Ph. JAU Tomographie d'émission monophotonique du myocarde synchronisée à l'E.C.G. Ph. JAU CHP Clairval - Marseille La Tomographie dEmission Monophotonique du Myocarde Synchronisée (T.E.M.P.S.) permet en un seul examen une étude couplée de la fonction et de la perfusion du myocarde. En 1988, Sporn (1) décrit une technique dévaluation simultanée de la fonction ventriculaire et de la perfusion myocardique en utilisant les isonitriles marqués au 99 m Tc et la synchronisation à lélectrocardiogramme. En 1993, Gordon De Puey (2) décrit un calcul de la fraction déjection du ventricule gauche par régions dintérêt endocardiques tracées manuellement lors de la T.E.M.P.S. Aux Etats-Unis, paradoxalement le passage de la scintigraphie planaire à la tomoscintigraphie du myocarde a été relativement lent, cette nouvelle technique dénommée "Gated Spect" se développe de façon exponentielle depuis le milieu des années 90 et actuellement plus de 65 % des tomoscintigraphies du myocarde sont réalisées ainsi. 1. Méthodologie Lacquisition en T.E.M.P.S. est réalisée en même temps quune acquisition de tomoscintigraphie myocardique habituelle. La synchronisation à lélectrocardiogramme est faite, comme lors dune scintigraphie dynamique des cavités cardiaques, avec trois électrodes qui permettent un monitoring de lE.C.G. sur scope. Le sommet de londe R du complexe QRS définit le début du cycle cardiaque. Lespace RR est divisé en 8 ou 16 intervalles au cours de chacun desquels une image est acquise. Les tomographies ainsi obtenues représentent létat de la perfusion myocardique en différents instants du cycle cardiaque. Les images réalisées peuvent être visualisées en boucle, ce qui permet de simuler le mouvement et détudier la cinétique globale et régionale, lépaississement du myocarde. Limage de perfusion est "limage somme" de ces différentes images fonctionnelles synchronisées. Quelques aspects méthodologiques spécifiques méritent dêtre abordés (3). 1.1. Synchronisation à lélectrocardiogramme Une règle dor : "primum non nocere" La T.E.M.P.S. apporte des renseignements additionnels dordre fonctionnel mais les contraintes méthodologiques ne doivent en aucun cas générer une dégradation de limage de perfusion qui reste lélément principal de lexamen. Découpage du cycle RR : Lutilisation de 8 intervalles par cycle tend à se généraliser, la 3ème ou 4ème image du cycle étant la télésystole. Un découpage en 16 intervalles est parfois réalisé avec comme intérêt de mieux définir linstant précis de la télédiastole et de la télésystole, ce qui conduit à un calcul de la fraction déjection du ventricule gauche plus proche du calcul par les autres méthodes cardiologiques avec des valeurs de fraction déjection supérieures (aux alentours de 5 %) au calcul sur 8 intervalles. Linconvénient majeur est une réduction importante du rapport signal / bruit dans chacune des 16 images obtenues. Cycles RR acceptés ou rejetés : En fonction des variations de la fréquence cardiaque du patient lors de lacquisition, parfois minimes mais quasi-inéluctables, la dernière image du cycle (en règle la 8ème image) subit des variations. Ce problème traité de façon variable par les constructeurs nest pas encore totalement résolu. Il peut sagir dun souséchantillonnage en cas de cycle court ou dun sur-échantillonnage en cas de cycle long. Si les variations sont importantes, des artéfacts (flashing artéfacts, dark bands, "flou") peuvent être générés lors de limage somme de perfusion.(4) En règle, une fenêtre de 20 % ( RR + 10 %) est utilisée mais qui peut être augmentée à 100 % (RR + 50 %) dans certains cas, voire une acquisition de tous les cycles pour conserver une bonne image somme de perfusion. Les limites de la synchronisation E.C.G. Elles sont liées aux problèmes rythmiques entraînant un rejet trop important des cycles RR (image somme de perfusion non interprétable) ou lacceptation de cycles trop irréguliers (image fonctionnelle non interprétable). Ainsi ne peuvent bénéficier de cette technique (5) les patients ayant une fibrillation auriculaire trop irrégulière ou 102 Revue de l'ACOMEN, 2000, vol.6, n°2 Tomographie d'émission monophotonique du myocarde synchronisée à l'E.C.G. des extra-systoles supra-ventriculaires ou ventriculaires trop nombreuses (> à 1/6 cycles enregistrés). En général, on considère quil faut moins de 20 % de cycles rejetés pour avoir une image fonctionnelle synchronisée acceptable. 