
congénères, pour éviter les désagréments ou obtenir
un plaisir à portée de main, le réseau cérébral impliqué
est commun à tous les mammifères et fait appel aux
circuits cérébraux mettant en jeu les zones corticales
de décodage sensoriel, le système neurovégétatif, cer-
tains noyaux amygdaliens, le striatum ventral et le sys-
tème d’exécution motrice. Ce système permet d’ap-
prendre que tel signal de l’environnement ou du corps
(un animal dangereux, une soif intense...) est à associer
avec tel comportement (évitement, boire). Néanmoins,
ce système ne permet pas de répondre à toutes les
situations motivantes pour deux raisons :
1) pour être efficace cet apprentissage conditionné
doit être solidement ancré et il ne peut donc pas être
rapidement renversé ou éteint. Il devient inopérant
dans les situations inédites ou dans lesquelles la ba-
lance « favorable/défavorable » d’un comportement
peut varier d’un moment à l’autre ;
2) le caractère rapide et impulsif des réponses
conditionnées ne permet pas de rompre le cycle
perception/action et par conséquent d’interposer
d’autres paramètres comportementaux entre le signal
et la réponse. Ce système est inadapté pour les situa-
tions qui nécessitent de peser et de maintenir ses choix
pour le long terme. Ainsi, chez l’homme, animal social
doté d’outils cognitifs sophistiqués, comme les fac-
teurs environnementaux ou endogènes poussant à agir
sont souvent éloignés de la satisfaction de besoins
immédiats et quelquefois apparaissent même en oppo-
sition avec ceux-ci (sacrifice, don de soi, comportement
désintéressé voir suicide), un réseau efficace de la mo-
tivation doit être capable à la fois d’influencer le com-
portement sur le long terme, en maintenant ou réacti-
vant les buts fixés sans céder aux signaux interférents,
et, à l’inverse, de permettre une adaptation rapide
quand le sujet perçoit que le comportement en cours
perd ses avantages.
Au total, il faut dissocier les comportements moti-
vés invariants, qui reposent sur des associations
« stimulus-récompense » (ou « stimulus-punition »)
stables car la prédiction de la réponse opérante atten-
due est hautement probable, des comportements moti-
vés flexibles, c’est-à-dire dans lesquels la réponse opé-
rante peut rapidement être modifiée pour répondre aux
situations inédites. Cette distinction est essentielle car
elle différencie, du point de vue neuroanatomique et
phylogénique, les réseaux cérébraux assurant la stabi-
lité comportementale de ceux permettant le plus haut
niveau de flexibilité adaptative. En effet, si l’homme
partage avec les autres espèces animales un réseau
cérébral d’organisation identique pour les comporte-
ments motivés invariants (cortex sensoriels, système
neurovégétatif, complexe amygdalien-striatum ventral,
système d’exécution motrice), le développement extra-
ordinaire du cortex préfrontal, y compris de sa région
orbitaire et médiane (CPFOM) - prolongement frontal
du système limbique - confère à l’homme (et, dans une
moindre mesure, aux autres primates) la capacité d’éla-
borer des comportements motivés valides nécessitant
une adaptation rapide aux contingences inédites de
l’environnement ou au contraire le maintien d’un com-
portement dans le long terme indépendamment de la
pression environnementale afin d’aboutir à un choix
internalisé.
Ainsi, chez l’homme (et les autres primates), l’ana-
tomie du réseau de la motivation est avant tout cristal-
lisée autour des structures cérébrales permettant d’in-
tégrer au comportement l’influence favorable ou
défavorable d’informations de nature affective (l’amyg-
dale, les régions ventrales des ganglions de la base, le
CPFOM). Parmi ces structures, certaines sont indispen-
sables pour la flexibilité adaptative (CPFOM), tandis
que d’autres sont nécessaires pour les réponses com-
portementales invariantes (noyaux amygdaliens). Ce
réseau est en interaction avec les structures cérébrales
exécutives, décisionnelles et de contrôle de l’action
volontaire (le cortex préfrontal dorsolatéral, les zones
dorsales des ganglions de la base, la région dorsale du
gyrus cingulaire antérieur) et les systèmes non spécifi-
ques de neuromodulation (en particulier, les systèmes
dopaminergiques nigro-striatal et méso-cortico-
limbique).
Les régions essentielles
du réseau de la motivation
Les noyaux amygdaliens
Ils s’inscrivent dans un réseau fonctionnel dit « lim-
bique », en connexion plus particulièrement avec le
CPFOM, la formation hippocampique, le striatum ven-
tral et des structures végétatives (hypothalamus,
noyaux autonomes du tronc cérébral) [1]. Chez
l’homme, les lésions amygdaliennes sont souvent as-
sociées à d’autres lésions touchant les structures adja-
centes. Ainsi, dans les encéphalites limbiques ou les
méningo-encéphalites herpétiques, il est possible de
mettre en évidence des troubles de l’affect, des émo-
tions, de la motivation et de la cognition sociale. Au
maximum, ces troubles peuvent constituer le syn-
drome de Kluver et Bucy [2] dans lequel il est possible
d’observer des modifications portant sur les comporte-
ments alimentaire (hyperoralité) et sexuel (hypersexua-
Motivation et réseau neural
Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 241-55 243