deformations continentales

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DEFORMATIONS CONTINENTALES
La déformation de la lithosphère continentale, en tant qu' unité mécanique la plus superficielle
de la terre, contrôle l'incorporation de corps plutoniques et volcaniques, les transformations
métamorphiques des roches en profondeur, puis leur exhumation, les transferts de masse en surface,
depuis les zones en érosion vers celles en sédimentation, et le développement des bassins
sédimentaires. L'analyse des processus de déformation et de leurs relations avec les processus
pétrogénétiques endogènes et la dynamique sédimentaire, tant d'un point de vue méthodologique que
de leur application à des situations réelles, choisies pour leur exemplarité, est donc essentielle. La
lithosphère continentale est aussi une entité en évolution permanente avec, au cours des temps
géologiques, des proportions variables de destruction, de recyclage et de croissance.
Au cours des trois dernières années, 22 chercheurs et 14 doctorants de Géosciences Rennes
ont consacré tout ou partie de leur activité à des travaux de terrain et de laboratoire relevant de cette
problématique. Les travaux ont principalement concerné les déformations compressives et extensives
et l'exhumation des roches métamorphiques dans les zones de convergence, le contrôle tectonique des
bassins sédimentaires, et la croissance crustale précambrienne et phanérozoïque.
Les approches développées sont majoritairement orientées vers l'analyse des processus. Il
convient cependant de souligner le poids des opérations de terrain car, même si les interprétations ou
modèles produits sont par nécessité simples, la réalité géologique demeure le plus souvent complexe.
Ceci requiert une continuité d'étude d'un certain nombre de sites ateliers diversifiés, en France et à
l'étranger, démarche absolument indispensable pour atteindre les processus en dépassant les
particularismes. D'un point de vue logistique, cette continuité est elle même indispensable pour que
puissent être fondées et maintenues des coopérations internationales fructueuses.
Nombre de ces travaux sont menés en interaction avec le milieu industriel, pétrolier et minier
(Cf. Rubrique valorisation), et certains participent à la problématique du stockage de déchets (GDR
Forpro). Ceci concourt à un rapprochement immédiat des objectifs les plus fondamentaux, de la
recherche menée, de leur potentialité d'application. Pour les doctorants impliqués, il s'agit, en outre,
d'une ouverture importante en matière de formation et d'emploi.
53
54
Déformation des zones de convergence
Personnels impliqués:
Chercheurs : T. Aifa, C. Audren, M. Ballèvre, T. Beaudoin [ATER], J.P. Brun, A. Chauvin, P.R.
Cobbold, O. Dauteuil, D. Gapais, P. Gautier, E. Hallot, P. Jégouzo, J.P. Lefort, F. Le Hébel [ATER],
T. Nalpas, J.J. Peucat, P. Pitra, P. Roperch, D. Rouby, G. Ruffet
Doctorants : C. Arriagada, V. Bosse (MC Clermont-Ferrand), O. Bourgeois (MC Nantes), I. Coutand
(MC Lille), M. Diraison (MC Strasbourg), C. Gumiaux, F. Le Hébel, R. Moriceau
1. SUBDUCTION ET COMPRESSION CONTINENTALE : LA CHAINE ANDINE
Depuis le début des années 90, l’étude de la chaîne andine mobilise plusieurs chercheurs de
Géosciences Rennes (e.g. organisation du troisième Symposium sur la Géodynamique Andine en
1996). Au cours des dernières années, les travaux ont principalement été axés autour de la thèse d’I.
Coutand [Coutand, 1999], puis de celle de C. Arriagada (en cours).
La thèse d’I. Coutand [Coutand, 1999 ; Coutand et al., 1999a, 2001], ciblée sur les Andes
centrales et l’Altiplano-Puna (Fig.), a en particulier montré (1) que les directions de raccourcissement
sont distribuées radialement le long de l’arc des Andes centrales (2) que la déformation compressive à
l’origine du développement du haut-plateau et des bassins compressifs associés a probablement débuté
à l’éocène supérieur, plutôt qu’au Miocène moyen à supérieur comme précédemment proposé, (3) que
les blocs constituant la Puna ont subi des rotations majoritairement horaires au cours du Cénozoïque,
et (4) que l’ensemble des données structurales et paléomagnétiques valident un modèle de courbure
oroclinale progressive des Andes centrales au cours du Cénozoïque [C. Arriagada, thèse en cours ;
Arriagada et al., sous presse ; Bourgeois et al., soumis].
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Directions principales de raccourcissement déduites de l’analyse cinématique des populations de failles sur
l’Altiplano-Puna [Coutand, 1999]
Parallèlement à l’étude des Andes centrales et de la genèse de l’orocline bolivien, d’autres
travaux ont concerné les Andes australes [Coutand et al., 1999b ; Diraison et al., 2000], ainsi que les
déformations compressives en Colombie [Branquet et al., 2002 ; L.Gómez, thèse en cours]. Au niveau
de la Patagonie, les champs de déformation associés au développement du Bassin de Magellan,
montrent en outre que l’évolution de cet arc compressif s’accompagne de mouvements décrochants
longitudinaux et d’ouverture de rifts radiaux [Diraison et al., 2000].
2. ZONES DE COLLISION
2.1. Dualité épaississement-extension
Depuis les années 80-90, au cours desquelles l’extension syn- et post-convergence est apparue
comme un des processus majeurs contribuant à la structuration des chaînes, la compréhension de la
cinématique et des mécanismes de déformation crustale lors des processus de collision continentale
via l’étude de cas de terrain est subordonnée à un problème de premier ordre : reconnaître et
caractériser, dans le temps et dans l’espace, les déformations résultant de l’épaississement d’une part
et de l’extension d’autre part. Les deux processus étant intimement liés, les interprétations restent très
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débattues dans beaucoup de chaînes de collision. Ces dernières années, nos travaux dans ce domaine
ont principalement concerné deux des grandes chaînes européennes : la chaîne hercynienne (massif
armoricain), et le pourtour méditerranéen (Grèce, Turquie, Afrique du nord). Les travaux sont le plus
souvent pluridisciplinaires, impliquant analyse tectonique, métamorphique, magmatique et
radiochronologique.
Dans la chaîne hercynienne, plusieurs programmes ont été développés [thèses V. Bosse, F.
Le Hébel, C. Gumiaux ; Audren 1999, 2000 ; Schultz et al., 2001a, b], une large part dans le cadre du
programme ARMOR 2 (cf. rubrique ARMOR). Trois grands épisodes tectoniques ont été documentés
[thèse V. Bosse, Bosse et al., 2000, 2002 ; Le Hébel,et al., 2000, 2002, sous presse ; Le Hébel, 2002]:
une histoire précoce aux environs de 370-360 Ma, dominée par les processus d’épaississement avec
développement de métamorphisme HP-BT, une exhumation syn-épaississement des unité de haute
pression aux environs de 360-350 Ma, puis une histoire dominée par la fusion crustale et l’extension
associée au Carbonifère supérieur.
Les données conduisent à proposer un nouveau scénario pour l’histoire tectonique de cette
zone de collision. Elles permettent en outre (1) de montrer que l’ensemble du domaine centre
armoricain, essentiellement soumis à du décrochement, n’a subi qu’un épaississement modéré, (2) de
proposer que la zone de suture hercynienne majeure avait une orientation initiale NW-SE, oblique par
rapport à la plupart des structures observées en surface, (3) d’associer l’histoire précoce de l’unité des
porphyroïdes de Vendée à celle des unités HP-BT type Ile de Groix, avec un enfouissement d’environ
25 Km et une exhumation le long de chevauchements à vergence globalement ouest, (4) d’enraciner,
en Vendée, ces unités chevauchantes au niveau de la zone des Essarts qui apparaît comme une zone de
suture majeure, (5) de situer la transition fragile-ductile anté-extension vers la base des unités HP-BT,
(6) de montrer que l’extension a impliqué un décollement majeur au niveau de cette transition, et le
long duquel sont mis en place les leucogranites syntectoniques, (7) de proposer une exhumation de la
croûte migmatitique sous-jacente via des détachements qui recoupent les unités supérieures.
Une grande partie de ces résultats a été présentée à la dernière RST (Nantes, avril 2002), et
sera soumise pour publication courant 2002 (thèse C. Gumiaux, soutenance prévue fin 2002).
Parallèlement au programme ARMOR 2, d’autres études géophysiques ont été menées.
L’acquisition de données paléomagnétiques sur la klippe de schistes bleus de l’île de Groix conduit à
proposer un scénario d’évolution de la position de cette unité allochtone au cours de la collision
hercynienne [Lefort et al., 2001]. L’interprétation des données gravimétriques a permis (1) d’analyser
la structure de la chaîne à l’échelle crustale [Lefort, 1999], (2) d’obtenir de nouvelles informations sur
la structure de l’arc ibéro-armoricain [Lefort et Agarwal, 1999], et (3) de discuter à grande échelle
l’évolution tectonique post-paléozoïque du socle hercynien [Lefort et al., 1999 ; Lefort et Miller,
1999 ; Lefort et Agarwal, 2000, sous presse].