1.2. Paramètres dacquisition et de traitement des images Il ny a aucune règle absolue concernant ces paramètres qui dépendent du matériel utilisé, du traceur et de la dose injectée, des habitudes de lutilisateur, voire du morphotype du patient. Le but est dobtenir un rapport signal/bruit optimal sur chacune des images synchronisées au cours du cycle cardiaque et doptimiser en parallèle limage somme de perfusion. A titre indicatif : Acquisition en mode "step and shoot" Matrice 64 x 64 ; 180° ou 360° 30, 32, 60 ou 64 images 25 à 60 secondes par image en fonction des autres paramètres Reconstruction par rétroprojection filtrée, utilisation le plus souvent dun filtre de type butterworth avec des fréquences de coupure plus faibles quen tomoscintigraphie conventionnelle Réorientation habituelle et création dimages, petit axe, sagittale et transverse. Nous verrons ultérieurement les méthodologies de calcul des différents paramètres de fonction ventriculaire, notamment la fraction déjection du ventricule gauche. 1.3. Traceur : implications méthodologiques 1.3.1. Traceurs technétiés Les traceurs technétiés ont permis la mise au point et le développement de la T.E.M.P.S et ont été utilisés dans limmense majorité des publications qui ont permis de valider celle-ci. La synchronisation peut être faite indifféremment sur une étude de repos, de stress ou sur les deux études. Dans la séquence repos stress, celle-ci est optimisée lors de létude "post-stress" avec injection de la plus forte dose du traceur (high dose). Si lon utilise une acquisition double isotope : repos thallium - effort technetium, la synchronisation est préconisée sur létude defort. Ainsi, si limage de perfusion est un reflet du myocarde au moment précis de linjection du traceur, létude synchronisée reflète les conditions fonctionnelles au moment de lacquisition (20 à 60 mn après linjection dans tous les cas) cest-à-dire dun myocarde ayant retrouvé un état de repos. Revue de l'ACOMEN, 2000, vol.6, n°2 Cependant plusieurs études montrent quen cas dischémie sévère et prolongée, que lon assimile à un état de sidération myocardique ischémique et transitoire, une anomalie de cinétique sera observée lors de lacquisition. Dans une étude récente, Johnson et Coll. (6) montrent que 36 % des patients ayant une ischémie induite par lépreuve de stress, ont une baisse de plus de 5 % de la Fraction dEjection Ventriculaire Gauche (FEVG) sur létude fonctionnelle "post-stress" par comparaison avec les résultats de FE obtenus sur létude de repos. Cette baisse de FE est corrélée avec létendue de lischémie et avec une atteinte du territoire de linterventriculaire antérieure. Dans une étude similaire, Javaid et Coll. (7) retrouvent les mêmes résultats avec baisse de la FE "post-stress" seulement chez les patients ayant une ischémie myocardique à la différence des patients non ischémiques. Dans une étude sur 53 patients, Asit Kr. Paul et Coll. (8) comparent FE et volumes ventriculaires lors des études synchronisées "post-stress" et "post-rest". Les FEVG ne différent pas en cas de scintigraphie normale ou dinfarctus. En cas dischémie, la FE baisse de 5 % en moyenne avec augmentation des volumes télédiastoliques et télésystoliques. 1.3.2. Thallium 201 Plusieurs publications ont permis de valider la T.E.M.P.S. utilisant le Thallium : Germano et Coll. (9) comparent cette technique avec la T.E.M.P.S. utilisant un traceur technétié et trouvent une bonne corrélation entre celles-ci. Maunoury et Coll. (10) étudient 104 patients avec T.E.M.P.S., 15 mn après injection de 111 MBq de Thallium 201 dans des conditions de repos, et une heure après injection de 99 mTc SestaMibi dans des conditions "post-stress". Il y a une excellente corrélation pour létude de la fraction déjection du ventricule gauche (r = 0,93) du volume télédiastolique (r = 0,96) mais une moins bonne corrélation pour le volume télésystolique (r = 0,68). Plus