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DEFORMATIONS CONTINENTALES
La déformation de la lithosphère continentale, en tant qu' unité mécanique la plus superficielle
de la terre, contrôle l'incorporation de corps plutoniques et volcaniques, les transformations
métamorphiques des roches en profondeur, puis leur exhumation, les transferts de masse en surface,
depuis les zones en érosion vers celles en sédimentation, et le développement des bassins
sédimentaires. L'analyse des processus de déformation et de leurs relations avec les processus
pétrogénétiques endogènes et la dynamique sédimentaire, tant d'un point de vue méthodologique que
de leur application à des situations réelles, choisies pour leur exemplarité, est donc essentielle. La
lithosphère continentale est aussi une entité en évolution permanente avec, au cours des temps
géologiques, des proportions variables de destruction, de recyclage et de croissance.
Au cours des trois dernières années, 22 chercheurs et 14 doctorants de Géosciences Rennes
ont consacré tout ou partie de leur activité à des travaux de terrain et de laboratoire relevant de cette
problématique. Les travaux ont principalement concerné les déformations compressives et extensives
et l'exhumation des roches métamorphiques dans les zones de convergence, le contrôle tectonique des
bassins sédimentaires, et la croissance crustale précambrienne et phanérozoïque.
Les approches développées sont majoritairement orientées vers l'analyse des processus. Il
convient cependant de souligner le poids des opérations de terrain car, même si les interprétations ou
modèles produits sont par nécessité simples, la réalité géologique demeure le plus souvent complexe.
Ceci requiert une continuité d'étude d'un certain nombre de sites ateliers diversifiés, en France et à
l'étranger, démarche absolument indispensable pour atteindre les processus en dépassant les
particularismes. D'un point de vue logistique, cette continuité est elle même indispensable pour que
puissent être fondées et maintenues des coopérations internationales fructueuses.
Nombre de ces travaux sont menés en interaction avec le milieu industriel, pétrolier et minier
(Cf. Rubrique valorisation), et certains participent à la problématique du stockage de déchets (GDR
Forpro). Ceci concourt à un rapprochement immédiat des objectifs les plus fondamentaux, de la
recherche menée, de leur potentialité d'application. Pour les doctorants impliqués, il s'agit, en outre,
d'une ouverture importante en matière de formation et d'emploi.
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Déformation des zones de convergence
Personnels impliqués:
Chercheurs : T. Aifa, C. Audren, M. Ballèvre, T. Beaudoin [ATER], J.P. Brun, A. Chauvin, P.R.
Cobbold, O. Dauteuil, D. Gapais, P. Gautier, E. Hallot, P. Jégouzo, J.P. Lefort, F. Le Hébel [ATER],
T. Nalpas, J.J. Peucat, P. Pitra, P. Roperch, D. Rouby, G. Ruffet
Doctorants : C. Arriagada, V. Bosse (MC Clermont-Ferrand), O. Bourgeois (MC Nantes), I. Coutand
(MC Lille), M. Diraison (MC Strasbourg), C. Gumiaux, F. Le Hébel, R. Moriceau
1. SUBDUCTION ET COMPRESSION CONTINENTALE : LA CHAINE ANDINE
Depuis le début des années 90, l’étude de la chaîne andine mobilise plusieurs chercheurs de
Géosciences Rennes (e.g. organisation du troisième Symposium sur la Géodynamique Andine en
1996). Au cours des dernières années, les travaux ont principalement été axés autour de la thèse d’I.
Coutand [Coutand, 1999], puis de celle de C. Arriagada (en cours).
La thèse d’I. Coutand [Coutand, 1999 ; Coutand et al., 1999a, 2001], ciblée sur les Andes
centrales et l’Altiplano-Puna (Fig.), a en particulier montré (1) que les directions de raccourcissement
sont distribuées radialement le long de l’arc des Andes centrales (2) que la déformation compressive à
l’origine du développement du haut-plateau et des bassins compressifs associés a probablement débuté
à l’éocène supérieur, plutôt qu’au Miocène moyen à supérieur comme précédemment proposé, (3) que
les blocs constituant la Puna ont subi des rotations majoritairement horaires au cours du Cénozoïque,
et (4) que l’ensemble des données structurales et paléomagnétiques valident un modèle de courbure
oroclinale progressive des Andes centrales au cours du Cénozoïque [C. Arriagada, thèse en cours ;
Arriagada et al., sous presse ; Bourgeois et al., soumis].
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Directions principales de raccourcissement déduites de l’analyse cinématique des populations de failles sur
l’Altiplano-Puna [Coutand, 1999]
Parallèlement à l’étude des Andes centrales et de la genèse de l’orocline bolivien, d’autres
travaux ont concerné les Andes australes [Coutand et al., 1999b ; Diraison et al., 2000], ainsi que les
déformations compressives en Colombie [Branquet et al., 2002 ; L.Gómez, thèse en cours]. Au niveau
de la Patagonie, les champs de déformation associés au développement du Bassin de Magellan,
montrent en outre que l’évolution de cet arc compressif s’accompagne de mouvements décrochants
longitudinaux et d’ouverture de rifts radiaux [Diraison et al., 2000].