En Méditérranée orientale, les travaux récents portent sur deux régions : le massif du
Rhodope (Grèce du Nord et Bulgarie) et celui du Kirshehir (Turquie centrale).
Le massif du Rhodope est un exemple remarquable pour illustrer et analyser les questions liées
aux relations spatio-temporelles entre déformations compressive et extensive au cœur de la chaîne
alpine. A ce jour, les principaux résultats portent sur (1) la mise en évidence et la caractérisation des
déformations extensives syn- à post-épaississement [Moriceau et al. 1999 ; Moriceau, thèse 2000 ;
Gautier et al. 2001], (2) la découverte de reliques de métamorphisme de ultra-haute pression dans la
région de Xanthi (coll. D. Kostopoulos, Univ. Thessalonique), et (3) la mise en évidence du caractère
similaire des cinématiques chevauchantes puis extensives, toutes deux à vergence sud-ouest, dans une
grande partie du Rhodope (coll. T. Reischmann, Univ. Mainz ; C. Robin, Univ. Paris 6 ; équipe de Z.
Ivanov, Univ. Sofia). Parallèlement aux études de terrain, un programme de modélisation analogique
des modalités de l’extension égéenne a été mené [Gautier et al., 1999], ainsi qu’un travail de synthèèe
de la cinématique associée [Martinod et al., 2000].
Le massif du Kirshehir permet également de discuter les relations entre déformations
compressives et extensives au cœur de la chaîne alpine de Méditerranée orientale (coll. E. Bozkurt et
K. Dirik, Univ. Ankara). Dans une première publication [Gautier et al. 2002], nous réfutons
l’hypothèse récemment émise selon laquelle le dôme métamorphique de Nigde, à l’extrémité sud du
massif, est un ‘core complex’ transtensif d’âge Oligo-Miocène. Nous discutons les méthodes de
datation précédemment utilisées et montrons que l’exhumation des roches métamorphiques est préEocène.
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Evolution cinématique néogène du domaine égéen (à gauche) (les flèches doubles indiquent les directions
principales d’étirement déduites de l’analyse des populations de failles, des données sismotectoniques et
géodésiques) ; à droite, exemple de champ de déformation et de déplacement obtenu par étalement gravitaire
d’un modèle analogique [Gautier et al. 2001].
Dans les Maghrébides, plusieurs travaux ont été consacrés aux relations entre tectonique
alpine et magmatisme (coll. R. Maury, Univ. Brest ; partenaires marocains et algériens). Les résultats
montrent en particulier que (1) les granites peralumineux à cordiérite, souvent cités comme témoins de
l’épaississement crustal, ne représentent que la modification ultime de souches calcoalcalines,
transformées par hybridation crustale [Fourcade et al., 2001], (2) ces andésites-dacites sont générées
en contexte localement extensif et matérialisent le « réveil » d’une signature « arc » stockée dans la
lithosphère au cours d’une subduction antérieure [El Azzouzi et al., 1999 ; Maury et al., 2000], et (3) la
transition à un magmatisme alcalin signe le passage à des sources asthénosphèriques, elles mêmes
entachées de la mémoire chimique d’un panache plus ancien [Coulon et al., 2002], le tout caractérisant
la signature magmatique d’un système de déchirure lithosphérique [El Azzouzi et al., 2002].
2.2. L’arc alpin
La plupart des modèles cinématiques des Alpes occidentales considèrent que depuis la fin du
Crétacé, la convergence a été accommodée par de l'épaississement crustal et des translations le long de
décrochement. Nous avons participé aux travaux conduits par J.C. Thomas et M. Collombet (LGIT
Grenoble) sur la cinématique de l'arc Alpin. Une étude paléomagnétique a été conduite sur l'ensemble
de la zone briançonnaise. Le métamorphisme (d'âge Eocène et Oligocène) subi par la région est à
l'origine d'une réaimantation tardive de l'aimantation rémanente naturelle, dont l'analyse permet
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d'accéder à l'histoire post-métamorphique des zones internes. Cette réaimantation, clairement isolée
entre 200 et 450°C est dans la très grande majorité des cas étudiés de polarité inverse, et est déviée par
rapport à la direction de référence Oligocène de l'Europe stable. De fortes rotations antihoraires (47° à
117° du Nord au Sud) ont été mises en évidence sur les roches Jurassiques de la zone briançonnaise
[Thomas et al. 1999] ainsi que sur la Maurienne et en Ligurie. Elles sont interprétées comme le
résultat d'une rotation antihoraire des domaines internes par rapport à l'Europe stable [Collombet et al.,
2002].
A côté de cette étude paléomagnétique, un programme de modélisation analogique des
zones de collision arquées a été développé [Marques et Cobbold, 2002 ; Lickorish et al., sous presse].
Parallèlement, une analyse grande échelle des données gravimétriques a fourni des arguments en
faveur d’un flambage lithosphérique au front de la chaîne alpine [Lefort et Agarwal, sous presse].
3. ZONES DE CONVERGENCE PRECAMBRIENNES
L’application des modèles de déformation lithosphérique issus de la tectonique des plaques
moderne aux zones de convergence anciennes est un des enjeux majeurs de l’étude de la dynamique de
la lithosphère terrestre. Des singularités, comme l’importance des processus diapiriques liés au
contraste de densité entre croûte granito-gneissique et ceintures de roches vertes sus-jacentes, typiques
des domaines archéens, ont fait l’objet de nombreux travaux, mais restent encore des questions très
débattues. Plus largement, différentes études de terrain impliquant des chercheurs de Géosciences
Rennes dans des zones de convergence anciennes, archéennes (Craton de Darwar) et
paléoprotérozoïques (Terre Adélie, ceinture de Thompson), soulignent certaines spécificités
structurales des domaines de croûte juvénile ductile en contexte compressif. On y observe en outre la
coexistence de domaines marqués par du raccourcissement vertical et de zones de cisaillement
décrochantes ou plus généralement transpressives. Jusqu’à présent, les interprétations calquées sur les
modèles de chaînes de collision modernes font appel à une tectonique tangentielle, compressive ou
extensive, évoluant au cours du temps vers un régime transpressif. Nos observations suggèrent plutôt
que ces spécificités structurales puissent résulter d’une faible résistance mécanique de lithosphères
juvéniles et anormalement chaudes, particulièrement sensibles aux forces de volume [Chardon et al.,
2002 ; Pelletier et al. 2002 ; Gapais et al., en prép.] (cf. Fig.). Elles sont un des éléments qui justifient
notre volonté de développer l’étude du rôle des couplages fragile-ductile, et donc celui des profils de
résistance de la lithosphère, sur les modalités des déformations lithosphériques (voir projet).
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Mécanismes d’exhumation dans les zones de collision
Personnels impliqués :
Chercheurs : C. Audren, M. Ballèvre, R. Capdevila, B.-M. Jahn, P. Gautier, P. Pitra, J.-J. Peucat
Doctorants : V. Bosse (Nice, codirection Rennes), V. Chavagnac, F. Le Hébel, R. Moriceau
La nature exacte des processus qui permettent l’exhumation de roches profondément
enfouies est un problème aussi vieux que la géologie. Des avancées significatives ont été
faites ces dernières années, dont témoignent les deux volumes d’articles publiés à l’issue du
congrès international de Rennes (septembre 1999) (Geological Journal, 2000, volume 35,
fascicule 3-4 et Mineralogical Magazine, 2002, volume 66, fascicule 1), volumes dans
lesquels ont été publiés au total 16 notes, dont 4 notes de synthèse. Les recherches sur les
mécanismes d’exhumation, nécessairement multidisciplinaires, s’organisent autour de quatre
questions majeures.
1. QUELLE EST LA NATURE DES CROUTES SUBDUITES ?
La caractérisation géochimique et géochronologique des protolithes est la seule approche
permettant de déterminer quelle croûte fut subduite. Les exemples étudiés offrent une large palette,
depuis un socle protérozoïque, voire archéen dans les Dabieshan [Chavagnac et al., 2001] jusqu’à un
rift intracontinental d’âge ordovicien [Ballèvre et al., 2002]. Les données isotopiques sur les
protolithes des Dabieshan suggèrent une affinité avec avec le craton de la Chine du Nord, ce qui
pourrait contraindre à réviser la polarité de la chaîne [Jahn et al., 2001].
2. QUEL ENREGISTREMENT P-T EXISTE-T-IL DE L’EXHUMATION ?
En Australie centrale, l’exhumation est associée à un chemin horaire dont le pic est situé aux
environs de 6 kbar, 600°C [Ballèvre et al., 2000], se superposant au chemin anti-horaire responsable
de la granulitisation de la croûte continentale.
Dans la chaîne hercynienne, les schistes bleus de l’ile de Groix, partie émergée d’une vaste
unité (60 x 10km), font maintenant l’objet de deux modèles. Selon Schulz et al. [2001], les roches de
l’ile de Groix enregistrent deux cycles tectonométamorphiques. Le premier voit le développement de
paragenèses schistes bleus (premier enfouissement), auxquelles succèdent des paragenèses schistes
verts (première exhumation). Le second est marqué par un développement de paragenèses dans le
faciès des amphibolites (second enfouissement), puis leur rétromorphose (seconde exhumation).
