Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables 1.1 Introduction ............................................................................................................................... 13 1.2 Principe de la pile à combustible ................................................................................................ 13 1.2.1 Principe de fonctionnement ................................................................................................. 13 1.2.2 Structure des piles/composants........................................................................................... 14 1.2.3 Les milieux présents dans la pile......................................................................................... 17 1.3 Cahier des charges des plaques bipolaires métalliques ...................................................... 17 1.4 Bilan des recherches effectuées sur les matériaux constitutifs des plaques bipolaires métalliques....................................................................................................................................... 18 1.4.1 Matériaux massifs................................................................................................................ 18 1.4.2 Matériaux revêtus ................................................................................................................ 21 1.5 Propriétés des aciers inoxydables.......................................................................................... 27 1.5.1 La passivation ...................................................................................................................... 27 1.5.1.1 Mécanismes de la passivation ..................................................................................... 27 1.5.1.2 Répartition des potentiels à l’interface métal - solution................................................ 28 1.5.1.3 Influence des éléments d’alliage .................................................................................. 29 1.5.2 Propriétés physiques des films passifs................................................................................ 30 1.5.2.1 Energie de gap et modes de conduction...................................................................... 30 1.5.2.2 Semi-conducteur intrinsèque........................................................................................ 32 1.5.2.3 Semi-conducteur dopé n, p .......................................................................................... 32 1.5.2.4 Semi-conducteurs amorphes et films passifs............................................................... 33 1.5.2.5 Interface semi-conducteur/solution .............................................................................. 34 1.5.2.6 Modèle d’énergie fluctuant pour un couple rédox en solution...................................... 36 1.5.2.7 Structure des films passifs formés sur les aciers inoxydables..................................... 37 1.6 Conclusion................................................................................................................................. 40 1.7 Références ................................................................................................................................. 41 11 12 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables 1.1 Introduction Ce chapitre a pour objet d’une part de rappeler le principe de fonctionnement de la pile à combustible ainsi que les matériaux la constituant, et d’autre part de recenser tous les types de métaux purs ou alliages, disposant d’un revêtement ou non, étudiés jusqu'à présent pour la réalisation de plaques bipolaires. Les aciers inoxydables étant des matériaux d’intérêts particuliers pour notre étude, une partie est consacrée à la description des propriétés physico-chimiques des films passifs formés sur ces aciers. 1.2 Principe de la pile à combustible 1.2.1 Principe de fonctionnement Le principe de la pile à combustible a été démontré par William Grove, en 1839 : il est décrit comme l'inverse de celui de l'électrolyse. Plus précisément, il s'agit d'une réaction d’oxydoréduction contrôlée d'hydrogène et d'oxygène, avec production simultanée d'électricité, d'eau et de chaleur, selon la réaction globale universellement connue : 1 H 2 + O2 → H 2 O + chaleur 2 Cette réaction s'opère au sein d'une structure essentiellement composée de deux électrodes (l'anode et la cathode) séparées par un électrolyte ; elle peut intervenir dans une large gamme de températures, de 70 à 1 000 °C. Selon le niveau de température retenu, la nature de l'électrolyte et des électrodes, les réactions électrochimiques intermédiaires mises en jeu varient, mais le principe général est inchangé. Il est présenté schématiquement sur la figure 1.1 [1]. Les PEMFC fonctionnent à des températures inférieures à 100°C. Le cœur de pile est alimenté en dihydrogène (combustible) et en oxygène (comburant). Le dihydrogène alimentant l’anode est oxydé, libérant deux protons et deux électrons : H 2 → 2 H + + 2e − Ces deux électrons circulent vers la cathode par un circuit électrique extérieur, créant un travail électrique, pendant que les protons traversent la membrane, qui leur est sélective, pour réagir sur la cathode. Cette dernière, alimentée en oxygène provenant de l’air est le siège d’une réaction de réduction. L’oxygène, combiné aux protons et aux électrons ralliant la cathode conduit à la formation d’une molécule d’eau selon la réaction : 1 O2 + 2 H + + 2e − → H 2 O 2 L’ensemble de ces réactions est exothermique. La pile produit de l’eau, de l’électricité et de la chaleur. 13 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables Courant électrique Hydrogène Air (oxygène) Chaleur Hydrogène Air + eau Plaque bipolaire Plaque bipolaire Couche de diffusion des gaz (anode) Couche de diffusion des gaz (cathode) Zone catalytique Zone catalytique Électrolyte solide (membrane échangeuse de protons) Figure 1.1. Principe de fonctionnement de la pile à combustible, d’après [1] 1.2.2 Structure des piles/composants Le cœur de pile est constitué des électrodes, de l’électrolyte, des couches de diffusion des gaz juxtaposant les électrodes, et des plaques bipolaires. Les électrodes sont constituées d’un matériau carboné à très grande surface spécifique (en général du noir de carbone) supportant des catalyseurs, le plus souvent des particules de platine, dont la teneur est comprise entre 0.1 à 1 mg/cm2 [2,3]. Les électrodes doivent permettre de catalyser les réactions d’oxydation du combustible et de réduction du comburant. Le platine a été choisi pour sa stabilité dans le temps. L’environnement acide du cœur de pile dû à la membrane, proscrit en effet les matériaux ne résistant pas à la corrosion. Cependant c’est un composé coûteux, des études sont donc également en cours pour remplacer le platine par des alliages métalliques [4]. L'électrolyte est une membrane polymère ionique de type acide d’épaisseur comprise entre 50 et 200 µm. Son rôle est d’assurer de manière sélective, le passage des protons de l’anode vers la cathode. Les membranes actuelles sont de type NafionTM [5] produite par Dupont de Nemours et de formule : (CF2-CF2)n-CF2-CF-CF3-O-CF2-CF-CF3-O-CF2-CF2-SO3- H+ Il s’agit donc d’une structure perfluorée où sont greffés des groupements acides sulfonates SO3- . La conductivité ionique de la membrane dépend de la température, de la concentration en groupe acide et de l'hydratation de la membrane : celle-ci doit toujours rester saturée en eau pour permettre 14 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables la migration des ions H+. La pile PEMFC requière donc un système d’humidification des gaz H2 et O2 [4]. Des températures de fonctionnement supérieures à 100°C posent donc un problème de stabilité des macromolécules constitutives de la membrane d’une part et de vaporisation de l’eau d’autre part. Dans ces conditions, la membrane n’assure plus une migration convenable des protons, faisant chuter la tension. De nombreuses études visent à substituer les membranes existantes par des membranes beaucoup plus attractives économiquement [4]. Des températures plus élevées présentent l’avantage supplémentaire d’augmenter l’activité des catalyseurs aux électrodes, et d’éviter l’empoisonnement de l’anode par le monoxyde de carbone [5], qui fait également chuter la tension. L’assemblage anode/électrolyte/cathode est appelé MEA (membrane electrode assembly), dont l’épaisseur est de l’ordre de quelques centaines de micromètres. A cet assemblage s’ajoute les couches de diffusion des gaz (ou gaz diffusion layer : GDL). D'une épaisseur de 100 à 300 µm, elles assurent l’accessibilité des gaz jusqu'aux électrodes. Constituées d’un matériau poreux (mousses de carbone), elles facilitent le contact des gaz avec la surface totale de la membrane. Ces couches de diffusion gèrent les flux d’eau en permettant à la fois son évacuation et l’humidification de la membrane. Les plaques bipolaires assurent l’assemblage de l’ensemble des éléments précédemment décrits. Elles assurent la distribution des gaz et l’évacuation de l’eau à partir de canaux emboutis dans la plaque (Figure 1.3). Elles permettent également de collecter le courant généré aux électrodes. En outre, pour contrôler la température de l’ensemble de l’assemblage, les plaques bipolaires sont aménagées de canaux qui permettent la circulation d’un liquide de refroidissement dans leur épaisseur. Les éléments MEA sont accolés et connectés les uns aux autres par l’intermédiaire de ces plaques, les plaques positives étant au contact des plaques négatives. La figure ci-dessous, empruntée