans les zones rurales;
• politiques agricoles favorables évitant les mesures qui ont des effets de distorsion, par
exemple, une forte présence ou une mainmise de l’État sur la commercialisation, la
transformation des produits agricoles et la fourniture des intrants, le contrôle des
exportations de produits agricoles, l’interdiction des investissements privés dans
l’agriculture et le subventionnement disproportionné des engrais.
La question qui se pose est dès lors la suivante: si la croissance agricole est si efficace pour
réduire la pauvreté, et puisque nous savons comment obtenir cette croissance, pourquoi
l’essor de la production agricole et le développement rural posent-ils autant de problèmes
dans la plupart des pays en développement? Les pays dont le secteur agricole a été peu
performant, c’est-à-dire la majorité, ne figurent donc pas dans le tableau ci-dessous étant
donné que leur agriculture ne progresse pas au rythme annuel de 4% au moins. Pourquoi
le problème général de la pauvreté et de la nutrition en milieu rural n’est-il pas résolu dans
ces pays, alors qu’il l’est effectivement dans les pays indiqués dans le tableau? Pourquoi les
solutions connues, notamment celles qui ont été indiquées plus haut, ne sont-elles pas plus
largement appliquées?
L’une des réponses à cette question est que l’investissement dans l’agriculture, que ce soit
celui des gouvernements des pays en développement ou celui des bailleurs d’aide, diminue
depuis les années 1980. Selon les chiffres de l’Organisation de coopération et de
développement économiques, la part de l’agriculture dans l’aide bilatérale et multilatérale a
atteint le niveau record de 22,5% au cours de la période 1979-1981 et n’a cessé de baisser
depuis, tombant à 5,4% pour 2003-2005, avant de repasser à 6% dans les statistiques les plus
récentes4. Outre que l’aide publique au développement (APD) est en baisse, rares sont les
gouvernements qui ont investi des ressources suffisantes dans leur secteur agricole. Sous le
double effet de la diminution de l’aide en faveur de l’agriculture et du faible niveau des
investissements des pays en développement dans leur secteur agricole, on en est arrivé à un
énorme décalage entre les besoins du développement agricole et le niveau effectif des
investissements. Par exemple, malgré les engagements qu’ils ont pris en 2003 dans la
Déclaration de Maputo, la quasi-totalité des gouvernements africains consacrent encore
moins de 10% de leur budget public à l’agriculture (FIDA 2010b, p. 27).
Bien que les donateurs ne soient en général pas aussi critiques de l’action “à grande
échelle” que les gouvernements des pays en développement, leur contribution à cet égard
peut avoir des effets positifs ou négatifs. La multitude de donateurs est l’une des sources
possibles de ces effets négatifs. La Brookings Institution a évalué 132 organismes d’aide qui
apportaient une assistance à des milliers de projets, dans tous les secteurs (Birdsal et Kharas
2010). Autrement dit, le “business” de l’aide se caractérise en général par d’innombrables
petits projets. Des données sont fournies sur 924 000 projets de 322 organismes de
donateurs (ibid., p. 17). L’un des exemples cités, en Afrique, est celui de l’Éthiopie où la
Banque mondiale a recueilli des renseignements sur 20 donateurs qui, en 2005, appuyaient
100 projets agricoles (Banque mondiale 2007, p. 257). Les donateurs financent des projets
4 Voir Islam 2011. Le montant de l’aide en faveur de l’agriculture représentait en moyenne 6,3 milliards d’USD au
cours de la période 2006-2008, sur un montant total de l’aide, tous secteurs confondus, d’environ 104,8 milliards
d’USD, soit 6%.
7
Document occasionnel du FIDA
agricoles dans tous les pays en développement et, dans ceux où le secteur agricole est peu
performant (c’est-à-dire tous ceux qui ne figurent pas au tableau 1), cette aide, déjà
dispersée et fournie dans un environnement politique peu porteur, n’a souvent pas d’effet
sur un grand nombre de personnes ou sur le taux de croissance du secteur agricole du pays.
La direction dans laquelle il faudrait, semble-t-il, s’engager serait d’associer des projets
financés au titre de l’aide pour appuyer des programmes gouvernementaux de grande
envergure, ou de convaincre les gouvernements et les autres financeurs de reproduire à plus
grande échelle les projets qui ont donné des résultats positifs.