récemment, Tadamura et Coll. (11) montrent une bonne corrélation entre la T.E.M.P.S. Thallium et lIRM avec reconstruction tri-dimensionnelle concernant la fraction déjection du ventricule gauche, létude de cinétique et dépaississement segmentaire. Cependant, dautres travaux mettent en avant une moindre qualité dimagerie du Thallium avec une densité de coups sur chaque image synchronisée dà peu près la moitié par comparaison avec le Technetium et une réduction du rapport signal / bruit par un facteur 0,71 (12). Les paramètres dacquisition et de traitement dimages (notamment le choix des filtres) devront en tenir compte. Dans un travail récent portant sur 33 patients, G. De Puey et Coll. (13) concluent que "la T.E.M.P.S. Thallium est inférieure à la T.E.M.P.S. Mibi a cause dune moindre qualité dimages avec une moins bonne reproductibilité inter-observateur pour létude de la cinétique et de lépaississement segmentaire. Par contre, la FE globale du ventricule gauche 103 Ph. JAU peut être parfaitement calculée par la T.E.M.P.S. Thallium". Ferrand et Coll. (14) mettent en avant les mêmes problèmes avec des possibilités derreurs en T.E.M.P.S. Thallium particulièrement pour les basses fractions déjection ventriculaire. 2. Paramètres fonctionnels et validation des résultats La T.E.M.P.S. permet une approche de la fonction ventriculaire gauche globale et régionale avec étude de la cinétique et de lépaississement segmentaire, de la fraction déjection (FE), paramètre fonctionnel le plus important avec un intérêt diagnostic et pronostic majeur. 2.1. Algorithmes de traitement Plusieurs méthodes algorithmiques ont été décrites pour quantifier les paramètres de la T.E.M.P.S.. Toutes ces méthodes estiment un contour endocardique et épicardique de chaque image synchronisée. - De Puey (2), Nichols et Coll. (15) (St-Lukés New-York) décrivent une méthode semi-automatique basée sur la détection des contours endocardiques sur les images "médio-ventriculaires" en coupes transverses et sagittales. - Goris et Coll (16) (Stanford) décrivent une méthode semiautomatique basée sur les variations des profils dactivité du ventricule gauche. - Williams et Taillon (17) (Chicago) décrivent une méthode semi-automatique utilisant "linversion dimage" et ressemblant aux méthodes utilisées en scintigraphie des cavités cardiaques. - Smith (18) décrit une méthode semi-automatique utilisant les effets de volume partiel. - En 1995, Germano et Coll. (19)(20) (Cedars Sinai Los Angeles) présentent un traitement totalement automatique dénommé "quantitative gated SPECT" (QGS). Cet algorithme travaille en trois dimensions sur les coupes petite axe, applique un fit gaussien, segmente le ventricule gauche, trace les contours endocardiques et épicardiques, le plan valvulaire, de chaque image synchronisée et calcule les paramètres de volumes et fraction déjection. Le caractère automatique et reproductible de lalgorithme, une bonne validation des résultats notamment pour le calcul de la FE, expliquent que le programme QGS soit actuellement le plus répandu auprès des différents constructeurs. 2.2. Fraction déjection ventriculaire gauche Un très grand nombre de publications ont permis de valider la FEVG calculé en T.E.M.P.S. comparée aux autres méthodes cardiologiques : - Méthodes isotopiques : premier passage (Germano (19) (20) ; He (21) (22) ; Nichols (15)) et ventriculographie iso- topique à léquilibre (Bateman (23) De Puey (2) Everaert (24) Nichols (15)). - Méthodes non isotopiques : échographie bi-dimensionnelle et tri-dimensionnelle (Cwajg (25) Mathew (26)) ventriculo-angiographie (Nichols (27) Williams (17)) ou IRM tridimensionnelle (Tadamura (11)) - Germano et Berman (28) réalisent une méta analyse sur 29 séries publiées par des auteurs anglo-saxons. Sur un total de 1095 patients, le coefficient de corrélation est r=0,87 par rapport aux autres techniques de mesure de la FE. - En T.E.M.P.S., la valeur normale de FE est de 50 à 58 % (pour un découpage du cycle RR en 8 intervalles), donc plus basse quen ventriculo-angiographie. Quelques variations de cette valeur doivent être connues : - Nous avons vu précédemment quun découpage du cycle RR en 16 