2. ZONES DE COLLISION
2.1. Dualité épaississement-extension
Depuis les années 80-90, au cours desquelles l’extension syn- et post-convergence est apparue
comme un des processus majeurs contribuant à la structuration des chaînes, la compréhension de la
cinématique et des mécanismes de déformation crustale lors des processus de collision continentale
via l’étude de cas de terrain est subordonnée à un problème de premier ordre : reconnaître et
caractériser, dans le temps et dans l’espace, les déformations résultant de l’épaississement d’une part
et de l’extension d’autre part. Les deux processus étant intimement liés, les interprétations restent très
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débattues dans beaucoup de chaînes de collision. Ces dernières années, nos travaux dans ce domaine
ont principalement concerné deux des grandes chaînes européennes : la chaîne hercynienne (massif
armoricain), et le pourtour méditerranéen (Grèce, Turquie, Afrique du nord). Les travaux sont le plus
souvent pluridisciplinaires, impliquant analyse tectonique, métamorphique, magmatique et
radiochronologique.
Dans la chaîne hercynienne, plusieurs programmes ont été développés [thèses V. Bosse, F.
Le Hébel, C. Gumiaux ; Audren 1999, 2000 ; Schultz et al., 2001a, b], une large part dans le cadre du
programme ARMOR 2 (cf. rubrique ARMOR). Trois grands épisodes tectoniques ont été documentés
[thèse V. Bosse, Bosse et al., 2000, 2002 ; Le Hébel,et al., 2000, 2002, sous presse ; Le Hébel, 2002]:
une histoire précoce aux environs de 370-360 Ma, dominée par les processus d’épaississement avec
développement de métamorphisme HP-BT, une exhumation syn-épaississement des unité de haute
pression aux environs de 360-350 Ma, puis une histoire dominée par la fusion crustale et l’extension
associée au Carbonifère supérieur.
Les données conduisent à proposer un nouveau scénario pour l’histoire tectonique de cette
zone de collision. Elles permettent en outre (1) de montrer que l’ensemble du domaine centre
armoricain, essentiellement soumis à du décrochement, n’a subi qu’un épaississement modéré, (2) de
proposer que la zone de suture hercynienne majeure avait une orientation initiale NW-SE, oblique par
rapport à la plupart des structures observées en surface, (3) d’associer l’histoire précoce de l’unité des
porphyroïdes de Vendée à celle des unités HP-BT type Ile de Groix, avec un enfouissement d’environ
25 Km et une exhumation le long de chevauchements à vergence globalement ouest, (4) d’enraciner,
en Vendée, ces unités chevauchantes au niveau de la zone des Essarts qui apparaît comme une zone de
suture majeure, (5) de situer la transition fragile-ductile anté-extension vers la base des unités HP-BT,
(6) de montrer que l’extension a impliqué un décollement majeur au niveau de cette transition, et le
long duquel sont mis en place les leucogranites syntectoniques, (7) de proposer une exhumation de la
croûte migmatitique sous-jacente via des détachements qui recoupent les unités supérieures.
Une grande partie de ces résultats a été présentée à la dernière RST (Nantes, avril 2002), et
sera soumise pour publication courant 2002 (thèse C. Gumiaux, soutenance prévue fin 2002).
Parallèlement au programme ARMOR 2, d’autres études géophysiques ont été menées.
L’acquisition de données paléomagnétiques sur la klippe de schistes bleus de l’île de Groix conduit à
proposer un scénario d’évolution de la position de cette unité allochtone au cours de la collision
hercynienne [Lefort et al., 2001]. L’interprétation des données gravimétriques a permis (1) d’analyser
la structure de la chaîne à l’échelle crustale [Lefort, 1999], (2) d’obtenir de nouvelles informations sur
la structure de l’arc ibéro-armoricain [Lefort et Agarwal, 1999], et (3) de discuter à grande échelle
l’évolution tectonique post-paléozoïque du socle hercynien [Lefort et al., 1999 ; Lefort et Miller,
1999 ; Lefort et Agarwal, 2000, sous presse].
En Méditérranée orientale, les travaux récents portent sur deux régions : le massif du
Rhodope (Grèce du Nord et Bulgarie) et celui du Kirshehir (Turquie centrale).
Le massif du Rhodope est un exemple remarquable pour illustrer et analyser les questions liées
aux relations spatio-temporelles entre déformations compressive et extensive au cœur de la chaîne
alpine. A ce jour, les principaux résultats portent sur (1) la mise en évidence et la caractérisation des
déformations extensives syn- à post-épaississement [Moriceau et al. 1999 ; Moriceau, thèse 2000 ;
Gautier et al. 2001], (2) la découverte de reliques de métamorphisme de ultra-haute pression dans la
région de Xanthi (coll. D. Kostopoulos, Univ. Thessalonique), et (3) la mise en évidence du caractère
similaire des cinématiques chevauchantes puis extensives, toutes deux à vergence sud-ouest, dans une
grande partie du Rhodope (coll. T. Reischmann, Univ. Mainz ; C. Robin, Univ. Paris 6 ; équipe de Z.
Ivanov, Univ. Sofia). Parallèlement aux études de terrain, un programme de modélisation analogique
des modalités de l’extension égéenne a été mené [Gautier et al., 1999], ainsi qu’un travail de synthèèe
de la cinématique associée [Martinod et al., 2000].
Le massif du Kirshehir permet également de discuter les relations entre déformations
compressives et extensives au cœur de la chaîne alpine de Méditerranée orientale (coll. E. Bozkurt et
K. Dirik, Univ. Ankara). Dans une première publication [Gautier et al. 2002], nous réfutons
l’hypothèse récemment émise selon laquelle le dôme métamorphique de Nigde, à l’extrémité sud du
massif, est un ‘core complex’ transtensif d’âge Oligo-Miocène. Nous discutons les méthodes de
datation précédemment utilisées et montrons que l’exhumation des roches métamorphiques est pré-
Eocène.
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