En examinant rétrospectivement la période plus longue qui englobe les années 1990 et
les années 2000, on remarque que, grâce à des investissements massifs réalisés dans
l’agriculture dans le cadre de programmes publics de grande envergure, les gouvernements
du Brésil, de la Chine, du Maroc, du Mozambique, du Pérou, de la République
démocratique populaire lao, de la République-Unie de Tanzanie et du Viet Nam – tous des
pays dont le secteur agricole a été très performant tout au long de cette période – sont
parvenus à un excellent niveau de croissance agricole et à un recul sensible de la pauvreté.
Il n’existe malheureusement pas de moyen efficace pour mesurer les interventions “à grande
échelle”, d’où l’impossibilité d’étudier empiriquement le lien entre la reproduction à plus
grande échelle et les résultats du secteur agricole. L’indicateur indirect utilisé au tableau 2
est le volume des investissements publics dans l’agriculture par rapport au produit intérieur
brut (PIB). On prend ainsi pour hypothèse que les gouvernements qui affectent une part
plus importante de leur budget à l’agriculture, en pourcentage de leur PIB, sont ceux qui
vont investir à plus grande échelle dans des projets et programmes de plus grande
envergure. Le problème inhérent à une telle hypothèse est que les gouvernements qui ont
de vastes programmes d’investissement dans l’agriculture pourraient très bien scinder ces
programmes en de multiples petits projets. On pourrait alors faire valoir que, même en
TABLEAU 2
Pays dont le taux de
croissance du PIB agricole
était le plus élevé dans
les années 1990 et 2000
8
Taux de croissance
agricole dans les
années 1990 et 2000
(en pourcentage par an)
Moyenne des dépenses publiques
dans l’agriculture, en
pourcentage du PIB
(1995-2007) (en pourcentage)
Moyenne globale des
pays en développement
3,3
0,81
Algérie
5,2
-
Belize
4,8
-
Bénin
5,2
-
Brésil
4,0
0,31
Burkina Faso
6,7
-
Cambodge
4,6
-
Chili
4,3
-
Chine
4,0
1,25
Éthiopie
4,8
1,94
Malawi
5,7
1,60
Maroc
5,7
0,96
Mozambique
5,6
-
Paraguay
4,4
-
Pérou
4,4
-
République arabe syrienne
5,6
2,30
République démocratique
populaire lao
4,0
-
République-Unie de Tanzanie
4,0
-
Rwanda
4,4
-
Viet Nam
4,9
-
pareil cas, ce qui importe, c’est l’ampleur des montants investis dans le secteur agricole. Il
est néanmoins évident qu’un meilleur outil de mesure est nécessaire. On verra au tableau 2
une comparaison des taux de croissance agricole dans les années 1990 et 2000 pour les
seuls pays dont l’agriculture a été performante, les investissements publics dans l’agriculture
étant indiqués en pourcentage du PIB.
Le tableau 3 présente une seconde série de pays dont les investissements dans l’agriculture
étaient supérieurs à la moyenne, mais qui ne sont pas parvenus à un taux de croissance
agricole aussi spectaculaire et qui, pour quelques-uns d’entre eux, ont même enregistré des
résultats assez médiocres (Bhoutan, Sri Lanka et Thaïlande). D’autres facteurs expliquent la
faible expansion du secteur agricole dans ces pays en dépit des sommes investies. Sri Lanka a
traversé une période de guerre civile; le Bhoutan est un pays montagneux sans littoral dont le
potentiel agricole est limité. L’Inde a enregistré des résultats satisfaisants, puisque le taux de
croissance agricole y dépassait régulièrement 3%, sans pour autant rejoindre le groupe des
“stars” de la croissance agricole, malgré les investissements considérables de l’État et des
donateurs dans l’agriculture. Les subventions importantes accordées à l’agriculture et une
politique inadaptée de commercialisation des produits agricoles n’ont pas permis à l’Inde
d’atteindre le rythme de croissance agricole de la Chine.