intervalles permet de mieux préciser les images de fin de systole et fin de diastole avec une FE plus élevée de 3 à 4 % par rapport au découpage du cycle en 8 intervalles. - En cas de "petite cavité cardiaque" (sexe féminin, hypertrophie myocardique) le volume télésystolique est sousestimé ce qui crée une sur-estimation de la FEVG. Cet effet est plus important en T.E.M.P.S. au Thallium (29). - Manrique et Coll. (30) montrent quen T.E.M.P.S. Technetium ou Thallium, la FEVG calculée par le programme QGS est sous-estimée chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche sévère (FEVG basse) et en cas de large defect perfusionnel. En cas dischémie sévère, nous avons vu précédemment le problème dune sidération myocardique prolongée qui explique une diminution de la FEVG lors dune étude "post-stress" 20 à 60 mn après linjection du traceur à lacmé de leffort. - Enfin, en cas danévrysme ventriculaire gauche, les algorithmes sont en règle pris en défaut et lévaluation des paramètres fonctionnels ne tient pas compte du mouvement dyskinétique. 2.3. Cinétique et épaississement segmentaire La T.E.M.P.S. permet une étude de la fonction ventriculaire segmentaire par analyse visuelle ou quantifiée de la cinétique régionale et de lépaississement systolique du myocarde. Dans un travail portant sur 58 patients, Chua et Coll. (31) présentent un score de cinétique segmentaire (de 0 = akinésie à 3 = cinétique normale) et un score dépaississement basé sur laugmentation de brillance du myocarde en systole (de 0 = absence dépaississement à 3 = épaississement normal). Ces deux scores sont parfaitement corrélés aux résultats de léchographie (91 % pour la cinétique, 90 % pour lépaississement) ce qui représente en T.E.M.P.S. une information intéressante et complémentaire de la fonction ventriculaire globale et de la perfusion. 104 Revue de l'ACOMEN, 2000, vol.6, n°2 Tomographie d'émission monophotonique du myocarde synchronisée à l'E.C.G. Sur une série de 24 patients, Anagnostopolous et Coll. (32) valident létude segmentaire de cinétique et dépaississement du myocarde en T.E.M.P.S. par rapport à la cinéIRM. Mais les corrélations sont moins bonnes pour les segments myocardiques ayant une atteinte perfusionnelle sévère en raison dune densité de coups parfois insuffisante. En raison dun effet de volume partiel, lépaississement segmentaire du myocarde se traduit par une augmentation de la brillance au cours du cycle cardiaque. Shen et Coll. (33) développent et valident un algorithme de quantification de lépaississement segmentaire. Cette méthode, reproductible, suit les changements de densité de coups sur chaque segment myocardique au cours du cycle cardiaque. Lindex dépaississement est exprimé comme un pourcentage daugmentation de la densité de coups durant la systole par rapport à limage télédiastolique initial. Cette algorithme est validé sur fantome, puis sur une série de 20 patients normaux et 20 patients avec antécédent dinfarctus. Chez le sujet normal, il y a des variations non pathologiques de 20 à 30 % de lépaississement sur les différents segments, en particulier lépaississement de la paroi apicale est plus marqué que lépaississement des segments basaux. 2.4. Volumes ventriculaires Les algorithmes développés en T.E.M.P.S. permettent, semble-t-il, de calculer les volumes du ventricule gauche. Par comparaison avec léchographie, Cwajg et Coll. (34) retrouvent sur une série de 109 patients, une très bonne corrélation pour le volume télésystolique mais une moins bonne corrélation pour le volume télédiastolique. Chez 24 patients indemnes de shunts intracardiaques ou de valvulopathie, Iskandrian et Coll.