Les Ophiolites
1 INTRODUCTION
Le terme ophiolite a toujours été exprimé pour décrire des roches d’origine océanique. Mais après
plusieurs controverses, un choix de définition détermine depuis 1972, les ophiolites comme étant l’ensemble
croûte océanique et sous couche mantique, qui a été relevé et charrié sur un continent lors d’un phénomène
de convergence de deux plaques lithosphériques : on parle de mécanisme d’obduction.
Les ceintures ou sutures ophiolitiques sont les représentants d’une fermeture océanique, qui a pu engendrer
dans un second temps la formation d’une chaîne de montagne, comme dans le cas de l’orogenèse des
Appalaches.
Sur terre, il y a 150 complexes ophiolitiques recensés d’âges très disparates. Ainsi, les ophiolites du Chili ne
sont âgées que de 3 millions d’années ; les ophiolites du Briançonnais et du Queyras, reliques du plancher
océanique de la Téthys alpine, sont des conséquences de l’orogenèse alpine il y a quelques 160 millions
d’années, l’ophiolite de Chamrousse est plus ancienne et provient de l’orogenèse hercynienne datée de 400
millions d’années.
L’ophiolite québécoise est encore plus ancienne, d’origine taconienne, elle est âgée de 2 milliards d’années.
2 ETYMOLOGIE - DEFINITION
L’étymologie du terme ophiolite provient du grec ophios : serpent et lithos : pierre, en référence à la
texture superficielle de certaines ophiolites serpentiniques qui évoquent la peau de ces reptiles.
Le terme “ophiolite” a été utilisé pour la première fois par Alexandre Brongniart en 1813, pour décrire une
séquence de roches vertes (serpentine, diabase) dans les Alpes. En 1927, Steinmann a précisé cette
terminaison en évoquant ce que l’on appelle la « trinité de Steinmann », serpentine, pillow lava (lave en
coussins) et chert au sujet d’occurrences rencontrées dans les Alpes.
Par la suite, on a défini les ophiolites comme une séquence type formée le long des dorsales océaniques,
comportant de bas en haut les éléments suivants :
- un niveau ultrabasique, constitué de péridotites (lherzolites, harzburgites, dunites) ;
- un niveau gabbroïque (gabbros lités surmontés par des gabbros isotropes) ;
- un niveau filonien (filons subverticaux de basalte) ;
- un niveau de laves basiques (pillow lavas).
- un niveau sédimentaire
Lors de la conférence internationale sur les ophiolites de 1972, le terme « ophiolite » a été redéfini pour ne
plus représenter que les roches ignées de la séquence stratigraphique énoncée ci-dessus, excluant ainsi les
sédiments qui ont une origine indépendante de la formation de la croûte.
Cette définition a de nouveau été contestée dernièrement suite aux nouvelles reconnaissances acquises sur la
croûte océanique par le Programme intégré de forage de l’Océan ainsi que par d’autres recherches
effectuées au fond des océans. Ils ont permis de constater que la croûte océanique était assez variable, et que
parfois, les roches volcaniques venaient directement sur les péridotites, sans que les gabbros ne soient
présents.
De nombreuses ophiolites ont des variations similaires dans leur stratigraphie, certaines sont primaires,
d’autres se sont formées plus tard (par exemple, lors de la mise en place dans une ceinture montagneuse).
3 HISTORIQUE
A la fin des années 50 et au début des années 60, le terme d’ophiolite a connu un essor important, suite
au développement des explorations sous-marines et aux observations de ces séquences formées au cours du
processus d’expansion océanique.
Cette reconnaissance est liée à deux événements majeurs :
- Premièrement, la découverte de lignes d’anomalies magnétiques sur le fond des océans, parallèles
aux systèmes de dorsales océaniques, dont l’interprétation par Frederick Vine et Drummond
Matthews (1963), est une représentation physique de la formation d’une nouvelle croûte océanique
le long des dorsales et de son expansion à partir de celles-ci.
- Deuxièmement, l’observation d’un réseau filonien à l’intérieur de l’ophiolite de Troodos (Chypre)
par Ian Graham Gass et al., qui se serait formé par la seule intrusion d’un nouveau magma. En effet,
aucune roche plus ancienne n’a pu être découverte à l’intérieur du complexe Gass (1968). Moores et
Vine (1971) en ont donc conclu que le réseau filonien de Troodos n’a pu se former que selon le
processus d’expansion océanique préalablement proposé par Vine et Matthews (1963).
Depuis, il est globalement reconnu que les ophiolites représentent des parcelles de croute océanique,
charriée sur un continent.
4 ETUDES DES CROUTES OCEANIQUES
Bon nombre d’auteurs s’étonnent de ce qu’on puisse envoyer des hommes sur la Lune, des sondes sur
Mars, alors que nous connaissons si mal les océans, qui couvrent pourtant les deux tiers de notre planète.
Mais il faut constater que la tâche est considérable compte tenu de la surface à étudier et que le retour sur
investissements est faible voire inexistant (excepté pour les recherches pétrolières et plus tard pour les
nodules polymétalliques).
