Une plante a plusieurs usages

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Une plante a plusieurs usages:
l’oseille de Guinee ou Karkade
(Karkandji)
RADHORT
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Une plante a plusieurs usages:
l’oseille de Guinee ou Karkade
(Karkandji)
Simon ASSEGNINOU, Agronome, Expert FAO, sélectionneur Projet Semencier de
Gassi, N’Djaména, Tchad
INTRODUCTION
La famille des malvacées comporte plusieurs espèces d’une grande importance tant au
plan alimentaire qu’industriel.
Les genres les plus utilisés sont les Gossypium (avec deux espèces, dont le cotonnier)
et les Hibiscus qui groupent dix-huit espèces dont les plus connues sont Hibiscus
cannabinus appelé dah ou gombo-chanvre; Hibicus esculentus ou gombo, confondu
souvent à Hibiscus abel­moschus et Hibiscus sabdariffa ou roselle.
L’oseille de Guinée, utilisée comme plante ali­
mentaire est Hibiscus sabdariffa
sabdariffa. Elle est souvent appelée karkadé, venant du nom arabe «karkandji». Le
karkadé est une plante à plusieurs usages, dont seule l’utilisation des feuilles et des
bractées est connue.
Le bisap (prononcer bissap) qui est commu­nément classé dans la même espèce que
l’oseille de Guinée est un hybride entre Hibiscus sabdariffa et Hibiscus asper.
La plante
Hibiscus sabdariffa sabdariffa est une des espèces caractérisées par un calicule formé
de trois bractéoles en couronne à la base d’un calicule à trois lobes triangulaires, larges,
glabres, au sommet denté, charnus ou subulés-charnus.
Les feuilles, largement ovales, sont profon­
dément polymorphes, alternées et
trilobées.
Les capsules sont souvent longues avec des bractéoles simples non fourchues. On
distingue cinq types selon la couleur de la tige mais surtout du calice et des bractéoles:
ce sont les types verts, rouges, rouge violet, pourpres et roses.
Le bisap se distingue de l’oseille de Guinée par ses feuilles digitilobées avec souvent
cinq lobes au sommet pointu. Certains écotypes ont des feuilles cordiformes dentées.
Les types rouge violet et rouge pourpre dominent.
Les deux espèces préfèrent les climats humides (soudanien) et de transition
(subsahélien). Longtemps, le dah ou kenef (Hibiscus canna­binus), dont les feuilles et
les bractées ne sont pas comestibles, a été confondu avec l’oseille de Guinée et le bisap.
Importance economique de la plante
Hibiscus sabdariffa sabdariffa est cultivé et subspontané. Il est souvent utilisé par les
pay­sans pour délimiter les parcelles. La Répu­blique du Soudan est un pays qui consacre
des milliers d’hectares à la culture du karkadé. Il est également très cultivé au Tchad.
Ces deux pays exportent les bractées séchées des types rouges, rouge violet et rouge
pourpre vers les pays arabes et parfois vers l’Europe.
Il alimente également un commerce de plus en plus florissant dans les marchés des
régions sahéliennes qui utilisent les jeunes feuilles vertes et les bractées vertes séchées
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comme condiment pour la sauce, tandis que les bractées rouge violet et pourpres
servent à fabriquer des boissons fraîches.
Utilisation du karkade
L’oseille de Guinée est une plante dont les possibilités d’utilisation sont nombreuses
mais mal connues. La plante entière est utilisable, soit dans l’alimentation humaine, soit
en phar­macie ou pour l’industrie.
Le karkadé est surtout cultivé autour des gran­des villes du Sahel, dans les jardins ou
autour des points d’eau, pour ses feuilles au stade plantule. Ces jeunes feuilles au goût
aigre, acide et astringent sont comestibles en sauce.
Les types verts à feuilles alternées et poly­morphes sont les plus appréciés pour cette
utilisation. Les jeunes plantules sont arrachées lorsqu’elles atteignent 25 à 30 cm et
vendues en bottes.
Au stade maturité des capsules après floraison, les bractéoles des calicules sont
détachées de la base du calice et séchées. Elles sont consom­mées en sauce et remplacent
souvent la viande.
Les bractées séchées des types rouges, pour­pres et rouge violet sont surtout utilisées
en alimentation humaine pour la confection de:
•poudre pour saupoudrer les gâteaux dans certains pays d’Europe (Suisse,
Allemagne et pays de l’Est);
•boissons rafraîchissantes et sirops;
•confitures et gelées, qui sont très appréciées pour leur goût légèrement acidulé et
leur parfum;
•extraits concentrés de colorants utilisés en peinture.