à Lee et al. [6] schématise la disposition globale des éléments structurant le cœur de la pile. Plaque bipolaire Joint Joint Couche de diffusion des gaz Entrée de gaz Sortie de gaz Canaux de distribution des gaz MEA Plaque bipolaire Figure 1.2. Cellule élémentaire PEMFC, d’après [6] Les plaques bipolaires sont actuellement en graphite. Elles présentent l’inconvénient d’être épaisses pour compenser la fragilité de ce matériau, et d’un coût trop élevé pour des applications 15 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables automobiles. Deux catégories de matériaux sont à l’étude pour les remplacer : les composites carbone/polymères [2], et les matériaux métalliques [7]. Les premiers présentent une grande fragilité et une faible conductivité. Les matériaux métalliques sont quant à eux susceptibles d’offrir de nombreux avantages pour la constitution des plaques bipolaires. Ils présentent de meilleures propriétés de conductivité électrique et des propriétés mécaniques adaptées. Ils sont moins chers et faciles à mettre en forme. En outre, ils permettent de réduire considérablement l’épaisseur des plaques et donc de la pile [2]. Une comparaison de l’épaisseur d’une cellule unitaire utilisant des plaques en métal et en graphite est donnée sur la figure 1.4 [8]. Cependant, au contact direct des couches de diffusion des gaz (Figure 1.2), ils peuvent induire une résistance interfaciale de contact trop élevée qui entraîne une diminution des performances de la cellule [9,10]. Cette résistance de contact importante résulte de la formation d’un film passif en surface qui assure la résistance à la corrosion des plaques. A ce jour, cette résistance peut être diminuée en appliquant une force de compaction des différents éléments [2], et par le recouvrement de la plaque par un revêtement constitué d’un matériau inerte vis-à-vis de la corrosion, qui ne forment donc pas de film passif [7,11]. Figure 1.3. Allure d’une plaque bipolaire Figure 1.4. Comparaison de l’épaisseur d’une métallique avec les canaux de distribution de cellule unitaire utilisant des plaques en gaz emboutis, Brady et al. [12] graphite et en métal, d’après [8] Un des points critique de l’utilisation de métaux pour cette application est donc la corrosion électrochimique des plaques, due à l’environnement acide du cœur de pile. Les plaques sont de plus soumises à deux milieux différents selon qu’ils se situent dans le compartiment anodique ou cathodique de la pile. Dans la suite de ce mémoire, ils seront respectivement appelés milieu anodique et milieu cathodique. 16 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables 1.2.3 Les milieux présents dans la pile Le cœur de la pile est un milieu acide qui émane de la membrane NafionTM. Le pH est compris entre 3 et 5 [1]. Il contient des ions SO42- et F- [10]. La température classique de fonctionnement est de 80°C [13] et la pression des gaz entrant est comprise entre 1 et 3 bars [14]. - Milieu anodique : outre les conditions citées précédemment, le milieu anodique comprend la présence de dihydrogène. Rappel de la réaction ayant lieu à l’anode : H 2 → 2 H + + 2e − - Milieu cathodique : aux conditions précédentes, s’ajoute la présence d’oxygène. Rappel de la réaction ayant lieu à la cathode : 1 O2 + 2 H + + 2e − → H 2 O 2 - Liquide de refroidissement : caractérisé par de l’eau circulant dans un circuit pratiqué entre les plaques pour refroidir le système. Les plaques sont donc au contact d’un troisième milieu, beaucoup moins agressif constitué d’eau et d’air. Il doit cependant retenir toute l’attention des concepteurs dans la mesure où celui-ci contient des inhibiteurs de corrosion qui doivent être compatibles avec la notion de multi-matériaux, relative au concept global des piles à combustibles. Pour tenter de simplifier notre démarche de choix de matériaux, cet aspect ne sera pas considéré dans ce travail. Les plaques bipolaires métalliques sont donc confrontées à différentes contraintes, notamment de corrosion et de conductivité. Le choix d’un matériau relève donc d’une approche multifonctionnelle dont l’énoncé fait l’objet du paragraphe suivant. 1.3 Cahier des charges des plaques bipolaires métalliques Compte tenu de ce qui a été développé précédemment, il est possible de recenser les fonctionnalités suivantes : - une fonction de conducteur électrique, via le transport du courant collecté et la connexion électrique entre les différentes cellules individuelles. Des résistances de contact faibles et une conductivité électrique élevée sont donc recherchées ; - une fonction hydrodynamique relative à la distribution des gaz combustible et oxydant; - une fonction d’étanchéité au gaz et au liquide entre l’anode et la cathode; - une fonction d’évacuation vers l’extérieur de l’eau liquide formée à la cathode ; - une fonction de régulation thermique des cellules, via généralement le passage en son sein d’un fluide caloporteur ; - une fonction mécanique assurant l’assemblage de la cellule ou de la pile. Ainsi, un matériau adapté doit présenter les performances suivantes: 17 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables - une bonne tenue à la corrosion, un courant de corrosion sous 0.1 V/ESH et sous un flux de H2, inférieur à 16 µA/cm² ; - un courant de corrosion, sous 0.6 V/ESH et un flux de O2, inférieur à 16 µA/cm² ; - une résistance de contact électrique faible et stable, inférieure à 15 mΩ.cm² sous une contrainte de 1 MPa ; - une légèreté mais une tenue mécanique suffisante, et une bonne conductivité thermique ; - une compatibilité avec des procédés de mise en forme économiques pour une production à grande échelle. Par exemple, l’emboutissage de façon à obtenir un coût total de plaque de l’ordre de 1.2 €/kW; - une recyclabilité du matériau à des coûts économiquement viables. L’ensemble des caractéristiques énoncées ci-dessus justifient que les matériaux métalliques ont fait l’objet d’un certain nombre de recherche ayant pour but l’application aux plaques bipolaires ces dix dernières années. La partie suivante est consacrée au recensement de l’ensemble de ces travaux. 1.4 Bilan des recherches effectuées sur les matériaux constitutifs des plaques bipolaires métalliques Deux voies sont à l’étude concernant cette application : - La voie métallique non revêtue (matériaux massifs). - La voie métallique revêtue (matériaux revêtus). 1.4.1 Matériaux massifs Les matériaux massifs principalement étudiés jusqu’à ce jour sont : les aciers inoxydables, l’aluminium, le titane et le nickel. Aciers inoxydables austénitiques Davies et al. [9,14] ont montré que les films passifs des aciers inoxydables austénitiques tels que ceux de type AISI 316, 310 et 904L* présentaient une haute résistivité (respectivement entre 80 et 60 mΩ/cm2 à une force de serrage de 100 N/cm2). L’épaisseur de ce film affecte la résistance de contact et dégrade les performances de la cellule. Leurs travaux ont montré que la résistivité des films diminuait avec l’augmentation du taux de chrome et de nickel dans l’alliage. Les valeurs de résistivités respectent l’ordre décroissant suivant : 316 > 310 > 904L. De plus, leurs études ne montrent pas de corrosion significative de ces aciers après 3000 h d’exposition en cellule test unitaire. Ces résultats sont confirmés par l’étude d’Iversen [15] sur les aciers inoxydables austénitiques et duplex (201, 347, * Les compositions des alliages sont recensées en annexe 18 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables 316L, 904L, S31254, S32654, S30415, S30815, S35315, LDX 2101, S32205), où le 904L apparaît comme étant le plus attractif pour les plaques bipolaires. Iversen montre aussi que le Duplex S32205 pourrait constituer une alternative au 904L du fait de ses propriétés de conductivité de la couche passive. En matière de composition, il faut noter que des teneurs en molybdène trop élevées dans les aciers (6-7% pour le S31254, S32654) entraînent une augmentation considérable de la résistivité des films passifs, rendant impossible leur utilisation. Wang et al. [16] ont également étudié des aciers inoxydables austénitiques contenant différentes teneurs en chrome, les résultats montrent que le chrome facilite la passivation et augmente la stabilité du film passif. Leurs travaux permettent d’établir le classement décroissant suivant : 349TM > 904L > 317L > 316L en termes de résistance à la corrosion en milieux simulés, ce classement suit la diminution de la teneur en chrome. Dans ces mêmes travaux, il a été montré que la résistance interfaciale de contact diminuait avec l’augmentation de la teneur en chrome : figure 1.5. Le 349TM présente donc les meilleures propriétés dans ces comparaisons mais sa résistance de contact reste beaucoup trop élevée (de l’ordre de 10 fois supérieure à celle souhaitée pour l’application). Figure 1.5. Résistances de contact interfaciales entre les aciers inoxydables de type AISI 316L, 317L, 904L, et 349TM et un papier carbone pour différentes forces de serrage. L’encart représente la dépendance de cette résistance en fonction de la teneur en chrome des aciers pour une force de serrage de 140 N/cm2, d’après [16] Aciers inoxydables ferritiques Wang et Turner ont focalisé leurs travaux sur les aciers inoxydables ferritiques AISI 434, AISI 436, AISI 441, AISI 444 et AISI 446 [17]. Ils montrent que le 446 est le plus résistant en termes de corrosion, dû à sa teneur élevée en chrome (28% contre 18% en moyenne pour les autres). En revanche, la résistance de contact de l’acier 446 augmente après passivation. De plus l’épaisseur du film passif est plus importante en condition cathodique qu’en condition anodique (l’apport d’hydrogène à l’anode gène le processus de passivation, contrairement à l’apport d’oxygène à la cathode). Ceci 19 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables implique donc une plus grande résistivité à la cathode, 440 mΩ/cm2, et 370 mΩ/cm2 à l’anode pour une force de serrage de 100 N/cm2. De la même façon, Wang et al. [18] concluent pour l’acier inoxydable duplex 2205, à une augmentation de la résistance de contact interfaciale après passivation et une valeur de cette résistance plus importante en environnement cathodique. La valeur de la résistance de contact du film d’oxyde natif pour le 2205 étant identique à celle du 349TM et inférieure à celle du 446. Titane et alliages Un autre matériau massif ayant fait l’objet de recherches est le titane. Davies et al. [9], comparent les performances de différents matériaux en cellule test unitaire et montrent que les résistances interfaciales de contact diminuent dans l’ordre suivant : 321 > 304 > 347 > 316 > Ti > 310 > 904 > Incoloy 800 > Inconel 601 > Graphite. Ceci a été enregistré pour une force de serrage élevée (220 N/cm2). Cette classification résulte principalement des différentes compositions des films passifs formés que procurent les alliages. Les caractéristiques du film passif à la surface du titane peuvent également être modifiées en ajoutant au titane des éléments d’alliages capables de former eux-même une couche d’oxyde à la fois conductrice et stable chimiquement. Aukland et al. [19] en élaborant des alliages de titane et de tantale (3%) ou de niobium (3%), montrent que la résistance interfaciale de contact est inférieure à celle du matériau massif, et que le matériau reste conducteur et stable chimiquement. Nickel et alliages Silva et al. [20] se sont intéressés à des alliages à base de nickel. Ils ont montré que les résistances interfaciales de contact des alliages présentés (C-2000B, C-22, C-276, et G-30) étaient inférieures à celle du graphite. Résultats confirmés par Pozio et al. [21] sur deux autres alliages à base nickel (3127® et 5923®). Cependant, des études plus poussées sur le C-276 ont montré que cette résistance augmentait de manière considérable après un test de corrosion de 220 h en milieu pile simulé. En effet pour une force de serrage de 220 N/cm2, la résistance de contact interfaciale passe de 3 mΩ/cm2 à 60 mΩ/cm2. Alliages amorphes Des investigations sur des matériaux plus originaux ont également été effectuées. Jarayaj et al. [22] ont étudié la résistance à la corrosion de métaux amorphes de type Fe50Cr18Mo8Al2Y2C14B6, et ont montré qu’elle était supérieure à celle de l’acier 316L (pour des teneurs en chrome de 18% minimum). Le remplacement partiel de l’aluminium par du Co, Ni ou N dans une structure de type Fe45xCr18Mo14Y2C15B6Alx (avec x = 0.2) conduit aux mêmes résultats, avec toutefois un effet bénéfique sur la résistance à la corrosion dans le milieu cathodique pour l’acier contenant de l’azote, et dans le milieu anodique pour l’acier allié à l’Al [23,24]. La résistance interfaciale de contact n’est quant à elle 20 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables pas améliorée, avec des valeurs comparables à celles obtenues sur l’acier 316L. D’autres alliages amorphes à base nickel Ni60Nb20Ti10Zr5Ta5 [25] ou Ni60Nb15Ti15Zr10 [26], ont présenté également des taux de corrosion inférieurs au 316L mais Inoue et al. [26] ont montré qu’ils étaient dégradés en test de plus longue durée (350h). Lafront et al. [27] et Jin et al. [28] proposent l’utilisation d’un alliage amorphe à base Zr, Zr75Ti25, pour la plaque bipolaire exposée au milieu anodique. Cet alliage présente en effet de meilleures propriétés de corrosion que le 316L dans ces conditions. Cependant, les auteurs ne donnent pas d’indication sur sa résistance de contact. Divers En 1997, Hornung et Kappelt [10] envisageaient de réduire le coût des plaques bipolaires en utilisant des alliages à base de fer. Il a été montré que les performances (I=f(V)) de leurs alliages sont comparables à celles des alliages à base nickel, mais que certains sont sujet à de la corrosion en milieu acide. De plus la résistance de contact interfaciale est élevée. Divers autres matériaux ont fait l’objet de recherches, comme un alliage de cuivre-beryllium [1], qui semble présenter de bonnes propriétés de conduction et de résistance vis-à-vis de la corrosion (taux de 3.621 µm/an) en milieu pile simulé, ainsi que de bonnes performances en cellule unitaire (100 h) [29], mais ces échantillons ne sont pas bon marché. Kumar et Reddy [30,31] ont remplacé le système de canaux de distribution des gaz par des mousses de métaux (Ni-Cr et 316L), sur des substrats de 316L. Les performances de leur cellule unitaire sont supérieures à celles utilisant des plaques d’acier de type 316 classiques. Des tests plus poussés sont toutefois à effectuer afin de quantifier en particulier la tenue à la corrosion de tels systèmes. Makkus et al. [32] ont montré que le contact direct entre les plaques bipolaires et la MEA entraînait une augmentation du taux de contaminant dans la membrane. Afin de limiter cette contamination, l’utilisation d’un joint entre ces deux composants pourrait être envisagée. Son équipe a également travaillé sur l’effet de la force de serrage entre les différents composants et a ainsi montré que la résistance de contact interfaciale entre les plaques bipolaires et la GDL diminue quand la force de serrage augmente. Ceci est dû à l’augmentation des points de contacts entre les fibres de carbone constituant la GDL, et entre la GDL et l’échantillon [33]. L’influence d’une certaine rugosité de surface est donc également à considérer dans l’évaluation de la résistance interfaciale de contact [34]. 1.4.2 Matériaux revêtus Différents groupes comme Hentall et al. [11], Makkus et al. [32], Li et al. [35], Wind et al. [36], Pozio et al. [37], et Wang et Northwood [38], ont montré que l’utilisation du 316L ne pouvait être envisagée sans revêtements protecteurs ou traitements de surface. Ces traitements ont deux intérêts : d’une part limiter la dissolution de l’acier qui risque de polluer la membrane, et d’autre part, limiter la formation d’une couche d’oxyde peu conductrice [21]. 21 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables Traitements de surface Pour améliorer les performances du 316L, Lee et al. [39,40] ont procédé à un traitement de surface électrochimique (non détaillé) de l’acier afin d’enrichir sa surface en chrome. La teneur en chrome est doublée par rapport à sa concentration originale et le film passif est plus dense et plus fin que celui formé dans l’air. Ces caractéristiques entraînent une augmentation de la résistance à la corrosion du 316 et une diminution de la résistance interfaciale (de 35% à 100 N). Ces matériaux doivent toutefois être testés sur de longues durées. Ce même traitement appliqué à l’alliage d’aluminium Al 5052 [41] conduit à la formation d’un film passif plus résistif que celui formé sur le métal de référence. Les valeurs de résistance interfaciale de contact sont quasiment doublées. Cependant, la résistance à la corrosion des films formés est nettement améliorée (environ 60%) par rapport à l’alliage non traité. Le traitement thermochimique de l’acier 316L par Cho et al. [42] par cémentation entraîne la formation d’une couche surfacique riche en chrome. La résistance à la corrosion en milieu simulé de ces échantillons est nettement améliorée (suivant la durée du traitement thermique) mais les valeurs de résistance de contact ne varient pas. Revêtements polymères conducteurs Un autre mode de protection vis-à-vis de la corrosion des plaques métalliques consiste en l’élaboration d’une couche de polymères conducteurs. Joseph et al. [43] et Garcia et Smit [13] ont expérimenté le recouvrement de plaques d’acier inoxydable 304 par des polymères conducteurs de type polypyrrole (PPY) et polyaniline (PANI). Les résultats montrent que ces polymères sont capables de passiver la surface des échantillons et de réduire le courant de corrosion, pour autant les propriétés de protection diminuent avec le temps d’immersion des échantillons. Wang et Northwood [44] ont également montré que l’acier 316L revêtu d’une couche de PPY présentait une densité de courant de corrosion diminuée d’un ordre de grandeur par rapport à l’acier de référence. La présence d’un dépôt d’or sur l’acier avant polymérisation du PPY semble même permettre d’atteindre l’objectif d’une concentration inférieure à 10 ppm d’ions métalliques en solution après 5000 h de fonctionnement [45]. Toutefois des tests de résistance de contact non pas été entrepris sur ces échantillons. Joseph et al. concluent dans une autre étude [46] que l’élaboration d’un revêtement de PPY sur l’aluminium 6061 n’améliore pas la résistance à la corrosion des échantillons et dégrade même la résistance de contact interfaciale. L’utilisation de PANI sur le même alliage d’aluminium augmente légèrement les valeurs de résistance de contact. Cependant, ces valeurs diminuent en conditions in-situ. En effet la conductivité de ce polymère augmente avec son degré d’oxydation, et il est donc possible que dans l’environnement acide (oxydant) du cœur de pile la conductivité de la couche de PANI soit améliorée. La résistance à la corrosion est quant à elle portée de 10-5 A/cm2 pour l’Al 6061 à 10-6 voire 10-8 A/cm2 pour cet échantillon suivant l’épaisseur de la couche élaborée (de 5 à 40 µm). 