Hypertension arterielle de la personne âgée

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Traitement medicamenteux
Hypertension arterielle
de la personne âgée
L’hypertension artérielle chez la personne âgée est, avec le tabagisme et l’hyperlipidémie un facteur de risque majeur de morbidité et mortalité cardiovasculaire et neurologique. Elle est définie
par une pression artérielle systolique > 140 et / ou une pression artérielle diastolique > 90 mmHg. La pression artérielle systolique
augmente avec l’âge, la diastolique augmente jusqu’à 50 – 60 ans,
se stabilise puis décroît. Ceci explique qu’une pression artérielle
systolique isolée est souvent observée chez le patient âgé.
A
ux Etats-Unis, une hypertension est observée chez 67% des adultes âgés de 60 ans et plus. En Suisse romande, 75% des hommes
et 59% des femmes de 65 – 75 ans ont une pression artérielle élevée
(≥ 140 / 90 mmHg) ou sont traités pour l’hypertension. L’étude Framingham estime que les individus âgés de 55 à 65 ans qui ne sont
pas hypertendus ont une risque de 90% de développer une hypertension de stade 1 (140 – 159 / 90 – 99 mmHg) et une risque de 40% une
hypertension de stade 2 (≥ 160 / ≥ 100 mmHg) durant leur vie. Chez
les patients âgés avec une hypertension systolique isolée, les recommandations sont de diminuer la pression systolique < 150 mmHg en
suggérant une valeur < 140 mmHg si elle peut être atteinte sans effets secondaires. La pression diastolique après traitement devrait être
> 60 mmHg (> 65 mmHg en cas de maladie coronarienne). En cas
d’hypertension systolique et diastolique chez la personne âgée, on
recommande une diminution similaire de la pression systolique que
ci-dessus et une diminution de la pression diastolique < 90 mmHg.
Il convient d’insister que cette réduction devrait être lente et qu’une
hypotension orthostatique doit être activement recherchée.
Physiopathologie
Plusieurs modifications du système vasculaire sont observées avec
l’âge. On constate une altération et une diminution relative des fibres
élastiques remplacées par du collagène au sein de la paroi des artères.
Cette évolution est à l’origine d’une plus grande rigidité des artères.
D’autres modifications sont également observées comme un épaississement de la paroi artérielle, une augmentation du diamètre des artères
de gros calibre et une altération de la fonction d’amortissement. Ces
dernières contribuent à l’élévation de la pression artérielle systolique et
à une diminution de la pression artérielle diastolique. Plusieurs études
ont montré que, chez la personne âgée, le risque cardiovasculaire est
directement proportionnel à la pression systolique et, pour un niveau
donné de celle-ci, inversement proportionnel à la pression diastolique.
La pression pulsée (systolique – diastolique) qui reflète le degré de rigidité des gros troncs artériels, pourrait, selon certains auteurs, permettre d’identifier les patients à risque particulièrement élevé.
Diagnostic
Un minimum de 3 mesures de la pression artérielle, lors de 3 consultations différentes sont nécessaires. Les mesures doivent être prises
aux deux bras avec un brassard adapté en gardant comme référence
la gazette médicale _ info@gériatrie _ 04 _ 2014
Dr Dominique Evéquoz
Brigue
la valeur la plus élevée, après 10 minutes de repos en position allongée et dans le calme. On y associe le plus souvent la recherche d’une
hypotension artérielle orthostatique. Une mesure ambulatoire de
la pression artérielle est souvent conseillée pour exclure un « effet
blouse blanche », elle permet aussi d’obtenir un grand nombre de
mesures sur 24 heures et d’éviter un traitement excessif.
Particularité de la personne âgée
La pression artérielle du sujet âgé est beaucoup plus fluctuante que
chez le sujet jeune, et toute la difficulté est de ne pas trop abaisser la
pression artérielle à l’aide d’un médicament par exemple, pour éviter une chute ou un malaise qui pourrait être dramatique.
