de la Décembre 2015 // N°8 la lettre recherche Numéro spécial L’exposition à Paris “Océan & Climat, connectés dans le changement” Le monde vivant des Océans nous alerte Départ de mission scientifique en Antarctique Erwan AMICE©crns “La déclaration de Brest” de l’Académie Européenne des Sciences Changements climatiques, aménagement de l’espace & transition urbanistique Prix Bretagne Jeune Chercheur : bravo Katell Hamon ! La Lettre de la Recherche de l’UBO Décembre 2015 // N°8 Revue éditée par l’UBO Directeur de la publication Pascal Olivard Comité éditorial et de relecture Pascal Gente, Muriel Rebourg et Muriel Keromnes ÉDITO Conception Corinne Robert/Com’UBO Les changements climatiques sont aujourd’hui une réalité. Leur ampleur, leurs conséquences et leurs causes multiples sont des sujets fondamentaux sur lesquels les scientifiques débattent et font progresser les connaissances. Les actions citoyennes et politiques, dont la conférence de Paris de 2015 sur le changement climatique du 30 novembre au 11 décembre 2015, appelée COP21 pour la 21ème “Conference Of the Parties” de la convention cadre des Nations Unies, devraient permettre d’atténuer les effets de ce changement, en limitant ses causes. Photos Erwan Amice, Sébastien Hervé, Thomas Jaud, UBO Impression Cloitre Imprimeurs Contact Com’UBO 02 98 01 79 59 N° ISSN 0753-3454 Les équipes de recherche de l’UBO sont partie prenantes des recherches sur le climat, notamment au travers les équipes de l’IUEM, illustrées dans ce numéro par un projet de recherche en Antarctique et toutes les communications présentées à Paris liant les changements dans l’océan et le climat. La chaire internationale de Linwood Pendleton, dans le cadre du LabexMER, a été mise en place pour étudier les impacts de l’acidification des océans sur les coraux et la pêche notamment. Nos équipes s’intéressent aussi aux travaux sur les adaptations possibles, sur l’aménagement de l’espace et la transition urbanistique, comme ceux menés au sein de l’Institut de Géoarchitecture.Au travers de ses recherches, des colloques mais aussi en étant présent à Paris, aux cotés de nos partenaires brestois, l’UBO montre combien ces problématiques sont au cœur de ses préoccupations. L’université impliquée dans les grands enjeux de la société liés à la COP 21 Si vous souhaitez contribuer à la rédaction de cette lettre, contactez : [email protected] Nous vous présenterons également Katell Hamon, ancienne doctorante de l’UBO qui dans le cadre d’une co-tutelle avec l’université de Tasmanie, vient d’être lauréate du Prix Bretagne Jeune Chercheur pour sa thèse concernant une analyse bio-économique sur des changements de régulation de l’accès à la ressource : la pêche à la langouste en Tasmanie. Ses travaux rejoignent les problématiques d’adaptation de notre mode de vie et de consommation à ces changements qui nous attendent tous. 2 L’UBO et la COP 21 © Thomas Jaud / UBO-CNES Brest a aussi été le lieu de réunion de l’Académie Européenne des Sciences en octobre dernier, qui a donné lieu à “la déclaration de Brest”, un appel des scientifiques à la mobilisation contre le réchauffement climatique. Je vous laisse découvrir ce numéro spécial “COP21” de l’UBO, en écho à l’actualité du moment, et qui, j’en suis certain, vous donnera envie d’en savoir plus. L’UBO et ses partenaires à la COP21 Avec Océanopolis, Pôle Mer, Aires Marines Protégées… 1. Au Bourget, sur le stand “Océan & Climat : Science et innovation en Bretagne” Du 2 au 6/12, des chercheurs de l’IUEM/UBO étaient présents sur le stand - Yves-Marie Paulet (Océanographe) - Nathalie Morata (Océanographe Biochimiste) - Guy Claireaux (Physiologie poissons marins) - Clément Lambert (Paléoclimatologue) - Pierre Sans-Jofre (Paléoclimatologue) - Véronique Cuq (Géographe) 2. Au Bourget - 3/12 : Journée spéciale “Océan” Table ronde : “De l’observation à la préservation de l’océan”, organisée par Océanopolis 13h - 14h30 en salle 3 des Espaces “Générations Climat” - René Garello (Telecom Bretagne) - Vincent Kerbaol (CLS Brest) - Philippe Potin (Station Biologique de Roscoff) - Frédéric Quemmerais-Amice (Aires marines protégées) - Guy Claireaux (IUEM / UBO) 3. Au Bourget, stand “Ocean under stress: hot, sour and breathless” Dans le cadre du LabexMER (IUEM/UBO) Exposition développée et produite par le Plymouth Marine Laboratory. Ce stand a proposé les fiches de sensibilisation de la Plateforme Océan Climat, présentées par des doctorants de l’Ecole Doctorale des Sciences de la Mer, Ifremer, UPMC, University of San Diego, Université de Kiel, et le Plymouth Marine Laboratory. 