22 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables Revêtements carbone En élaborant un revêtement de carbone amorphe sur une plaque bipolaire de titane, Show et al. [47,48] augmentent la puissance de sortie de la pile d’un facteur 1.4. Le film de carbone prévient la formation de la couche d’oxyde sur la surface du Ti et diminue ainsi la résistance de contact interfaciale. De la même façon, l’acier 304 recouvert par CVD d’une couche de carbone montre une résistance à la corrosion satisfaisante en milieu pile simulé, mais surtout une résistance de contact de 8.9 mΩ.cm² contre 122 mΩ.cm² pour l’acier non revêtu sous une force de serrage de 100 N/cm2 [49]. Des tests de résistances à la corrosion pour de longues durées sont toutefois à entreprendre pour valider l’utilisation de ce revêtement. Des tests effectués sur 100h par Chung et al. [50] en cellule unitaire (avec le même type d’échantillon, mais comprenant une couche de Ni de catalyse entre l’acier et le revêtement) renseignent de performances équivalentes à l’utilisation des plaques bipolaires en graphite. Ces expériences ont cependant été menées à température relativement faible (40°C). Les performances de l’alliage d’aluminium Al 5052 recouvert par PVD d’une couche de carbone YZU-001 ont été présentées par Lee et al. [2]. Les plaques d’aluminium revêtues ont une résistance de contact interfaciale plus faible que celle de l’acier de type 316L (35 mΩ contre 38 mΩ sous l’effet d’une force de serrage de 250 N, dans ces conditions la résistance du graphite est de 15 mΩ). En contrepartie ces plaques résistent moins bien à la corrosion que l’acier inoxydable (le taux de corrosion des plaques d’aluminium revêtues étant de 0.247 µm/an, et celui de l’acier inoxydable de 0.10 µm/an). Revêtement à base de Ni Gamboa et al. [51] ont testé la protection de plaques d’acier 304 revêtues de Ni-Co-B élaborés par électrodéposition. La résistance à la corrosion a été améliorée, mais diminue avec le temps. En effet les défauts de continuité du revêtement entraînent la corrosion des plaques. Dans cette même étude, cette équipe compare les performances d’un alliage d’aluminium (Al 6061) non revêtu et revêtu d’un dépôt de Ni-Co-B. La résistance vis-à-vis de la corrosion est améliorée avec la couche protectrice pour une courte période, le processus de corrosion étant le même que pour l’acier de type 304. Divers autres revêtements à base de Ni (Ni-Co, Ni-Co-Fe, Ni-Mo-Fe-Cr et Ni-Mo-Fe) ont été électro-déposés sur un substrat d’aluminium et testés en milieu simulé [52]. L’échantillon revêtu Ni-Mo-Fe-Cr traité thermiquement présente un faible taux de corrosion (2.8 µm/an) et une conductivité électrique élevée (0.66 106 S/cm). Cependant des tests de corrosion longue durée non pas été menés. Revêtement TiN Li et al. [53] et Cho et al. [54] ont élaboré un revêtement de TiN par hollow cathode discharge (HCD) ion platting sur un acier 316L. Leurs résultats ont montré que la valeur de la résistance de contact du 316L ainsi recouvert approchait celle du graphite mais pour une force de serrage élevée (300 N/cm2). La résistance à la corrosion est améliorée mais n’est pas stable dans le temps. En effet 23 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables la solution acide atteint le substrat par les défauts connectifs du revêtement ce qui entraîne sa corrosion et modifie l’adhésion du revêtement. L’élaboration d’un revêtement de TiN par PVD sur un acier inoxydable martensitique de type 410 semble également présenter de bons résultats en terme de corrosion dans une première approche [55]. Toutefois, dans ces travaux des tests de corrosion longue durée n’ont pas été entrepris. Jeon et al. [56] ont synthétisé des films de TiN sur acier 316L par pulvérisation magnetron (CFUBM). L’ajustement de la pression partielle de N2 lors de la mise en œuvre leur a permis de réaliser un revêtement présentant une résistivité inférieure à 0.01 Ω.cm², et un courant de corrosion en milieu simulé de 0.277 µA/cm². Ces bons résultats sont toutefois à compléter par des tests en cellule unitaire. Myung et al. [57] ont revêtu par dépôt électrophorétique l’acier inoxydable 310 par des nanoparticules de TiN. Cette opération permet de faire chuter la résistance interfaciale de contact par rapport à l’acier non revêtu (divisée par 10). La résistance à la corrosion de ces échantillons est également améliorée mais des tests en milieu anodique sont cependant à entreprendre. Des multicouches de type TiN/CrN et CrN/Ti ont été élaborés sur acier inoxydable 304 par arc cathodique par Ho et al. [58]. Dans les deux cas les densités de courant de corrosion sont diminuées (de 19.9 µA/cm² pour le 304 à 0.3 µA/cm² et 0.5 µA/cm² pour l’acier revêtu de TiN/CrN et CrN/Ti respectivement). Le revêtement CrN/Ti présente quant à lui une faible résistivité (0.012 Ω.cm²). Le comportement à la corrosion de ces revêtements est maintenant à observer. Nitruration Compte tenu des bonnes performances du nickel en milieu pile la solution Ni-Cr nitruré a été étudiée. L’alliage Ni-50Cr nitruré est résistant à la corrosion. Les analyses indiquent que peu d’ions métalliques sont présents après 4000 h d’exposition au milieu corrosif (solution d’acide sulfurique à pH 3). Ceci est associé à la formation d’une phase dense et continue en surface de CrN/Cr2N. La résistance de contact interfaciale est faible et stable (25 mΩ/cm2 avant et après les tests de corrosion à une force de serrage de 100 N/cm2) [12,59]. Le même type de comportement est observé pour la nitruration des alliages Ni-Cr commerciaux G-30® et G-35TM [60]. Hentall et al. [11] montrent également que le recouvrement de plaques en titane par des nitrures diminue de façon significative la résistivité de la surface jusqu’à approcher les performances des plaques graphites. Cependant des études de corrosion n’ont pas été menées sur ces échantillons. Brady et al. [61] tirent les mêmes conclusions en terme de conductivité (et de stabilité chimique) pour un alliage de type nobium-titane-tungstène (Nb-30Ti-20W wt %) revêtu de nitrures. Des tests de longues durées n’ont toutefois pas été effectués. L’inconvénient majeur de ces types de matériaux en comparaison aux aciers inoxydables reste leur prix. Wang et al. ont donc nitruré un acier de type 349TM [59] et AISI 446 [62] par voie thermochimique. Dans les deux cas, la résistance interfaciale de contact est significativement réduite, dû à la faible résistance des nitrures. Cependant la résistance à la corrosion du 349TM revêtu est médiocre. En effet, il est observé une dissolution anodique de la couche nitrurée liée à sa structure 24 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables (particules de nitrures de chrome réparties de façon discrète en surface, laissant le substrat exposé au milieu environnent). Le 446 revêtu présente en revanche de bonnes propriétés de résistance à la corrosion en milieu cathodique (hautes teneurs en chrome du revêtement), mais inacceptables en milieu anodique dû également à la morphologie du revêtement (couche de nitrure de chrome discontinue). La nitruration des aciers inoxydables tel que le 316L [63-65] ou le 304L [33], d’acier ferritique (AL 29-4C®) [60], ou d’aciers Fe-Cr alliés (V par exemple [66]) conduit dans tous les cas à une amélioration de la résistance à la corrosion ainsi qu’à une diminution de la résistance interfaciale de contact. Revêtement Au Hentall et al. ont recouvert un acier de type 316L d’un revêtement en or [11]. La cellule test unitaire utilisant ce type d’échantillon a montré des performances V=f(I) équivalentes à celle utilisant des plaques en graphites. Wind et al. ont effectué des tests longues durées (1000 h) en cellule unitaire également, sur le même type d’échantillon [36]. Il a été montré qu’il n’y avait quasiment pas de détérioration de la tension de sortie de la cellule en fonction du temps. Ces résultats montrent que ces échantillons présentent une faible résistance de contact, mais aussi que la quantité d’ions contaminant la membrane est faible, ce qui n’affecte pas les performances de la cellule. Le recouvrement de plaques de titane par un revêtement d’or donne également de très bons résultats. Les performances de ces matériaux sont en effet très proches de celles du graphite [67,68], mais le coût de ces systèmes n’est pas adapté à l’application visée (PEMFC embarquée). Kimble et al. [69] et Hentall et al. [11] ont montré que l’aluminium recouvert d’une couche d’or présentait des performances similaires aux plaques en graphite. Cependant, ces performances se dégradent très vite [11] et les plaques d’aluminium même revêtues relâchent des espèces cationiques à travers la membrane. Ce qui impose des revêtements homogènes et continus pour éviter toute contamination de la membrane. Autres revêtements métalliques Des revêtements métalliques comme le niobium ont été évalués par Weil et al. [70]. Le niobium massif montre d’excellentes propriétés face à la corrosion en milieu pile simulé (comparables au platine) et des valeurs de résistances de contact interfaciale ≤ 10 mΩ.cm² à une force de pression de 150 N/cm². L’acier 430 plaqué Nb présente un comportement proche du niobium massif, mais un traitement adapté de type recuit [71] est nécessaire pour induire une ductilité suffisante pour la mise en forme des plaques bipolaires. Le coût de ce matériau est toutefois trop important pour envisager une production industrielle de plaques. Des couches de Ti, Zr, ZrN, ZrNb et ZrNAu ont été élaborées par électroplaquage et PVD sur des substrats de 304, 310 et 316 par Yoon et al. [72]. Le revêtement de zircone semble satisfaire les objectifs en terme de résistance à la corrosion des plaques du côté anodique comme cathodique. 