Douleur aigüe chez le cancéreux Dr Agnès Langlade La maladie

COPACAMU 2008
Douleur aigüe chez le cancéreux
Dr Agnès Langlade
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Douleur aigüe chez le cancéreux
Dr Agnès Langlade
La maladie cancéreuse est à l’origine de douleurs dont l’incidence augmente au fur et à mesure que la
maladie évolue.
Le pourcentage des patients présentant des douleurs varie de 20% au début de la maladie à 80-95%
en phase palliative (1). Ces douleurs sont, dans la majorité des cas, en rapport avec l’évolution
tumorale et elles peuvent être, dans ce cadre, le témoin de complications de cette évolution. Mais les
douleurs peuvent aussi être dûes aux séquelles des traitements curatifs mis en place pour traiter la
maladie cancéreuse.
Ainsi la chimiothérapie, comme la radiothérapie peuvent être à l’origine de douleurs
dites « séquellaires », le plus souvent de type neuropathique. C’est par exemple, les neuropathies
douloureuses des extrémités que l’on peut observer après une chimiothérapie employant des sels de
platine ou des taxanes.
Enfin, un patient atteint de cancer peut avoir des douleurs dont l’origine n’a aucun rapport avec la
maladie cancéreuse ; C’est l’exemple classique des douleurs d’arthrose.
La douleur n’est donc pas un symptôme rare chez un patient atteint de cancer. Or le nombre de
cancer augmente chaque année et l’incidence de cette maladie a augmenté de 60% de 1980 à 2000
(2).
Actuellement, nous ne disposons que d’une seule étude montrant que 22% des patients consultait en
urgence pour le motif de douleur (3).
Par ailleurs, deux études épidémiologiques françaises montrent que les douleurs évoluant dans le
cadre de cancer sont insuffisamment pris en charge : à dix ans d’intervalle, on ne montre une
amélioration de la prise en charge de la douleur que dans 10% des cas (4, 5).
Ainsi, on peut craindre que le nombre de patients atteints de cancer et se présentant dans un service
d’accueil des urgences (SAU) pour des douleurs, ne fasse qu’augmenter.
Associé à ces chiffres, on se doit de souligner la caractère hautement anxiogène des ces douleurs, en
rapport avec l’évolutivité de la maladie et avec les conséquences qu’elles ont sur la qualité de vie du
patient. Tous ces éléments engagent à définir les objectifs et les modalités d’une prise en charge
rigoureuse dans ce contexte particulier d’urgence.
1. Les objectifs du médecin « urgentiste » : ils sont de trois ordres.
¾ La mise en place d’un traitement antalgique approprié doit rester la priorité.
Ce traitement dépend du type de douleur, de l’intensité douloureuse et du traitement
préexistant. Les douleurs cancéreuses sont particulières pour deux raisons :
- Elles sont souvent mixtes : le patient peut présenter à la fois des douleurs par excès
de nociception et des douleurs neuropathiques, qui sont en rapport avec une lésion
et/ou un dysfonctionnement du système nerveux. Il faut savoir rechercher le type de
douleur qui gêne le plus le patient, afin de la traiter en premier ; il faut savoir
rechercher un autre type de douleur devant la persistance d’une plainte douloureuse
malgré un traitement bien conduit.
- Le traitement des douleurs neuropathiques possède en général un long délai
d’action. Il faut donc savoir expliquer au patient que l’équilibration de ce type de
traitement antalgique peut prendre parfois plusieurs jours.
¾ L’établissement du diagnostic étiologique de ces douleurs reste indispensable.
Le souci constant est de détecter au plus vite une complication de l’évolution tumorale
telle qu’une épidurite, une compression médullaire, une occlusion, une rupture
d’organes creux, une fracture spontanée d’os longs… L’établissement rapide d’un
traitement étiologique spécifique permet dans la majeure partie des cas d’éviter une
évolution défavorable pouvant détériorer la qualité de vie du patient.
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¾ Une fois le traitement antalgique instauré et réévalué, il convient de préciser
comment et par qui sera assuré le suivi du patient. Cette décision tient compte des
deux éléments précédents.
Ainsi, l’existence de complications tumorales impose de maintenir le patient dans le
service d’accueil des urgences où seront appelés les différents spécialistes pouvant
traiter ces complications.
En dehors de ces cas, l’orientation du patient dépend de l’étiologie même de ces
douleurs. Si celles-ci sont en rapport avec une évolution récente de la maladie,
l’orientation dans les jours suivants, vers le cancérologue référent s’impose. En
revanche le suivi des douleurs « séquellaires » des traitements carcinologiques ou le
suivi des douleurs en rapport avec une évolution tumorale connue, peuvent être
réalisés par les médecins de structure de prise en charge des douleurs chroniques
et/ou du médecin traitant en connexion avec le cancérologue.
En dehors de la pathologie cancéreuse et de ses traitements, l’orientation peut se
faire vers le médecin traitant qui fera le bilan de cette nouvelle pathologie
douloureuse.
