cette action de survie sur les neurones du noyau
d’Onuf. Pour établir une telle propriété, on a adminis-
tré du CNTF pendant la période périnatale chez le rat
femelle. Cette administration prévient la mort des
motoneurones des noyaux d’Onuf [9], et ceci est obser-
vé même dans la souche de rat qui présente une muta-
tion inactivatrice du récepteur des androgènes montrant
bien que le CNTF n’agit pas par cette voie [10]. Il exis-
te une souche de souris pour laquelle le gène codant le
récepteur membranaire du CNTF a été invalidé. Dans
ce cas, le dimorphisme sexuel spinal ne s’établit pas
malgré la sécrétion d’androgènes chez le mâle [8].
Toutes ces données montrent donc que le CNTF agit en
aval de la voie des androgènes dans le contrôle de l’éta-
blissement du dimorphisme sexuel. Toutefois, il faut
bien se garder de penser que le système impliqué dans
ces effets est si simple. En effet, le CNTF n’agit que de
façon transitoire alors que les androgènes induisent un
dimorphisme définitif [1]. On peut donc en inférer que
les androgènes jouent un rôle via plusieurs systèmes de
substances neurotrophiques dont le CNTF. Ainsi ce
dernier pourrait avoir un rôle initiateur de ce processus
mais il serait nécessaire que son action soit maintenue
par d’autres molécules.
Ainsi, les androgènes n’ont pas une action directe sur
les motoneurones spinaux du noyau d’Onuf. Toutefois,
un tel rôle peut-il être définitivement écarté? La taille
du corps cellulaire des motoneurones innervant le
muscle bulbocaverneux est plus importante chez le
mâle que chez la femelle [2] et cet effet dépend direc-
tement d’une action des androgènes sur un récepteur
fonctionnel des androgènes [18]. Si on observe le déve-
loppement des dendrites des motoneurones du noyau
d’Onuf chez le rat, on s’aperçoit qu’elles grandissent
considérablement à partir du 28ème jour post-natal.
Cette croissance est inhibée par la castration précoce, et
elle est restaurée par l’administration de testostérone ou
de dihydrotestostérone associée à des œstrogènes.
Ainsi, on peut donc conclure que cette croissance den-
dritique dépend des androgènes (directement ou non).
Les androgènes sont capables de pénétrer à l’intérieur
des motoneurones où ils peuvent agir sur le récepteur
nucléaire des androgènes ou être métabolisés par l’aro-
matase en œstrogènes qui agissent sur leur récepteur
nucléaire (Figure 2). Il est possible de bloquer spécifi-
quement l’aromatase par le fadrozole. Dans ce cas, si
un tel blocage est effectué pendant la période périnata-
le chez le rat mâle, les dendrites des motoneurones du
noyau d’Onuf ne se développent pas [6]. Ceci montre
donc que l’action des androgènes sur les dendrites des
motoneurones du noyau dOnuf passe par une aromati-
sation et une action des œstrogènes sur leur récepteur.
Chez le rat pendant la période périnatale, les ovaires
des femelles ne produisent pas de grandes quantités d’
œstrogènes et n’agissent donc pas sur les motoneurones
spinaux.
Dans l’espèce humaine, rien n’est connu quant à la date
d’apparition de ce dimorphisme sexuel. Toutefois, il est
classique de constater que le système nerveux humain
à la naissance est beaucoup plus mature que celui des
rongeurs. Dans cette optique, on peut postuler que
l’établissement du dimorphisme se réalise pendant la
vie intra-utérine. Nos lecteurs se rendent compte que
pour affirmer une telle hypothèse, il suffit d’analyser
des moelles épinières fœtales humaines pour dater l’ap-
parition d’un tel dimorphisme. Une telle étude n’a pas
qu’un intérêt anecdotique. En effet, si le dimorphisme
spinal se développe pendant la vie fœtale, il existe alors
une imprégnation œstrogénique des fœtus masculins et
féminins du fait du passage des hormones de la circu-
lation maternelle vers celle du fœtus. Aussi, si les hor-
mones féminines pénètrent dans les motoneurones,
elles peuvent agir et masculiniser les dendrites de ces
neurones. Une telle action est empêchée par la liaison
des hormones stéroïdes maternelles à l’alpha-fœto-pro-
téine. Un tel complexe ne peut, en effet, pénétrer dans
la cellule. Ainsi, les hormones maternelles dans l’espè-
ce humaine ne peuvent avoir d’action intra-cellulaire
chez le fœtus, ce qui prévient la masculinisation des
centres nerveux des fœtus féminins.
Ainsi, le dimorphisme sexuel du noyau d’Onuf est lié à
une imprégnation androgénique qui permet la survie des
muscles périnéaux. Ces muscles en retour émettent un
signal trophique qui permet le maintien des motoneurones
spinaux du noyau d’Onuf chez le mâle alors qu’ils dégé-
nèrent chez la femelle. Ce signal trophique n’est pas entiè-
rement connu et pourrait correspondre à plusieurs facteurs
moléculaires dont le CNTF. Après le maintien des moto-
neurones spinaux, les androgènes agissent directement
sur ces cellules pour favoriser la pousse dendritique. Cet
e ffet s’explique par la transformation intracellulaire des
androgènes en œstrogènes sous l’action de l’aromatase.
REFERENCES
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nosus. J. Neurosci., 1983b, 3, 424-432.
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Martin Catala, Progrès en Urologie (2002), 12, 340-343