S’avance alors le panneau noir qui se deplie. On se rend compte qu’il s’agit
en fait d’une structure très imposante, constituée de quatre panneaux amovibles
et pliables… Les acteurs vont donc, pendant une bonne partie de la pièce
arpenter ce décor, le tourner, le plier, se cacher, se chercher. Mais ils vont
également grimper au sommet de celui-ci pour se laisser tomber à la renverse,
ou encore tout simplement pour le contourner ; ils y grimpent, passent de l’autre
côté et redescendent. Sont installées sur les panneaux des extrémités, des
portes, et, sur les deux panneaux du milieu, des sortes de trappes. Je pense en
fait que ce sont des trous suffisamment hauts et larges pour pouvoir laisser
passer un homme couché, mais comme ces passages sont invisibles de là où nous
sommes, je pense qu’ils sont recouverts d’un battant de caoutchouc noir. Ainsi
lorsque le décor s’avance et se recule, certains acteurs passent en dessous et
disparaissent ou apparaissent.
La première apparition par cette “chatière” est plutôt étonnante, ensuite
on s’y fait. Mais je trouve que c’est un système très ingénieux pour renouveler
les entrées et sorties des personnages. D’ailleurs toute cette idée de décor
amovible, qui, finalement, arpente le plateau de long en large et nous permet,
grâce aux tentatives des personnages, de lui échapper, de mieux comprendre et
appréhender le plateau, cet espace scénique dont Aurélien Bory veut tant nous
faire part. Grâce à ce “mur”, qui est le seul décor de la pièce, nous avons pu
comprendre les espaces latéraux ainsi que la profondeur, ou encore la hauteur
du plateau.
Un peu plus tard, la scène est plongée dans le noir et une lumière verte
fluo apparaît sur ce que je pense être un drap noir. Je ne sais pas par quel
procédé mais lorsque cette lumière passait sur le drap alors un trait vert fluo
restait dessiné sur cette étoffe. Alors s’est ensuivi une série de dessins, passant
du cercle parfait à la forme du corps d’un Homme. Tout cela dans le noir. Peut-
être que cette partie racontait une histoire que je n’ai pas su déchiffrer mais j’ai
surtout trouvé cette scène énigmatique, sortie d’un film de science fiction, hors
de son temps, et je crois aussi, un peu magique.
Or, après l’exploration du plateau grâce aux décors, que ce soit les tuyaux
ou le “mur”, il reste toujours une dimension non-explorée de cet espace scénique
que les panneaux ne peuvent nous aider à comprendre: le son.
En effet, dans une troisième partie, l’un des personnages nous chante un
opéra en nous mimant une histoire, qui, je pense, se déroulait durant la guerre.
Sûrement en parallèle avec l’histoire personnelle de Georges Perec qui a perdu
ses parents durant la Seconde Guerre Mondiale. C’est donc grâce à lui que nous
découvrons cette dernière dimension d’un espace complet qui n’est autre que le
plateau de théâtre.
Enfin, tous les personnages se replacent sur scène devant le “mur” avec
chacun, un ou deux livres et se remettent à former des mots et des phrases.
Cette pièce est pour moi une façon ludique de révéler les potentialités d’un
espace comme l’est le plateau de théâtre en décrivant le monde entier et notre
manque de connaissances à propos de l’espace qui nous entoure et qu’Aurélien
a réussi à nous transmettre grâce au théâtre et son incroyable créativité, en
s’appuyant sur l’ouvrage de Perec, paru en 1974, qui lui s’aidait des mots, et qui
est toujours d’actualité, aujourd’hui en 2017.