TOPIC Juillet 2003 A l’ombre du Laos et de la Birmanie… Deux dictatures oubliées Quelques pays resurgissent de l’ombre au hasard de l’actualité. C’est le cas pour le Laos et le Myanmar depuis deux mois. Très mal connus – à part pour les voyageurs qui apprécient les circuits touristiques qui sortent de l’ordinaire –, ils sont pourtant sur le devant de la scène depuis mai dernier. L’Asie du Sud-Est, on a tendance à l’oublier, doit elle aussi compter avec la dictature et le retard économique. Loin du « tigre thaïlandais », les communistes laotiens et la junte militaire birmane tiennent chacun d’une main de fer des pays au bord du gouffre. Le Laos… Pays montagneux et recouvert à 95% par la forêt tropicale, le Laos ne dispose que de 5% de terres pour nourrir ses 5.4 millions d’habitants. 80% de la population active travaille dans le secteur agricole qui représente encore 50% du PIB. L’agriculture de subsistance est très largement majoritaire puisque 72% des surfaces agricoles ont une superficie inférieure à deux hectares. A moyen terme, la pression sur les terres arables devrait s’accroître du fait de la croissance démographique qui a atteint en 2002 les 2.5% contre 1.42% pour le Thaïlande et 1.01% pour le Vietnam. Le Laos est aussi un pays complètement enclavé et dépend de ses voisins pour ses exportations et importations. Il est donc très exposé aux chocs externes. La crise de 1997-1998 l’a frappé de plein fouet du fait de ses liens avec la Thaïlande, principal investisseur du pays. Mais, sa faible intégration dans les échanges internationaux lui a permis de profiter, l’an passé, du dynamisme thaïlandais et lui a évité d’être affecté par le ralentissement de l’économie mondiale. Le régime communiste en place entretient des relations politiques privilégiées avec son voisin vietnamien. Rappelons qu’après de longues années de guerre civile, la guérilla communiste, devenue le LPRP (Lao People’s Revolutionary Party), a pris le pouvoir en 1975. La coopération militaire avec le Vietnam – jusqu’à 50 000 soldats vietnamiens ont stationné au Laos – a contribué à réduire fortement la portée de la résistance anti-gouvernementale. La Chine, qui avait un temps soutenu les rebelles a mis fin à son aide après le réchauffement de ses relations avec les autorités laotiennes. Que reste-t-il de ces mouvements d’opposition ? 2 000 personnes tout au plus, principalement issues de l’ethnie Hmong soutenue dans les années 70 par la CIA mais qui, aujourd’hui, vit isolée dans le Nord du pays. Pourtant, depuis le début de l’année, la résistance Hmong semble se raviver. Plusieurs attentats ont eu lieu Enclavé au cœur de la péninsule indochinoise… … refermé sur lui-même mais soutenu par le Vietnam… … tiraillé par une résistance en déshérence sur la route qui relie la capitale Vientiane, à Luang Prabang, faisant 25 morts au total. Arrestation mouvementée et l’emprisonnement de journalistes Occidentaux… … mais un pays sous perfusion internationale L’économie birmane officielle au bord de la faillite... … malgré un fort potentiel et la vitalité du secteur informel Mme Suu Kyi : l’épine dans le C’est dans ce contexte que les deux journalistes européens et leur traducteur américain ont été arrêtés le 4 juin dernier, au cours d’un affrontement entre les soldats laotiens et les rebelles Hmong. D’abord accusés du meurtre d’un des militaires, ils ont ensuite été condamnés le 30 juin, au cours d’un procès expéditif, à 15 ans de prison pour « obstruction à l’activité des forces de sécurité et détention illégale d’explosifs ». C’était sans compter avec les Etats-Unis qui, certes, n’ont pas dénoncé officiellement l’attitude des autorités laotiennes mais qui disposaient d’un moyen de pression conséquent. Un accord commercial bilatéral doit être en effet prochainement signé entre les deux pays. En aucun cas, Colin Powell et le représentant au commerce Robert Zoellick, appuyés par le Congrès, ne veulent remettre en question la signature de cet accord. L’ambassadeur américain, sur place, soutient aussi pleinement le projet, convaincu des retombées positives sur le pays. L’Europe, de son côté, a brandi la menace d’une baisse de l’aide financière. Or le Laos vit sous perfusion. Ce sont l’Union Européenne (UE), le Japon et le FMI, dont l’aide représentait, en 2001 14% du PIB, qui le maintiennent en vie depuis de nombreuses années. Et ceci d’autant plus que les recettes issues du tourisme devraient fortement régresser en 2003. Le SRAS et, maintenant, l’arrestation abusive des ces trois Occidentaux dans le climat actuel d’insécurité rendent en effet le Laos beaucoup moins attractif – après une forte croissance du nombre de voyageurs ces cinq dernières années. De l’autre côté de la péninsule indochinoise, le Myanmar. A nouveau, un pays montagneux mais qui, lui, a la chance de posséder pas moins de 2832 km de côtes maritimes. Cette ouverture physique sur la mer ne l’a pourtant pas empêché de vivre quasiment en autarcie depuis plus de trente ans. L’Europe et les Etats-Unis lui ont d’ailleurs retiré la plupart des privilèges qu’ils octroient d’habitude aux pays en développement. Les sanctions telles que l’embargo sur les armes ou le gel des avoirs principaux viennent d’être renforcés par l’Union Européenne. L’économie officielle traverse, elle, une crise profonde. Le secteur bancaire est proche de la faillite. L’inflation à deux chiffres continue d’augmenter – mais plus modérément depuis février – tandis que le kyat poursuit sa chute inexorable face au dollar. Pourtant, l’importance de ses réserves naturelles, son potentiel agricole et le tourisme pourraient favoriser son décollage. Mais le commerce de la drogue apparaît beaucoup plus profitable aux yeux de la junte militaire qui entretient activement l’économie informelle. Rien ne semble pouvoir ébranler la dictature birmane, pas même la chef de file de l’opposition birmane et prix Nobel de la Paix pied de la junte militaire… Un pays de plus en plus stratégique pour les pays limitrophes Aung San SUU KYI. Bien au contraire, sa récente libération après sept années en résidence surveillée – à la suite du lancement de sa campagne en faveur de la démocratie en 1988, date du coup d’Etat militaire –, n’aura été que de courte durée. Depuis le 30 mai, elle est maintenue au secret en prison malgré les vives protestions venues de l’Occident. En Asie, l’annonce de son arrestation ne semble pas avoir autant de répercussions. Et pour cause. Ni l’ASEAN (Association of Southeast Asian Nations), ni l’Inde, ni la Chine ne veulent se mettre le Myanmar à dos. Car, il est devenu un pays stratégique dont on cherche à s’attirer les faveurs. Son entrée au sein de l’ASEAN en 1997 est très largement liée à la volonté des pays d’Asie du Sud-Est de l’éloigner du giron chinois. Quant à l’Inde, elle n’a de cesse de renforcer ses liens avec un pays dont elle redoute les relations de nature toute militaire qu’il entretient avec la Chine. Le conflit sinoindien de 1962-1963 est encore gravé dans les mémoires… L’Inde est prête à beaucoup de concessions pour éloigner la Birmanie de la sphère d’influence chinoise. Mais la Chine possède une longueur d’avance sur l’ASEAN comme sur l’Inde. Elle est le premier investisseur de l’économie birmane. Et cette manne financière n’est pas sans arrière-pensée. Sa participation dans l’amélioration des infrastructures portuaires le long du Golfe du Bengale, en particulier, face à l’Inde, pourrait un jour servir à accueillir des navires militaires chinois. Depuis la normalisation de ses relations avec le Myanmar en 1988, les échanges commerciaux entre les deux pays n’ont cessé d’augmenter pour atteindre 650 millions de dollars en 2002. Un très grand nombre de Chinois venus du Yunnan se sont installés dans le nord. Désormais, la majorité des entreprises prospères sont chinoises. Les Etats-Unis voient d’un mauvais œil cette interaction grandissante. Et, pourtant, ils font partie – avec Singapour et la Malaisie – des principaux investisseurs étrangers – malgré les sanctions imposées par le Congrès sur ce pays. Les priorités des Occidentaux concernant le Laos et le Mynamar sont aux antipodes des préoccupations des pays asiatiques qui les entourent. Ces derniers préfèrent jouer la carte de l’intégration au nom de leurs propres intérêts. Les alliances en cours sont peu connues des Européens en particulier. Et pourtant, il semble qu’un nouveau paysage stratégique se dessine entre une Thaïlande qui se tourne de plus en plus vers la région du Grand Mékong donc vers le Laos, une Chine qui aimerait bien voir sa sphère d’influence progresser plus au sud-ouest, une Inde qui veut à tout prix contenir cet appétit chinois et enfin l’ASEAN toujours à la recherche de l’unité régionale. L.B www.hec.fr/eurasia Laos Population : 5.5 millions Croissance démographique (2001 - 2002) : 2.5% Economie : z PIB/hab : 327 USD z Croissance du PIB réel (2002e) : 5.8% z Inflation (2002e) : 10.6% Nature du régime : Parti Unique (LPDR) Khamtai Siphandon Président du Laos depuis 1998 Myanmar Aung San Suu Kyi Population : 51 millions Croissance démographique (2001 - 2002) : 0.6% Economie : z PIB/hab : 140 USD (2000) z Croissance du PIB réel (2002e) : 4.2% z Inflation (2002e) : 15% Nature du régime : dictature militaire