II – Le « Grand tournant » de l’économie 1) La collectivisation des terres Staline dresse le bilan du premier plan quinquennal, le 7 janvier 1933 « La tâche du plan quinquennal en matière d’agriculture consistait à transformer l’U.R.S.S. de pays de petits paysans et arriéré qu’elle était, en un pays de grande agriculture organisée sur la base du travail collectif, et donnant le maximum de produits pour le marché. Qu’est-ce que le Parti a obtenu en réalisant le programme du plan quinquennal en quatre ans, dans le domaine de l’agriculture ? A-t-il rempli ce programme ou a-t-il échoué ? (...) Le Parti a obtenu qu’au lieu des 500 à 600 millions de pouds1 de blé marchand, qui étaient stockés au temps où prédominait l’économie paysanne individuelle, il a aujourd’hui la possibilité de stocker 1200 à 1400 millions de pouds de grain par an. Le Parti a obtenu que les koulaks ont été défait en tant que classe, bien que leur défaite soit encore incomplètement achevée ; la paysannerie laborieuse a été libérée de l’asservissement aux koulaks et de leur exploitation, et une base économique solide a été assurée au pouvoir des Soviets de la campagne, la base de l’économie collective. Le Parti a obtenu que l’U.R.S.S. de pays de petits paysans est transformée d’ores et déjà en pays de la plus grande agriculture du monde ». Source : Joseph Staline, Doctrine de l’U.R.S.S., 1938. 1. Unité de masse usitée en Russie, équivalant à 16,38 kg. Staline dresse le bilan du premier plan quinquennal, le 7 janvier 1933 « La tâche du plan quinquennal en matière d’agriculture consistait à transformer l’U.R.S.S. de pays de petits paysans et arriéré qu’elle était, en un pays de grande agriculture organisée sur la base du travail collectif, et donnant le maximum de produits pour le marché. Qu’est-ce que le Parti a obtenu en réalisant le programme du plan quinquennal en quatre ans, dans le domaine de l’agriculture ? A-t-il rempli ce programme ou a-t-il échoué ? (...) Le Parti a obtenu qu’au lieu des 500 à 600 millions de pouds1 de blé marchand, qui étaient stockés au temps où prédominait l’économie paysanne individuelle, il a aujourd’hui la possibilité de stocker 1200 à 1400 millions de pouds de grain par an. Le Parti a obtenu que les koulaks ont été défait en tant que classe, bien que leur défaite soit encore incomplètement achevée ; la paysannerie laborieuse a été libérée de l’asservissement aux koulaks et de leur exploitation, et une base économique solide a été assurée au pouvoir des Soviets de la campagne, la base de l’économie collective. Le Parti a obtenu que l’U.R.S.S. de pays de petits paysans est transformée d’ores et déjà en pays de la plus grande agriculture du monde ». Source : Joseph Staline, Doctrine de l’U.R.S.S., 1938. Quels étaient les objectifs de la politique agricole de Staline ? - Moderniser l’agriculture pour augmenter la production - Libérer la classe paysanne Avec quelle politique rompait-il ? Avec la NEP (le retour limité au capitalisme) de Lénine Quels étaient les moyens de la politique économique de Staline ? - Le plan quinquennal (planification de l’économie) - Le Parti (étatisation de l’économie) - La collectivisation de l’agriculture « Je veux parler du tournant radical opéré dans le développement de notre agriculture, allant de la petite économie individuelle arriérée à la grande agriculture collective avancée, au travail de la terre en commun, aux stations de machines et tracteurs, aux kolkhozes basés sur la technique moderne, enfin aux sovkhozes géants pourvus de centaines de tracteurs et de moissonneuses-batteuses. La réalisation du parti, ici, c ’est que, dans nombre de régions, nous avons réussi à détourner les masses paysannes fondamentales de l’ancienne voie capitaliste de développement vers la voie nouvelle, la voie socialiste de développement, qui évince les richards capitalistes et réoutille d’une manière nouvelle les paysans moyens et pauvres, (…) afin de leur permettre de se tirer de la misère et de l ’asservissement au koulak, et de s ’engager sur la large voie… du travail collectif de la terre. » Source : Joseph Staline, Discours du 7 novembre 1929. Qu’est-ce que la collectivisation ? Le