4. Pavillon Tara Océan et Climat : activités éducatives Quai Bourbon du 12/11 au 18/12, sous l’égide d’Océanopolis Une exposition et des ateliers éducatifs dédiés aux relations Océan et Climat, notamment la découverte de la faune marine du littoral breton. 5. L’exposition LabexMER “Océan et Climat : connectés dans le changement” à la Porte Dorée, à l’Aquarium Tropical du 17/11/15 au 31/01/16 Pascal Gente Vice-Président en charge de la Recherche L’UBO et la COP 21 3 En collaboration avec ACTUALITÉ Départ de campagne en Antarctique Cette mission en Terre-Adélie, sur la base française Dumont d’Urville (archipel de Pointe-Géologie), s’inscrit dans le cadre du programme de recherche REVOLTA (2013-2017 “Ressources Ecologiques et Valorisation par un Observatoire à Long terme en Terre Adélie”). Soutenu par l’IPEV, il est piloté par Marc Eléaume (maître de conférences au MNHN - UMR 7208 BOREA) et Cyril Gallut (maître de conférences à l’Université Paris VI - UMR 7205 ISYEB). Cette année, ce sont 3 scientifiques associés à ce programme et exerçant leur activité à l’IUEM (UMR 6539 LEMAR) qui effectueront les travaux prévus dans le programme REVOLTA en Antarctique : Laurent Chauvaud (directeur de recherches au CNRS), Julien Thébault (maître de conférences UBO) et Erwan Amice (assistant ingénieur au CNRS). Tous trois sont également plongeurs scientifiques. La partie Est du continent Antarctique est caractérisée par une biodiversité animale marine très élevée, avec un fort taux d’endémisme, et le changement climatique s’y fait pour l’instant encore assez peu ressentir. Cette région est donc particulièrement adaptée à la mise en place d’un observatoire où seront régulièrement mesurés (suivi à long terme) un ensemble de paramètres biotiques et abiotiques permettant d’estimer la variabilité naturelle de cet écosystème et ses éventuelles modifications futures. Le développement d’un tel observatoire est un préalable indispensable à la mise en place ultérieure d’aires marines protégées. Vue aérienne de la base française Dumont d’Urville 4 L’UBO et la COP 21 Erwan AMICE©crns Cette campagne, baptisée “été austral 2015-2016”, se déroulera du 25/11/2015 au 31/01/2016. Elle aura pour objectif principal de remonter des collecteurs de type ARMS (“Autonomous Reef Monitoring Structures”). Ces collecteurs offrent aux espèces marines sessiles et mobiles la possibilité de s’y installer (fixation post-larvaire) et de s’y abriter. Ils sont en place sur plusieurs sites répartis autour de l’archipel de PointeGéologie et devront être remontés en plongée, puis prétraités au laboratoire de la base. Un autre volet de cette mission portera sur l’étude du réseau trophique de l’écosystème côtier de Dumont d’Urville, dans le but d’établir les relations prédateurproie, à l’aide de la méthode des isotopes stables du carbone et de l’azote. À cet effet, nous échantillonnerons en plongée un large panel d’espèces (tant animales que végétales), que nous disséquerons au laboratoire avant de les lyophiliser. Les analyses isotopiques seront réalisées à notre retour en métropole. L’intérêt de cette étude, au delà de l’établissement des relations trophiques entre ces différentes espèces, sera de déterminer si la rupture de la langue glaciaire terminale du glacier Mertz en février 2010, qui a considérablement modifié la courantologie et la dynamique des glaces à Dumont d’Urville, a eu un impact Le navire Astrolabe en train de se frayer un chemin dans la banquise vers la base Dumont d’Urville, vu d’hélicoptère L’intégralité de cette aventure pourra être suivie en ligne à l’adresse : https://sites.google.com/site/ terreadelie2015/home sur ce réseau trophique, déjà