25 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables Mais seul le revêtement de ZrNAu répond aux critères de valeurs de résistance de contact (6 mΩ.cm² à 140 N/cm²). Les revêtements de type oxydes d’étain dopés fluor (SnO2 :F) élaborés sur aciers austénitiques (316L, 317L et 349TM) et ferritiques (441, 444 et 446) bien qu’ayant un effet bénéfique sur la résistance à la corrosion ne permettent pas d’obtenir des résultats satisfaisants en terme de valeur de résistance interfaciale [73-75]. Divers L’acier inoxydable de type 304 a également été testé par Lee et al. [76] comme substrat recouvert par électroformage, d’un photo-resist (SU-8) dans le but de créer les canaux de distribution des gaz. La même méthode à été appliquée sur un substrat de cuivre par Hsieh et al. [77]. Les performances (I=f(V)) de leur cellule test unitaire sont encourageantes mais aucun test de corrosion n’a été entrepris. Ce procédé ne correspond pas à ce jour à des critères de fabrication de masse pour l’application concernée. Le recouvrement de plaques d’aluminium par un revêtement de type 316L par projection thermique high velocity oxy-fuel (HVOF) effectué par El-Khatib et al. [78], semble protéger de la corrosion l’aluminium. Cependant les résultats obtenus dans cette étude sont bien inférieurs aux caractéristiques recherchées pour l’application des plaques bipolaires. En résumé, l’acier de type 316L recouvert d’un revêtement en or peut constituer une solution idéale à la problématique. Ses propriétés de conductivité ainsi que de stabilité chimique vis-à-vis de l’environnement en font un candidat de choix pour cette application. Cependant, le coût d’un tel système ne peut être envisagé pour des applications industrielles. Il résulte de cette recherche que malgré les études effectuées, et les voies prometteuses explorées aucun matériau ne correspond à l’ensemble des critères recherchés. Toutefois, il est possible d’ores et déjà de conceptualiser la composition d’une plaque bipolaire idéale. Le premier élément d’alliage à considérer est le chrome. Cet élément, à une teneur minimale en surface de 11% permet la formation du film passif. De plus l’augmentation de sa teneur permet l’élargissement du domaine passif mais aussi une diminution de la résistance interfaciale de contact. Le molybdène améliore la résistance à la corrosion localisée, mais des teneurs supérieures à 6% ont des effets négatifs sur la résistance interfaciale de contact et la tenue du film passif. On constate que le nickel, qui n’a pas d’influence directe sur la formation du film passif, a toutefois un effet favorable sur la résistance à la corrosion. Certains matériaux présentent certaines caractéristiques essentielles vis-à-vis du cahier des charges des plaques bipolaires au détriment d’une autre. De plus, il arrive que les comportements soient significativement différents selon que le matériau est exposé au milieu cathodique ou anodique. Toutefois, parmi les aciers à caractère inoxydable, les aciers de structure austénitiques (cfc) présentent un certain nombre de propriétés répondant au problème posé. En effet, comme il a déjà été énoncé, leur résistance à la corrosion est assurée par la formation d’un film passif en surface limitant leur dissolution et leur microstructure leur confère de bonnes propriétés de mise en forme. 26 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables De plus, le coût de ces matériaux est acceptable pour l’application visée. Parce que le film passif est l’un des points clefs de la fonctionnalité des plaques bipolaires métalliques, le paragraphe suivant est consacré plus particulièrement à la présentation de ceux-ci, développés sur les aciers inoxydables, et à l’énoncé de certaines de leurs caractéristiques en termes de composition, structure, formation et propriétés. 1.5 Propriétés des aciers inoxydables 1.5.1 La passivation Le phénomène de passivation présente une très grande importance car il constitue le point clé de la résistance à la corrosion des aciers inoxydables. Ce phénomène se caractérise par la présence d’un film très mince (épaisseur pouvant varier de 1 à 20 nm) à la surface de l’alliage métallique, qui rend sa vitesse de corrosion négligeable. Ce film, constitué d’oxy-hydroxydes riches en chrome, constitue une barrière de diffusion qui réduit la valeur de la conductivité ionique. Le film passif, très adhérent au substrat métallique, empêche ou limite le contact entre l’alliage et les agents agressifs présent dans le milieu environnant. 1.5.1.1 Mécanismes de la passivation Il est établi que la passivation en milieu aqueux résulte d’une succession de phénomènes électrochimiques dont le premier consiste en une réaction de dissolution anodique de la forme : M → Mn+ + neOù n représente la valence de l’ion le plus stable dans les conditions considérées. Une réaction cathodique consommatrice d’électrons a lieu dans le même temps, et est du type : O2 + 4H+ + 4e- → 2H2O et / ou 2H+ + 2e- → H2 La formation du film passif est gouvernée par la cinétique de ces réactions interfaciales et plus particulièrement par l’intensité de la réaction anodique qui dépend à la fois de la différence de potentiel établie entre le métal et la solution et du pH. Le mécanisme de formation du film passif généralement admis proposé par Okamoto [79] est présenté sur la figure 1.6. Il consiste en premier lieu en la formation d’un film de molécules d’eau adsorbées à la surface du matériau. Les cations du matériau issus de sa dissolution s’insèrent dans ce film alors que dans le même temps, l’eau adsorbée se déprotonise afin de conserver la neutralité électrique du film passif (Figure 1.6a). C’est après ces déprotonations successives, selon les réactions H2O → OH- + H+ et OH- → H+ + O2- que le film atteint sa composition finale, c'est-à-dire une couche interne de type Cr2O3, proche du matériau, et une couche externe de type Cr(OH)3 au voisinage de l’électrolyte. Ce mécanisme explique la présence d’eau liée et d’anions OH- et O2- dans le film passif, 27 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables et justifie l’appellation de ‘’film oxy-hydroxyde’’. Ceci explique également que la passivation est possible dans les milieux désaérés ou pauvres en oxygène dissous. Figure 1.6. Formation du film passif par déprotonation de l’eau d’après Okamoto. a) Dissolution d’un cation métallique. b) Répétition du processus. c) Pontages entres sites voisins. d) Film partiellement formé. e) Film consolidé par déprotonation et formation d’un pont au point de dissolution facile conduisant à un film moins hydraté, d’après Okamoto [79] 1.5.1.2 Répartition des potentiels à l’interface métal - solution La croissance du film est limitée soit par la différence de potentiel dans le film, soit par les différences de potentiel d’interfaces Emétal/film ou Efilm/solution [80]. Les différences de potentiel Emf, Efs, et Ef aux interfaces métal/film (mf), film/solution (fs) et à l’intérieur du film (f) sont représentées sur la figure ci-dessous. Figure 1.7. Répartition des potentiels à l’interface métal/solution, d’après [80] Si L est l’épaisseur du film (de l’ordre de quelques dizaines d’Å), le champ électrique e = Ef/L peut atteindre des valeurs très élevées, de l’ordre de 106 V/cm [80]. Ce champ électrique permet la migration des anions O2- dans le film de l’interface film/solution vers l’interface métal/film. Ces anions 28 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables se combinent avec les cations dans une zone proche de l’interface métal/film pour former une zone interne du film d’oxyde pendant que, simultanément, d’autres cations migrent vers l’interface film/solution et se combinent avec les anions hydroxyles pour former la couche externe du film passif. Par conséquent, le film passif doit être considéré comme en évolution permanente, sa dissolution équilibrant constamment sa croissance. L’entretien du film est conditionné par sa conductivité ionique qui, même si elle est faible, n’est pas nulle et correspond à une densité de courant de l’ordre de 1 µA/cm². 1.5.1.3 Influence des éléments d’alliage Outre leur influence sur les caractéristiques mécaniques, les éléments d’addition des aciers inoxydables conditionnent les étapes de formation, d’entretien et la résistance du film passif. Par voies de conséquences, ils interviennent aussi sur les propriétés de conductivité de la couche d’oxyde formée. Elément de base de l’acier, le fer présente un polymorphisme cristallin que détermine la plupart des traitements thermiques applicables aux aciers. Sa teneur en surface de l’acier inoxydable est limitée au profit d’un enrichissement en chrome qui favorise la formation d’un film d’oxyde (cf. 1.4.1.1). Pour autant une quantité de fer sous forme de Fe métallique, Fe2O3, et Fe3O4 est présente dans le film. Il participe ainsi aux propriétés semi-conductrices particulières des films passifs (semiconductivité de type n). Cet élément peut intervenir comme dopant pour l’oxyde de chrome [33,81]. Le rôle du chrome est essentiel dans la formation et la stabilité du film passif, cet élément est beaucoup plus oxydable que le fer. Habituellement un acier est considéré comme ‘’inoxydable’’ lorsque la surface de celui-ci contient une teneur en chrome de l’ordre de 12%. Les phénomènes de dissolution sélective conduisent rapidement à des concentrations supérieures. Plus la teneur en chrome est élevée, plus la plage de potentiel d’existence du film passif va s’élargir, et dans le même temps la densité de courant anodique à l’état actif (pic d’activité) va diminuer [82]. Sur le plan métallurgique, le chrome de structure cubique centrée, est alphagène (i.e qui favorise la phase ferritique) et carburigène. Le carbone introduit pour augmenter les propriétés mécaniques de l’acier (dureté) notamment sous l’effet des traitements thermiques, joue un rôle néfaste vis-à-vis de la résistance à la corrosion. La précipitation de carbures de chrome conduit en effet à des phénomènes de corrosion intergranulaire. Ceci a encouragé le développement de nuances d’aciers inoxydables à très faible teneur en carbone (<0.03%) comme la nuance de type AISI 316L (L pour ‘’low carbon’’). Le carbone est un élément gammagène, i.e qui favorise la structure austénitique. Le nickel de structure cubique à faces centrées, est un élément gammagène. Il permet de pallier la faible teneur en carbone et garantit une homogénéité structurale (structure monophasée austénitique). 