passage de la propriété individuelle privée à la propriété collective (d’État) des terres et du matériel agricole. Sous quelles formes ? - la mécanisation avec des stations de matériels agricoles - la création sovkhozes. de kolkhozes et de Kolkhoze : ferme où la terre, les outils, les machines sont détenus collectivement. Les paysans vendent leur production à l ’État. Sovkhoze : ferme d’État où paysans sont salariés de l’État. les Contre qui ? Contre les « richards capitalistes » = koulaks (paysans riches) La mécanisation de l’agriculture, affiche de 1932 Un brigadier distribue des instruments agricoles aux membres de sa brigade dans la commune « Staline » de la région de Kharkov En 1929, afin de moderniser les campagnes, Staline décida d’abolir la propriété privée : terres, bétail, outils furent mis en commun, au sein de grandes exploitations collectives (les kolkhozes ou les sovkhozes) dans lesquelles les paysans furent regroupés. Pourquoi la collectivisation des terres ? Machines (tracteurs, etc.) Staline dresse le bilan du premier plan quinquennal, le 7 janvier 1933 « La tâche essentielle du plan quinquennal consistait à transformer l’U.R.S.S., de pays agraire et débile, qui dépendait des caprices des pays capitalistes, en un pays industriel et puissant, parfaitement libre et indépendant des caprices du capitalisme mondial. » Source : Joseph Staline, Doctrine de l’U.R.S.S., 1938. La collectivisation, affiche des années 1930 « En organisant mieux le travail, nous allons libérer les agriculteurs qui travaillent dans une ferme d’Etat pour qu’ils aillent dans l’industrie socialiste. » 2) Priorité à l’industrie Staline dresse le bilan du premier plan quinquennal (1933) « Nous n’avions pas de sidérurgie, base de l’industrialisation du pays. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie des tracteurs. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie automobile. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas une sérieuse industrie chimique moderne. Nous l’avons maintenant. Pour la production de l’énergie électrique, nous occupions la dernière place. Maintenant nous sommes arrivés à l’une des premières places. » Source : Joseph Staline, Doctrine de l’U.R.S.S., 1938. Qu’est-ce que le Plan ? Le Plan est un texte, établi par le Gosplan (ministère du Plan) pour 5 ans, qui fixe les objectifs de production que chaque entreprise nationalisée (propriété de l ’État) doit obligatoirement atteindre. Mais les chiffres sont trop difficiles à atteindre. Donc il y a des sanctions pour les ouvriers (la déportation), et les résultats de production sont truqués. « Consolidons la victoire du socialisme en U.R.S.S. : développons l’économie du pays ! » Alexeï Stakhanov et son équipe, 1935 Le mineur Stakhanov aurait extrait, seul, en un jour, 14 fois plus de charbon que ne l’exigeait la norme du plan. Il devint un héros national faisant des tournées dans tout le pays. Le stakhanovisme (produire plus, plus vite) devint le mot d’ordre de toute l’industrie. En réalité c’était un montage de propagande. Moderniser l’U.R.S.S. par l’industrialisation, affiche de Konstantin Vyalov, 1932 Alexey Grigoryevich STAKHANOV (1906–1977) Stakhanov était un mineur de charbon de la région du Donbass en URSS. A la suite d’un concours, il réussit le 31 Août 1935 à extraire avec son perforateur, 102 tonnes de minerai en moins de 6 heures de travail, soit 14 fois la norme (7 tonnes par jour). Cet exploit est célébré par Staline et la propagande soviétique. Il est montré en exemple dans toutes les usines afin d’entrainer une émulation entre les travailleurs et de prouver la supériorité du communisme. La une du Time (États-Unis) du 16 décembre 1935 Le stakhanovisme se traduit pour les ouvriers et les paysans par l’obligation de travailler plus et plus vite afin de dépasser les objectifs de production.. Les stakhanovistes sont censés être mieux payés mais en réalité , les conditions de travail se dégradent. En réalité, le mineur « héros » a triché en se faisant aider par ses camarades. Qu'importe, la propagande a fonctionné pendant suffisamment longtemps et des milliers d'ouvriers se sont essoufflé à essayer de lui ressembler, pour