Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (5)
et première cause de décès de la femme par cancer (4).
De plus en plus, les tumeurs du sein à leur tour attirent
l’attention par leur fréquence, leur découverte tardive, les
d i fficultés liées à leur prise en charge et leur pronostic
souvent grave.
L’étude s’intéresse aux tumeurs du sein à l’Hôpital IGNACE
DEEN du CHU de Conakry et a pour objectif de :
- définir leur fréquence
- ressortir leurs aspects épidémiologiques, cliniques, his-
tologiques et pronostiques.
CADRE D’ÉTUDE
Ce travail a été réalisé dans les Services de chirurgie de
l’hôpital IGNACE DEEN du CHU de Conakry. D’une
manière générale l’équipement y est simple et insuff i s a n t
pour assurer correctement toutes les prestations exigées
d’un Hôpital de dernier recours.
MÉTHODE ET MATÉRIEL
L’étude est rétrospective sur quatre années. Elle prend en
compte tous les dossiers de tumeur du sein de la période
d’étude sans préjuger de l’âge, du sexe des malades, ni de
la nature histologique de la tumeur.
Le matériel de travail est constitué des registres de consul-
tations externes, des dossiers médicaux, des registres de
protocoles opératoires et des fiches de suivi.
RÉSULTATS
1 - Épidémiologie
Fréquence : Pour la période d’étude, nous avons enregistré
7193 hospitalisations, dont 87 cas de tumeurs du sein soit
1,20% avec la répartition suivante
LES TUMEURS DU SEIN : ÉPIDÉMIOLOGIE, CLINIQUE,
ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PRONOSTIC
M.S. DIALLO*, T.S. DIALLO**, S.B. DIALLO**, N.D. CAMARA**,
F.B. DIALLO*, A. DIENG*, Y. DIALLO, S.T. DIAW*
* Clinique Universitaire de Gynécologie Obstétrique Hôpital IGNACE
DEEN BP. 1478. ** Clinique Universitaire de chirurgie générale IGNACE DEEN -
Conakry.
INTRODUCTION
Peu de place est accordée aux cancers dans la politique
nationale de santé en Guinée. L’objectif de l’heure est la
réduction de la mortalité maternelle et infantile et l’amélio-
ration des conditions de vie du plus grand nombre de la
population, surtout en milieu rural, grâce aux soins de santé
primaires fondés sur l’utilisation des médicaments essen-
tiels. L’approche reste donc la même qu’avant les années
des indépendances où la priorité était accordée aux grandes
endémies et autres infections, première cause de mortalité.
Les cancers sont perçus comme une exclusivité des pays
nantis au même titre que les affections cardio-vasculaires.
De nos jours l’expérience du terrain appelle à une révision
de cette conception. De nombreuses études ont fait le point
pour le cancer du foie, premier cancer en Afrique Noire (9)
et pour le cancer du col de l’utérus premier cancer féminin
RÉSUMÉ
Dans une étude rétrospective, les auteurs décrivent la
place des tumeurs du sein dans les services de chirurgie
de l’hôpital Ignace - Deen.
Ils présentent les aspects épidémiologiques et insistent
sur les difficultés de prise en charge des formes mali-
gnes.
Mots-clés : Tumeur - Sein - Épidémiologie - Clinique -
Pronostic.
SUMMARY
In this study, the authors describe the breast tumors at
Ignace Deen hospital.
They show the epidemiological aspects of these tumors
and the difficulties of their management.
Key-words : Tumor - Breast - Epidemiology - Clinical
study - Pronostic
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (5)
- Tumeurs bénignes : 55 cas soit 63,22% des tumeurs du
sein et 0,76% des hospitalisations.
- Tumeurs malignes : 32 cas soit 36,78% des tumeurs du
sein et 0,44% des hospitalisations.
De même 661 dossiers de tumeur ont été retrouvés au
cours de l’étude, soit 7,19% des hospitalisations. Les
tumeurs du sein représentent 13,16% de ces tumeurs.
