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Comme le montrent les données historiques, les cycles
de resserrement monétaire font bien sûr partie intégrante
des cycles conjoncturels, mais l’enclenchement d’un tel
cycle n’en est pas moins préoccupant : sur les quatre
derniers cycles, trois ont été suivis d’une récession ; seul
le durcissement monétaire de 1994 a abouti à une phase
de croissance continue, et c’est d’autant plus étonnant
que les hausses de taux ont été particulièrement
prononcées cette année-là. Dans le cycle actuel, la
sévérité de la récession, la lenteur de la reprise, l’ampleur
de l’expansion monétaire, pour ne citer que quelques
facteurs, expliquent aussi les raisons pour lesquelles la
perspective du simple démarrage d’un cycle de
resserrement est devenue un sujet de préoccupation
depuis déjà un certain temps. Un bon moyen d’évaluer la
gravité de cette préoccupation consiste à étudier
l’évolution du rendement du bon du Trésor à deux ans,
sachant que le niveau de rendement un jour donné
dépendra de la politique monétaire et des taux courts
attendus sur les deux années suivantes. Une
augmentation du rendement indique par conséquent
l’existence d’une probabilité grandissante d’un ou
plusieurs tours de vis, et la volatilité de la variation
quotidienne des rendements peut être considérée comme
un indicateur de la nervosité du marché. Comme l’illustre
le graphique 5, la volatilité évolue à la hausse depuis le
début de 2014, signe d’une montée des inquiétudes à
l’égard de l’augmentation des taux. On peut même
penser que cela a commencé vers la mi-2013 à
l’occasion de la crise du taper tantrum (8).
Depuis la remontée des taux de décembre dernier, ces
préoccupations ne se sont pas dissipées, loin s’en faut. Le
moment a-t-il été bien choisi ? Il est difficile, à ce stade, de
se prononcer sur ce point de manière définitive. On n’a pas
suffisamment de recul de sorte qu’un jugement en la
matière serait plus fondé sur les prévisions de croissance
économique et d’inflation que sur l’analyse des résultats
obtenus9. L’intensité du débat sur l’opportunité d’une telle
décision tient à plusieurs facteurs. Premièrement, on
observe, depuis le début du 21e siècle, un
raccourcissement des délais par rapport aux années 1990
par exemple, entre les décisions de politique monétaire,
notamment lorsqu’il s’agit d’une remontée des taux, et
l’évolution de l’inflation. Autrement dit, lorsqu’une banque
centrale durcit sa politique monétaire, les investisseurs
anticipent une hausse de l’inflation juste après. A défaut, les
taux d’intérêt réels augmenteraient, l’économie pourrait en
pâtir et les observateurs ne manqueraient pas de soutenir
que la banque centrale a commis une erreur. Dans les
années 1990, époque à laquelle les banques centrales
disposaient d’une plus grande marge, Alan Greenspan, alors
président de la Réserve fédérale, avait utilisé cette
métaphore selon laquelle la conduite de la politique
monétaire était pareille à celle d’un pétrolier entrant dans le
port : la manœuvre devait commencer à des kilomètres de
là. Ce délai de préparation est désormais plus court, peut-
être en raison du rôle accru des marchés financiers dans la
conduite de la politique monétaire, dans le sens où la
banque centrale intègre la réaction probable des marchés à
ses décisions10 11. Dès lors, si elle estime qu’une hausse
des taux peut être jugée prématurée, la banque centrale
préfère s’abstenir pour éviter toute réaction négative du
marché, autrement susceptible de peser sur les
perspectives économiques via l’effet de richesse (en cas de
repli du marché actions ou du marché immobilier) ou sur le
coût du financement (hausse des rendements obligataires,
y compris pour les sociétés). Plus le délai de préparation est
long, plus le risque est grand qu’un relèvement soit jugé
prématuré car les modèles économiques implicitement ou
explicitement retenus par « le marché » peuvent être très
différents de ceux utilisés par les banques centrales. Un
horizon de prévision plus lointain peut, dès lors, donner lieu
à des divergences plus grandes entre les projections des
uns et des autres.
0,00
0,03
0,06
0,09
0,12
0,15
0,18
0,21
0,24
08 09 10 11 12 13 14 15 16
US 2-y Treasury Note, écart type
sur 20 jours, quotidien
Graphique 5
Volatilité des bons du Trésor à 2 ans
Sources : CBOE, Thomson Reuters, BNP Paribas