La difficulté chez la personne âgée est représentée par l’extrême
variation de pression artérielle au cours de la journée, mais aussi au
changement de position. En effet, ces sujets présentent souvent une
hypotension lors du passage de la position assise ou coucher, à la
position debout (définit par une baisse de plus de 20 millimètres de
mercure entre les 2 positions). Cette hypotension se manifeste par
des vertiges, une grande fatigue ou lassitude, et gène considérablement le traitement médical d’une hypertension. Il est conseillé de
considérer principalement les valeurs de pressions artérielles mesurées en position debout et non pas en position couchée pour les
décisions thérapeutiques et insistent sur une exclusion d’un orthostatisme avant toute modification médicamenteuse. Il faut également
insister que c’est l’ancienneté de l’hypertension artérielle qui est responsable de complications plus que l’âge du sujet lui-même.
Evolution du concept de traitement
Dans les années 1970 – 1980, certains auteurs de renommée internationale considéraient que le traitement de l’hypertension artérielle ne procurait pas de bénéfice intéressant les patients de plus
de 65 ans voire que les traitements hypertenseurs ne devaient probablement pas être administrés chez les patients âgés tant que leur
pression artérielle n’est pas supérieure à 200 / 100 mmHg.
Dès le début des années 1990 de nombreuses études ont prouvé
l’efficacité des diverses classes de médicaments antihypertenseurs (les
diurétiques, les anticalciques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensinogène (IEC) et les antagonistes de l’angiotensine
II (Antag AII)) chez la personne âgée. Mais elles n’ont pas permis
de démontrer une différence significative entre les principaux antihypertenseurs ni sur les événements cardiovasculaires spécifiques
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tels que l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral ni
sur les fonctions cognitives ou sur la démence. L’étude HYVET a,
la première, permis de prouver le bénéfice d’un traitement antihypertenseur chez les patients considérés comme «très âgés» c’est-àdire de plus de 80 ans (âge moyen des personnes étudiées: 83.5). 3845
patients avec une pression systolique persistant > 160 mmHg ont été
traités de façon randomisée soit par placebo ou par indapamide, si
la pression restait supérieure à la valeur fixée de 150 / 80 mmHg, ils
étaient traités par l’IEC périndopril ou par placebo. Cette étude, dont
le critère principal était l’accident vasculaire cérébral mortel ou non,
a été interrompue précocement en raison d’une baisse significative
de la mortalité totale avec diminution des événements cardiovasculaire et de la survenue d’une insuffisance cardiaque. On peut estimer
qu’il faut traiter 40 sujets pendant deux ans pour prévenir un décès.
Traitement non-médicamenteux
S’il est très important de respecter les règles d’hygiène de vie (sport,
activité physique, absence de stress ...) et de diététique (limitation
du sel, du café, du thé ...) dans un premier temps, il faut néanmoins
garder en tête qu’une modification des habitudes de vie est très
difficile à partir d’un certain âge et qu’il faut se méfier d’une restriction de l’apport sodé. L’exercice physique (principalement la
marche) doit, par contre, être vivement encouragé. Il convient
d’insister sur le fait que les mesures non-médicamenteuses ne permettent que rarement à elles-seules de normaliser la pression artérielle mais qu’elles facilitent le traitement puisque, souvent, moins
de médicaments sont nécessaire pour la normaliser.
Traitement médicamenteux
Avant de débuter un traitement médicamenteux, il faut considérer
plusieurs problèmes:
1. Le système nerveux sympathique et les barorécepteurs des personnes âgées ont des réponses atténuées avec des mécanismes
d’auto-régulation cardiaques, cérébraux et rénaux plus lents. Si bien
qu’en l’absence d’une urgence hypertensive (qui est rare), il faut baisser la tension artérielle lentement sur des semaines voire des mois
pour minimiser le risque de symptômes ischémiques, particulièrement chez les patients à risque d’hypotension orthostatique, définie
par une chute de la pression artérielle systolique ≥ 20 mmHg et de la
diastolique ≥ 10 mmHg ou de l’appariton de symptômes d’hypoperfusion cérébrale tels que des vertiges ou des chutes.