(35) comparent FEVG et volumes ventriculaires (VTS, VTD, volume déjection systolique (VES), mesuré par T.E.M.P.S. (Algorithme QGS) et par une technique de référence qui associe cathétérisme avec thermo-dilution et scintigraphie au premier passage. En T.E.M.P.S., les valeurs normales sont : FEVG = 50 % + 14, VES = 54 ml + 16 ; VTD = 122 ml + 71 ; VTS = 68 ml + 61. Pour la technique de référence (thermodilution / premier passage) les valeurs normales sont : FEVG = 54 % + 13 ; VES : 67 ml + 17 ; VTD = 130 ml + 44 ; VTS = 63 ml + 38. La reproductibilité des mesures des volumes ventriculaires par T.E.M.P.S. est excellente, r = 0,99. Cependant, les constatations pratiques montrent que lappréciation exacte des volumes ventriculaires est délicate en T.E.M.P.S. mais aussi avec toutes les autres techniques non invasives. Ceci est particulièrement sensible dans les cas difficiles de cardiopathie valvulaire ou congénitale, de cardiomyopathie, et il est raisonnable de penser que lon obtiendra une évaluation plus fiable et plus complète des volumes ventriculaires droits et gauches, du débit cardiaque, en développant dautres techniques de cardiologie nucléaire comme la tomographie des cavités cardiaques à léquilibre. Revue de l'ACOMEN, 2000, vol.6, n°2 A part, il faut souligner lintérêt de lévaluation visuelle ou quantifiée des volumes ventriculaires lors dun examen en T.E.M.P.S. pour détecter, sur les images "post-stress", un aspect de dilatation myocardique ischémique transitoire (DIT). Le terme DIT regroupe probablement deux entités physiopathologiques associant une véritable dilatation cavitaire ischémique et surtout une ischémie diffuse sous endocardique intéressant la totalité du ventricule gauche. Mazzanti et Coll. (36) montrent que la mise en évidence dune DIT est très spécifique pour identifier les patients ayant une coronaropathie sévère. 3. Intérêts cliniques 3.1. Apport diagnostic Dune façon générale, un intérêt majeur de la T.E.M.P.S. est daccroître la valeur diagnostique de la scintigraphie myocardique de perfusion, en améliorant la spécificité, en diminuant le nombre dexamens "douteux" et peut-être, en améliorant légèrement la sensibilité dans certaines indications. 3.1.1. Amélioration de la spécificité de la scintigraphie myocardique La synchronisation ECG des images perfusionnelles permet une meilleure détection des artéfacts datténuation qui intéressent soit la paroi antérieure (atténuation mammaire) soit la paroi inférieure (atténuation diaphragmatique en acquisition en décubitus dorsal). En scintigraphie myocardique, un artéfact datténuation est responsable dun défaut de fixation permanent du traceur aux deux temps de lexamen, repos et effort. Cet aspect "dhypo fixation permanente" est aussi retrouvé chez le coronarien, en cas dinfarctus du myocarde ou de myocarde hibernant. De Puey et Coll. (37) étudient 180 patients ayant une hypofixation permanente à la scintigraphie. 102 patients ont des antécédents dinfarctus du myocarde et 96 % dentre eux une altération de la fonction ventriculaire gauche sur létude T.E.M.P.S.. Sur 78 patients sans antécédent dinfarctus, 60 patients (77 %) ont une fonction ventriculaire gauche normale ce qui correspond à un artéfact datténuation et 18 patients (23 %) ont une altération de la fonction ventriculaire gauche ce qui correspond à un infarctus du myocarde non Q ou à un myocarde hibernant. Ainsi, dans cette étude, le taux "dhypofixation permanente" non expliqué (pas dinfarctus dans les antécédents) passe de 14 % à 3 % grâce à létude fonctionnelle synchronisée. Les artéfacts datténuation sont fréquemment observés chez les patients de sexe féminin et sont alors dorigine mammaire avec hypofixation permanente antérieure. Taillefer et Coll. (38) présentent une étude prospective réalisée chez 115 femmes, la spécificité de la scintigraphie myocardique passe de 84,4 % pour la T.E.M.P. au SESTAMibi à 92,2 % pour la T.E.M.P.S. au SESTAMibi synchronisée à lECG (p = 0,0004) 105 Ph. JAU Ainsi, en T.E.M.P.S., lassociation dune hypofixation permanente avec conservation dune bonne cinétique ventriculaire et dun épaississement pariétal normal ou subnormal identifie de façon très spécifique un artéfact datténuation. 