étudié au cours de missions précédentes (programme MACARBI, piloté par L. Chauvaud). Par ailleurs, cette mission sera l’occasion d’étudier le comportement de plusieurs mollusques bivalves (e.g. Adamussium colbecki et Laternula elliptica) par accélérométrie, à l’aide de petits capteurs (format timbreposte) qui seront fixés sur la coquille de ces animaux et qui enregistreront leurs mouvements à une fréquence de 25 Hz. Un autre volet, très exploratoire, consistera à analyser la croissance d’oursins antarctiques (e.g. Sterechinus neumayeri), connus pour vivre plusieurs décennies. À cet effet, nous prélèverons quelques piquants sur quelques spécimens (prélèvements non létaux) et procèderons à leur analyse sclérochronologique. De précédents travaux sur d’autres espèces d’échinides ont pu mettre en évidence des cernes concentriques dans les piquants, similaires aux cernes visibles sur des troncs d’arbres. Si la périodicité de ces cernes est annuelle comme sur les arbres (à vérifier), ces outils nous fourniraient de formidables archives environnementales qui nous permettraient d’analyser rétrospectivement la croissance annuelle de ces animaux au cours du siècle passé, et de la mettre en lien avec des changements environnementaux (notamment la rupture du glacier Mertz). Finalement, le groupe REVOLTA se propose de déployer des capteurs mesurant à haute-fréquence la lumière PAR, la température, la salinité et la concentration en oxygène dissous dans l’eau. Au-delà de l’aspect scientifique de cette mission, plusieurs actions pédagogiques ont été mises en place entre le groupe REVOLTA et différents établissements scolaires de la région brestoise. L’UBO et la COP 21 5 ACTUALITÉ Prix Bretagne Jeune Chercheur 2015 Katell Hamon, Lauréate Katell Hamon est une experte du monde de la pêche. À la fois économiste et biologiste, elle s’intéresse à la gestion des ressources halieutiques. Une gestion complexe qui prend en compte des objectifs écologiques, économiques et sociaux. Les évaluations les plus récentes de la FAO (organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) font état de 20% des stocks halieutiques mondiaux en surexploitation ou en voie d’extinction. Autrement dit, il y a trop de pêcheurs pour pas assez de poissons. Un constat résultant de l’accès libre des ressources halieutiques et d’un système qui incite les pêcheurs à être les premiers à capturer le poisson. Évaluation des effets des quotas individuels transférables (QIT) sur la pêcherie de langoustes Le système des quotas individuels transférables (QIT) est de plus en plus utilisé pour gérer ces ressources en diminution. L’objectif de Katell Hamon était d’évaluer, dans le cas de la pêche à la langouste, la façon dont l’introduction des QIT avait affecté le comportement des pêcheurs, et d’en mesurer les effets économiques et biologiques. Il s’avère que les QIT génèrent des effets secondaires : « Les crustacés sont moins nombreux à être pêchés car il y a moins de pêcheurs. Les langoustes se vendent plus cher. Mais cette plus-value a attiré la convoitise d’investisseurs qui rachètent les quotas et spéculent. Les pêcheurs ne peuvent plus acquérir leurs droits de pêche ! » Elle a développé un nouveau modèle bio-économique et affirme que : Pendant sa thèse, Katell Hamon a également évalué les “l’une des solutions pour rétablir une équité serait d’instaurer des restrictions : le rachat de quotas pourrait être réservé aux pêcheurs mais limité en nombre, avec obligation de revendre son QIT après 5 ans d’inexploitation”. “ Katell Hamon a été sélectionnée parmi 66 candidats et a été élue lauréate du Prix Bretagne Jeune Chercheur 2015 avec 5 autres jeunes scientifiques prometteurs, le 6/11 dernier à l’UBO. C’est Claude Berrou, chercheur brestois à l’origine des Turbocodes qui ont révolutionné les télécommunications, et Bernard Pouliquen, vice-président à la Région en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui leur ont remis leur prix. Katell Hamon a reçu un prix de 6000 euros pour sa thèse, dans la catégorie “grands problèmes sociétaux” : “Analyse bio-économique de la réponse d’une pêcherie à un changement de régulation de l’accès : le cas des quotas individuels transférables dans la pêcherie de langouste en Tasmanie”. 