Il est par ailleurs instructif d’examiner le cas des pays d’Afrique qui ont atteint l’objectif
de 10% fixé dans la Déclaration de Maputo pour ce qui est de l’investissement public dans
l’agriculture. On pensait qu’un tel pourcentage permettrait à l’État d’investir à grande
échelle. Bien évidemment, le chiffre de 10% est tout à fait arbitraire mais il traduisait à
l’époque la position consensuelle des dirigeants africains. Très rares sont les pays d’Afrique
qui ont pu investir autant dans l’agriculture – l’Éthiopie, Madagascar, le Malawi, le Mali, le
Niger et le Sénégal sont les seuls à y être parvenus5. Plusieurs de ces pays avaient de vastes
programmes d’investissements publics à l’échelle nationale qui, pour la plupart,
bénéficiaient d’un appui des donateurs. Le secteur agricole s’est ainsi développé en Éthiopie
(taux annuel de croissance de 7% entre 2000 et 2008), au Mali (5,2%) et au Niger (7,1%),
mais pas à Madagascar (2,1%), ni au Malawi (1,1%) ou au Sénégal (1,5%). Dans ces
derniers cas, d’autres facteurs ont neutralisé les effets positifs des investissements publics
massifs dans l’agriculture. Citons au nombre de ces facteurs des politiques inadaptées en
matière de prix et de commercialisation des produits agricoles (au Malawi et au Sénégal),
lesquelles peuvent atténuer, voire annuler les effets positifs des investissements dans
l’agriculture, même si le gouvernement consacre plus de 10% de son budget à ce secteur.
TABLEAU 3
Autres pays dont les
dépenses dans l’agriculture
sont importantes, mais la
croissance du secteur
moins soutenue
Taux de croissance agricole
dans les années 1990 et 2000
(en pourcentage par an)
Investissements publics dans
l’agriculture, en pourcentage
du PIB (1995-2007)
Bhoutan
2,0
4,05
Égypte
3,3
1,36
Inde
3,1
0,80
Philippines
2,9
0,90
Sri Lanka
2,2
1,10
Thaïlande
2,4
1,47
Tunisie
3,1
2,28
5 Les données concernant la part du budget de l’État allouée à l’agriculture dans les pays africains au cours des
années 2000 ont été fournies par le Bureau indépendant de l’évaluation du FIDA (FIDA 2010b, 27). Les taux de
croissance du secteur agricole se rapportent aux années 2000 et n’incluent pas les années 1990 en raison de
l’absence de données relatives à cette décennie pour la p lupart des pays africains.
9
Document occasionnel du FIDA
Madagascar a traversé une longue période de troubles civils et d’isolement international qui
ont réduit son économie à néant, y compris le secteur agricole.
On peut en conclure à titre préliminaire que des investissements publics plus
importants dans l’agriculture, allant de pair avec des montants accrus alloués à ce secteur au
titre de l’APD, permettent de lancer des programmes agricoles de plus grande envergure
(souvent à l’échelle de tout le pays). Il semblerait que ce soit là un moyen d’accélérer la
croissance agricole, sauf si des politiques défavorables, des troubles civils ou d’autres
variables (par exemple, l’insuffisance des pluies) entrent en jeu. Les opérations à grande
échelle ne sont pas la panacée mais, conjuguées à des politiques adaptées et à une bonne
gouvernance, peuvent – comme on l’a vu en Afrique – contribuer à atteindre un taux de
croissance agricole supérieur au taux de référence de 4% par an enregistré en Chine, comme
ce fut le cas par exemple en Éthiopie, au Mali et au Niger dans les années 2000. Les pays
dont la performance est bonne reçoivent par ailleurs une aide considérable des donateurs
en faveur de l'agriculture, et notamment du FIDA (qui alloue ses ressources aux pays en
fonction de leur performance). De plus, cette aide s’oriente vers les programmes de grande
envergure de ces pays, justement parce que leurs gouvernements ont lancé des programmes
à vaste échelle par le biais desquels les donateurs et les pouvoirs publics peuvent acheminer
leurs ressources. Pourtant, un niveau important d’investissements publics dans l’agriculture
ne suffit pas, comme on le voit pour les pays les moins performants du tableau, dont les
investissements ont été considérables mais dont la croissance agricole est restée faible. Des
politiques judicieuses, un potentiel agricole, des systèmes de commercialisation et des
infrastructures d’un niveau raisonnable ainsi que l’absence de troubles civils jouent
également un rôle. Les problèmes rencontrés dans ces domaines peuvent neutraliser les
effets positifs d’investissements publics importants et de programmes de grande envergure.
Qu’en est-il des pays absents de ces tableaux qui investissent très peu dans l’agriculture?
Certains des investissements énumérés plus haut qui contribuent à stimuler la
croissance agricole sont parfois réalisés dans ces pays (qui, ne l’oublions pas, sont la
majorité), mais il s’agit uniquement d’investissements limités d’aide et de ressources
publiques dans de petits projets. Vu le budget limité de l’État dans ces pays, les
investissements dans l’agriculture sont rarement d’une envergure suffisante pour avoir un
impact sur une grande partie de la population. La reproduction à plus grande échelle y est
rare. Faute d’investissements suffisants de l’État et de programmes de grande envergure,
outre un environnement global peu favorable, la croissance du secteur agricole est faible et
contribue aux problèmes de la faim et de la pauvreté rurale qui caractérisent ces pays (mais
d’autres aussi).
C’est là que l’expérience du FIDA a toute sa pertinence. On estime que ses projets en
cours ont directement permis à 60 millions de personnes de se libérer de la pauvreté au
cours de la période 2008-2012, chiffre pourtant relativement modeste au regard de
l’immensité du problème (près de 900 millions de personnes vivent dans une extrême
pauvreté à l’échelle du monde). Vu l’ampleur du problème et étant donné que le nombre
de ceux qui souffrent de la faim et vivent dans la pauvreté en milieu rural ne diminue que
très lentement en termes absolus, il apparaît clairement qu’aucun donateur n’a un impact
assez marqué à grande échelle. L’argument avancé ci-dessus est que les pays où la pauvreté
rurale a reculé ont, avec une aide extérieure, investi un volume suffisant de leurs ressources
publiques dans l’agriculture et obtenu de bons résultats quand ils ont par ailleurs adopté
une politique agricole judicieuse et qu’ils ne traversaient pas une période de troubles civils.
Le défi consiste donc à convaincre les gouvernements des pays en développement et les
donateurs qui sont leurs partenaires de reproduire à plus grande échelle les programmes
d’investissement dans l’agriculture qui donnent de bons résultats et à prendre les mesures
propices à cette fin qui ont été énumérées plus haut.
10
III. Rôle de la reproduction à plus grande
échelle dans les opérations du FIDA
Afin de promouvoir le développement agricole et rural, le FIDA fournit des fonds, des
conseils techniques et bâtit des partenariats pour aider les gouvernements et les
organisations nationales (société civile, groupements d’agriculteurs, organisations non
gouvernementales [ONG] et secteur privé) à améliorer durablement les revenus ruraux et la
sécurité alimentaire. Ce faisant, il aide à développer les capacités locales des pays. Le FIDA
met exclusivement l’accent sur les zones rurales et le développement rural. Son assistance
porte sur l’approvisionnement en intrants agricoles, la commercialisation, la transformation
des produits agricoles et l’appui aux organisations paysannes en vue de lutter contre la
pauvreté rurale et la faim, et d’améliorer la sécurité alimentaire. Les contributions financ ières
et techniques du FIDA complètent et, de plus en plus souvent, stimulent celles des
gouvernements, d’autres institutions locales et d’autres donateurs.
Entre 2010 et 2012, le FIDA a investi environ 1 milliard d’USD sous forme de prêts et de
dons à cette fin en faveur de gouvernements de pays en développement, de groupements de
la société civile et d’ONG. Il prévoit d’investir près de 1 milliard d’USD par an au cours des
cinq prochaines années. Par ailleurs, il mobilise des cofinancements avec d’autres
donateurs, gouvernements bénéficiaires, ONG et entités du secteur privé. En 2012, il a
mobilisé près de 1,5 milliard d’USD sous forme de cofinancements. Cependant, comme
cela a été dit précédemment, le FIDA n’a libéré de la pauvreté qu’environ 60 millions de
personnes entre 2008 et 2012.
Ayant conscience que son action doit améliorer le sort de bien plus de personnes
pauvres, le FIDA a souligné dans son Cadre stratégique 2011-2015 que la reproduction à
plus grande échelle de ses interventions ayant eu des retombées considérables était un
aspect crucial de sa mission. Pour atteindre cet objectif, une étude portant sur la
reproduction à plus grande échelle par le FIDA de ses programmes a été commandée à la
Brookings Institution en 2010-2011. Les conclusions en étaient que le FIDA avait su trouver
de bonnes solutions pour la reproduction à plus grande échelle mais qu’il lui fallait adopter
une démarche plus systématique (Linn et al. 2011). Le projet de développement rural dans
les hauts plateaux du Pérou y était cité comme un bon exemple de reproduction à plus
grande échelle par le FIDA d’un projet ayant donné des résultats positifs par le passé (bien
que, comme c’est le cas pour les autres donateurs, la plupart de ses projets ne soient pas
forcément reproduits à plus grande échelle, même s’ils donnent de bons résultats)6.