L’exhumation est donc dans ce modèle polycyclique. Pour Bosse et al. [2002], seul un cycle est
enregistré, le maximum d’enfouissement (15-20 kbar, environ 500°C) correspondant à des
profondeurs de l’ordre de 45-60 km. L’exhumation est alors monocyclique. Les schistes bleus de l’Ile
de Groix chevauchent les porphyroïdes, qui préservent également des reliques de métamorphisme de
relativement haute pression, à la transition entre les faciès des schistes verts et celui des schistes bleus
[Le Hébel et al., 2002].
3. QUELLES PROCESSUS TECTONIQUES RENDENT COMPTE DES DISCONTINUITES
METAMORPHIQUES ?
Le métamorphisme des schistes bleus de l’ile de Groix est spatialement zoné, ainsi que l’ont
établi les études pionnières de Triboulet (1974) et Carpenter (1976). L’origine de cette zonation
spatiale est cependant problématique, puisque les roches de plus haut grade reposent structuralement
sur celles de plus bas grade (Quinquis, 1980). A contrario des modèles qui postulent une continuité des
variations P-T et une origine de l’inversion par plissement, Bosse et al. [2002] ont argumenté que (i) la
zonation est discontinue, et (ii) la discontinuité, parfois interprétée comme l’isograde d’apparition du
grenat (Carpenter, 1976), est une zone de chevauchement ductile. De la sorte, c’est bien durant la
convergence que les schistes bleus sont exhumés, et non durant un épisode d’extension (Shelley et
Bossière, 1999).
Aux chevauchements synmétamorphes sont souvent associés des rééquilibrations thermiques,
partiellement comprises, et se traduisant par des métamorphismes inverses (c’est-à-dire des
températures augmentant vers le haut de l’empilement). Une étude ayant porté sur la vallée de la
Sioule dans le Massif Central [Schulz et al., 2001] montre que l’inversion résulte de chevauchements
imbriqués polyphasés. En outre, un chantier a démarré en Himalaya, qui peut être considéré, à juste
titre, comme l’exemple type du métamorphisme inverse.
61
4. QUEL EST L’AGE DE L’ENFOUISSEMENT ET LA VITESSE DE L’EXHUMATION ?
L’obtention de données géochronologiques fiables a souvent posé problème dans les roches
métamorphiques de haute et ultra-haute pression, quelle que soit la méthode utilisée. Des avancées
significatives ont été obtenues en choisissant les cibles après étude pétrologique et surtout en couplant
plusieurs systèmes isotopiques. Il en est ainsi dans la chaîne panafricaine (Mali) comme dans
l’orogenèses hercynienne (France) et celle des Qin-Ling (Chine).
Au Mali, les isochrones Rb-Sr et Sm-Nd sur roche totale et minéraux indiquent un âge de
l’éclogitisation d’environ 620 Ma, la coïncidence des âges par les deux méthodes indiquant une
exhumation rapide [Jahn et al., 2001]. Les roches de UHP du Mali sont donc les plus vielles roches de
ce type actuellement connues, et témoignent que la lithosphère continentale avait déjà au
Protérozoïque terminal un comportement rhéologique semblable à son comportement actuel.
L’âge de l’épisode de HP dans la chaîne hercynienne est classiquement considéré comme
s’étalant entre 400 et 440 Ma, bien que quelques données plus jeunes (environ 380-360 Ma) aient
également été obtenues. Dans le complexe de Champtoceaux [Bosse et al., 2000], une analyse
multiméthode a permis de montrer (i) que les âges Sm-Nd des éclogites sont compatibles avec leur âge
U-Pb sur zircon (environ 360 Ma) ; (ii) que les âges Rb-Sr et Ar-Ar dans les roches non déformées
postérieurement à l’épisode éclogitique sont plus anciens (environ 350 Ma) que ceux obtenus dans les
roches déformées durant l’exhumation (environ 340 Ma). Ces données montrent donc (i) que
l’exhumation des roches éclogitiques est rapide, et (ii) qu’elle a lieu alors que la convergence se
poursuit. Le rôle de l’extension, qui est souvent invoqué comme un mécanisme d’exhumation efficace,
est donc réduit. Dans les schistes bleus de Groix, les âges Rb-Sr et Ar-Ar [Bosse, 2000] sont, dans une
même roche, identiques aux erreurs près, et lègèrement plus anciens dans les roches où la paragenèse
schiste bleu est préservée (360-370 Ma) que dans celles où la paragenèse schiste vert est dominante
(350 Ma).
En Chine, les âges U-Pb sur zircon et Sm-Nd sur des gneiss du Dabieshan (Shuanghe)
contraignent l’âge du métamorphisme aux environs de 230 Ma [Chavagnac et al., 2001]. Les données
Rb-Sr et Ar-Ar dans des gneiss de Bixiling fournissent des âges de 198-212 Ma [Chavagnac et al.,
2001], qui sont compatibles avec ceux des éclogites (190-220 Ma). Les gneiss ont donc une évolution
semblable à celle des éclogites, un argument en faveur du caractère in situ de ces dernières. Quant au
massif de Maowu, les données Sm-Nd indiquent un âge d’environ 220-230 Ma pour l’épisode
éclogitique [Jahn et al., 2002], âges similaires à ceux obtenus par la méthode U-Pb sur zirons et
monazites. Le métamorphisme de UHP de l’orogenèse des Qing-Ling est donc remarquablement bien
daté.
5. UN BILAN
Que nous apportent ces données sur les mécanismes de l’exhumation dans les zones de
collision ? Deux cas doivent être distingués.
En Australie centrale, la croûte continentale est raccourcie durant une convergence
intracontinentale, et le Moho est encore actuellement décalé.
Le cas de la chaîne hercynienne ou de celle des Qin Ling est fort différent, puisque la collision
y succède à une subduction, et le Moho est actuellement revenu à une position d’équilibre. Au début
des années 80, de nombreux modèles numériques ont été calculés pour eexpliquer les histoires de
telles chaînes, modèles basés sur des prémisses que les travaux ultérieurs ont totalement invalidés
(remontée lente, contrôlée par une érosion lente, de l’ordre du mm/an). La vitesse d’exhumation est
toujours au moins d’un ordre de grandeur supérieur [Bosse et al., 2000 ; Bosse, 2001 ; Jahn et al.,
2001]. Qui plus est, il s’avère aujourd’hui que, contrairement à un modèle qui émergea à la fin des
années 80 et put paraître s’imposer dans la décennie 90, l’essentiel de l’exhumation n’est pas contrôlée
par l’amincissement post-orogénique, mais a bien lieu durant la convergence [Bosse et al., 2000 et
2002], s’accompagnant de chevauchements post-éclogitiques induisant un métamorphisme inverse
[Schulz et al., 2001]. Pour autant, la raison majeure de ce comportement mécanique reste encore
largement incomprise.
62
Le Projet ARMOR (Géofrance 3D -CNRS/BRGM)
Décidé dès l'année d'ouverture du Programme Géofrance 3D en 1995, le Projet
ARMOR s'est déroulé en deux phases, la première dédiée au domaine Cadomien de Bretagne
Nord (ARMOR 1; 1995-1998), et la deuxième au Domaines Hercyniens de Bretagne Centrale
et Sud (ARMOR 2; Depuis 1999).
Les travaux placés sous la co-responsabilité de Jean-Pierre Brun (Géosciences Rennes)
et Pol Guennoc (BRGM Orléans) ont été réalisés par une trentaine de chercheurs du BRGM,
et de laboratoires Université-CNRS (Rennes, Nantes, Brest, Strasbourg, Paris ENS et IPGP,
Nice). L'objectif était double: (1) sur un plan méthodologique, développer des techniques et
méthodes d'analyse de la structure 3D de la croûte continentale, et (2) sur un plan géologique,
de produire une synthèse 3D de la structure crustale du Massif Armoricain, Cadomienne
d'abord et Hercynienne ensuite, à partir des données géologiques et géophysiques existantes et
d'acquisitions nouvelles.
La contribution de Géosciences Rennes, au travers de l'implication de 11 chercheurs et
3 thèses soutenues, est concrétisée par 10 publications parues ou sous presse. Seuls les
travaux impliquant ces chercheurs sont mentionnés ci-dessous.