6 L’UBO et la COP 21 conséquences du réchauffement climatique sur la pêcherie. “À la fin de leur stade larvaire, les langoustes s’installent sur une roche pour y grandir et se sédentarisent”, explique-t-elle. “Par l’effet du changement climatique, on constate effectivement que certaines zones sont de plus en plus désertées alors que la croissance s’accélère dans d’autres zones, y augmentant la biomasse de langouste. Mais contrairement à ce que l’on aurait pu penser, cela ne déstabilise pas les pêcheurs”.Tout simplement, ils s’adaptent et font évoluer leur parcours de pêche. Son parcours Originaire de Saint-Brieuc et diplômée d’Agrocampus Ouest, Katell Hamon a réalisé sa thèse, entre 2007 et 2011, sous la direction d’Olivier Thébaud, au sein de l’UMR AMURE, l’unité mixte de recherche qui lie l’Université de Bretagne Occidentale et l’Ifremer. Ses travaux, également co-dirigés par l’Université de Tasmanie, ont conduit la jeune chercheuse à passer deux ans en Tasmanie, à la pointe de l’Australie où elle y a testé un modèle économique de pêche pour la langouste. Elle est aujourd’hui chercheuse au LEI Wageningen UR, l’Institut d’économie agronomique de La Haye aux Pays-Bas. La Région Bretagne encourage la recherche, moteur de son développement économique La recherche et l’innovation sont moteurs de création d’activités nouvelles et de développement économique pour le territoire. La Région l’a bien compris et c’est en ce sens qu’elle encourage la dynamique de recherche dans les laboratoires et épaule, financièrement, les jeunes chercheurs. De manière plus anecdotique mais ô combien symbolique, elle organise tous les deux ans ce concours du Prix Bretagne Jeune Chercheur. Cette récompense a vocation à donner un coup de pouce financier et à apporter une reconnaissance publique à l’élite de la jeune recherche en Bretagne. Elle permet aussi de montrer, aux yeux de tous, l’étendue, la richesse et le potentiel de la recherche en Bretagne et ce, dans de multiples domaines : près de 10 000 chercheurs exercent leurs talents sur le territoire et couvrent 80% des champs disciplinaires existants. Ce prix est une présentation vulgarisée destinée au grand public. C’est aussi un outil pour faire connaître à la communauté scientifique, à travers le monde, tout le potentiel breton et ainsi garder et faire revenir les jeunes chercheurs en Bretagne. Pour participer à ce prix, il faut avoir moins de 35 ans, détenir le diplôme de docteur depuis moins de 5 ans et avoir préparé, soutenu et obtenu, avec mention, une thèse en Bretagne, dans un laboratoire public ou privé. L’UBO et la COP 21 7 COP 21 L’avenir de nos villes ? “Changements climatiques, aménagement de l’espace & transition urbanistique” Un colloque pour des solutions locales ? Les 5 et 6 octobre derniers, se tenait à Brest (Faculté Victor Segalen) un colloque dont le thème était d’une brûlante actualité : “Changements climatiques, aménagement de l’espace & transition urbanistique”. Organisé par le laboratoire Géoarchitecture (EA 2219), ce rassemblement d’une trentaine de chercheurs entendait présenter les travaux récents en aménagement de l’espace Action locale et effet global : ainsi s’exprime la complexité particulière de ce sujet. Si l’effet global du changement climatique est la résultante d’une multitude d’actions locales (les transports, les activités économiques, l’habitat), cet effet global a, en retour, des implications locales qui nécessitent des mesures d’adaptation et de correction. Le premier problème posé est donc celui de la mesure tant des effets que des causes : comment évaluer les changements ? À quelle échelle de territoire ? Le deuxième problème relève du changement des pratiques : lesquelles ? À quel rythme ? À quelle échelle ? Toutes ces questions ont été posées dans les différentes communications qui ont abordé de nombreux domaines du savoir : - l’entrée par la climatologie permettait d’aborder la modélisation et les indicateurs susceptibles d’être pris en compte dans les documents