le bien de la glorieuse URSS. L’industrialisation en U.R.S.S. Quelles sont les régions qui se sont fortement industrialisées, où sont-elles situées ? L ’Oural et le Kouzbass, à l ’Est (Sibérie), où l’on construit des villes nouvelles, rebaptisées du nom de Staline… La plus grande centrale électrique du monde, sur le Dniepr, achevée en 1932 Bilan des plans quinquennaux Que peut-on dire du bilan des trois premiers plans ? Les plans privilégient l ’industrie lourde et les biens d’équipement, qui progressent fortement (mais de façon discontinue pour la production d’acier). En 1940, l’URSS est la 3e puissance industrielle mondiale. L’agriculture s ’effondre en 1932, surtout l’élevage. Sur toute la période, il y a stagnation : la collectivisation a été un échec. Les plans ont négligé les biens de consommation (à destination des populations). 3) Les résistances à la transformation de l’économie Les difficultés de l’industrialisation « 23 participants, 14 excusés. Ordre du jour : bilan de l’activité de l’usine pour le premier semestre 1935. Camarade I. : Nous faisons mal notre programme d’économies. Les machines-outils fonctionnent mal. On ne lutte pas pour la qualité, mais pour le plan. La qualité baisse, on ne réalise pas notre plan d’exportation. Camarade P. : Des défauts et des problèmes, on peut dire qu’il y en a, car les ouvriers n’ont aucune qualification. L’atelier n’a pas d’entrepôt, aussi les matériaux restent-ils sous la pluie et pourrissent. Camarade Kirzner : Il y a une trop grande mobilité de la main-d’œuvre. Récemment, une ouvrière qui a travaillé cinq ans à l’usine a été convoquée au bureau du personnel et a été mutée sans raison à un autre poste. Les contremaîtres ne s’occupent pas du tout de leurs ouvriers et les renvoient souvent en prétextant qu’ils travaillent mal. » Source : Compte-rendu de la réunion de la cellule de l’usine de contre-plaqués de Smolensk, 26 juillet 1935. Et pendant ce temps, la propagande… Affiches de 1931 L’industrialisation accélérée imposa aux ouvriers des conditions de travail très éprouvantes, qui expliquent les nombreuses absences, retards ou malfaçons. Les résistances à la collectivisation des terres « Chaque nuit, Grémiatchi-Log abattait son bétail. (...) Tout le monde abattait, ceux qui venaient de s’inscrire au kolkhoze comme ceux qui exploitaient à leur compte. Et l’on abattait tout, bœufs, moutons, porcs, même les vaches et jusqu’aux bêtes gardées pour la reproduction, en deux nuits, le cheptel bovin se retrouva réduit de moitié. (…) Il courait des bruits sinistres : "Faut abattre : c’est plus à nous !", "Abattre vite : on va tout confisquer pour les stocks !", "Dépêche-toi d’abattre : au kolkhoze, tu ne boufferas plus de viande !" Et l’on abattait. On s’empiffrait. Petits et grands, (…) chacun rotait comme à un festin d'enterrement, et l’ivresse de la ripaille embuait tous les yeux. » Source : Mikhail Cholokhov, Terres défrichées, Paris, 1964. La déportation des paysans récalcitrants (« dékoulakisation ») « Par trains entiers, les paysans déportés partaient vers le Nord glacial, les forêts, les steppes, les déserts, populations dépouillées de tout. (…) Combien de victimes fit la collectivisation totale ? (…) En sept années, près de cinq millions de familles ont disparu. » Source : Victor Serge, Mémoires d’un révolutionnaire, Paris, 1951. Cadavres de la grande famine en Ukraine (1932-1933) Mendiante de 28 ans en guenilles et décharnée, sortant d’un village cosaque avec un enfant, autour de 1935 Et pendant ce temps, la propagande… Fête de kolkhoze, Arkady Plastov,1937 « La vie est devenue plus simple, la vie est devenue plus joyeuse. » La collectivisation des terres entraîna la déportation systématique de tous les paysans récalcitrants ainsi qu’une démotivation des paysans, ce qui conduisit à des famines et au développement du marché noir. La dékoulakisation désigne la déportation ou la liquidation des koulaks (paysans riches), mais en fait de tous les paysans qui résistaient à la collectivisation (en détruisant récoltes et outils, en abattant le bétail). Il y eu 2 millions de déportés (200 000 à 300 000 morts) et 6 millions de victimes de la famine.