3.1.2. Diminution du nombre dexamens "douteux" Cette application est illustrée par létude de Smanio et Coll. (39) portant sur 285 examens T.E.M.P.S. consécutifs interprétés par deux observateurs, sans létude synchronisée dans un premier temps puis avec les images perfusionnelles synchronisées secondairement. Le nombre de scintigraphie interprétée comme "douteuse" diminue de 89 à 29. Chez les patients avec une très faible probabilité de coronaropathie, le taux de scintigraphie myocardique interprété comme normal passe de 74 % à 93 %. Chez les patients coronariens prouvés par angiographie le taux de scintigraphie myocardique interprété comme pathologique passe de 78 % à 92 %. Si lon adopte une classification en 4 catégories (normal, douteux plutôt normal, douteux plutôt anormal, et anormal) la T.E.M.P.S. permet de diminuer considérablement le nombre dexamens "douteux". Dans un même ordre didée, Choï et Coll. (40) montrent par étude de courbes ROC quen cas de scintigraphie myocardique "douteuse" 86,8 % des interprétations sont confortées en visualisant successivement les images tomographiques, les images de projection et les images synchronisées. 3.1.3. Amélioration de la sensibilité de la scintigraphie myocardique Lamélioration de la sensibilité est une notion moins certaine qui demande confirmation par dautres études. En présence dun cur de petite taille (sexe féminin) notamment en cas dischémie peu étendue, les zones hypoperfusées sont difficilement identifiées en raison dun épaississement systolique du myocarde qui masque lischémie sur limage de perfusion. Dans un travail prospectif portant sur 53 patientes, Taillefer et Coll. (41) proposent détudier en T.E.M.P.S., la perfusion myocardique deffort et de repos sur les seules images diastoliques. Par comparaison avec lévaluation sur limage somme de perfusion classique, la sensibilité de la scintigraphie myocardique est de 73,7 % pour "limage somme" et 84,2 % pour limage diastolique. La spécificité est de 86,7 % pour "limage somme" et 80 % pour limage diastolique. Il y a donc une tendance à améliorer la sensibilité de lexamen (p = NS) mais au prix dune perte en spécificité ce qui impose de prendre en considération les deux types dimage lors de linterprétation. Cette technique pourrait cependant représenter une aide au diagnostic en cas de prévalence élevée de coronaropathie avec image perfusionnelle somme normale. Cette technique présente cependant des limites méthodologiques car il est indispensable dadopter un protocole sur deux jours séparés ("stress forte dose" et "repos forte dose") seul garant dune synchronisation de qualité sur les deux études. 3.2. Apport pronostic La valeur pronostique de la scintigraphie myocardique de perfusion est maintenant bien établie et reconnue en cardiologie, ainsi que lintérêt de la scintigraphie dans lévaluation du risque chez le coronarien (risk stratification). De la même façon, la fraction déjection du ventricule gauche, que lon peut maintenant évaluer de façon fiable en T.E.M.P.S., est une donnée chiffrée qui a une valeur pronostique fondamentale chez le coronarien en particulier après infarctus du myocarde. Mais les différents renseignements apportés par la T.E.M.P.S. avec étude de la perfusion et de la fonction myocardique ont-ils une valeur pronostique complémentaire et additive ? Deux publications apportent une réponse positive à cette question : - Hachamovitch et Coll. (42) montrent que le calcul de la fraction déjection ventriculaire gauche en T.E.M.P.S. permet de mieux préciser le pronostic spontanément mauvais des patients ayant une scintigraphie myocardique nettement anormale. La mesure de la FE individualise un premier groupe de patients à très mauvais pronostic (altération perfusionnelle + FEVG < 50 % ; le taux dévénements graves est de 5,8 % par an) et un deuxième groupe de patients dont le pronostic est "moins mauvais" (altération perfusionnelle + FEVG > 50 % ; le taux dévénements graves est de 2,2 % par an). - Dans un travail publié récemment Tali Sharir et Coll. (43) présentent le suivi sur 569 jours (± 106) de 1680 patients consécutifs ayant eu une tomographie synchronisée avec un protocole double isotope. Les courbes ROC permettent de définir des valeurs seuil de mauvais pronostic : FEVG < 45 % ; volume télésystolique (VTS) > 70 ml ; volume télédiastolique (VTD) > 120 ml. Létendue de latteinte perfusionnelle et le VTS sont deux variables indépendantes prédictives dévénements coronariens. La FEVG et le VTS sont deux variables qui apportent une valeur pronostique indépendante et complémentaire de lévaluation de latteinte perfusionnelle pour prédire la survenue de décès dorigine cardiaque ou la survenue dun infarctus du myocarde. 