de planification et dans les politiques concrètes d’aménagement, - l’entrée par le cadre de vie insistait davantage sur la diversité des initiatives pour instaurer des pratiques économes en énergie comme en foncier. Les débats se sont trouvés enrichis par une pluridisciplinarité indispensable pour couvrir toutes les dimensions : climatologie, écologie, mécanique, sociologie, géographie, psychologie, économie, et bien sûr urbanisme ont été mobilisées au fil des contributions. Quelques mots clés ont été souvent relevés : transition énergétique, formes des villes et des bourgs, revitalisation des territoires, mobilité durable. Et ils ont été précisément illustrés : la présentation des différentes recherches et les témoignages des cadres territoriaux et des élus présents ont permis de dresser un état des lieux et de proposer une boîte à outils qu’il faudra désormais compléter. Parrainé par Jean Jouzel, membre du GIEC, labellisé événement COP 21 par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, le colloque est un des exemples de la contribution de l’Université à la production et à la diffusion de la recherche sur des thèmes parmi les plus importants, en réunissant les chercheurs d’autres établissements (INRA, universités d’Évry, Lille, Marseille, Paris, Poitiers, Rennes). Il porte aussi la marque d’une conviction : l’université peut et doit contribuer au débat sur l’avenir de son territoire. sur l’évaluation des changements climatiques, leurs effets prévisibles, mais surtout sur les propositions d’adaptaProgramme et résumés des communications : http://climat-urba.sciencesconf.org tions pour notre cadre de vie. Géoarchitecture 40 ans d’enseignement et de recherche en aménagement La création, en 1976, de l’Institut de Géoarchitecture a permis de dispenser à Brest un enseignement, inédit jusqu’alors, consacré à l’aménagement. Le laboratoire Géoarchitecture, créé 10 ans plus tard, a prolongé dans la recherche les deux principes posés dans la formation : 1. les questions relatives à l’aménagement de l’espace et à l’urbanisme sont, d’entrée de jeu, liées à la gestion et à la restauration de l’environnement ; 2. les aspects scientifiques fondamentaux doivent être prolongés par l’expérimentation et les applications. Dès l’origine, les relations avec des partenaires extérieurs ont ainsi été nouées pour structurer une recherche-action, notamment avec les villes de Brest 8 L’UBO et la COP 21 et de Lorient, ou bien avec la Société pour l’étude et la protection de la nature en Bretagne. Dans cet épisode pionnier, quelques résultats ont témoigné du rôle incontournable joué par Géoarchitecture : recherches sur les villes reconstruites, travaux sur les territoires ruraux et sur le développement local, interventions menées sur des sites emblématiques, pointe du Raz, aber de Crozon, dunes du Conquet, par exemple. Depuis, l’équipe de recherche a conservé ses objectifs et voit ses préoccupations et sa pluridisciplinarité confortée dans les principes du développement durable. Elle s’est renforcée et compte 30 chercheurs et 17 doctorants. L’UBO et la COP 21 9 COP 21 “La Déclaration de Brest” Les 26 et 27 octobre derniers, l’Académie Européenne des Sciences (EURASC) organisait à Brest un Symposium sur les “Impacts du Changement Climatique”. Près de 50 académiciens, parmi lesquels d’éminents océanographes et des membres du GIEC dont le renommé Jean Jouzel, ont émis cet appel aux instances européennes en vue de la COP 21. © Sébastien Hervé /UBO Symposium Climat de l’EURASC à Brest : Jean Jouzel (GIEC) et Claude Debru (Président l’EURASC). © Sébastien Hervé /UBO 27 octobre 2015 : remise de la médaille Leonardo da Vinci de l’EURASC à Jean Jouzel à Brest. De gauche à droite : Paul Tréguer (Présidium EURASC), Jean Jouzel (GIEC), Claude Debru (Président EURASC), Hélène de Rode (Secrétaire perpétuelle EURASC). 