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La légitimité d=une politique agricole peut par conséquent être vue comme une réponse à
l’instabilité du marché. En toile de fond, on discerne aisément le délicat problème de
l=influence des quantités produites et demandées sur les prix agricoles et réciproquement.
Dans le cas agricole, cette relation est plus connue sous le qualificatif de « loi de King », du
nom du Secrétaire de la Commission de la Comptabilité Publique du Duché de Lancaster,
qui, à la fin du XVII° siècle, formula sa thèse selon laquelle une faible récolte de blé entraîne
une augmentation du prix du blé au-dessus du prix d=équilibre, et selon une disproportion
croissante, alors qu=une récolte abondante aura un effet inverse [Guitton H. (1938)].
L=explication de cette « loi de King » réside dans le constat statistique d=une inélasticité de
la demande par rapport au prix d=un bien agricole. Une augmentation de récolte débouche
sur une amputation du revenu des agriculteurs car l=excès d=offre ne trouve pas de demande
suffisamment forte pour être absorbé. En découle que la nécessité de l=organisation des
marchés agricoles trouve sa légitimité dans ce double mouvement : offre abondante et
insuffisance de la demande. Toutefois, le raisonnement de King porte, à bien y regarder,
davantage sur le problème de l=insuffisance de la récolte que sur celui de son abondance, car
une faible production expose l=économie au risque de la dépendance alimentaire.
L’instabilité du marché, outre qu=elle empêche la formation d=un équilibre économique,
contient dans le cas de l=agriculture le danger de la dépendance alimentaire vis-à-vis de
l=extérieur. C=est précisément sur ce point qu=insiste un auteur comme J.-M. Boussard
lorsqu=il indique, en prenant appui sur les travaux du conseiller agricole du Président F.D.
Roosevelt M. Ezekiel, qu=à partir du moment où le marché de concurrence pure et parfaite
n=est pas en mesure d=assurer l=équilibrage automatique de l=offre et de la demande en
raison de la faible élasticité de cette dernière, le risque est de voir l=économie d=un pays
tomber dans la disette et dans la dépendance alimentaire. Outre les ravages des récoltes
imputables aux aléas climatiques, ce sont les dysfonctionnements profonds du marché qui
provoquent ces famines, ce qu=a justement rappelé le Prix Nobel Armatya Sen.
L=économiste d=origine indienne avance en effet la thèse selon laquelle les famines sont
principalement dues à une insuffisance de la demande plus qu=à une rareté des disponibilités
alimentaires [Sen A. (1981)]. Cette posture est d=une importance capitale pour comprendre
ce qu=est une politique agricole. En effet, Sen estime que la théorie de l=équilibre
économique ne peut s=exprimer, en particulier à travers la rationalité du consommateur, qu=à
la suite de la satisfaction des besoins primaires. Une politique agricole, dans la mesure où son