M.S. DIALLO, T.S. DIALLO, S.B. DIALLO, N.D. CAMARA,
F.B. DIALLO, A. DIENG, Y. DIALLO, S.T. DIAW
299
Tableau I : Étude des tumeurs du sein en fonction de l’âge des patients
Hospitalisation Nb de cas Incidence
Age T. Bénignes T. malignes T. Bénignes T. Malignes
10 ans 418 / / / /
11-20 ans 1233 15 / 1,21 /
21-30 ans 1858 16 2 0,86 0,10
31-40 ans 1302 9 6 0,69 0,41
41-50 ans 1026 10 5 0,97 0,48
51-60 ans 669 4 11 0,59 1,64
61-70 ans 427 1 7 0,23 1,63
71 et plus 197 / 1 / 0,50
Total 7193 55 32 0,76 0,44
Tableau II : Étude du sexe dans les dossiers
Sexe Hospitalisation Nb de cas Incidence
T. Bénignes T. Malignes T. Bénignes T. Malignes
Masculin 4248 5 2 0,12 0,05
Féminin 2945 50 30 7,69 1,02
Total 7193 55 32 0,76 0,44
Tableau III : Provenance des patients
Provenance Hospitalisation Nb de cas Incidence
T.Bénignes T.Malignes T.Bénignes T.Malignes
Zone Urbaine 4.248 5 2 0,12 0,05
Zone Rurale 2945 50 30 7,69 1,02
Total 7193 55 32 0,76 0,44
2 - Clinique
Tableau IV : Circonstances de découverte
Circonstances Nb de cas Pourcentage
Auto palpation 15 17,24
Examen systématique 27 31,03
Douleur 39 44,83
Infiltration 9 10,34
Association de signes 35 40,23
Tableau V : Évolution avant la découverte
Cette étude n’a été possible que pour 48 dossiers soit 55,17%
Évolution Nb Pourcentage
1 mois 3 6,25
2-5 mois 8 16,66
6-10 mois 12 25,05
11-15 mois 17 35,42
16-20 mois 6 12,50
> 20 mois 2 4,16
Total 48 100
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (5)
Tableau VI : Étude de la localisation
Sein Nb de cas Pourcentage
Gauche 49 56,32
Droit 38 43,68
Total 87 100
Tableau VII : Classification T.N.M.
Cette étude concerne 27 dossiers enregistrés soit 84,37%
des tumeurs malignes du sein.
Stade Nb de cas Pourcentage
Stade I 1 3,70
Stade II 7 25,92
Stade III 17 62,96
Stade IV 2 7,41
Total 27 100
3- Anatomie Pathologique :
Tableau VIII : Étude anatomo-pathologique
L’étude n’a été possible que pour 69 dossiers.
Types histologiques Nb de cas Pourcentage
Adéno-fibrome 37 53,62
Dystrophie 14 20,29
Adénocarcinome 17 24,64
Sarcome 1 1,45
Total 69 100
4- Pronostic :
Tableau IX : Interventions réalisées :
Seules 69 tumeurs ont été opérées soit 79%.
Interventions Nb de cas Pourcentage
Tumorectomie 48 69,56
Mastectomie simple 1 1,45
Pattey 20 28,99
Total 69 100
Tableau X : Suivi pour 8 dossiers
1 mois 1
2-10 mois 3
11-20 mois 1
21-30 mois 2
> 30 mois 1
COMMENTAIRES
Les tumeurs du sein sont fréquentes dans nos services.
Elles y présentent 1,20% des hospitalisations et 13,16%
des tumeurs de la période d’étude. Parmi elles 63,22% sont
bénignes contre 36,78% de formes malignes.
L’analyse des deux types de tumeur du sein par rapport aux
hospitalisations donne des fréquences de 0,76% pour les
tumeurs bénignes et 0,44% pour les formes malignes.