10 L’UBO et la COP 21 L’UBO et la COP 21 11 “Océan & climat COP 21 Expo à paris Connectés dans le changement Du 17 novembre au 31 janvier 2016 ” Cette exposition a été conçue par le LabexMER “L’Océan dans le changement” (IUEM/UBO), en collaboration avec Océanopolis. Océan et Climat ; Connectés dans le changement L’Océan couvre plus de 70% de la surface terrestre, et absorbe environ un quart des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines chaque année. Il joue un rôle de régulateur thermique en absorbant l’excès de chaleur en résultant. Il a ainsi fortement contribué à l’atténuation des effets du changement climatique, avec des conséquences importantes sur sa structure et son fonctionnement : augmentation de température de l’eau, acidification, augmentation du niveau de la mer, ou encore perte de biodiversité marine. Ces bouleversements ont déjà des impacts économiques et sociaux extrêmement importants, notamment sur les populations les plus fragiles. Qu’est-ce que le LabexMER ? Le LabexMER est un consortium associant 13 unités de recherche animées d’un objectif commun : progresser dans la compréhension de la structure, du fonctionnement et de l’évolution de l’Océan dans le contexte des changements globaux. Il vise à promouvoir l’excellence et le rayonnement international, de la recherche et des formations dans ce domaine. Il s’implique également dans la diffusion des connaissances vers un large public. Le LabexMER est coordonné par l’Institut Universitaire Européen de la Mer à Brest (IUEM, école interne de l’UBO), et inclut l’ensemble de ses unités de recherche (6). Toutes sont des unités mixtes de recherche (UMR) associant l’UBO et, selon les unités, le CNRS, l’IRD, et/ou l’Ifremer. Il comprend également 5 laboratoires propres de l’Ifremer Brest, un de l’UBS et un de l’Ecole Centrale de Nantes. Web Le site du LabexMER >www.labexmer.eu/fr Le site de l’IUEM >www-iuem.univ-brest.fr/fr Le site d’Océanopolis >www.oceanopolis.com 12 L’UBO et la COP 21 © Sébastien Hervé / UBO Coordinateur Scientifique du LabexMER Vianney Pichereau >[email protected] Sensibiliser le public à l’importance de l’Océan dans le changement climatique Cette exposition propose, par un parcours autour des grandes thématiques de recherche développées au sein du LabexMER, de sensibiliser le public au rôle primordial de l’Océan dans la régulation du climat planétaire et aux impacts du changement climatique sur l’Océan, les littoraux et les populations qui en dépendent. De la molécule à l’Océan global, des climats passés aux scenarii pour le futur, le LabexMER s’implique dans la recherche sur le changement climatique à travers des projets ambitieux croisant les disciplines (eg. physique, géologie, biologie, écologie, économie…). Les thématiques développées concernent l’observation et la modélisation de l’Océan, la biogéochimie (pompe biologique du carbone), le décodage des paléo-archives sédimentaires (paléoclimatologie), les impacts des changements climatiques sur les organismes marins et sur la biodiversité, sur les environnements littoraux et la gestion des zones côtières, les impacts économiques et législatifs mais aussi les stratégies de remédiation (énergies marines renouvelables par exemple). Valorisation de l’exposition Une présentation de l’exposition, ainsi qu’un lien vers les visuels en format pdf, est disponible sur le site internet www.labexmer.eu/fr/valorisation/expositionocean-climat-connectes-dans-le-changement. Elle est à la disposition de tous (établissements scolaires, communes, structures de toutes sortes telles que médiathèques, aéroports, etc.). Elle fera très certainement un passage à Océanopolis au cours de l’année 2016. Nous vous proposons de découvrir un extrait de l’exposition dans les pages qui suivent. L’UBO et la COP 21 13 14 L’UBO et la COP 21 L’UBO et la COP 21 © Sébastien Hervé / UBO 15 16 L’UBO et la COP 21 L’UBO et la COP 21 17 18 L’UBO et la COP 21 L’UBO et la COP 21 19 20 L’UBO et la COP 21 L’UBO et la COP 21 21 22 L’UBO et la COP 21 L’UBO et la COP 21 © Erwan Amice / CNRS 23 COP 21 18/10 Train du Climat à Brest Le monde vivant des océans nous alerte Par Yves-Marie PAULET, Océanographe à l’IUEM Résumé d’intervention L e changement climatique, induit par une modification de l’effet de serre atmosphérique, est déjà largement perceptible dans les océans. L’élévation moyenne de la température de l’océan de surface