Cette expérience péruvienne a commencé dans les années 1980 avec des projets de
développement rural de petite taille axés sur des territoires restreints (Projet de
développement rural de l’Alto Mayo et Projet de développement rural des hauts plateaux de
Cuzco et d’Arequipa). Compte tenu des résultats mitigés de ces projets, le FIDA a préparé un
nouveau projet dans les Andes, dans l’extrême sud du Pérou, le Projet de promotion du
transfert de technologies aux communautés paysannes des hauts plateaux (FEAS), en ciblant
les populations autochtones pauvres des hauts plate aux andins. Dès 1993, l’idée
fondamentale qui sous-tendait ce projet était que les populations rurales locales
parviendraient à s’organiser pour soumettre des projets d’investissement adaptés aux besoins
6 Élaboré à partir de documents internes du FIDA et de renseignements fournis par Barbara Massler de AGEG
Consultants eG (Brookings Institution et FIDA).
11
Document occasionnel du FIDA
de leur communauté. Les investissements concernaient de petites entreprises dans les
secteurs de l’agriculture et du tourisme et des activités en rapport avec l’agriculture. Les
communautés locales ont créé des comités de sélection des projets qui évaluaient les
propositions et choisissaient celles qu’ils jugeaient utiles de financer. Une compétition était
lancée entre les diverses communautés, et le choix des gagnants se faisait en public. Une
assistance technique était fournie, si elle était sollicitée, pour aider à préparer les propositions
et à les superviser. Les communautés locales participaient au financement des coûts.
Pérou: innovations clés en cours de reproduction à plus grande échelle
• Compétitions entre bénéficiaires – GRN et petites entreprises
• Comités locaux chargés de l’allocation des ressources (LARC)
• Mobilisation des talents locaux
• Transfert direct de fonds publics aux organisations communautaires
• Comptes d’épargne pour les femmes
©FIDA/Pablo Coral Vega
©FIDA/Susan Beccio
©FIDA/Elisa Finocchiaro
Note: GRN = gestion des ressources naturelles (eau, terres, sols, forêts, faune et flore sauvages).
12
Un solide système de suivi-évaluation (S&E) et un bon encadrement local étaient
également des ingrédients essentiels du succès. Le fait de demander aux organisations
locales de donner leurs idées et d’encadrer les activités a également eu son importance. Ce
projet a été exécuté au cours de la période 1993-1999.
La deuxième phase du projet FEAS a consisté à étendre les activités à une zone plus large
du sud du Pérou, comme on le voit sur la carte ci-dessous. La gestion des ressources
naturelles (terres, eau, forêts et sols) a constitué une nouvelle priorité mais le processus de
gestion communautaire intensive, avec l’aide d’une unité de gestion du projet du
gouvernement, a été maintenu. Ce projet s’intitulait Projet de gestion des ressources
naturelles dans la sierra méridionale (MARENASS).
PHASE 1
Équateur
Colombie
Tumbes
Loreto
Amazonas
Piura
Lambayeque
Cajamarca
San
Martín
La Libertad
Brésil
Ancash
Huánuco
Ucayali
Pasco
Lima
Callao,
Prov. Constitucional
Lima
Junín
Madre de Dios
Huancavelica
Cusco
Apurímac
Ica
Ayacucho
Puno
Arequipa
Moquegua
0
100
200
Millas
Tacna
FEAS: 40 000 ménages bénéficiaires
Chili
PHASE 2
Équateur
Colombie
Tumbes
Piura
Loreto
Amazonas
Lambayeque
Cajamarca
San
Martín
La Libertad
Brésil
Ancash
Huánuco
Ucayali
Pasco
Lima
Callao,
Prov. Constitucional
Lima
Junín
Madre de Dios
Huancavelica
Ica
Cusco
Apurímac
Ayacucho
Puno
Arequipa
Moquegua
0
100
200
Millas
Tacna
MARENASS: 28% de ménages
extrêmement pauvres et 8,3% de
ménages pauvres de moins
FEAS: 40 000 ménages bénéficiaires
Chili
B
13
Document occasionnel du FIDA
La troisième phase (2000-2008), qui avait pour but de procéder à certains ajustements
pour améliorer la gestion et la participation locales, a renforcé l’assistance technique
fournie aux communautés locales dans le cadre du projet et encouragé les initiatives
commerciales et la préparation de plans d’activité. Elle augmentait le nombre de
bénéficiaires et le territoire desservi. Il s’agissait du Projet de développement du couloir
Puno-Cuzco (CORREDOR).