1. ARMOR 1: LE DOMAINE CADOMIEN DE BRETAGNE NORD
Chercheurs: T. Aïfa, M. Ballèvre, J-P Brun, J-P Lefort,
La synthèse des données géologiques et géophysiques existantes et celles acquises dans le
cadre du projet (Aéromagnétisme, gravimétrie, sismique réflexion verticale, géologie structurale,
pétrologie, géochronologie, et géochimie) montrent que la tectonique Cadomienne correspond à la
collision oblique d'un arc volcanique sur une marge sédimentaire (Brun et al 2001). La géométrie du
système chevauchant arqué de la Baie de St Brieuc s'explique par une combinaison de
décrochevauchements senestre d'orientation NE-SW, à fort pendage NW, et de chevauchements
d'orientation NW-SE à pendage NE, se rattachant en profondeur à un décollement, au sommet de la
croûte inférieure (Imagerie sismique verticale; Bitri et al 2001). L'évolution tectonothermique
(Ballèvre et al 2001) montre deux épisodes l'un lié à l'épaississement crustal (570-560 Ma) conduisant
à de la fusion partielle et l'autre à l'exhumation des séries métamorphiques et la formation des dômes
migmatitiques de Guingamp et St Malo (560-540 Ma). Les données paléomagnétiques (Edel et Aïfa
2001) montrent que les signatures magnétiques du Domaine Cadomien ont été, pour l'essentiel,
acquises pendant l'orogénèse hercynienne. L'analyse magnétique de la fabrique des filons doléritiques
du champ filonien de Bretagne Nord (Aïfa et Lefort 2001) montre des plongements variables des
directions principales, suggérant un écoulement divergent au dessus d'une chambre magmatique.
L'analyse structurale des anomalies magnétiques associées aux filons montre différentes zones
séparées par les zones de cisaillement Cadomiennes, suggérant un compartimentage mécanique
pendant leur injection (Brun et al 2001) et/ou leur réactivation en décrochement senestre pendant
l'orogénèse hercynienne (Aïfa et Lefort 2001, Brun et al 2001).
L'ensemble des travaux réalisés dans le cadre du projet ARMOR 1 a fait l'objet d'un volume
spécial de Tectonophysics 2001 (Vol. 331: 1-246): "The Cadomian crust of Brittany (France): 3D
imagery from multisource data (Géofrance 3D)". P. Ledru Editeur. Le volume est dédié à la mémoire
de B. Auvray.
63
Figure 1: Interprétation du profil sismique ARMOR 1, montrant le chevauchement vers le SW de l'arc volcanique
de St Brieuc sur le domaine sédimentaire métamorphique de St Malo (Brun et al 2001)
2. ARMOR 2: LA COLLISION HERCYNIENNE
Chercheurs: M. Ballèvre, J-P Brun, R. Capdevila, S. Fourcade, D.Gapais, J-J Peucat, G.
Ruffet, J. De Poulpiquet, F. Moreau
Doctorants: C. Gumiaux et F. Le Hebel, (Rennes), V. Bosse (Nice; Co-encadrement Rennes)
Bien que les travaux soient encore en cours, un certain nombre de résultats sont déjà publiés
ou en voie de publication et une grande partie d'entre eux viennent d'être présentés lors de la RST de
Nantes (Avril 2002).
En Bretagne Centrale, une couverture aéromagnetique et spectrométrique en haute résolution a
été acquise (Truffert et al 2001). La modélisation de la déformation décrochante dextre de l'ensemble
de la Bretagne Centrale (Gumiaux et al RST 2002) montre: (1) que la structure linéaire majeure des
Montagne Noires, joue un rôle de partionnement de la déformation entre Bretagne Ouest et Est, et est
attribuable à la réactivation d'une discontinuité du socle Cadomien sous jacent et (2) que le Bassin
Carbonifère de Chateaulin doit être interprété comme un bassin compressif résultant d'un
raccourcissement NS.
En Bretagne Sud, les études pétrologiques et géochronologiques récentes, éclogites et schistes
bleus (Champtoceaux: Bosse et al 2000; Groix: Bosse et Ballèvre 2002) et porphyroïdes de Belle-Ile,
Estuaire de Vilaine et Vendée (Le Hebel et al 2002) permettent d'établir un age de 370-360 Ma pour le
métamorphisme de haute pression en Bretagne Sud et de 350 Ma pour la fin de leur exhumation.
L'acquisition et l'analyse d'un profil de sismique verticale NS (Bitri et al RST 2002) montrent
(1) que le complexe de Champtoceaux est chevauché vers le Nord pendant le fonctionnement du
64
Cisaillement Sud Armoricain et (2) qu'un décrochement majeur dit de Nort-sur-Erdre, caché par ce
chevauchement, sépare le complexe de Champtoceaux de la Bretagne Centrale.
La synthèse des données structurales et cinématiques et Bretagne sud (Gapais et al RST 2002)
aboutit à la mise en évidence de trois événements tectoniques majeurs (1) un épisode précoce de
chevauchement à vergence sud dominante associé au métamorphisme de haute pression entre 370 et
360 Ma, (2) un épisode d'exhumation des roches de haute pression en régime de chevauchement à
vergence W dominante aux alentours de 350 Ma et (3) un épisode tardif d'extension E-W en régime de
convergence, synchrone du cisaillement Sud-Armoricain, entre 320 et 300 Ma.
L'imagerie de la lithosphère par sismologie passive (Judenherc et al a et b sous presse)
montre, entre 90 et 180 Km sous la Bretagne Centrale, l'existence d'une anomalie positive de vitesse
des ondes P, d'orientation NW-SE et s'interrompant au niveau de la faille de Nort-sur-Erdre. La
restauration géométrique de leur distorsion et sectionnement par le décrochement Sud Armoricain
(Gumiaux et al RST 2002) met en évidence un panneau de lithosphère plongeant vers le NE,
interprétable comme un témoin profond de la zone de subduction-collision de la Chaîne Hercynienne.
A l'échelle Bretagne-Limousin, une restauration des déplacements sur les plus grandes failles
décrochantes (Nort-sur-Erdre, Léon, et Cisaillement Sud Armoricain) permet (Brun et al RST 2002) de
modéliser la géométrie initiale du domaine de métamorphisme de haute pression selon une bande
orientée NW-SE. Cette même restauration appliquée, aux anomalies tomographiques profondes,
abouti également, à l'échelle régionale à une bande d'orientation NW-SE. La mise en relation de ces
reconstructions, géologiques et géophysiques, suggère l'existence d'une zone de subduction-collision
avec un pendage d'environ 20° vers le NE.
Remarque: L'ensemble de ces données nouvelles nous conduit à reconsidérer complètement
nos conceptions antérieures géométriques et cinématiques de la collision Hercynienne. Il est important
de noter que l'acquisition de données sismiques et de sismologie passive y a joué un rôle déterminant.
En d'autres termes, l'imagerie géophysique, de la croûte et du manteau lithosphèrique, est devenu
aujourd'hui un outil indispensable de la géologie et le moyen d'accéder à une approche géologique de
la dynamique de la lithosphère .
65
Figure 2 : Données tomographiques acquises en Bretagne, dans le cadre du Projet ARMOR 2 / programme
Géofrance 3D (Judenherc 2001, Judenherc et al sous presse a et b). Les couches 95-130Km (a) et 130-165Km
(b)sont représentées dans un bloc diagramme rappelant schématiquement les contours du Massif Armoricain. La
géométrie des panneaux correspondants sont représentés ensemble, dans leur position actuelle, (c) et après
restauration des effets du cisaillement sud Armoricain, pour le panneau inclus dans le manteau lithosphérique
(d) (Gumiaux et al RST Nantes 2002).
66
Structuration de bassins sédimentaires
Personnels Impliqués:
Chercheurs : J.P. Brun, A. Chauvin, P.R. Cobbold, O. Dauteuil, D. Gapais, P. Gautier, T. Nalpas, J.N. Proust, D. Rouby
Doctorants : C. Arriagada, L. Barrier, I. Coutand, X. Fort, L. Gómez, C. Lima, M. Leroy, R.
Mourgues
Sur Terre, les bassins sédimentaires se forment dans différents contextes
tectoniques. On distingue les grands bassins de rift, formés en contexte extensif ; les
bassins d’avant-pays, formés en contexte compressif ; et les petits bassins aux allures plus
irrégulières, formés en contexte décrochant. Finalement, des bassins se forment aussi en
contexte plus stable, soit de marge passive, soit de plate-forme. C’est le contexte
tectonique qui contrôle la forme externe d’un bassin et les taux de subsidence à grande
longueur d’onde. Plus indirectement, il contrôle aussi la structuration interne du bassin et
les modalités de sédimentation et d’érosion à petite longueur d’onde.
1. BASSINS COMPRESSIFS
Sur de vastes régions continentales, la lithosphère actuelle se trouve dans un état de contrainte
compressive horizontale. Alors, il n’est pas étonnant que bon nombre de bassins sédimentaires évolue
par flambage ou par flexure, plus ou moins influencés par les charges verticales de chaînes
avoisinantes. Ces bassins compressifs se forment en contexte tectonique de collision continentale,
d’accrétion d’arcs ou de subduction rapide. Suivant leur localisation, on distingue les bassins de plateforme, d’avant-pays ou intra-montagneux.
1.1 Asie centrale
Nous avons étudié les bassins compressifs de la plate-forme de Turan, à travers des données
de surface et de sub-surface (Thomas et al., 1999). L’enregistrement sédimentaire et les structures
internes de ces bassins matérialisent différentes directions de contraintes, résultant de deux collisions
continentales en partie contemporaines : la collision Inde-Asie (responsable d’une compression NOSE) et la collision Arabie-Asie (qui induit une compression NE-SO). En conséquence, les taux de
subsidence sont importants.