29 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables Le remplacement du carbone par le nickel permet d’augmenter la résistance à la corrosion et la ductilité, favorisant ainsi la mise en forme des matériaux. Il ne semble pas que le nickel participe directement à la composition du film passif, cet élément intervient plutôt par son rôle modérateur lors de la dissolution anodique en régime actif [80]. Pour Olsson et al. [83], la teneur du nickel (moins oxydable que le fer et le chrome), augmente à l’état métallique au voisinage de l’interface métal/film passif, ce qui permettrait de réduire la vitesse de dissolution du fer et du chrome. Le molybdène intervient sur la cinétique de passivation ou de repassivation du film passif. Il est connu pour améliorer la résistance à la corrosion localisée des aciers à caractère inoxydable en renforçant la stabilité de la couche passive. Le molybdène intervient au droit d’un défaut du film passif en modifiant l’électrolyte local, à l’instar d’un inhibiteur de corrosion. Il est présent à l’interface film passif/solution sous la forme de molybdates [84]. Du point de vue des propriétés physiques, il réduirait, comme le nickel, le taux de dopage des films [85]. L’azote, comme le molybdène, entraîne une diminution notable des courants critiques de passivation, indiquant que le matériau se passive plus vite. En présence d’azote, les aciers ont donc une plus grande aptitude à la passivation. L’étendue du domaine passif peut également être augmentée avec la teneur en azote [84]. Le cuivre, le silicium, le manganèse, le tungstène, le titane, le niobium, le ruthénium ou le tantale, sont autant d’éléments qui, ajoutés dans de faibles proportions massiques à la matrice métallique, permettent l’amélioration des propriétés de résistance à la corrosion, voire également des propriétés de conduction de la couche d’oxyde, suivant les conditions d’utilisation [15,82,83,87]. 1.5.2 Propriétés physiques des films passifs La passivation des aciers inoxydables présentée dans la partie précédente permet donc à ceux-ci de résister à la corrosion. Cependant la conductivité de surface offerte par cette couche d’oxyde ne permet pas de répondre suffisamment aux critères recherchés pour l’application visée. Il s’agit donc de contrôler les propriétés de ce film afin d’obtenir le meilleur compromis entre conduction électrique et résistance à la corrosion. La compréhension de la structure électronique des films passifs des aciers inoxydables apparaît donc comme essentielle et fait l’objet de la partie suivante. Les principes de base de la semiconductivité seront rappelés dans les premiers paragraphes. 1.5.2.1 Energie de gap et modes de conduction Les propriétés des électrodes semi-conductrices et leurs différences avec les électrodes métalliques peuvent être comprises en examinant la structure électronique de ces matériaux. En 30 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables raison du nombre infini d’atomes à considérer, la structure électronique de ces solides est typiquement discutée en terme de bandes d’énergies regroupant les énergies des orbitales atomiques des atomes individuels (Figure 1.8). Au vu du nombre important d’orbitales, la différence d’énergie entre les orbitales moléculaires adjacentes dans un niveau d’énergie donné est si petite que la bande peut effectivement être considérée comme un continuum de niveaux d’énergie. Le plus haut et le plus bas niveau d’énergie d’une bande sont associés aux bords de bandes. Comme pour les orbitales moléculaires, les bandes d’énergies présentant un intérêt sont la plus haute occupée (bande de valence), et la plus basse inoccupée (bande de conduction). C’est l’énergie du gap entre ces bandes, Énergie électronique, E Eg, qui détermine les propriétés de conduction du matériau [88]. Bande de conduction États libres g États occupés Bande de valence Métaux Atomes Semi-conducteurs isolés et isolants Distance interatomique Figure 1.8. Génération des bandes d’énergies dans un solide à partir des orbitales atomiques d’atomes isolés [88] La figure 1.8 illustre bien que la conductivité d’un matériau solide (i.e. le mouvement d’électrons à travers le matériau) implique que les électrons occupent partiellement la bande de conduction. Pour les métaux, les bandes de conduction et de valence se chevauchent. Pour les isolants, le gap est suffisamment large (typiquement supérieur à 6 eV), les électrons appartenant à la bande de valence ne dispose pas de l’énergie suffisante pour passer dans la bande de conduction. Pour les semiconducteurs, les gaps sont plus faibles (entre 0.1 et 3 eV), et sous l’action d’une excitation (agitation thermique, bombardement par des photons…), un électron de la bande de valence peut recevoir une énergie au moins égale à Eg et passer dans la bande de conduction permettant ainsi une conduction électronique. Contrairement aux métaux, la conductibilité d’un semi-conducteur augmente avec la température. Le passage de ces électrons laisse donc une lacune chargée positivement dans la bande de valence, appelée trou (Figure 1.9a). Ces trous peuvent circuler à travers l’espace par comblement successif par un électron ; les trous sont donc considérés comme mobiles. La conduction est donc la résultante d’un mouvement d’électrons dans la bande de conduction ou par un mouvement de trous dans la bande de valence [89]. 31 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables 1.5.2.2 Semi-conducteur intrinsèque Un semi-conducteur intrinsèque est un semi-conducteur dépourvu de toute impureté susceptible de modifier la densité de porteurs de charges. Seule une excitation thermique est alors susceptible de provoquer le passage des électrons localisés sur la bande de valence vers la bande de conduction. Le niveau de Fermi (noté EF et définit comme le niveau d’énergie pour lequel la probabilité d’occupation par un électron est ½) d’un semi-conducteur intrinsèque est très voisin du niveau d’énergie situé au milieu du gap à la température ambiante (Figure 1.9a). Les propriétés électriques d’un semi-conducteur sont considérablement modifiées en le dopant de manière contrôlée avec des atomes spécifiques [90]. 1.5.2.3 Semi-conducteur dopé n, p Dans un semi-conducteur de type n, le dopage est obtenu en introduisant un atome ayant à peu près la même taille que les atomes du substrat et disposant de plus d’électrons. L’énergie de ces électrons (ED) est légèrement inférieure à celle de la bande de conduction (EC). Au zéro absolu, tous les niveaux ED sont occupés. La conduction électronique peut se faire sous l’effet d’une excitation thermique de cet atome considéré comme une impureté, qui libère un électron vers la bande de conduction (Figure 1.9b). La charge de cet électron est compensée par une charge positive d’un atome donneur ionisé fixe dans le réseau. Il y a ainsi des électrons libres dans la bande de conduction sans qu’il y ait de trous dans la bande de valence. Les porteurs de charges majoritaires sont donc les électrons. Cette dissymétrie entraîne un déplacement de EF vers EC. L’atome « dopant » est appelé donneur (densité nommée ND), pour donneur d’électrons. a) b) c) Figure 1.9. Diagrammes d’énergies schématiques pour un semiconducteur intrinsèque a), de type n b), et de type p c) [88] Dans un semi-conducteur de type p les atomes introduits ont un déficit d’électrons par rapport à ceux du substrat entraînant une bande inoccupée (EA) au dessus de la bande de valence (EV). Ces atomes accepteurs (densité nommée NA), fixes dans le réseau, s’ionisent (anions) en recevant un électron de EV, y créant ainsi un trou sans qu’il y ait d’électrons dans la bande de conduction (Figure 1.9c). Les porteurs de charges majoritaires sont donc des trous, et EF est déplacé vers EV. 32 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables En résumé un semi-conducteur dopé est considéré de type n lorsque les porteurs de charges sont négatifs et un semi-conducteur dopé est considéré de type p lorsque les porteurs de charges sont positifs. 1.5.2.4 Semi-conducteurs amorphes et films passifs Les films passifs diffèrent des semi-conducteurs massifs par leur très faible épaisseur (quelques nanomètres) et leur structure essentiellement non cristalline. L’épaisseur de ces films ne représentant que quelques empilements atomiques, le développement d’une structure de bandes normale à la surface peut être remis en question. De plus, la présence de nombreux défauts structuraux dans ces films entraîne de nombreuses irrégularités dans leur arrangement atomique et confère alors à ces films une structure « hautement » désordonnée voire amorphe et une composition souvent non stœchiométrique pouvant même varier à travers le film. Ils se rapprochent alors du cas des semiconducteurs amorphes [91]. Ainsi, il n’existe plus qu’un ordre à ‘’courte distance’’. Partant du schéma de bandes du semiconducteur cristallin idéal (Figure 1.10a), il a été proposé le schéma de la figure 10b (modèle de Cohen-Fritzche-Ovhshinski), où à la notion de bande d’énergie interdite pour les états électroniques (cas du cristal), il faut substituer celle de bande d’énergie interdite aux porteurs mobiles [92]. De plus, dans le cas des films passifs, les cations interstitiels, les lacunes, ainsi que les états de surface, conduisent à l’existence d’états dans la bande interdite (figure 10c). a) b) c) Figure 1.10. Différentes représentation du schéma de bandes : a) cristal ; b) semi-conducteur amorphe, c) film passif [93] Même si la notion de structure de bande reste valable dans le cas des systèmes désordonnés, la présence d’états localisés dans la largeur de bande interdite aura des effets sur les transports de charges et donc sur les propriétés de l’interface film passif/électrolyte. 