1.1. Les interdépendances structurelles, conséquence du processus d’intégration
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’ensemble des nations occidentales expriment la
volonté de rétablir l’efficacité économique grâce à la réalisation d’un grand marché, pour
permettre à l’Europe de jouer à nouveau un rôle dans les affaires mondiales.
À cette fin, les États européens acceptent l’aide américaine (le plan Marshall) et doivent en
contrepartie accepter de coordonner leur plan de reconstruction nationale, en signant un pacte
bilatéral avec les États-Unis. Les conditions associées à ce pacte impliquent d’équilibrer son
budget, de rétablir la stabilité financière intérieure, de stabiliser son taux de change à un niveau réaliste
et de mettre en oeuvre un programme visant à supprimer les quotas et autres obstacles entravant le
commerce2. Ces conditions semblent nécessaires pour éviter les événements ayant caractérisé les
années 30 : le retour à l’étalon-or, les dévaluations en chaîne et la perpétuation de la « flexibilité
impure »3. L’accord de Bretton Woods (juillet 1944), élaboré à partir du Plan White, s’engage à
démanteler tout obstacle aux échanges, établit la nécessité de parités monétaires fixes et
consacre en quelque sorte l’hégémonie américaine4.
R. Leonardi5 souligne par ailleurs que le seul moyen pour l’Europe de retrouver un rôle au sein
de l’économie mondiale est d’unir ses forces à travers un processus d’intégration politique et
économique, en remplacement du système d’États-nations prévalant jusque là.
Ce processus d’intégration s’illustre par la création d’un espace économique unifié où, par
définition, les échanges entre un nombre restreint de partenaires européens sont privilégiés par
rapport à ceux entretenus avec le reste de l’économie mondiale.
L’intégration dépasse donc les simples notions d’ouverture vers l’extérieur ou de libre échange,
qui envisagent le développement de relations de nature commerciale, économique ou financière
entre les pays ou la suppression de tout obstacle aux échanges, mais qui ne prennent pas en
compte la constitution d’un espace économique unifié.
2 B. Eichengreen et P. B. Kenen [1995a, p.21]
3 P. Guillaume et P. Delfaud [1992, p.201]
4 B. Eichengreen [1995b, p.5] cite la « théorie de la stabilité hégémonique » de C. Kindleberger [1986], qui associe la
réussite de taux de change fixes avec l’existence d’une position hégémonique économique internationale par une
puissance dominante. La stabilité des taux de change est considérée comme un bien public international, dont tous
les membres du système monétaire international tirent avantage. La chute de l’étalon-or entre les deux guerres
reflète à ce titre une hégémonie imparfaite, avec un système déstabilisé par l’absence d’une puissance économique
dominante supervisant son fonctionnement. À l’inverse, le fonctionnement plutôt fluide du système de Bretton
Woods pendant un quart de siècle est attribuable à l’influence bénéfique de l’hégémonie américaine.
5 R. Leonardi [1995, p.10]