1.2 Amérique du Sud.
Nos études ont porté sur l’évolution de bassins tout au long de la Cordillère des Andes. La
subsidence observée reflète le contexte tectonique, la durée de la compression et la vitesse de
sédimentation, qui elle est fonction du climat.
• En Terre de Feu, le bassin de Magellan s’est formé depuis le Crétacé Moyen. Le régime
tectonique est fortement influencé par la limite décrochante entre les plaques de Scotia et
d’Amérique du Sud (Diraison et al., 2000). Par un effet de coin tectonique et sous
sédimentation rapide d’origine glaciaire, la subsidence a atteint des valeurs très importantes
(plus de 7000 m).
• En Nord Patagonie, le bassin d’avant-pays de Neuquén s’est développé en plusieurs étapes à
compter du Crétacé Moyen (Cobbold et al., 1999 ; Cobbold et Rossello, 2002). Ce bassin est
associé à un système de rétro-chevauchements, parallèles au plan de Bénioff. Par conséquent,
la flexuration d’avant-pays est limitée en amplitude, la subsidence totale ne dépassant pas les
2000 mètres.
• Dans le N.O. Argentine, le haut plateau de la Puna s’est propagé vers l’avant-pays par
accrétion successive d’éléments de socle. Aux limites de ces éléments se trouvent des bassins
compressifs intra-montagneux, dont la subsidence dépasse localement les 5000 m (Coutand,
1999 ; Coutand et al., 2001). Ces bassins ont évolué en plusieurs étapes depuis l’Eocène, dans
un contexte chevauchant (Figure 1).
• Dans le Nord Chili, le bassin d’Atacama occupe une grande dépression topographique, entre la
Cordillère Occidentale volcanique et la Cordillère de Domeyko. Ce bassin contient plus de
67
•
7000 m de sédiments continentaux. Il a évolué en plusieurs étapes a compter du Crétacé
Moyen, dans un contexte de compression et de climat aride (Arriagada et al., 2002).
En Colombie, coincé entre les cordillères Centrale et Orientale, le bassin de la Magdalena a
évolué en plusieurs étapes depuis l’Eocène, dans un contexte d’érosion et de sédimentation
rapides, sous climat tropical humide (thèse L. Gómez, en cours). La subsidence y atteint les
5000 m.
Figure 1 : Bassin de Tres Cruces,haut plateau de la Puna, N.O. Argentin. La cartographie de surface et les données
sismiques pétrolières montrent que le plateau est composé de bassins compessifs et de chaînes de socle paléozoïque.
1.3 Europe Occidentale
Les bassins compressifs tertiaires d’Europe Occidental sont synchrones de l’évolution des
Pyrénées et des Alpes.
Le rôle du flambage dans le développement tardif de ces bassins et des massifs intermédiaires
est visible à travers une analyse de données gravimétriques (Lefort et al., 1999 ; Lefort et Agarwal,
2002).
Près des Pyrénées, le bassin d’avant-pays de l’Ebre a fait l’objet d’une étude très poussée, à
l’interface entre sédimentologie et tectonique (Barrier, 2001).
2. BASSINS SUR MARGES PASSIVES
La marge passive d’un continent n’est qu’un morceau de croûte, amincie par distension
continentale avant l’ouverture d’un nouvel océan. La fin de la distension est souvent marquée par une
période d’érosion, suivie de la formation d’évaporites. Classiquement, l’évolution tardive des marges
est vue en termes de subsidence thermique, basculement vers l’océan et magmatisme de point-chaud.
Dans cette optique, l’espace d’accommodation ainsi créée permet l’accumulation d’épaisses séquences
68
clastiques, dérivés du continent, et le relief nécessaire à l’érosion est hérité de la distension (épaules de
rift). Quittant cette vision quelque peu stationnaire, nous avons mis l’accent sur deux phénomènes
dynamiques : le glissement sous pente instable et l’inversion des bassins sous contrainte horizontale.
2.1 Glissement sous pente instable
Sur les marges atlantiques de l’Afrique et du Brésil, la présence d’évaporites favorise le
glissement de couches superficielles par un effet d’instabilité de pente. Ils se forment en amont une
première zone de failles normales et en aval une deuxième zone de structures compressives. Ces
dernières se trouvant sous les grands fonds, leurs géométries sont mal connues.
• Au Brésil, la tectonique salifère a été caractérisée à l’échelle de la marge (Cobbold et al.,
2001). Ainsi nous avons mis en évidence des glissements à caractère radial par rapport aux
sinuosités de la marge. D’après analyse fine des relations entre déformation et sédimentation,
le glissement a eu lieu en plusieurs phases depuis l’Albien. Par son effet de charge, la
sédimentation joue un rôle prépondérant dans le glissement.
• Au large de l’Angola, nos travaux récents ont porté sur le détail intime des systèmes
compressifs sous eaux profondes et notamment sur les relations entre failles inverses et dômes
de sel (Fort, 2001). Ce genre de travail n’est concevable qu’à travers les données de sismique
réflexion apportées par l’industrie pétrolière.
• Plus au Nord, nos méthodes de restauration en trois dimensions ont permis de quantifier les
taux de glissement et d’élucider leurs contrôles sur les séquences de dépôts (Rouby et al.,
2000, 2002).
• En Golfe de Mexique, des glissements à très grande échelle ont eu lieu sur des niveaux
d’argiles. Ils ont été facilités par des pressions de fluides anormales, dues à la génération de
gaz (Patiño et al., 2001).
2.2 Inversion de bassins sous contrainte horizontale
Sur la marge atlantique du Brésil, les montagnes de la côte atteignent près de 3000 m, ce qui
est très élevé pour une marge passive. Par une compilation de données, nous avons réussi à démontrer
que cette morphologie est due à la réactivation compressive de structures pré-existantes à l’échelle de
la croûte continentale (Lima, 1999 ; Cobbold et al., 2001 ; Meisling et al, 2001). Ce phénomène a eu
lieu en plusieurs étapes depuis l’Albien. L’origine et la chronologie du phénomène sont à rechercher
dans les conditions aux limites du système, c’est dire, les dorsales est-pacifique et médio-atlantique.
Toujours est-il que l’on trouve une corrélation remarquable entre périodes d’inversion sur la marge et
phases orogéniques aux Andes. Plus généralement, les conditions nécessaires à la reprise en
compression d'une marge sont actuellement en cours d'étude dans le cadre d'une thèse, débutée en
Octobre 2001 (M. Leroy).
69
70
Croissance crustale
Chercehur impliqué :
Chercheurs : R. Capdevila, B.M. Jahn, J.J. Peucat
L'étude des processus de formation de la croûte continentale est un thème qui s'est
coordoné autour de 2 axes principaux ces dernières années à Géosciences Rennes:
• La croissance crustale au Phanérozoïque.
• Nature, croissance et évolution de la croûte continentale fini-archéenne et
Paléoprotérozoïque.
Plusieurs programmes de recherches, souvent internationaux, ont été conduits par des
chercheurs de Géosciences en collaboration avec des chercheurs français et étrangers; 35
publications sont liées à cette thèmatique. Ces travaux tentent par une approche
multidisciplinaire, pouvant associer des études pétrologiques, géochimiques,
géochronologiques et tectoniques de contraindre l'évolution des processus de croissance
depuis les systèmes primitifs aux systèmes modernes et de mettre en évidence des
particularismes qui ne sont pas obligatoirement corrélables à l'âge de formation de la croûte
continentale.
1. LA CROISSANCE CRUSTALE AU PHANEROZOÏQUE
Ce thème de recherche a fait un des projets les plus réussis et remarquables du P.I.C.G. Le
projet PICG-420 concerne la genèse de croûte juvénile et l’évolution tectonique de l’Asie Centrale, les
résultats obtenus ont des implications importantes sur le modèle de croissance de la croûte
continentale globale. L’Asie est le plus grand continent du globe constitué de nombreux blocs
cratoniques et des ceintures orogéniques jeunes. Pendant l’ère Phanérozoïque, elle a été élargie par
accrétion successive de terrains dispersés d’origine Gondwanienne. L’ouverture et la fermeture des
paléo-océans ont produit inévitablement une certaine quantité de croûte juvénile. La Ceinture
Orogénique de l’Asie Centrale (CAOB, Central Asian Orogenic Belt), autrement connue sous la
dénomination de Collage Tectonique d’Altaïde (Sengör et al., 1993), est maintenant très célèbre pour
sa tectonique d’accrétion (non pas tectonique de collision) et la production immense de croûte juvénile
au Phanérozoïque. La ceinture est composée d’une variété d’unités tectoniques, y compris des blocs
micro-continentaux précambriens, d'anciens arcs insulaires, des fragments d’iles océaniques, des
complexes ophiolitiques et des marges continentales passives. Cependant, la caractéristique la plus
extraordinaire est la vaste distribution de roches granitiques et de leur équivalents volcaniques. Les
granitoïdes sont produits par fusion partielle dans des conditions de croûte moyenne ou inférieure, ils
sont utilisés pour sonder la nature de leurs sources crustales, et d’évaluer la proportion de croûte
juvenile/croûte recyclée dans la CAOB. Employant la technique des traceurs isotopiques (Nd-Sr), on
arrive a démontrer que les granitoïdes et la croûte altaïde contiennent de fortes proportions de
composant mantellique (60 à 100%). Ceci implique une croissance crustale d’une échelle continentale
pendant la période allant de 500 à 100 Ma. La genèse et l’évolution de la croûte altaïde ont sans doute
mis en jeu les processus d’accrétion latérale ainsi que verticale de roches juveniles. L’accrétion
latérale implique le collage de complexes d’arcs et de vieux blocs de micro-continents. La partie
basale des arcs accrétés a subi une fusion partielle résultant de sous-plaquage basaltique, produisant
des liquides granitiques. Au contraire, la formation de volumes immenses de granitoïdes postaccrétionaires (ou « post-collisionnelles), de types granites alcalins et peralcalins, a été effectuée par
accrétion verticale, probablement liée à un panache « Siberian superplume », surtout pour les
granitoïdes d’âges 250 à 200 Ma. On envisage une série de processus, y compris le sous-plaquage de
magma basaltique, mélange de liquide basaltique et les roches de la croûte inférieure, fusion partielle
de la lithologie mixe, formation des magmas granitiques, suivi par cristallisation fractionnée. Enfin, on
peut conclure que la croûte de l’Asie Centrale représente sans doute le plus important transfert de
masse du manteau vers la croûte continentale au Phanérozoïque. La reconnaissance récente de vastes
terrains juvéniles de la Cordillère Canadienne, de l'ouest U.S., de l’Appalachie et la CAOB, a
considérablement changé notre vue sur le taux de croissance de la croûte continentale du globe au
Phanérozoïque.
71
2. CROISSANCE CRUSTALE AU PALEOPROTEROZOÏQUE
Des résultats importants ont été obtenus sur ce thème en particulier au niveau du Craton de
Terre Adélie (cf § collision du rapport d'activité) et sur le Craton guyanais où ont pu être mis en
évidence des processus d'interactions entre panaches et ceintures de roches vertes et démontrer
l'existence d'un nouveau type de gisement de diamants, associé à des komatiites.
La nature des ceintures de roches vertes et la signification des komatiites dans ces ceintures
font l'objet de nouvelles discussions qui tournent autour des interactions possibles entre panaches
mantelliques et ceintures, et aussi sur les dimensions et les processus de création des grandes
provinces magmatiques anciennes. Les komatiites sont connues dans les plateaux des grandes
provinces ignées engendrées par des panaches et dans les ceintures de roches vertes interprétées soit
comme d'anciens rifts, soit comme d'anciens arcs volcaniques. Pour certains auteurs il n'y a pas à
proprement parler d'interactions entre panaches et ceintures de roches vertes. Dans les différents
modèles, les plateaux tholeiitiques/komatiitiques se mettent d'abord en place et plus tard des séquences
de rift ou des séquences d'arc se superposent aux plateaux. Dans certains cas il semble cependant que
des formations komatiitiques se mettent en place à divers niveaux des séquences volcaniques. Une
interprétation populaire explique alors ces relations par un modèle de rift continental : le rifting est une
conséquence de la montée du panache, la séquence volcanique est bimodale avec (1) des laves
komatiitiques et tholeiitiques issues de la fusion du panache et (2) des volcanites acides calco-alcalines
provenant de la fusion du socle continental, induite par le panache. Une nouvelle interprétation
apparue récemment défend un modèle d'interaction arc/panache en montrant que des komatiites font
partie de séquences d'arc dans des ceintures de roches vertes archéennes. Un tel modèle est très discuté
car il semble physiquement impossible qu'un panache puisse traverser une zone de subduction active.
Les résultats obtenus sur le Sud de la Guyane apportent des arguments importants au modèle
d'interactions arc/panache : 1) les résultats pétrographiques et géochimiques montrent que la ceinture
de roches vertes de l'Inini est constituée par une séquence d'arc complète allant des basaltes d'arc aux
rhyolites et avec des proportions des types de roches correspondant aux arcs océaniques. Les études
géochronologiques (zircons) et isotopiques (Sm/Nd), prouvent que les roches acides sont juvéniles et
infirment la possibilité d'existence d'une séquence de rift continental. 2) Les études menées sur le
terrain montrent que les bancs de komatiites se trouvent inclus à divers niveaux de la séquence d'arc,
de la base au sommet de la pile. Il y a donc bien fonctionnement simultané d'un panache et d'une zone
de subduction. Cette conclusion est confortée par la découverte de diamants éclogitiques dans les
komatiites et par les conséquences qui en découlent (Capdevila et al., Nature, 1999). Les komatiites
diamantifères de Guyane sont du type pauvre en Al, fractionnées en HREE, c'est à dire formées à au
moins 250 km de profondeur. Les diamants et leurs minéraux accompagnateurs sont en majorité du
type éclogitique, formés à des profondeurs minimales de 150 km dans une croûte océanique subduite
et ils étaient âgés de moins de 200.000 ans lors de leur arrivée en surface. Le magma komatiitique a
donc traversé une zone de subduction active ou momentanément à l'arrêt. Pour pouvoir monter sous
forme d'émulsion, les komatiites, qui sont volcaniclastiques, ont prélevé de l'eau dans le biseau
mantellique qui surmonte le plan de Benioff. Le magma du panache interagit donc avec la plaque
subduite et avec le biseau mantellique. Suite à notre article de 1999, des auteurs canadiens et
australiens (Barley et al., Australian J. Earth Sci., 2000) ont suggéré que le léger enrichissement en
éléments incompatibles de nos komatiites résulte d'une contamination par le biseau mantellique,
renforçant ainsi l'idée d'interactions entre les komatiites et le biseau mantellique. Cette question est à
l'étude avec N. Arndt, nous avons trouvé dans la ceinture de roches vertes guyanaise toute une série de
roches volcaniques ultramafiques allant des komatiites légèrement enrichies à des maymechites qui
pourraient traduire l'existence d'un panache hétérogène et expliquer différemment l'enrichissement des
laves diamantifères. Un autre point en cours d'étude est d'essayer de déterminer le rapport tholeiites /
volcanites ultramafiques. Il semble très différent de celui des plateaux et pourrait orienter la discussion
sur la prétendue impossibilité pour un panache de traverser une zone de subduction active.
3. CROISSANCE CRUSTALE A L'ARCHEEN
Ce thème a été principalement focalisé sur les processus d'accrétion crustale sur la période
fini-archéenne dans l'est du Craton du Dharwar, en Inde du sud, dans le cadre d'un programme francoindien de recherche (IFCPAR). Ce projet regroupe, côté français outre les chercheurs rennais, des
chercheurs des universités de Clermont Ferrand (H. Martin), Aix-Marseille (D. Chardon) et Nançy (JF
Moyen). Cette région, qui est indemme de phénomène post archéen est une zone d'étude privilégiée
pour analyser les modes de formation de la croûte continentale à la fin de l'Archéen. Pour nombre
d'auteurs, les modèles modernes s'appliquent dès l'Archéen et des chaînes avec épaissisement crustal
72
majeur sont décrites (principalement dans des régions polycycliques), ce modèle ne correspond pas à
ce que l'on observe dans nombre de terrains archéens, en particulier dans l'est du Dharwar Craton.
Nous avons pu y mettre en évidence dans la région de Kolar l'existence de 2 blocs crustaux formés l'un
à un Archéen ancien avec une histoire supérieure à 3.0 Ga et l'autre à l'est formé d'un ensemble
continental migmatitique juvénile vers 2.7 Ga. Les 2 "terranes" sont juxtaposés et ont une histoire
commune vers 2.55 Ga, aucune structure d'épaississement n'est reconnaissable. Une étude détaillée de
la ceinture de roches vertes de Kolar et des terrains avoisinants montre que la structuration de cet
ensemble correspond a l'interférence de processus gravitaires (sagduction) et d'un raccourcissement
global associé avec un étirement horizontal N-S qui est contemporain de l'accrétion d'un magmatisme
juvénile (géochimie Sr-Nd) et d'un épisode granulitique entre 2550 et 2520 Ma (géochronologie U-Pb
en sonde ionique, Nancy & Canberra) (figure 1). Cette accrétion se fait en domaine intracontinental
sans épaississement crustal, elle se développe à l'échelle régionale dans un contexte de
raccourcissement coaxial horizontal. Ce mécanisme d'accrétion n'est pas celui que l'on observe dans
les arcs magmatiques Phanérozoiques par exemple. Il nécessite probablement l'interaction entre une
croûte continentale ancienne avec une anomalie thermique majeure qui pourrait être liée à une activité
importante d'un panache mantellique produisant en base de croûte un sous plaquage régional et une
extension latérale de la croûte.
Figure 1: Evolution du Craton SE du Dharwar Craton (Inde) à la fin de l'Archéen. Modèle montrant la
juxtaposition de 2 ensembles continentaux d'âges différents sans épaississement crustal lors d'une période
importante d'accrétion juvénile (2.55 Ga) en base de croûte.
