Forum Med Suisse 2011 ;11(27):473–477 476
curriculum
De nombreux effets biologiques des glucocorticoïdes
sont finalement les résultats d’effets génomiques et non
génomiques. Un exemple important est l’effet sur la
mort cellulaire des granulocytes éosinophiles, consi
déré comme central dans leur efficacité dans l’asthme
[9]. Ce qui vaut également pour leur effets immunomo
dulateurs sur les lymphocytes [10].
Résistance aux glucocorticoïdes
Il est notamment bien connu que les patients BPCO réa
gissent mal aux glucocorticoïdes, comparativement aux
asthmatiques. A part cela, il y a des maladies inflamma
toires chroniques telles que l’arthrite rhumatoïde, la
maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse, dans lesquelles
les glucocorticoïdes ont un bon effet chez de nombreux
patients, mais pas tous. Plusieurs mécanismes de résis
tance aux glucocorticoïdes sont actuellement connus, et
dans la même maladie plusieurs mécanismes peuvent
intervenir [3]. Nous présentons cidessous à titre
d’exemple un grand mécanisme de la résistance aux
glucocorticoïdes dans la BPCO.
La désacétylation des histones est très nettement dimi
nuée chez les patients BPCO. Ce qui va de pair avec une
activité diminuée de l’HDAC, moins exprimée chez les
patients ayant une grave BPCO et dont l’activité est en
core inhibée sous l’effet du stress oxydatif (fig. 4 x) [2].
Ce qui peut bien expliquer le mauvais effet des gluco
corticoïdes dans la BPCO, car leurs effets antiinflam
matoires sont essentiellement dépendants du recrute
ment des HDAC. De la même manière l’activité des
HDAC peut être massivement réduite chez les fumeurs
asthmatiques (fig. 4), ce qui explique bien pourquoi ils
répondent nettement moins bien aux glucocorticoïdes
topiques ou systémiques.
Perspectives d’optimisation du traitement
par glucocorticoïdes ou modulateurs
non stéroïdiens des glucocorticoïdes
L’ utilisation clinique des glucocorticoïdes est limitée par
leurs effets indésirables dosedépendants. Pour ce qui
est de l’asthme, il est certain que le développement des
stéroïdes topiques a été un jalon, car ils ont surtout un
effet local et les doses de glucocorticoïdes systémiques
ont pu être nettement réduites. Chez l’adulte sous trai
tement systémique prolongé par glucocorticoïdes, les
effets indésirables métaboliques, avec obésité troncu
laire et déclenchement d’un diabète, sans oublier le
risque de manifestation ou d’aggravation d’une ostéo
porose, sont souvent au premier plan. Comme nous
l’avons déjà vu, un autre problème est celui de la résis
tance aux glucocorticoïdes.
Grâce aux progrès dans la connaissance des sites et
mécanismes d’action moléculaires des glucocorticoïdes,
nous pouvons avoir bon espoir de découvrir des ago
nistes sélectifs de leur récepteur ou de leur modulateur,
ayant un bon effet antiinflammatoire et moins d’effets
indésirables. Ces effets résultent souvent de la liaison
directe du RG activé comme homodimère à l’ADN, alors
que par contre l’interaction d’un RG (comme monomère)
avec des facteurs de transcription proinflammatoires
et leurs cofacteurs parvient bien à inhiber l’expression
de nombreuses protéines inflammatoires. Sont particu
lièrement prometteurs les résultats de nouvelles re
cherches avec les modulateurs du RG non stéroïdiens
tels que le Compound A (CpdA) [11]. Le CpdA est une
molécule relativement petite (fig. 5 x) extraite d’une
plante désertique namibienne. L’ effet sélectif ou disso
cié du CpdA peut entre autre s’expliquer par le fait que
le RG par lui activé ne peut pas donner d’homodimère
(fig. 5). Ce RG recrute en outre un autre set de cofac
teurs de transcription. Nous partons actuellement du
principe que de très petites modifications seulement de
la structure du ligand du RG ont une grande influence
sur le profil d’expression génique.
Une autre option futuriste est de vaincre la résistance
aux glucocorticoïdes ou d’en supprimer la cause. Chez
les asthmatiques par exemple, cela est possible par l’ar
rêt de la fumée. Ce qui s’explique par l’absence d’in
hibition des HDAC due à la fumée, ou par la désacé
tylation des histones des gènes proinflammatoires
fonctionnant de nouveau. Fait intéressant la théophyl
line, dont l’effet dans le traitement de l’asthme et de la
BPCO s’explique classiquement par un effet antiinflam
matoire et bronchodilatateur, notamment par inhibi
tion des phosphodiestérases, agit également par une
activation des HDAC. Cet effet de la théophylline a pu
être mis en évidence dans les macrophages alvéolaires
de patients BPCO, dans lesquels à concentrations théra
peutiques (10–5 à 10–6 molaires) la théophylline a multi
plié par 6 l’activité des HDAC. L’ effet de la théophylline
sur les HDAC résulte d’une inhibition de la phospho
Asthme BPCO
Asthme +fumée
NF-κB
NF-κB
U
RG
HDAC↑↑ HDAC↓
Stress oxydatif
Acétylation de
l’histone ↑↑
Acétylation de
l’histone ↓↓
Médiateurs de
l’inflammation ↑↑
Médiateurs de
l’inflammation
Stimulus
Macrophag
ealvéolaire
Figure 4
Modèle de la résistance aux glucocorticoïdes dans la BPCO.
La stimulation des macrophages alvéolaires active des facteurs de transcription
pro-inflammatoires tels que le facteur nucléaire kappa B (NF-κB), ce qui provoque
l’acétylation des histones et ensuite la transcription de gènes pro-inflammatoires.
Les glucocorticoïdes bloquent ce processus en se liant à leur récepteur (RG) et recrutant
l’histone-désacétylase (HDAC), ce qui inhibe l’acétylation induite par le NF-κB et
l’activation des gènes pro-inflammatoires. Chez les patients BPCO ou asthmatiques
fumeurs, l’activité de l’HDAC est nettement diminuée sous l’effet du stress oxydatif,
ce qui augmente l’activité du NF-κB et diminue la réponse aux glucocorticoïdes, c.-à-d.
qu’il en résulte une résistance aux glucocorticoïdes (modifié d’après [2]).