La quatrième phase, qui élargissait encore la zone d’intervention, ajoutait aussi un volet
nutrition. Il s’agissait du Projet de renforcement des marchés et de diversification des
moyens d’existence dans la sierra méridionale (Sierra Sur), exécuté entre 2005 et 2011.
PHASE 3
Équateur
Colombie
Tumbes
Loreto
Amazonas
Piura
Lambayeque
Cajamarca
San
Martín
La Libertad
Brésil
Ancash
Huánuco
Ucayali
Pasco
Lima
Callao,
Prov. Constitucional
Lima
Junín
Madre de Dios
Huancavelica
Cusco
Apurímac
Ica
Ayacucho
Puno
Arequipa
Moquegua
0
100
CORREDOR: chaque dollar investi sous
forme de prêt coûte 30 cents et permet
aux bénéficiaires d’en mobiliser 5
200
Millas
Tacna
MARENASS: 28% de ménages
extrêmement pauvres et 8,3% de
ménages pauvres de moins
FEAS: 40 000 ménages bénéficiaires
Chili
PHASE 4
Équateur
Colombie
Tumbes
Piura
Loreto
Amazonas
Lambayeque
Cajamarca
San
Martín
La Libertad
Brésil
Ancash
Huanuco
Huánuco
SIERRA SUR: 16 000 ménages libérés
de la pauvreté (37% des ménages
bénéficiaires); baisse de la malnutrition
chronique de 36% à 22%
Ucayali
Pasco
Lima
Callao,
Prov. Constitucional
Lima
Junín
Madre de Dios
Huancavelica
Ica
Cusco
Apurímac
Ayacucho
Puno
Arequipa
Moquegua
0
100
200
Millas
CORREDOR: chaque dollar investi sous
forme de prêt coûte 30 cents et permet
aux bénéficiaires d’en mobiliser 5
Tacna
MARENASS: 28% de ménages
extrêmement pauvres et 8,3% de
ménages pauvres de moins
FEAS: 40 000 ménages bénéficiaires
Chili
B
14
Au cours de la cinquième phase (phase en cours), deux projets ont été ajoutés: l’un dans
les hauts plateaux du nord – le Projet de renforcement des actifs, des marchés et des
politiques de développement rural des hauts plateaux du nord (Sierra Norte, 2009-2015) –
et une phase ultérieure du projet exécuté dans la Sierra méridionale (Sierra Sur II, 20112013). L’approche décrite plus haut est devenue le Programme national de développement
des hauts plateaux andins du Pérou, qui bénéficie de l’appui du Gouvernement péruvien,
de la Banque mondiale et de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) (banque de
développement du Gouvernement allemand). Le Pérou est désormais l’un des pays
énumérés aux tableaux 1 et 2 dont l’agriculture est performante.
Dans le cas du Pérou, l’idée entièrement nouvelle, surtout dans les années 1980, d’après
laquelle le développement rural pouvait être conduit par les populations locales, souvent
autochtones, a été le facteur déterminant. Le FIDA a défini l’optique globale et servi de
catalyseur extérieur. Il a apporté le financement extérieur, en parallèle à celui du
gouvernement. Il a incité la population à participer, notamment en organisant les
compétitions entre groupements locaux d’agriculteurs pour obtenir les ressources fournies
dans le cadre du projet. Les groupes locaux eux-mêmes ont assuré la gestion des sousprojets gagnants. Le S&E était une activité importante, de sorte que les donateurs, les
gouvernements et les communautés locales avaient une bonne connaissance des activités et
de leur impact. Le volet gestion des savoirs faisait partie intégrante des projets. Les
communautés locales contribuaient financièrement à leur exécution. Le gouvernement a
offert l’espace politique nécessaire en déclarant officiellement que ce projet (qui est
désormais un programme) était le programme gouvernemental de développement agricole
et rural de la région andine. Le gouvernement et les communautés rurales ont développé
leur capacité de gestion, et l’apprentissage a été intégré au processus. Le renforcement des
institutions est un aspect important de la reproduction de tout programme à plus grande
échelle. Le gouvernement et le FIDA ont engagé des ressources et du personnel sur le long
terme, soit une période de 20 ans (encore en cours). L’objectif était d’obtenir un impact à
grande échelle et non pas simplement d’exécuter un programme de grande envergure.