73
74
Déformations continentales : Fluides et déformation :
Personnels impliqués :
Chercheurs : S. Fourcade, D. Gapais, R. Capdevila, Ph. Boulvais, (P. Cobbold, E. Hallot)
Doctorants : F. Le Hébel, (R. Mourgues, O. Galland)
C’est l’autre chantier de Géosciences Rennes sur les aspects « fluides profonds ». Ces
recherches s’articulent, comme on va le voir, avec les aspects développés dans le thème
« Ressources en eau : circulations profondes » (voir à cette adresse) avec pratiquement les
mêmes groupes de personnes extérieures impliquées et les mêmes outils méthodologiques :
isotopes stables, radiogéniques, éléments majeurs et traces, inclusions fluides, croisées avec
l’approche structurale et pétrologique. Basiquement, on va retrouver des interactions fluides
roches mais dans un contexte dynamique, avec des interrogations sur les rétroactions entre la
dynamique des fluides et la dynamique de la déformation, ductile ou fragile. Les résultats
obtenus sont importants car s’adressant à des mécanismes fondamentaux du colmatage de
systèmes perméables et du transfert de matière en contexte cinématique. La vision assez
nouvelle que de grands taux de déformation peuvent affecter de larges volumes de la
lithosphère tout en ne mettant en œuvre de façon dominante que des mécanismes contrôlés
par la diffusion en présence d’un fluide relativement statique, est riche de perspectives et
s’inscrit dans une période de révision conceptuelle active sur le plan international. La forte
interaction entre chercheurs de Rennes et de Nancy a aussi permis l’évolution des idées et
l’émergence d’un concept original de gisements aurifères, dont la validité et l’extension vont
se voir testés dans le nouveau GDR TRANSMET.
1. LE FLANC SUD DU BASSIN AQUITAIN : UN SYSTEME ORIGINAL
D’ADVECTION DE FLUIDES
Cette action, menée par P. Boulvais en collaboration avec l’UMR G2R Nancy et des
partenaires toulousains vise à comprendre a) la plomberie du système de fluides très salins qui
produisent, en contexte transtensif, le gisement métasomatique géant de talc de Trimounts (Pyrénées,
Ariège) ainsi que de nombreux autres gîtes de talc-chlorite de Catalogne (approche thématique locale
+ régionale), b) la nature et la géométrie des circulations de fluides impliqués dans le
« métamorphisme Nord Pyrénéen » (et selon certains auteurs, moteurs de ce dernier), lequel
métamorphisme se place en continuité de la formation du talc et jalonne le tracé de la grande
discontinuité structurale qu’est la Faille Nord-Pyrénéenne (passage au contexte transpressif).
Les conclusions atteintes actuellement sont : 1) que les gisements de talc sont génétiquement
déconnectés des circulations de fluides du métamorphisme NP [Boulvais et De Parseval, EUG, 200],
premier pas dans la compréhension de ces systèmes géothermaux géants; 2) la communauté d’histoire
(pour le moment, isotopique) des fluides producteurs de talc, à l’échelle régionale (DEA de A. Hulst,
en cours à Rennes), conclusion qui devra être étoffée sur la base d’une étude de la chimie des
inclusions fluides et des isotopes radiogéniques ; 3) l’absence, pour l’instant, d’évidences isotopiques
pour l’implication de grands volumes de fluides de dérivation extérieure dans le métamorphisme
Nord-Pyrénéen et, en accord avec cette conclusion, une formation des veines carbonatées selon un
processus de ségrégation locale [Boulvais, RST, 2000].
2. MECANISMES DE DEFORMATION ET DYNAMIQUE DES FLUIDES DANS LE
METAMORPHISME HTE P BASSE T
C’est certainement le résultat le plus marquant obtenu depuis le dernier RA dans la thématique
« fluides crustaux » et ce, dans le cadre du doctorat de F. le Hébel (Mars 2002). L’unité tectonique
qualifiée de « nappe des porphyroïdes de Vendée », d’abord considérée comme structurée dans un
gradient métamorphique moyen [Schultz et al., 2002] s’est avérée être une unité de Haute P Basse T
[Le Hébel et al., 2002a], ce qui bouleverse l’interprétation du domaine Sud armoricain, critique pour
la compréhension de la chaîne Varisque (2 autres articles en préparation). Un deuxième point fort est
la découverte que les protolithes constituaient un paléoréservoir pétrolier ce qui a induit une évolution
originale des fluides résidents lors du métamorphisme Hte P [Le Hébel et al., en préparation]. Enfin,
l’utilisation conjointe de la pétrologie, l’analyse microstructurale, les isotopes stables, la chimie des
majeurs et des traces, des inclusions fluides a mis en évidence et expliqué, pour la première fois à
75
l’échelle d’une portion importante de la croûte, un mécanisme de déformation ductile de grande
intensité essentiellement contrôlé par des phénomènes de dissolution reprécipitation en système fermé
mais distribué de façon pervasive pour de basses températures [Le Hébel et al., 2001; 2002b]. Les
datations Ar-Ar effectuées sur différents points de cette unité (de pic de température proche des
supposées « températures de fermeture » du système Ar sur micas) ouvrent, quand on les compare aux
unité sus- et sousjacentes, des perspectives originales sur le comportement de ce radiochronomètre en
conditions cinématiques [Ruffet et al., en préparation].
A la lumière de ces résultats, les conditions de la rétromorphose pendant l’exhumation de
l‘unité Schistes Bleus de Groix sont en cours de ré-investigation (isotopes stables) par P. Boulvais.
3. CHAMPS GEOTHERMAUXS, « UPLIFT » TARDI-HERCYNIEN ET GITES
AURIFERES
S. Fourcade est fortement impliqué dans le travail de longue haleine mené (programmes
GéoFrance 3D, GDR Métallogénie) surtout par le groupe Nancéen, visant à valider un modèle original
de gisements d’or dans le domaine Varisque, positionné entre les modèles mésothermaux et
épithermaux. Ces gisements sont considérés se former au moment privilégié où le bâti Hercynien
passe d’un régime d’extension syn-convergence à un régime d’extension s.s. La mise en connexion de
fluides profonds « pseudométamorphiques » avec des fluides de dérivation plus superficielle lors de
cette crise géodynamique, possiblement en relation avec des intumescences thermiques liées aux
dernières mises en places de granitoïdes est le modèle général défendu [Vallance et al., 2001, 2002 ;
Essaraj et al., 2001 ; Boiron et al., 2002 ; Marignac et al., 2002, etc…]. Pour tester de façon
contradictoire ce modèle, l’ensemble des partenaires de ces actions vient, avec le BRGM et le groupe
d’Orléans, de se positionner sur un site commun en Galice, qui aura valeur de « juge de paix » (GDR
TRANSMET) dans le but éventuel de promouvoir ce modèle au niveau international.
4. MIGRATIONS DE FLUIDES ET DECOLLEMENTS
On mentionne ici pour mémoire les travaux de modélisation analogique menés par P.
Cobbold, R. Mourgues et O. Galland qui étudient 1) les effets de la migration de fluides sur l’état de
contrainte effective dans le milieu solide et sur la géométrie des structures qui en résultent en contexte
compressif, 2) les processus de fracturation hydraulique dans le même contexte. Les fluides naturels
sous investigation étant de nature magmatique, les résultats obtenus [Cobbold et al., 2001 ; Mourgues
et Cobbold, 2001, 2002 ; Galland et al., 2002] sont exposés dans la rubrique « tectonique
excpérimentale » du RA.
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DEFORMATIONS CONTINENTALES:
AUTRES POINTS DE VUE
1 DEVELOPPEMENTS METHODOLOGIQUES
Parallèlement aux études d’objets géologiques et à leur modélisation, nous avons toujours tenu
à développer ou à valider des méthodes ou techniques analytiques des processus tectoniques. Au cours
des quatre années passées, les principaux développements sont les suivants (voir également le chapitre
modélisation analogique pour ce qui concerne ce domaine).
Restauration de la déformation
La restauration permet de quantifier les champs de déplacements et de déformation à l’échelle
d’une région. Dans le cas de déformations discontinues (e.g. champs de failles), l’utilisation de
marqueurs dont l’attitude primaire peut être estimée (e.g. horizon stratigraphique) permet le calcul de
l’état initial à partir de l’état déformé. Ce type de méthode numérique a été développé en 2D puis
testée et validée sur des exemples pris dans des contextes géodynamiques variés [e.g. Bourgeois et al.,
soumis]. Une extension à trois dimensions à ensuite été développée [Rouby et al., 2000] (coll. J.
Suppe, Univ. Princeton) et appliquée à des données de sub-surface provenant de la marge extensive
d’Afrique occidentale [Rouby et al., 2002].
Pour des déformations continues, on peut utiliser des marqueurs passifs (e.g ; déplissement
dune série sédimentaire), ou intégrer les déformations dans l’espace à partir de données ponctuelles
telles que mesures de déformation finie et trajectoires de schistosité. Cette dernière méthode a pu
appliquée à l’échelle de l’ensemble du domaine hercynien de Bretagne centrale (Thèse C. Gumiaux).