Des graines des capsules séchées, on extrait à chaud une huile très légère, qui
ressemble surtout à l’huile de tournesol ou de soja.
Dans le Guera et le Salamat au Tchad, cette huile est utilisée dans l’alimentation
humaine pour les sauces et en friture. Cette huile extraite des graines de l’oseille
de Guinée, ren­tre dans la composition de certaines graisses, de peinture et comme
adjuvant. Elle est surtout utilisée dans l’industrie américaine. Le rende­ment en huile
des graines varie entre 25 % à 35 % pour certains cultivars rouge violet et pourpres à
petites graines. Le tourteau, résidu de l’extraction, n’a aucune valeur.
Les tiges d’Hibiscus sabdariffa sabdariffa, une fois la défoliation faite, sont très
recherchées pour la production des fibres.
Cette production satisfaisante de fibres, après rouissage bactériologique à l’eau du
karkadé, a entraîné une confusion avec dénominations des Hibiscus produisant des
fibres grâce aux capsules (cotonnier sous-tribu des Hibisceac) ou à partir des tiges
(kenef ou dah).
La qualité et le rendement en fibres sont fortement liés au type de ramifications de
la plante, à la précocité, aux modes de culture et au rouissage. Le rendement moyen
en fibre varie de 350 kg/ha pour les types verts de karkadé à 625 kg/ha pour les types
rouge violet et pourpres qui ont peu de ramifications.
Les types pourpres et rouge violet donnent des fibres très fines, soyeuses, longues,
de couleur crème ou paille et non cassantes. Ces fibres ont été longtemps utilisées en
remplacement du mah ou du lin.
Enfin, les racines d’Hibiscus sabdariffa sabda­riffa sont utilisées dans la pharmacopée
tradi­tionnelle. Ces racines, nettoyées et bouillies, ont un excellent pouvoir purgatif sur
l’homme.
L’ensemble des utilisations, de la racine à la tige, montre qu’Hibiscus sabdariffa
sabdariffa est une plante très intéressante qui mérite des améliorations pour accroître
ses qualités et ses performances.
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Irrigation goutte a goutte
Amelioration varietale
Ce qui précède, a conduit la station de Gassi à entreprendre en 1990 un programme
de sélec­tion des cultivars de karkandji. Les objectifs visés varient suivant les types
d’oseille.
Les critères d’amélioration retenus pour le kar­kadé de type vert, où les feuilles et les
bractées sont comestibles, sont:
•croissance rapide de plantules (précocité),
•rendement élevé en feuilles vertes et bractées,
•réduction de l’acidité des feuilles,
•amélioration du rendement en graines et de la teneur en huile.
Pour les types rouges, pourpres et rouge violet, les critères de sélection retenus sont:
•précocité des cultivars (125 à 130 jours),
•réduction des ramifications (7 à 12),
•nombre de capsules élevé par ramification (15 à 30),
•rendement élevé en bractées et graines,
•teneur en huile des graines entre 35 et 40 %,
•rendement élevé en fibres de 750 à 1.000 kg/ha.
Le criblage effectué depuis 1990 sur quinze écotypes a permis de retenir quelques
lignées intéressantes, dont les caractéristiques sont groupées dans le tableau ci-après:
Lignées
Nombres de jours après semis où
50 % des plantes présentent:
Apparition
bouton
Floraison
Maturité
floral
Rendement en kg/ha
Feuilles
vertes
Bractées
séchées
Graines
Couleur
des
bractées
L9-OSGS
83
100
132
5.175
1.759
3.148
Vert clair
L1-2K5
91
96
136
4.822
1.767
4.367
Vert clair
L3-6KJ
99
102
136
3.285
3.334
1.652
Vert clair
L6-OSGS
77
87
125
1.722
2.222
Rouge vif
L3-8KJ
97
100
140
1.833
1.579
Rouge vif
L3-17KJ
94
100
141
1.967
1.490
Rouge vif
L5-OSGS
83
87
130
1.695
1.537
Rose
L7-OSGS
69
77
122
1.241
1.222
Pourpre
Les tests d’extraction des fibres par rouissage seront entrepris en 1994 sur ces lignées.
Cette brève présentation sur la classification et les possibilités d’Hibiscus sabdariffa
sabdariffa (oseille de Guinée) montre que c’est une plante intéressante, mais mal
connue.
Elle a une place dans la diversification des cultures, tant en maraîchage qu’en grande
exploitation.
Elle a toujours occupé une place dans les activités agricoles des paysans de la zone
soudanienne du Tchad et dans les cultures ma­raîchères autour des grandes villes. C’est
pour ces raisons que le projet de Gassi s’y intéresse.
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