
STRATÉGIE POUR AFFRONTER L’ENJEU DE LA CHRONICITÉ EN EUSKADI
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Les malades chroniques ne sont pas sur le radar du système de santé. Car, depuis des décennies,
le système repose sur une logique de sauvetage, de sauver des vies, et il est donc centré sur les
maladies aiguës. L’avancée des maladies chroniques exige de compléter ce système par un
raisonnement en termes de soins et de guérison, offrant la continuité des soins durant toute la vie,
avec le potentiel ajouté de prévenir les hospitalisations inutiles et de réduire les coûts.
Au cours des deux prochaines décennies, 26% des Basques, les baby-boomers, auront plus de
65 ans. Notre société doit se préparer pour la première fois à une situation où ceux qui ont
aujourd’hui 50 ans devront prendre soin de leurs parents plus longtemps qu’ils ont soigné leurs
enfants. Sans un changement majeur dans nos politiques sociales et dans nos concepts de
vieillissement, il nous sera impossible de faire face à la situation sociale actuelle.
Ce document propose quoi faire et comment tendre dans cette direction en Euskadi.
La médecine et les sciences biologiques des prochaines décennies apporteront de nouvelles
découvertes. Beaucoup d’entre elles permettront de sauver des vies et seront fondamentales pour
les malades chroniques. Cependant, il y a deux autres domaines majeurs qui vont bouleverser la
santé avec la même intensité que le progrès biomédical, qui sauveront également de nombreuses
vies et qui sont tout aussi essentielles pour les malades chroniques : les progrès en matière de
technologie de l’information et d’organisation des services.
La stratégie exposée dans le présent document accorde la même valeur à ces progrès qu’au progrès
biomédical, car les biosciences à elles seules sont insuffisantes pour affronter l’enjeu de la chronicité
dans nos sociétés.
Nous ne proposons aucune recette magique, mais un progrès organisé à l’aide de multiples leviers
de changement. Il ne suffit pas de modifier le système d’incitations. Il faudra investir en technologies
de l’information, apprendre aux patients à gérer leur maladie, à promouvoir une meilleure médecine,
reposant sur l’évidence, et intégrer les services de soins primaires, hospitaliers et sociaux. Et il est
nécessaire d’activer tous ces leviers à la fois. Leur activation organisée permettra de disposer de
toute un série d’outils nécessaires pour provoquer les changements nécessaires, que nous
présentons ici comme des interventions stratégiques qui nous permettront de relever le défi le plus
complexe et important des dernières décennies : organiser un système de santé décent pour les
malades chroniques, l’enjeu majeur du XXIe siècle.
Par ailleurs, il est nécessaire de changer certains concepts de gestion et de leadership. Il s’avère
impossible d’améliorer les performances du système en se concentrant uniquement sur les
performances internes des services assistanciels. Améliorer la coordination entre eux est encore
plus important. Les soins primaires, les hôpitaux et les services sociaux sont interdépendants. Il
est indispensable de trouver des formules plus collaboratives et coordonnées. C’est cette
collaboration, qui permettra des améliorations pour les malades chroniques et une plus grande
efficacité, qui assurera la pérennité du système de santé. Pour ce faire, il faudra passer de la gestion
de structures à la gestion de systèmes de santé intégrés, notamment au niveau local.
Rien de tout cela ne sera possible en exerçant le même type de leadership que dans le passé. La
complexité du changement exige de développer, dans cette décennie, un leadership différent en
soins de santé. Pour réaliser l’alignement nécessaire entre le domaine opérationnel local et corporatif,
il faut miser sur un leadership davantage distribué, dans lequel les gestionnaires créent les conditions
pour promouvoir une innovation organisationnelle émergente parmi les professionnels de la santé
et les responsables locaux. C’est au niveau local que se produiront les principales innovations
nécessaires pour les malades chroniques. Et c’est à ce niveau qu’il convient d’activer le radar.
Préambule
Rafael Bengoa