2. Le traitement antihypertenseur chez la personne âgée est associé
avec un risque augmenté de fracture du col du fémur durant le premier et le deuxième mois après le début. Il faut donc insister sur l’importance de la mesure de la pression artérielle en position couché et
en position debout avant le début d’un traitement médicamenteux.
3. Les études médicamenteuses randomisées ont été effectuées chez
des personnes en bonne santé et non chez des personnes frêles (qui
ne peuvent pas marcher 6 mètres en moins de 8 secondes), chez
ces dernières, aucune association entre la pression artérielle et la
mortalité n’a pu être démontrée. Chez les plus frêles (ceux qui ne
peuvent pas marcher cette distance) une pression artérielle plus
élevée est associée à une mortalité plus faible. L’association augmentation de la pression artérielle et augmentation de la mortalité
est observée chez les personnes en forme.
4. Comme les diverses études n’ont pas mis en évidence de différence significative entre les principales classes de médicaments
antihypertenseurs, c’est bien la valeur de la pression artérielle
atteinte plus qu’une substance particulière qui est le déterminant
principal du succès du traitement.
Choix du médicament
En général, trois classes de médicaments sont considérés comme
un traitement de premier choix chez les patients âgés: les diurétiques thiazidiques à dose faible, les anticalciques (le plus souvent
les dihydropiridines) et les IEC ou les Antag AII. Il faut insister que
les personnes âgées nécessitent souvent un deuxième médicament
si le but tensionnel n’est pas atteint avec un seul.
Les sociétés européennes d’hypertension de cardiologie (ESH
et ESC) proposent un diurétique thiazidique ou un anticalcique
comme monothérapie et en cas de combinaison chacune des trois
classes mentionnées ci-dessus. Certains experts préfèrent commencer avec un anticalcique dihydropiridinique, si cela ne suffit
pas, il faut combiner avec un des deux autres médicaments.
Les bêtabloquants ne devraient, en l’absence d’une indication
spécifique telle qu’insuffisance cardiaque ou infarctus du myocarde, être utilisés en première intention chez les patients âgés en
raison d’un risque plus élevé d’accident vasculaire cérébral.
Conclusion
Les personnes âgées sont très souvent atteintes d’hypertension
artérielle qui se caractérise souvent par une hypertension systolique isolée (≥ 160 mmHg) avec une pression diastolique inférieure
à 90 mmHg. Il est prouvé que sa prise en charge diminue ce risque,
même chez les sujets très âgés. Cette population est exposée aux
accidents iatrogéniques par sa polypathologie et polymédication
fréquentes. L’objectif est donc de prendre en charge l’HTA du sujet
âgé en évitant les accidents iatrogènes.
Si les mesures d’hygiène de vie ne suffisent pas, un traitement
médicamenteux doit être débuté avec une monothérapie utilisant
une des trois classes suivantes: les diurétiques thiazidiques à dose
faible, les anticalciques dihydropiridiniques et les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion ou les antagoniste de l’angiotensine II en
débutant avec des doses faibles. Il est cependant très important de
prendre les décisions thérapeutiques chez les patients les plus âgés
sur des valeurs de pression artérielle mesurées en position debout.
Dr Dominique Evéquoz
Kardiologie, Spitalzentrum Oberwallis, Überlandstrasse 14, 3900 Brig
[email protected]
B Conflit d’intérêts : L’auteur n’a déclaré
aucun conflit d’intérêt en relation avec cet article.
Message à retenir
Prise en charge d’un patient âgé hypertendu
◆ s’assurer d’une bonne qualité des valeurs avec une mesure en
position couchée et surtout debout
◆ rechercher activement une hypotension orthostatique en raison du
risque augmenté de fractures
◆ baisser la pression systolique < 150 mmHg et si possible
< 140 mmHg sans effets secondaires
◆ En cas de pression systolique isolée, la pression diastolique ne doit
pas être < 60 mmHg (< 65 mmHg en cas de maladie coronarienne)
◆ Trois classes de médicaments sont à préférer: les diurétiques thiazidiques
à dose faible, les anticalciques dihydropiridiniques et les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion ou les antagonistes de l’angiotensine II
◆ Toute modification thérapeutique doit être basée sur une mesure de
la pression artérielle en position debout
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