De plus, ces personnes n’ont pas à l’esprit les contraintes physiques et mécaniques dues aux grandes
profondeurs (à mille mètres de profondeur, la pression atteint 100 kg/cm²).
Néanmoins, les fonds océaniques ont pu être étudiés et observés suite aux progrès technologiques réalisés
dans la seconde moitié du XXème siècle et plus particulièrement au cours des années 60-70, époque
héroïque l’homme se lançait à l’exploration et à la conquête de nouveaux espaces. Il est en effet curieux
de voir que les premières études des fonds océaniques coïncident justement avec les principales phases
d’exploration spatiale.
Les études entreprises sur les fonds océaniques sont principalement au nombre de trois :
- Mesures de champs magnétique
Cette technologie a l’avantage d’être peu couteuse en moyen technique.
- Etudes de propagation sismique
La détermination des vitesses de propagation sismique, l’observation des réflexions de ces
ondes, ont permis d’ausculter le cœur de notre planète et d’en définir les différentes couches
successives, du noyau solide de fer-nickel à la lithosphère que nous foulons de nos pieds.
- Observations in situ
4.1 Etude des anomalies magnétiques
Les basaltes sont riches en minéraux ferromagnésiens ; or, ces minéraux sont sensibles au champ
magnétique terrestre. Tant que le basalte est à l’état liquide ou visqueux, les ferromagnésiens ont tout loisir
de s’orienter selon ce champ magnétique. Lorsque le basalte refroidit, ces minéraux se trouvent alors piégés
dans l’orientation qu’ils avaient au moment de cette solidification. Ils sont donc les indicateurs de
l’orientation du champ magnétique terrestre de l’instant auquel le basalte s’est figé.
L’analyse des orientations de ces minéraux ferromagnésiens permet donc d’établir les évolutions du champ
magnétique terrestre au cours du temps, comme par exemple de visualiser les retournements des pôles nord
et sud qui sont intervenus par le passé.
En ce qui concerne les fonds océaniques, l’analyse de ces ferromagnésiens à montrer que les anomalies
positives et négatives s'organisent en bandes parallèles à l'axe des dorsales, de part et d'autre desquelles elles
sont pratiquement symétriques. Ces anomalies correspondent à des variations locales du champ magnétique
par rapport au champ moyen de la région, avec des valeurs soit légèrement plus fortes (anomalies positives),
soit légèrement plus faibles (anomalies négatives).
On peut en conclure que l’expansion des océans est bel et bien le fruit de l’accrétion de magma le long de
ces dorsales. Cette découverte eut une incidence notable dans la confirmation de la théorie de la tectonique
des plaques.
4.2 Etude sismique
C’est vers la fin des années 30 que l’on commence à voir apparaître les premières campagnes de
sismique marine dans la Manche et au large du New-jersey. A cette époque, les systèmes d’acquisition
étaient composés d’un ou de plusieurs hydrophones qui captaient les ondes émises par des explosifs simulant
une source sismique.
Les recherches off-shore des gisements pétroliers ont contribué à développer ces études sismiques, dès la fin
de la seconde guerre mondiale. Ainsi, avec les moyens financiers adéquats et les progrès de l’informatique,
les techniques et les méthodes d’acquisition et de traitement de données vont très vite évoluer : on a pu
utiliser des navires tractant jusqu’à douze flûtes sismiques parallèles de 6 à 8 km de long, et la source
sismique est devenue un ensemble de canons à air qui émettent une onde de pression à des cadences élevées
(de l'ordre de 5 secondes).
En ce début de XXIème siècle, différentes technologies de prospections sismiques ont été développées et
mises à disposition des chercheurs en fonction des différents paramètres rencontrés (profondeur d’eau, de
pénétration et résolution).
La croûte océanique possède une répartition en couches des vitesses de propagation sismiques, ce qui montre
que la structure de la croûte océanique est bien stratifiée en couches horizontales.
NOTA
On distingue deux types d’études sismiques :
- la sismique réflexion
plus précise, cette technique a été développée pour la recherche de nouveaux gisements pétrolifères et
gaziers
- la sismique réfraction plus adaptée à l’étude des croûtes océaniques.
Chaque impulsion provoquée par une explosion, permet de repérer des surfaces de discontinuité (au
sens physique et non au sens géologique) séparant des roches par discontinuité de la vitesse de
propagation des ondes sismiques. Les ondes qui arrivent à une de ces limites sous l'angle d'incidence
correspondant à la réfraction limite se propagent ensuite le long de cette interface qui leur sert de "
guide d'onde " ce qui canalise leur énergie et leur permet de se propager plus loin.
Ces ondes sont réfléchies ou réfractées aux changements d'élasticité et/ou de densité, aux frontières des
couches géologiques et atteignent ainsi les différents capteurs disposés sur le sol (OBS : Ocean Bottom
Seismometer). Le traitement des données permet ainsi de déterminer les vitesses de propagation des ondes
sismiques à travers les différentes couches de matériaux, ainsi que leur profondeur. Avec ce type de procédé
on récupère les ondes de types S et P, cependant les ondes S naissent lors de conversion des ondes P au
niveau des interfaces.