est de l’ordre de 1°C, tandis que l’accroissement de l’acidité de l’eau de mer bien qu’encore faible est partout mesurable. Si les mesures physicochimiques témoignent bien d’un processus en cours mais encore limité, les réactions du monde vivant par contre envoient déjà les signes d’un océan en plein bouleversement. Une augmentation de la température induit une modification de la physiologie des organismes qui la subissent. Elle peut compromettre leur reproduction ou induire une altération de leur croissance, dans certains cas elle modifie profondément les relations des organismes à leurs parasites induisant ainsi l’émergence de nouvelles pathologies. L’adaptation, fruit de la sélection naturelle, a permis à la vie de se maintenir sur terre et en mer au cours des ères géologiques. Un tel processus pour le futur ne peut être rejeté, mais la vitesse à laquelle les changements actuels sont observés apparaissent peu compatibles avec celle de l’adaptation du vivant, hormis peut-être dans le cas des espèces à temps de génération très courts tels les organismes unicellulaires. Dans un tel contexte, la fuite ou migration vers les pôles de la majorité des espèces est le processus le plus couramment décrit. Ainsi, au large des côtes européennes, les espèces du plancton migrent vers le Nord. Des espèces considérées comme “d’eaux chaudes” dans les années soixante sont maintenant couramment rencontrées au large des côtes norvégiennes. Les poissons, leurs prédateurs, dans le même mouvement se déplacent vers le nord. La morue semble avoir définitivement quitté les côtes américaines de la Nouvelle Angleterre ; Cap Cod, le “cap de la morue” n’est plus qu’un nom pour les livres d’histoire. Au large de la Bretagne le Saint Pierre, un poisson des eaux chaudes a vu ses captures régulièrement augmenter au cours des dernières décennies ; aujourd’hui il est une capture régulière en mer du Nord. 24 L’UBO et la COP 21 La migration vers les pôles est sans doute le plus évident de ces changements, mais bien d’autres aspects de la vie marine sont déjà impactés par le changement climatique. Ainsi, la saisonnalité des processus de croissance et de reproduction, ce que les scientifiques appellent la phénologie, se voit transformée. Pontes plus précoces, vies larvaires avancées vers le début d’année, gestion des réserves énergétiques altérée par des eaux plus chaudes en hiver. Cet ensemble de “décalages” temporels aboutit à de véritables hiatus écologiques, les jeunes stades de poissons et de coquillages pouvant se trouver en forte demande de nourriture alors que les algues microscopiques qui constituent leurs repas ne subissent pas systématiquement les mêmes changements temporels. C’est ce que les scientifiques appellent le “mismatch”, des situations où le renouvellement des générations n’est plus possible. L’augmentation de l’acidité des océans, due à la dissolution du gaz carbonique atmosphérique, est quant à elle une menace certaine pour les espèces marines “calcifiantes”, celles, de toutes tailles, qui possèdent une coquille calcaire. Déjà, dans les eaux froides de l’arctique, produire une coquille devient un challenge de plus en plus difficile. C’est donc l’ensemble de l’écosystème marin qui est ébranlé, et la totalité des interactions entre organismes qui est perturbée. Prédire l’avenir de la vie dans les océans est une tâche extrêmement ardue face, d’une part, à la l’extraordinaire complexité des processus en jeu et, d’autre part, à la vitesse des changements climatiques en cours. Plus que jamais, l’humanité a besoin de connaissances pour comprendre ces changements fondamentaux et pour anticiper ses relations futures avec les océans. Contact Yves-Marie Paulet Professeur de l’UBO [email protected] LEMAR/IUEM L’UBO et la COP 21 © Erwan Amice / CNRS 25 portrait Linwood Pendleton Chaire internationale d’Excellence du LabexMER à l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM) au sein de l’UMR AMURE Que faisiez-vous avant de venir à l’IUEM occuper cette chaire ? J’ai un Master de gestion publique de Harvard ainsi qu’un master d’écologie, évolution et comportement de l’Université