Ce taux de 0,44% est largement inférieur à ceux de la litté-
rature des pays industrialisés. Autrement dit le cancer du
sein serait dix-sept fois plus fréquent aux États-Unis que
dans notre série. Les facteurs de risque liés à la reproduc-
tion et au niveau socio-économique expliqueraient cette
situation. Dans une autre étude QUENUM et collabora-
teurs (9) ressortent que le cancer du sein représente 25,22%
des cancers de la femme dans la population blanche de
Californie, alors que ce taux est de 2,30% au Mozambique
et 9,7% en Ouganda selon Bonafos et Collaborateurs (3),
4,84% dans notre série contre 45,53% de cancer du col,
premier du cancer de la femme en Guinée.
Les tumeurs bénignes du sein sont l’apanage des adolescen-
tes de 11-20 ans et des femmes en période préméno-pausique
0,97% dans la série. Ces deux étapes de la vie sexuelle cor-
respondent aux états de dysovulation et de déséquilibres hor-
monaux qui expliqueraient cette consta-tation (4).
En prenant en compte le facteur “sexe” le travail montre
que la tumeur bénigne est quatorze fois plus fréquente chez
la femme que l’homme, tandis que cette proportion est de
un cas pour vingt pour le cancer du sein (Tableau IV).
Pour certains auteurs (6,7) la rareté des tumeurs du sein dans
le sexe masculin s’expliquerait par le caractère atrophique de
la glande, la finesse des canaux galactophores, l’absence
d’acini et l’abondance du tissu fibreux chez l’homme.
Les sujets vivant en milieu rural représentent 85,45% et
90,63% dans notre travail respectivement pour les tumeurs
bénignes et malignes. C’est aussi dans ce groupe que les
tumeurs du sein sont découvertes tardivement.
LES TUMEURS DU SEIN… 300
Médecine d'Afrique Noire : 1996, 43 (5)
301 M.S. DIALLO, T.S. DIALLO, S.B. DIALLO, N.D. CAMARA,
F.B. DIALLO, A. DIENG, Y. DIALLO, S.T. DIAW
Cela pourrait être en rapport avec son importance dans la
population générale, mais surtout avec l’insuffisance de
l’éducation pour la santé et les conditions socio-économi-
ques médiocres des populations en milieu rural (1, 2, 3, 4).
Dans 48,27% des cas la tumeur est découverte par l’auto
palpation ou par l’examen systématique (tableau n°IV).
Malheureusement ceci ne concerne que les tumeurs béni-
gnes dans la grande majorité des cas.
La douleur est le symptôme le plus fréquent à des degrés
variables et difficiles à apprécier (44,83%). Elle est souvent
associée à d’autres signes. Ce caractère de la douleur isolée
ou associée se retrouve aussi bien dans la littérature afri-
caine qu’européenne (1,4,7).
Les écoulements et infiltrations ont révélé dans tous les cas
un cancer du sein dans notre série. ANONGBA et Colla-
borateurs (1) insistent également sur le caractère varié des
circonstances de découverte des tumeurs du sein.
Dans 77,08% des cas l’évolution a été longue, entre dix et
plus de vingt mois. Il s’agit de patients vivant en milieu
rural, reçus après l’échec du traitement traditionnel. Cela
explique que dans 70,37% des cas, les cancers soient
découverts à des stades avancés (tableau VIII) dépassant
l a rgement les possibilités de prise en charge adéquate de
nos services. Ces difficultés de prise en charge sont décrites
pour de tels cancers dans la littérature même quand toutes
les conditions matérielles et techniques sont réunies (1,5).
C’est aussi la justification de l’éducation en faveur de l’au-
to-palpation et l’examen systématique des seins au cours de
toute consultation.
Dans 56,32% des cas la tumeur a interessé le sein gauche.
La prédominance du cancer au niveau d’un sein par rapport
à l’autre s’expliquerait par les habitudes d’allaitement (3).
Sur le plan histologique, l’adénofibrome est le plus fré-
quent dans l’étude (46,84%), suivi des adénocarcinomes
(31,64%) et les tumeurs dystrophiques (17,72%).