3.3. Applications diverses 3.3.1. Viabilité myocardique Un segment myocardique est viable sil récupère ou améliore sa fonction contractile après revascularisation. Nous avons vu précédemment, à la lumière des travaux de Chua et Coll. (31) , que la T.E.M.P.S. a la même valeur que léchographie pour apprécier la cinétique et lépaississement myocardique. Pour ces auteurs, un segment myocardique 106 Revue de l'ACOMEN, 2000, vol.6, n°2 Tomographie d'émission monophotonique du myocarde synchronisée à l'E.C.G. qui présente une hypoperfusion sévère mais une cinétique et un épaississement conservés est viable ; cependant, en cas dantécédent dinfarctus du myocarde, la T.E.M.P.S. ne peut remplacer une étude de la perfusion myocardique dans des conditions de repos et avec un protocole précis détude de viabilité. Dans un article plus récent, Levine et Coll. (44) montrent que la T.E.M.P.S. au Sestamibi, en appréciant de façon couplée perfusion de repos et fonction segmentaire, est plus sensible que létude de perfusion seule au Sestamibi pour la détection des segments viables. Une autre approche différente, présentée par certains auteurs (Iskandrian (45) , Levine (46)), reprend le principe détude de la viabilité myocardique par échographie de stress. Elle consiste à réaliser une acquisition tomographique synchronisée au cours dune épreuve pharmacologique à la dobutamine à faible dose, en utilisant une caméra double tête et un temps dacquisition relativement court. Ainsi, un segment myocardique sévèrement hypoperfusé qui présente une amélioration fonctionnelle sous dobutamine doit être considéré comme viable. 3.3.2. Bloc de branche gauche En cas de BBG, on observe fréquemment un aspect dhypoperfusion relative du septum lié en fait à une anomalie de la cinétique et à une diminution de lépaississement systolique en relation avec le trouble conductif. Dans un travail récent, Sugihara et Coll. (47) montrent que cet artéfact peutêtre reconnu en T.E.M.P.S. par lanalyse du mouvement septal. 3.3.3. Cardiomyopathie ischémique et non ischémique En cas de cardiomyopathie dilatation hypokinétique, il est important de distinguer les étiologies ischémiques et non ischémiques car la thérapeutique est radicalement différente. Le cathéterisme cardiaque est souvent la règle car la scintigraphie myocardique de perfusion na pas une valeur diagnostic suffisante pour différencier ces deux étiologies de façon fiable. Dans un travail récent portant sur 37 patients, Danias et Coll. (48) montrent lintérêt de la T.E.M.P.S. en présence dune cardiomyopathie dilatée hypokinétique. Dans le groupe des cardiomyopathies ischémiques on observe plus souvent la présence de défauts perfusionnels partiellement réversibles entre leffort et le repos, mais on observe surtout une altération inhomogène de la cinétique ventriculaire. Latteinte fonctionnelle est plus diffuse et plus homogène dans le groupe des cardiomyopathies non ischémiques. 3.3.4. Etude du ventricule droit La paroi dun ventricule droit normal est fréquemment visualisée en tomographie du myocarde avec les traceurs technetiés. Dans certaines pathologies cardiaques ou pulmonaires, on observe un aspect dhypokinésie dilatation Revue de l'ACOMEN, 2000, vol.6, n°2 du ventricule droit qui peut être identifié par létude en tomographie synchronisée (49). Conclusion La tomographie démission monophotonique synchronisée à lECG représente indéniablement une avancée en cardiologie nucléaire en apportant des renseignements fonctionnels complémentaires de létude de la perfusion myocardique. Le rapport entre le coût de lexamen et la précision des renseignements obtenus sen trouve ainsi optimisé Références bibliographiques 1. Sporn V., Perez Balino N, Holman BL, et al. Simultaneous measurement of ventricular function and myocardial perfusion using the technetium isonitriles. Clin. Nucl. Med 1988 ; 13 ; 7781 2. De Puey EG, Nichols K, Dobrinsky C et al. Left ventricular ejection fraction assessed from gated technetium 99 m sestamibi SPECT. J. Nucl. Med 1993 ; 34 : 18711876 3. 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