Analyse des populations de failles
La restauration de la déformation dans le bassin tadjik en Asie centrale, et dans les Sierras
Pampeanas dans les Andes centrales a permis de calculer les champs de déformation, de déplacements
et de rotations dans ces deux régions qui sont affectées par une tectonique compressive contrôlée par
des failles. A partir des champs de déformations, on a pu calculer les directions principales de
déformation finie à l’échelle locale, le long des failles majeures. Dans les deux régions, une excellente
corrélation a été observée entre les directions principales calculées et celles issues de l’analyse des
populations de failles mesurées en différents sites sur le terrain. Cette analyse a ainsi souligné que les
méthodes de calcul de vecteurs propres à partir de mesure de failles et de stries fournissaient des
informations sur la déformation totale, et pouvaient donc ne pas refléter les champs de contrainte
comme il est classiquement admis [Gapais et al., 2001].
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Modélisation des déformations finies dans les Sierras Pampeanas (NW argentin), soulignant la forte corrélation
entre directions principales de déplacement fini en limite de blocs, calculées par restauration numérique, et
directions principales de raccourcissement déduites de l’analyse des populations de failles mesurées sur le
terrain [Gapais et al., 2001].
Techniques GPS
Depuis 4 ans, plusieurs techniques fondées sur l'utilisation du GPS ont été développées pour
aborder, entre autres, l'analyse de la déformation. Ces techniques reposent sur la cartographie à haute
résolution d'objets géologiques comme des lignes de rivages, des terrasses, ou des falaises de rivages
marin. L'un des objectifs a été de quantifier les déformations de faibles amplitudes (de 10 à 100 m) et
de grandes longueurs d'onde (plurikilométriques), typique de basculement. Ces travaux ont été mis
œuvre en Islande (programme IFRTP) et ont permis de mettre en évidence un basculement régional de
0.2° (soit un déplacement vertical de 170 m pour 42 km) depuis 20000 ans dans une région dite stable.
Des travaux semblables sont en cours au Nord Pérou (programme IT) (pour quantifier des faibles taux
de soulèvement près de la côte), ainsi que dans le massif armoricain.
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Cartographie du paléorivage d'un ancien lac glaciaire en Islande. La carte de gauche montre la position du
rivage, celle de droite illustre le basculement vers le Nord-Est de cette surface-repère.
2 MAGMATOLOGIE PHYSIQUE
chercheurs : J. de Bremond d’Ars, P.R. Cobbold, E. Hallot, O. Galland, étudiant
La thématique « magmatologie physique » a été condamnée à disparaître des priorités de
Géosciences Rennes par le précédent comité d’évaluation. Ainsi, l’exercice considéré a
essentiellement vu la finalisation des travaux déjà entrepris qui consistent en l’étude de phénomènes
pétrologiques grâce à l’expérimentation analogique :
Formation des gisements magmatiques de sulfures : ces gisements résultent de l’interaction
entre un magma et un liquide sulfuré concentrant les métaux. La modélisation analogique de
l’écoulement, puis du dépôt gravitaire d’une émulsion de gouttelettes denses dans un liquide visqueux,
a révélé que la coalescence des gouttelettes de liquide sulfuré durant leur transport est un phénomène
mineur, mais que les paramètres critiques contrôlant la formation des dépôts massifs sont la vitesse
d’ascension des magmas et leur viscosité, ainsi que la géométrie des conduits (Bremond d’Ars et al.,
1999, 2001).
Remplissage des chambres magmatiques : nous étudions depuis longtemps l’influence du
comportement rhéologique non newtonien des magmas en cours de cristallisation. Les expériences ont
montré que ces propriétés non linéaires pouvaient conduire à des configurations gravitationnellement
instables dans les réservoirs magmatiques, un magma nouvellement injecté pouvant être piégé sous un
magma plus dense (Bremond d’Ars et Hallot, 2001).
Un seul nouveau sujet a été abordé, transdisciplinaire entre la magmatologie et la tectonique,
qui concerne l’étude des interactions entre magmatisme et tectonique et la mise en place des
magmas par fracturation hydraulique (cf. rubriques « la fracturation entre modèle et théorie » et
« tectonique expérimentale »).
3 LA LITHOSPHERE OCEANIQUE : FORMATION ET DEVENIR.
chercheurs : O. Dauteuil, S. Fourcade
Les travaux concernant la lithosphère océanique porte sur son origine et son évolution. Deux
aspects ont été abordés : les processus tectoniques associés à l’accrétion océanique et le devenir d’une
dorsale en subduction. L’étude des processus tectoniques associés à l’accrétion océanique a été
abordée selon trois axes : 1) le développement d'une méthodologie analytique de la bathymétrie
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permettant d'extraire et de quantifier des informations structurales, et l'intégration de la bathymétrie
avec d'autres sources d'information [Dauteuil et al., 2001]; 2) l'analyse du champ de déformation dans
des cas réels (dorsales du golfe d'Aden, et d’Islande, zones transformantes de Vema [Kastens et al.,
2000]), dans lesquelles les relations entre magmatisme et tectonique en contexte océanique (Islande,
E.P.R.[Dauteuil et al., 2001; Lagabrielle et al., 2001; Garel et al., 2002]) 3) une analyse mécanique
au travers une modélisation analogique des processus caractéristiques des systèmes expansifs
océaniques : rifting oblique, zones transformantes, vidange magmatique [Dauteuil et al., 2002; Garel
et al., 2002].
Les résultats ont permis de mettre en évidence le rôle prépondérant de la rhéologie de la
lithosphère sur le champ de déformation, notamment la présence de serpentine qui diminue la
résistance de la lithosphère en extrémité des cellules d’accrétion [Thibaud et al., 199; Mart et
Dauteuil, 2000], et le rôle de l’état thermique de la lithosphère sur la structure et la déformation des
zones transformantes [Dauteuil et al., 2002]. L’étude de cas particulier comme le rifting oblique a
permis de soulever le problème du couplage entre en la convection mantellique et la déformation de
surface : il semble qu’il existe une certaine indépendance de deux phénomènes.
Exemple de relation entre composition de la lithosphère océanique, comportement mécanique et champ de faille
à l’échelle d’un segment océanique.
Le point triple du Chili présente une configuration particulière due à la subduction d’un
segment de dorsale active [Lagabrielle et al., 2000]. Cette configuration est à l’origine d’une
production magmatique singulière : en effet le magmatisme de surface présente plusieurs pôles depuis
des MORB normales jusqu’à du matériel acide type dacitique ou rhyolite en passant par des laves
calco-alcalines [Guivel et al., 2002]. Ces différents magmas trouvent leur origine directement du
fonctionnement de la dorsale subductée, ou d’une fusion de la croûte océanique à haute–température
en basse pression (faible profondeur). Il n’a pas été mis en évidence de remobilisation de la croûte
continentale. Dans un contexte de subduction, la plaque subduite a donc une histoire et un
fonctionnement qui lui est propre [Guivel et al., 2002].
4. LES GRANDES PROVINCES MAGMATIQUES (LIPS: PLATEAUX
OCEANIQUES ET TRAPPS) ET L'INTERACTION DES MAGMAS
AVEC LA LITHOSPHERE
(N. Arndt, R. Capdevilla, E. Hallot; S. Revillon, étudiante)
La compréhension des mécanismes de mise en place des plateaux volcaniques, qu'ils soient
océaniques ou continentaux, est essentielle pour expliquer, d'une part, les volumes importants de
basaltes épanchés très rapidement et, d'autre part, les compositions chimiques très particulières de ces
laves basiques. Les études mènées sur les plateaux océaniques tels que ceux de Kerguelen et des
Caraïbes fournissent des informations sur la composition et la nature des sources mantelliques à
l'origine de ces grands panaches d'origine profonde [Brémond et al., 1999; Walker et al., 1999;
Révillon et al.]. La comparaison entre la composition des laves présentes dans les plateaux océaniques
et celles qui forment les trapps continentaux permis, quant à elle, de distinguer les effets dus à la
présence d'une lithosphère continentale [Arndt et al., 2001]. Les études que j'ai entreprises sur les
trapps d'Ethiopie (datés à 30 Ma), de Sibérie (250 Ma) et de Fortescue en Australie (2700 Ma)
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montrent que la spécificité chimique des trapps continentaux résulte d'une interaction importante entre
magma mantellique et croûte continentale.
Des komatiites, roches volcaniques ultrabasiques qui représentent l'objet favori de mes
recherches depuis 30 ans ont été décrites dans le plateau océanique des Caraïbes alors que leur
présence dans les terrains récents de la Terre est rarissime [Blichert-Stoft et Arndt, 1999; Capdevila,
1999; Révillon et al., 1999, 2000]. La composition de ces laves ultrabasiques nécessite des
températures de source extrêmement élevées et leur abondance dans les terrains archéens constitue la
seule évidence concrète des températures élevées du manteau précambrien. L'existence de telles
roches dans le plateau Caraïbes formé il y a 90 Ma seulement indique la persistance d'anomalies
thermiques dans le manteau actuel. Ces anomalies thermiques semblent ne se manifester qu'associées
aux panaches d'origine profonde.
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