Le champ d'application de la sismique réfraction est, pour le génie civil ou pour la prospection minière, la
recherche de la base des alluvions dans une vallée, pour la prospection pétrolière, la reconnaissance par
points d'un socle cristallin et l'étude de l'épaisseur de la croûte terrestre à terre et en mer.
4.3 Observations sous-marines in situ
Suite au développement de sous-marins capables d’atteindre des profondeurs abyssales, des
observations sous-marines telles que celles des fumerolles le long des dorsales ont pu être réalisées. La
structure de la croûte océanique a pu être ainsi précisée lors de campagnes d'exploration menées par des
sous-marins tels l’américain ''Alvin'', et le français ''Nautile'', le long des failles transformantes.
En particulier, une mission réalisée à bord du Nautile, en 1988, le long du mur sud de la zone de fracture
Vema (Atlantique central), a permis d'observer la première coupe continue à travers la lithospre oanique,
depuis le manteau jusqu'aux basaltes.
Figure 12 : trajet du Nautile, 1988 le long de la fracture VEMA
Observation des différentes couches superposées des ophiolites au cœur de l’océan atlantique
A) Carte simplifiée de la zone de fracture Vema (localisation)
B)
Coupe X, Y du mur sud montrant la section complète de la partie superficielle de : oanique observée durant la campagne
Vemanaute (1988). Adapté de Auzende et ce du Nautile lors des plongées 4 et 5 sont reportés et pointillés
Cette technique, de loin la plus précise est cependant encore peu applicable. Les scientifiques n’ont foré que
les 2 premiers kilomètres sur les 6 ou 7 km d’épaisseur de la croûte océanique. Seul le niveau supérieur des
gabbros sous le complexe filonien n’a pu être atteint jusqu’à maintenant.
Des forages ont été pratiqués au cours de 6 campagnes successives sur le site 504B du programme DSDP-ODP
depuis le Leg 69, soit depuis une trentaine d'années.. Ils ont permis de traverser 2 000 m au total dans la croûte
océanique âgée de 6.2 Ma, à proximité des Galapagos, et ainsi d’atteindre les gabbros..
4.4 Conclusion
Le développement des recherches pétrolières et gazières ont appor le financement et le
développement de nouvelles technologies, les moyens techniques pour étudier la croûte océanique et y
déterminer la présence d’ophiolites. Toutefois, les difficultés dues aux conditions d’investigation ne
permettent pas vraiment d’aller pratiquer des observations ou des forages de grande ampleur, in situ. C’est
pourquoi, la connaissance de la croûte océanique provient encore aujourd’hui, essentiellement de la
comparaison entre la structure des ophiolites connues par ailleurs et des sondages sismiques de la croûte
océanique.
Il est toutefois à noter que ces études ont permis d’affirmer définitivement la théorie de la tectonique des
plaques, basées sur l’expansion des océans de part et d’autres de dorsales océaniques et de cartographier pas
moins de 75 000 km de dorsales sur la planète.
5 LES SEQUENCES OPHIOLITIQUES – ORIGINE SOUS-MARINE
La séquence stratigraphique observée dans les ophiolites est le reflet du processus de formation de la
lithosphère le long des dorsales médio-océaniques :
Péridotite tectonisée : roche du manteau riche en harzburgite/lherzolite.
Cumul de péridotite : couches de minéraux riches en dunite déposés en dehors de la chambre
magmatique
Gabbro lité : résultant de l’arrangement de minéraux en dehors de la chambre magmatique.
Importants niveaux de roches intrusives : gabbro isotropique, représentant de la chambre
magmatique fractionnée.
Réseau filonien : filons verticaux parallèles par lesquels il y a eu alimentation de la surface en
basalte permettant ainsi la formation des laves en coussin
Séquence extrusive : laves en coussins basaltiques au contact eau/magma
Sédiments : dépôts de boue (schistes noirs) et cherts postérieurs à la formation de la croûte
océanique (N’appartenant pas à la séquence ophiolitique)
5.1 Cumul de péridotite
Une dorsale ou ride médio-océanique, est formée par la remontée convective du manteau plastique
(asthénosphère). Les conditions de pression et de température permettent un début de fusion du manteau s
60 à 100 km de profondeur, selon les auteurs. Les péridotites du manteau supérieur, appelées lherzolite,
constituées d’olivine + orthopyroxène + clinopyroxène + plagioclase, vont alors produire du basalte par
fusion partielle, pour un taux pouvant atteindre 10 à 20 %. Elles forment le manteau dit "fertile".
Au-dessus se forment des harzburgites (olivine + orthopyroxène + spinelle), résidus des lherzolites après
extraction du liquide basaltique, puis des dunites (roches encore plus réfractaires constituées presque
exclusivement d’olivine). Ces deux dernières espèces de péridotites constituent le manteau dit "appauvri".
Figure 13 : roches de la partie sous-jacente le MOHO des séquences ophiolitiques
En vert composition moyenne du magma sous les dorsales
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