L’optique à très long terme adoptée a été cruciale car elle a permis d’assurer des résultats
PHASE 5
Équateur
Colombie
Tumbes
Piura
SIERRA NORTE (en cours): développement territorial
innovant; le financement des municipalités est
proportionnel à celui du FIDA
Loreto
Amazonas
Lambayeque
Cajamarca
San
Martín
La Libertad
Brésil
Ancash
Huánuco
SIERRA SUR: 16 000 ménages libérés
de la pauvreté (37% des ménages
bénéficiaires); baisse de la malnutrition
chronique de 36% à 22%
Ucayali
Pasco
Lima
Callao,
Prov. Constitucional
Lima
Junín
Madre de Dios
Huancavelica
Ica
Cusco
Apurímac
Ayacucho
Puno
Arequipa
Moquegua
0
100
200
Millas
CORREDOR: chaque dollar investi sous
forme de prêt coûte 30 cents et permet
aux bénéficiaires d’en mobiliser 5
Tacna
MARENASS: 28% de ménages
extrêmement pauvres et 8,3% de
ménages pauvres de moins
FEAS: 40 000 ménages bénéficiaires
Chili
B
15
Document occasionnel du FIDA
durables. D’autres donateurs copient ce modèle, par exemple le projet de développement
rural dans la Sierra de la Banque mondiale (Programme d’appui aux alliances rurales
productives sur les hauts plateaux, ou Alliados, 2007-2013), qui couvre 43 provinces. Le
programme agroenvironnemental de la KfW (2003) a également repris certains aspects de
ce modèle. En matière de gestion des savoirs, l’un des aspects essentiels de cette expérience
péruvienne, les “itinéraires d’apprentissage”, est en cours de reproduction dans plusieurs
pays d’Afrique et d’Asie.
L’impact de ce programme a fait l’objet d’évaluations indépendantes du Gouvernement
péruvien, d’une part, et du Bureau indépendant de l’évaluation du FIDA, de l’autre. Ces
évaluations ont conclu que cette cascade de projets interconnectés avait donné des résultats
très satisfaisants, considérablement amélioré la sécurité alimentaire, réduit la malnutrition
et la pauvreté, et rendu les communautés locales plus autonomes.
L’enseignement à en tirer est que le FIDA, à l’instar d’autres donateurs, doit s’efforcer
d’accroître l’impact de chaque dollar prêté ou donné, pour que bien plus de personnes en
bénéficient. À l’heure actuelle, l’objectif du FIDA est d’abaisser à 40 USD le coût de l’aide
qu’il apporte par personne qu’il parvient à libérer de la pauvreté, alors que ce coût est de
près de 83 USD actuellement. En augmentant le nombre de bénéficiaires de chaque dollar
investi, les aspects économiques du programme s’améliorent aussi. Mais cette analyse
autorise également à penser que le FIDA peut reproduire plus efficacement à plus grande
échelle les projets couronnés de succès lorsque les gouvernements soutiennent son action,
comme l’a fait le Pérou.