33 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables 1.5.2.5 Interface semi-conducteur/solution La mise au contact d’une électrode semi-conductrice avec une solution contenant un couple rédox (dont les constituants sont supposés non réactifs vis-à-vis du matériau de l’électrode) tend à produire, comme avec une électrode métallique, un état d‘équilibre électrochimique caractérisé par l’égalité du niveau de Fermi de l’électrode à celui caractéristique du couple rédox au sein de la solution. Cette égalisation des niveaux de Fermi à l’équilibre se traduit par l’établissement entre les deux phases d’une différence de potentiel électrique ∆Φéq dont la valeur est déterminée par les caractéristiques thermodynamiques des constituants intervenant dans l’équilibre électrochimique mis en jeu. [94]. Cette ddp électrique s’établit dans une zone de très faible épaisseur de part et d’autre de l’interface, dans laquelle existe par conséquent un champ électrique. Ce champ est responsable de l’accumulation de charges opposées de part et d’autre de l’interface. Dans une électrode métallique, la densité très élevée des électrons libres fait que la charge superficielle (déficit ou excédent d’électrons) se trouve confinée dans une couche dont l’épaisseur est beaucoup plus petite que celle de la couche de Helmholtz en solution. Son épaisseur est négligeable auprès de cette dernière en première approximation. Au contraire, dans un semi-conducteur, où la densité de porteurs libres est beaucoup plus faible que dans un métal, la charge se répartit dans une couche de plusieurs dizaines d’Angströms d’épaisseur, appelée couche de charge d’espace (Figure 1.11). Figure 1.11. Structure et distribution de potentiel électrique (Φ) à l’interface semi-conducteur/solution. Cas où ∆Φ Electrode/Solution > 0, sans adsorption ionique spécifique [94] De ce fait, alors que dans le cas d’une électrode métallique, la quasi totalité de la ddp s’établit dans la solution (dans la couche de Helmholtz), dans le cas d’une électrode semi-conductrice, la majeure partie de la variation du potentiel électrique s’établit dans la couche de charge d’espace (Figure 1.11) 34 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables [89,94]. La capacité différentielle globale de l’interface accessible expérimentalement est donc exprimée en fonction de CSC et CH par la relation 1/Cd = 1/CH + 1/CSC (capacités en série). Lorsque CSC << CH, il en découle que la capacité globale de l’interface est déterminée par la seule couche de charge d’espace du semi-conducteur. Ce point est à noter pour bien appréhender l’interprétation des résultats développés dans ce mémoire. La conséquence essentielle de cette variation du potentiel électrique Φ dans le semi-conducteur près de l’interface est la variation des niveaux d’énergie électroniques (variant comme – q.Φ, avec q la charge électrique élémentaire) dans la couche de charge d’espace, où se produit ainsi une courbure des bandes de conduction et de valence. La figure ci-dessous représente la situation énergétique à l’interface électrode/solution à l’équilibre électrochimique. (a) Ec ED E EF (b) Ec Ec surf EFrédox Ev ED EF Ev log c Evsurf n ND p n ND Ec (c) surf EFrédox Ecsurf Ec ED EF EFrédox Evsurf Evsurf Ev n ND p p Figure 1.12. Courbure des bandes de conduction et de valence à l’interface semi-conducteur/solution selon le couple rédox en solution pour un semi-conducteur de type n, les trois situations possibles : (a) accumulation, (b) déplétion, (c) inversion. Les schémas en regard correspondent à la concentration en porteurs majoritaires et minoritaires suivant les situations Dans le cas de l’absence de ddp du côté de la solution, les niveaux ECsurf et EVsurf à la surface du semi-conducteur occupent des positions fixes par rapport à une origine arbitraire prise en solution (couple rédox de référence). L’équilibre de l’électrode avec un couple rédox donné en solution, de niveau d’énergie EFrédox, impose que le niveau de Fermi EF de l’électrode soit égal à EFrédox, ce qui détermine la position des bords des bandes de conduction et de valence à l’intérieur du semiconducteur. Deux cas peuvent alors être distingués suivant la position de EFrédox par rapport à celle du bord de la bande du porteur majoritaire du semi-conducteur (i.e ECsurf pour un semi-conducteur de type n, et EVsurf pour un semi-conducteur de type p) : 35 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables - Si EFrédox se situe à la hauteur de la bande du porteur majoritaire du semi-conducteur (Figure 1.12a), le sens de la courbure de bande qui s’établit correspond à une variation de potentiel négative pour un semi-conducteur de type n (positive pour un semi-conducteur de type p). La surface de l’électrode subit une accumulation du porteur majoritaire. - Si EFrédox se situe à la hauteur de la bande interdite (Figure 1.12b), le sens de la courbure de bande qui s’établit correspond à une variation de potentiel positive pour un semi-conducteur de type n (négative pour un semi-conducteur de type p). La surface de l’électrode subit donc un appauvrissement (« déplétion ») en porteurs majoritaires, dont la concentration est d’autant plus faible que EFrédox est plus éloigné du bord de la bande de ce porteur majoritaire. Lorsque EFrédox est plus proche du bord de la bande du porteur minoritaire que celui de la bande du porteur majoritaire, le porteur qui est minoritaire au sein du semi-conducteur (par exemple les trous dans un semi-conducteur de type n) devient alors majoritaire en surface : la surface de l’électrode subit une inversion par rapport à l’état au sein du semi-conducteur (Figure 1.12c). La position intermédiaire entre ces situations, pour laquelle la courbure des bandes s’inverse, est l’état de « bandes plates », pour lequel la variation de potentiel dans le semi-conducteur est nulle (charge d’espace nulle). Les mêmes phénomènes sont enregistrés dans le cas d’une électrode semi-conductrice au contact d’une solution en faisant varier la ddp en appliquant une tension électrique V, entre cette électrode et une électrode de référence en jonction avec la solution. Le niveau de Fermi du semi-conducteur est déplacé par rapport à celui de l’électrode de référence, entraînant une variation de la courbure des bandes analogue à celle qui vient d’être décrite. Pour une certaine valeur du potentiel appliquée, il y aura donc équilibre entre le nombre d’électrons retirés et injectés dans le semi-conducteur. Cette valeur particulière de V donne l’état de bande plates, et est nommée potentiel de bandes plates VBP. Ce potentiel est la donnée expérimentale qui permet d’établir les diagrammes de niveaux d’énergie électronique pour chaque semi-conducteur au contact d’une solution donnée. La connaissance de VBP permet de définir si le semi-conducteur se trouve en état de déplétion ou d’accumulation. La méthode expérimentale adoptée pour évaluer le potentiel de bandes plates repose sur l’étude des variations de la capacité différentielle de la couche de charge d’espace, CSC en fonction de V. Cette capacité obéit, dans le domaine de V correspondant à la situation de déplétion du semi-conducteur en surface, à la relation de Mott-Schottky. Cette méthode utilisée par la suite dans ce travail, sera développée dans le deuxième chapitre. 1.5.2.6 Modèle d’énergie fluctuant pour un couple rédox en solution La figure 1.13 montre les états électroniques définis dans une solution électrolytique. Les espèces oxydées constituent les états vacants et les espèces réduites, les états occupés. L’énergie de Fermi d’un tel système se déduit du potentiel rédox E par la relation : EFrédox = - e . E 36 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables Certains auteurs considèrent que EFrédox, qui est le potentiel électrochimique des électrons en solution, ne peut être identifié à E, et tiennent compte du potentiel électrostatique local Φ : EFrédox = -e . E - e . Φ Les niveaux d’énergies des ions fluctuent autour de leurs valeurs les plus probable EOX et ERED, et leurs densités d’états sont des gaussiennes centrées sur ces valeurs (Figure 1.13). L’électrolyte est défini sur le plan énergétique par son niveau de Fermi rédox et par l’énergie de réorganisation des espèces λr [95]. DOX (vacants) EOX ERED DRED (occupés) Densité d’états Figure 1.13. Modèle d’énergie fluctuant pour un couple rédox en solution. [96] Le niveau de Fermi du couple H+/H2 en milieu aqueux a été évalué à 4.3 – 4.5 eV environ, en dessous du niveau d’énergie de l’électron dans le vide (niveau origine des physiciens) [94]. 