Parmi les tumeurs malignes, les adénocarcinomes sont les
plus fréquents, les sarcomes ne représentent que 1,45%.
Pour ANONGBA (1) les épithéliomas représentent 48%
des cancers du sein et se présentent sous deux formes :
- La forme in situ
- La forme infiltrante
76 tumeurs ont été opérées dans nos services.
La tumorectomie a été l’intervention la plus fréquente
69,56%. La chirurgie radicale type PATTEY représente
28,99% contre 1,45% de mastectomie simple.
Dans l’étude d’ANONGBA on retrouve 14 cas de mastec-
tomie avec curage axillaire (1).
Il n’y a pas eu de traitement adjuvant ni de chimiothérapie,
ni d’hormonothérapie, ni de radiothérapie. Par contre dans
la littérature une place importante est accordée à ces traite-
ments adjuvants (1, 5, 7, 8, 10).
Nous avons eu la possibilité de suivre huit (8) patients opé-
rés. Le suivi a varié de 25 jours à 36 mois ; ce mauvais
résultat est lié à la découverte tardive de ces tumeurs et à
l’insuffisance de nos possibilités pour leur prise en charge.
CONCLUSION
Les tumeurs du sein sont fréquentes. Elles intéressent tous
les âges de la puberté à la ménopause. Les formes bénignes
prédominent à l’adolescence et à la préménopause, tandis
que les cancers sont l’apanage des âges avancés.
Les circonstances de découverte sont variées et les formes
avancées sont les plus fréquentes, ce qui explique les diff i -
cultés d’une prise en charge adéquate et le mauvais pronostic.
Il importe donc que les cancers soient inclus dans les poli-
tiques nationales de santé ne serait-ce que dans le volet de
l’éducation pour la santé en vue d’un dépistage précoce.
BIBLIOGRAPHIE
1 - D.S. ANONGBA, M.E. BOKASSA, S. BABA, R. KODJO, N. KONE,
K.M. BOHOUSSOU. :
Cancers du sein Aspects thérapeutiques. Afr. Méd. 1993, 32 (304) 61-63.
2 - D.S. ANONGBA, M.U. MALEMOBHO, S. BONI, S. BANA, N.
KONE, M.E. BOKASSA, KODJOR, K.M. BOHOUSSOU. :
Calcification mammaires : Aspects Radiologiques et signification
pathologique. Afr. Méd. 1991, 30, (297), 245-249.
3 - M. BONAFOS, R. DE CANELIER. :
Cancers génitaux de la femme algérienne.
Rév. Afr. Noire 1971 ; 18 235-240.
4 - A. BREMOND.
Les cancers gynécologiques et mammaires.
Progrès en Gynécologie. 2 Juin 1982, 31-34.
5- J. CHANERGNE.
Traitement des cancers du sein inflammatoire.
Sem. Hôp. Paris 1982. 50-52.
6 - L. IOANMIDOU, MOUZAKAL, N.J. AGNANTIS, H. MAHERA,
N.X. PAPACHARACAMPOUS
J. Gynécol. Obstét. Biol. Reprod 1987, 16 (7) 851-860.
7 - F. LAFARGUE, TH. MAUDELONDE, P. BENOS. :
Thérapeutiques adjuvantes des cancers du sein . In Mise à jour en
Gynécologie-Obstétrique. Paris Diffusion Vigot 1990 pp 409-440.
9 - R. QUENUM, D. CAMAIN, R. BAYER.
Épidémiologie, Pathologie et Géographie du cancer.
Rev. Afr. Noire 1971, 8 (3), 166-185.
10 - J. WEBER, N. TOURNEMAINE, A.F. AUDOIN, L. DIAGABE, C.
CHABAY. :
Une forme clinique inhabituelle de carcinomes inflammatoires, à propos
de 5 observations.
J. Gynécol. Biol. Reprod. 1988 17, (5) 635-640.
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !