tion. On a souvent moqué la notion de karma en la
réduisant à une forme de fatalisme, en disant que
tel ou tel avait un mauvais karma. Mais il ne s’agit
que d’une loi naturelle de cause à effet. Ce que je
suis aujourd’hui est le résultat de ce que j’étais. Et
ce que je suis ou ce que je fais aura des consé-
quences sur la suite. En d’autres termes, tu ne
peux t’en prendre qu’à toi-même! »
On y vient, à cette fameuse notion de temps cyclique
sur lequel je voulais l’interroger, ce concept de pha-
ses infinies de réincarnations qui nous semble si
étranger, à nous autres occidentaux qui ne voient
dans le temps qu’une flèche qui court droit vers le
vide ou vers l’éternité, pour peu qu’on ait la foi. C’est
d’abord le conservateur en charge du département
Asie qui me répond :
« Toute l’Asie, de l’Inde à
Bornéo, et dieu sait si peuples et civilisations y diffè-
rent, a une vision cyclique du temps. Elle est sans
doute liée à une précarité continue de l’existence, à
une proximité immémoriale avec les catastrophes
naturelles, inondations, tremblements de terre, raz-
de-marée…»
De quoi vous accoutumer à l’imperma-
nence. Puis le bonze reprend le dessus:
«Dans le
bouddhisme, cette vision cyclique s’applique à tous
les échelons, à l’échelle de l’Univers, où tout naît et
59
watch around no 005 été 2008 |
Il se met alors à dévorer sur le sujet tout ce qui lui
tombe sous la main et peu à peu se rend compte que,
sans crier gare, sans traverser de crise spirituelle, le
jeune protestant qu’il était est devenu bouddhiste.
Le vénérable Eracle le pousse dès lors à appren-
dre à lire le tibétain classique afin de pouvoir se
frotter directement aux textes originaux. Ses résul-
tats scolaires en pâtissent, mais il tient bon. Puis
ce sera, à Lausanne, l’apprentissage auprès de
Jacques May des quatre langues historiques du
bouddhisme, pâli, sanskrit, tibétain et chinois, suivi
d’une licence en études des religions et d’un doc-
torat en japonologie à l’Université de Genève.
Le péché originel n’existe pas. Mais est-ce un
des effets de la pratique sereine du bouddhisme ou
une simple conséquence de sa propre nature ?
Toujours est-il que Jérôme Ducor, du haut de son
savoir, est, à 54 ans, comme un jeune homme vif
et malicieux, pétri d’humour et amateur de bonne
vie.
«Contrairement au catholicisme, qui est une
foi, le bouddhisme est une pratique personnelle,
une méthode,
m’explique-t-il.
Dans le bouddhisme,
la notion de péché originel n’existe en rien. Il n’y a
aucune culpabilisation mais une responsabilisa-
FIGURESDUTEMPSFIGURESDUTEMPS
WatchAround005FR.qxd 5.1.2011 16:10 Page 59