1.5.2.7 Structure des films passifs formés sur les aciers inoxydables Le comportement capacitif des films passifs formés sur les aciers inoxydables peut en général s’expliquer par le fait qu’ils sont constitués par des zones de semi-conductivités distinctes. Le changement de type de conduction s’opère dans la transition des couches internes vers les couches externes du film passif et résulte de la formation de phases également distinctes [81]. Il est admis que dans le cas d’un semi-conducteur de type n, la conductivité est assurée par les électrons en excès résultant des lacunes d’oxygène ou des cations interstitiels, et dans le cas d’un semi-conducteur de type p, par les trous résultant des lacunes de métaux [97]. Outre ces généralités et malgré l’utilisation des nouvelles techniques de caractérisations (notamment la photoélectrochimie), le comportement semi-conducteur des films passifs reste mal compris car complexe. La littérature relate en effet un certain nombre de résultats contradictoires. Par exemple pour l’acier inoxydable 304, dont la composition est donnée dans le tableau 1.1, une étude récente de Sudesh et al. [98] montre que le film passif formé dans une solution de borate à pH 9.2 est constitué de deux couches d’oxydes de type n. La première, une couche de Fe2O3 avec une énergie de bande interdite Eg = 1.95 ± 0.05 eV se développe à l’interface substrat/oxyde, et la 37 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables seconde, un spinelle Fe-Cr de formule Fe(II)[Cr(III)xFe(III)1-x]2O4 où 0<x<1, avec Eg = 2.8 ± 0.05 eV, à l’interface oxyde/électrolyte. Tableau 1.1.Composition chimique de l’acier inoxydable 304 en wt%. D’après [99]. Cr Ni Fe Mn Si S C P 19.6 8.2 Bal. 1.48 0.52 0.001 0.046 0.023 Da Cuhna Belo et al. [100], Ferreira et al. [97] et Hakiki et al. [99] proposent quant à eux que le film passif formé sur le 304 dans une solution de borate à pH 9.2 est un duplex, mais à caractère semiconducteur p-n. La région interne étant riche en oxyde de chrome (type spinelle) et de type p et la région externe étant riche en oxyde de fer et de type n. L’oxyde de nickel se situant entre les deux. La figure 1.14 schématise la structure électronique de bande et la distribution des charges au sein d’un tel film. Ces auteurs montrent également que la concentration des porteurs varie avec la température pour des films d’oxydes formés dans l’air, celle-ci diminuant quand la température augmente. Ces valeurs sont rassemblées dans le tableau 1.2. Tableau 1.2. Densités de donneurs (ND) et d’accepteurs (NA) pour les régions de type n et de type p des films d’oxydes. D’après [97] Température (°C) 50 150 250 350 450 20 -3 ND (10 cm ) 2.6 1.5 0.9 0.5 0.3 20 -3 2.8 2.7 2.3 2.3 2.2 NA (10 cm ) Figure 1.14. Représentation de la structure électronique (et de la distribution de charges) pour un film passif formé sur un acier de type 304. D’après [97] Il est également montré que l’épaisseur du film d’oxyde formé dans l’air augmente avec la température, notamment du côté de la couche d’oxyde de fer. La structure électronique de ce film d’oxyde est similaire à celle du film passif formé en solution sur ce matériau, la densité de porteurs et l’épaisseur du film étant les principales différences. Leurs résultats montrent que les films formés à 38 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables l’air et en solution ont une structure cristallographique également proche, les différences résidant dans le degré de non stœchiométrie et la taille des cristaux [97,99]. Carmezim et al. [101] ont étudié le comportement du film passif formé sur le 304 dans des solutions à différents pH (0.6, 4.5, 8.4). Dans les trois cas, le film a une structure bicouche composée d’une couche interne de type spinelle et d’une couche externe constituée d’hydroxyde. Le film s’enrichi en Fe(II) et Fe(III) et s’appauvri en Cr(III) quand le pH de la solution augmente, son épaisseur augmente également dans les mêmes conditions. A pH 0.6, le film passif est fin et hautement dopé (33.4 1020 cm-3). La densité de donneurs à pH 8.4 et 4.5 est respectivement de 5.5 1020 cm-3 et de 3.2 1020 cm-3. Les niveaux d’énergies interdits Eg mesurés par photoélectrochimie indiquent deux transitions à 2.5 - 2.8 et 3.2 eV, la structure des films passifs formés à pH neutre et alcalin se composant d’une couche interne riche en chrome de type p et d’une couche externe riche en fer de type n. Une autre étude de Raja et Jones [102], dans une solution d’H2SO4 à 0.5 M (pH 0), montre que le potentiel auquel est formé le film peut changer certaines de ses caractéristiques. En effet à 0.2 V/SCE, la densité de donneur est de 3.4 1021 cm-3 et la largeur de la zone de charge d’espace est de 0.74 nm, à 0.3 V/SCE, la densité de donneur est de 2.8 1021 cm-3 et la largeur de la zone de charge d’espace est de 0.90 nm. La densité de porteurs semble donc diminuer avec l’augmentation du potentiel appliqué. Ils montrent également que le film formé est constitué de deux couches, l’une de type n (couche interne) et l’autre de type p (couche externe). Sudesh et al. [98] comparent l’acier 304 à un autre acier inoxydable, le 316L, dont la composition est donnée dans le tableau 1.3. Ils montrent que, à l’instar du 304, le film passif formé sur le 316L dans une solution de borate à pH 9.2, se décompose en deux oxydes de type n. Le premier étant une couche de Fe2O3 avec une énergie de bande interdite Eg = 1.95 ± 0.05 eV et le second un spinelle Fe-Cr de formule Fe(II)[Cr(III)xFe(III)1-x]2O4 où 0<x<1 avec Eg = 2.9 ± 0.05 eV. Tableau 1.3. Composition chimique de l’acier inoxydable 316L en wt%. D’après [103] C S P Si Mn Ni Cr Fe Mo 0.03 0.001 0.021 0.44 1.84 12.3 17.54 65.36 2.47 Montemor et al. [103] montrent également que le film passif formé sur un 316L dans une solution de borate à pH 8 et 10 dispose d’un caractère duplex. Ils caractérisent cependant ce film comme étant constitué d’une région interne d’oxyde de chrome de type p et d’une région externe d’oxyde de fer de type n. Résultats corroborés de plus par une autre étude de Ge et al. [104] et Da Cunha Belo et al. [105]. La structure électronique du film peut donc être comparée à une hétérojonction p-n. La figure 1.15 schématise la structure de bandes du film passif de structure spinelle sous polarisation. La couche interne d’oxyde de chrome agit comme une barrière Schottky (formation d’une zone appauvrie) dans la région de potentiel en dessous du potentiel de bandes plates, et la couche externe d’oxyde de fer est en régime d’accumulation (contact ohmique). Dans la région de potentiel supérieure au potentiel de bandes plates l’inverse se produit, i.e la couche interne est en régime d’accumulation et la couche externe en régime de déplétion. 39 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables Il a également été observé dans cette étude que la variation de pH ne change pas le caractère bicouche du film passif, mais affecte les proportions d’oxyde de chrome et de fer dans le film, comme il a été mentionné dans le cas du 304. La densité de donneurs pour le film formé à pH 8 a été établie à 0.9 1020 cm-3. Figure 1.15. Schématisation de la structure de bande du film d’oxyde formé sur l’acier 316L sous polarisation. Ufb1= potentiel de bande plate de l’oxyde de fer (~-0.5V vs. SCE). D’après [103] Le film d’oxyde formé à 0.7 V/SCE sur un acier de type 310 dans une solution de borate à pH 8.5 montre quant à lui un comportement semi-conducteur de type p [106]. L’acier 310 est composé de 25% de Cr, 16% de Ni, 1.5% de Mn, 1.5% de Si, 0.03% de C et de 55% de fer. 1.6 Conclusion Les différents éléments composant la pile ainsi que ses conditions de fonctionnement impliquent un ensemble de contraintes que doivent supporter les matériaux constitutifs des plaques bipolaires. La sélection d’un matériau répondant à ces problématiques doit se faire sur la base de sa composition, qui conditionne bien sûr ses propriétés physico-chimiques. Bien que, malgré les recherches effectuées, aucun matériau ne répond à l’ensemble des critères recherchés, il faut remarquer que les aciers inoxydables présentent un certain nombre de caractéristiques en adéquation avec les problèmes posés. Les éléments principaux qui les composent sont le chrome, le nickel et le molybdène. Ces éléments dans certaines proportions, jouent un rôle de protection vis-à-vis de la corrosion. De la même façon, les propriétés physiques des films telles que la densité de donneurs, la largeur de la zone de charge d’espace, le type de conductivité ou bien l’épaisseur, dépendent fortement des paramètres expérimentaux comme la température, le pH, le potentiel appliqué, le milieu extérieur, mais aussi la composition du substrat lui-même. C’est donc logiquement que l’acier inoxydable austénitique 316L a été choisi comme matériau de référence dans ce travail. L’idée étant toutefois de maitriser les propriétés physico-chimiques du film passif se développant à sa surface, au moyen d’éléments d’alliage particuliers susceptibles d’augmenter la conductivité de la couche d’oxyde, tout en maintenant de bonnes qualités de 40 Chapitre 1 : Plaques bipolaires métalliques et propriétés des aciers inoxydables résistance à la corrosion. Ces éléments sont introduits dans le film passif de l’acier 316L par voie électrochimique ou par voie métallurgique dans le matériau massif dans des proportions définies. Les matériaux ainsi élaborés sont caractérisés par des méthodes d’analyses de surface et électrochimiques dont la description fait l’objet du chapitre suivant. Ce chapitre permet également d’établir la référence préalable à cette étude : l’acier AISI 316L. 1.7 Références 1. NIKAM V.V., REDDY R.G. Corrosion studies of a copper–beryllium alloy in a simulated polymer electrolyte membrane fuel cell environment. 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