2. Les modalités de prise en charge des douleurs.
Le traitement des douleurs dépend principalement du type de douleur que le patient présente,
de l’intensité des douleurs et du traitement préexistant.
La distinction entre les douleurs par excès de nociception et les douleurs neuropathiques n’est
pas toujours facile dans le contexte d’une maladie cancéreuse. C’est pourtant la première
étape à réaliser.
Le questionnaire DN4 (annexe1) permet rapidement et facilement d’affirmer l’existence d’une
douleur neuropathique. Celle-ci fait appel à l’administration d’antidépresseurs ou
d’antiépileptiques dont le délai d’action ne permet pas d’obtenir une efficacité antalgique
immédiate. Il faut savoir l’expliquer au patient.
Toutefois, le tramadol comme le néfopam, ont un mécanisme d’action laissant penser qu’ils
peuvent être efficaces dans ce type de douleur. Il n’y a pas de contre-indication à l’associer à
des morphiniques. Leur possible administration par voie parentérale permet parfois d’obtenir
rapidement un soulagement dans des délais plus compatibles avec le contexte d’urgence.
Toutefois, il ne s’agit que d’une possibilité, et l’enthousiasme qu’elle suscite ne doit pas faire
oublier qu’aucune donnée de la littérature n’existe dans ce cadre particulier du traitement des
douleurs neuropathiques d’origine cancéreuse, dans le contexte de l’urgence.
Les douleurs par excès de nociception doivent être traitées par des agents appartenant à
l’échelle de l’OMS, le choix du palier dépendant de l’intensité des douleurs (scores de l’échelle
visuelle analogique). Dans les cas de douleurs dont l’intensité est supérieure à 6, l’existence
d’un traitement morphinique préexistant vient modifier le protocole de titration à la morphine.
La posologie du bolus doit tenir du traitement préexistant (annexe 2).
Enfin des précautions particulières doivent être observées, soit quand il existe des anomalies
physiologiques causées par la maladie cancéreuse (hypoprotidémie, acidose métabolique,
insuffisance rénale, hépatique ou respiratoire), soit lors de l’utilisation de certains agents de
chimiothérapie.
Ainsi, il faut rappeler que les sels de platine majorent la néphrotoxicité des AINS, que le
méthotréxate voit ses effets toxiques augmentés par les AINS ; les effets d’une thrombopénie
profonde provoquée par l’utilisation de certaines chimiothérapies peuvent être amplifiés par
l’utilisation d’AINS. Un autre exemple concerne la fraction libre, c’est à dire efficace, des
morphiniques ; elle est augmentée lors de conditions pathologiques comme l’hypoprotidémie,
l’acidose métabolique.
3. Les modalités de suivi des douleurs.
Quand les douleurs ont été analysées et traitées, la sortie du patient du service d’accueil des urgences
est discutée en fonction des critères suivants qui doivent être scrupuleusement respectés :
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Le patient doit être d’accord pour repartir à son domicile.
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Cette sortie ne peut être envisagée qu’en l’absence de toute complication.
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Le traitement instauré a été efficace au moins à 50% et il est bien toléré.
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L’administration de morphiniques par voie orale ou transdermique est jugée possible à
domicile.
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Le traitement pourra être obtenu rapidement en pharmacie et avec un délai
compatible avec l’horaire de la dernière prise au service d’accueil d’urgence.
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Les modalités de réévaluation des douleurs ont été clairement définies avec le
patient : le patient aura été orienté vers sons cancérologue, ou son médecin généraliste ou
une médecin d’une structure « douleur ».
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Les conditions matérielles du retour à domicile sont compatibles avec l’environnement
du patient.
En conclusion, la prise en charge des douleurs aiguës dans un contexte néoplasique et dans un
contexte d’urgence doit être rigoureuse, tant la répercussion sur la qualité de vie des patients est
importante.
Elle consiste à repérer les signes associés à ces douleurs pouvant faire craindre une complication de
la maladie tumorale, nécessitant un traitement étiologique spécifique. Le traitement antalgique de ces
douleurs doit prendre en compte le type et l’intensité des douleurs, de même que la nature et la
posologie du traitement préexistant.
Références :
1. Caraceni A., Portnoy RK. A working group of the IASP task force on cancer pain : an
international survey of cancer pain characteristics and syndromes. Pain, 1999; 82 : 263-274.
2. Les chiffres du cancer. Rapport 2007 de l’Inca. www.e-cancer.fr
3. Diaz-Couselo FA., O’Connor JM., Nervo A., Tossen G., Guercovich A., Puparelli C.,
Coronado C., Costanzo V., Zylberman M. Non-scheduled consultation in oncologic patients.
How many of them are true emergencies ? An observational prospective study. Support Care
Cancer, 2004 Apr; 12(4) : 274-7.
4. Larue F., Colleau SM., Brasseur L., Cleeland CS. Multicentre study of cancer pain and
its treatment in France. Br. Med. J., 1995, Apr 22; 310 : 1034-7.
5. Brasseur L., Larue F. Effic, 2006.
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