de Princeton et une maîtrise de biologie. J’ai obtenu mon doctorat à l’Université de Yale en 1996. Mon thème d’étude était l’économie environnementale et le sujet de la thèse était : les effets du changement climatique sur la valeur, et les usages pour la société des récifs coralliens et des lacs d’eau douce. J’ai ensuite travaillé comme professeur dans quelques universités aux États-Unis. Ma recherche a toujours été à la fois nationale et internationale. J’ai commencé à travailler avec des collègues français il y a 4 ans. Je travaille sur tous les écosystèmes côtiers : herbier, récif, plage, mangrove... en relation avec les comportements humains. Je suis un chercheur en sciences humaines et sociales, pas en sciences naturelles de l’environnement. J’ai également été économiste en chef de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) aux Etats-Unis de 2010 à 2013. Pourquoi avoir choisi l’IUEM ? J’ai travaillé quelques années avec des chercheurs de l’IUEM. Je faisais partie des conseillers dans le projet Valmer qui portait sur l’évaluation des bénéfices écosystémiques de la Manche, un projet mené par des institutions françaises et anglaises. J’ai aussi visité deux fois l’IUEM et le Finistère avant de venir. Ma famille et moi avons beaucoup aimé le Finistère. Je voulais aussi donner une opportunité à mes filles de vivre et d’étudier en France. Que faites-vous à l’IUEM ? Je suis Chaire internationale d’excellence du LabexMER et je vais participer à la création d’un huitième axe de recherche du labex. Je poursuis à l’IUEM la même trajectoire de recherche qu’aux Etats-Unis. J’ai désormais trois thématiques de recherche principales : le 1er thème concerne les impacts sur les humains de l’acidification océanique, spécialement les impacts sur les récifs coralliens (les récifs protègent les côtes contre les aléas climatiques notamment et sont importants pour la pêche ; le tourisme y est aussi très développé). Le 2ème thème est un projet qui s’appelle les forêts bleues : les habitats côtiers (certains herbiers et mangroves) sont très importants pour le stockage de carbone, pendant la durée de vie de la plante. Le 3ème est un projet européen H2020 qui utilise les données de satellites pour voir s’il y a des changements dans les conditions écosystémiques dans les aires marines protégées européennes ; ce projet s’appelle Ecopotential et compte 47 partenaires. Je travaille aussi sur la gestion et le management de l’océan profond, mais c’est un thème secondaire. Avez-vous des anecdotes professionnelles à nous raconter ? J’ai commencé mes études pour devenir biologiste ; j’ai travaillé dans la jungle avec des caïmans et un jour j’ai capturé sans le savoir un caïman de presque 6 mètres. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de passer aux sciences sociales. J’ai compris qu’avec les caïmans, le problème n’est pas le manque de compréhension écologique mais le manque de compréhension de l’impact humain sur les écosystèmes dont ils dépendent ! C’est ainsi que j’ai commencé à étudier les liens entre les humains et les écosystèmes. Quel est votre plus beau souvenir professionnel ? Grâce au Marine Ecosystem Services Partnership (partenariat pour les services écosystémiques marins), j’ai organisé des “webinaires” (séminaires web), ce qui me plaît beaucoup. J’ai ainsi pu obtenir des interviews de scientifiques, d’économistes, d’hommes d’affaires et de responsables gouvernementaux du monde entier. Quels sont vos centres d’intérêt ? C’est aussi une des raisons pour lesquelles je suis venu ici : j’aime le surf, et faire des randonnées avec le standup paddle. Avez-vous une devise ? If a man does not keep pace with his companions, perhaps it is because he hears a different drummer. Let him step to the music which he hears, however measured or far away. (Si un homme ne suit pas le rythme avec ses compagnons, peut-être est-ce parce qu’il entend un batteur différent. Laissez-le avancer au rythme de la musique qu’il entend, quel qu’en soit le rythme, aussi lointaine soit-elle). Henry David Thoreau 26 L’UBO et la COP 21 L’UBO et la COP 21 27 © Sébastien Hervé /UBO