16
IV. Conclusions
Les éléments disponibles semblent donc clairement indiquer que, aux stades initiaux du
développement et lorsque l’agriculture contribue dans une large mesure au PIB, la
croissance rapide du secteur agricole est un moyen efficace de réduire la pauvreté. Par
ailleurs, les faits observés semblent également relativement convaincants quant à la nature
des investissements privés et publics et des mesures qui stimulent la croissance agricole. Il
existe par contre des mesures et des investissements qui freinent la croissance agricole ou
ont des répercussions préjudiciables sur les ressources naturelles et compromettent la
pérennité de l’activité agricole (le subventionnement massif des engrais, les restrictions
imposées à l’exportation, le contrôle rigoureux des prix des produits agricoles). Le potentiel
agricole intrinsèque du pays est un facteur important. En outre, une gouvernance qui laisse
à désirer ou des troubles civils font obstacle à la croissance agricole; la bonne gouvernance
et la stabilité contribuent donc à cette croissance. Des programmes publics d’investissement
dans l’agriculture, associés à l’aide, en faveur de projets de grande envergure qui font appel
à des méthodes dont le succès est avéré peuvent entraîner un essor considérable du secteur
agricole et contribuer par là à réduire la pauvreté.
L’action à grande échelle, avec des ressources substantielles, n’est pas forcément la
panacée. Si les politiques en vigueur ne sont pas favorables ou que la gouvernance est très
médiocre, il est bien moins probable que les programmes à grande échelle donneront de
bons résultats. La reproduction à plus grande échelle de projets et de politiques dont les
résultats sont probants est efficace pour engendrer la croissance et faire reculer la pauvreté,
mais ne pourra être concluante que dans les pays dont l’environnement politique est
porteur et le système de gouvernance raisonnablement solide, et où le gouvernement
s’engage en faveur de ces programmes.
Bien que les donateurs ne soient en général pas aussi critiques de la reproduction à plus
grande échelle que les gouvernements des pays en développement, leur contribution à cet
égard peut avoir des effets positifs ou négatifs. La constatation de la Brookings Institution
quant à la petite taille, en moyenne, des projets donne à penser que les organismes d’aide
ne contribuent en général pas à la reproduction à plus grande échelle. Les donateurs
peuvent y contribuer en cofinançant des projets et des programmes reproduits à plus grande
échelle qui appuient des programmes nationaux. Le Brésil, la Chine, le Maroc et la
République démocratique populaire lao, ainsi que plus récemment le Burkina Faso,
l’Éthiopie, le Mali et le Pérou offrent de bons modèles à cet égard. En revanche, il semble
que la reproduction à plus grande échelle avec des dépenses importantes des donateurs et
de l’État mais dans un environnement politique peu propice ne débouchera guère sur la
croissance et la réduction de la pauvreté. Dans ce dernier type de situation, il paraît plus
raisonnable de maintenir des dépenses modestes dans des projets et des activités pilotes de
taille raisonnable, tout en œuvrant à l’amélioration de l’environnement politique et de la
gouvernance, c’est-à-dire en préparant le terrain pour pouvoir, ultérieurement, s’engager
dans la reproduction à plus grande échelle.
17
Document occasionnel du FIDA
Références
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Washington, DC: programme concernant l’économie et le développement dans le monde,
Brookings Institution; Center for Global Development.
De Janvry, A. et E. Sadoulet. 2009. Agricultural Growth and Poverty Reduction: Additional
Evidence. The World Research Observer 25 (1): p. 1 à 20.
Diao, X., P. Hazell, D. Resnick et J. Thurlow. 2007. The Role of Agriculture in Development:
Implications for Sub-Saharan Africa. Rapport de recherche n° 153. Washington, DC: Institut
international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).
FAO. 2013. Annuaire statistique de la FAO 2013. Rome.
FIDA. 2010a. Rapport sur la pauvreté rurale 2011. Rome.
FIDA. 2010b. Towards Purposeful Partnerships in African Agriculture. Bureau indépendant de
l’évaluation du FIDA. Rome.
Islam, N. 2011. Foreign Aid to Agriculture: Review of Facts and Analysis. Washington, DC: IFPRI.
Linn, J., A. Hartmann, H. Kharas, R. Kohl et B. Massler. 2011. Scaling up the Fight against
Rural Poverty: An Institutional Review of IFAD’s Approach. Working Paper n° 43.
Washington, DC: programme concernant l’économie et le développement dans le monde,
Brookings Institution.
Banque mondiale. 2007. Rapport sur le développement dans le monde 2008: l’agriculture au service
du développement. Washington, DC.
18
Contacts:
Kevin Cleaver
Vice-Président adjoint
Département gestion des programmes
FIDA
[email protected]
Josefina Stubbs
Directrice
Division Amérique latine et Caraïbes
FIDA
[email protected]
Fonds international de développement agricole
Via Paolo di Dono, 44 - 00142 Rome, Italie
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