curriculum Comment agit la prednisone? Pourquoi pas toujours? Andreas W. Jehle Transplantationsimmunologie und Nephrologie, Universitätsspital Basel Quintessence P Les glucocorticoïdes tels que la prednisone jouent un rôle clé dans le traitement de nombreux patients souffrant de pathologies inflammatoires et/ou auto­immunes, mais uniquement à court ou moyen terme. Un trai­ tement prolongé par glucocorticoïdes systémiques est problématique en raison de leurs effets indésirables non négligeables. Un autre problème est l’échec du traitement, ou résistance aux glucocorticoïdes. P Les glucocorticoïdes sont des ligands du récepteur des glucocorti­ coïdes (RG), dont il existe plusieurs isoformes. Le RG comporte en outre des sous­unités fonctionnelles modifiées de différentes manières par des ligands naturels ou pharmacologiques. Ce qui explique pourquoi il y a un effet biologique différent en fonction du type de cellule et du ligand. P L’effet classique des glucocorticoïdes est génomique, c.­à­d. par régu­ lation de la transcription qui se fait au niveau moléculaire selon différents mécanismes. De nombreux effets indésirables métaboliques ne se mani­ festent que si le RG se lie directement à l’ADN en tant qu’homodimère. P De tout nouveaux modulateurs sélectifs du RG, qui n’en provoquent pas la dimérisation, ont un bon effet anti­inflammatoire sans graves ef­ fets indésirables métaboliques. Le potentiel de ces nouvelles substances est grand même si la preuve d’un bénéfice doit encore être fournie par des études cliniques. Introduction Andreas W. Jehle L’auteur n’a déclaré aucune obligation financière ni personnelle en rapport avec cet article. La prednisone est l’un des principaux représentants des glucocorticoïdes utilisés à visée thérapeutique. Elle agit surtout en se liant au récepteur des glucocorti­ coïdes (RG) dans le cytoplasme des cellules [1]. Le RG ainsi activé peut pénétrer dans le noyau et y réguler la transcription de gènes. Plusieurs autres effets non gé­ nomiques des glucocorticoïdes sont en outre connus qui ne passent pas par la régulation de la transcription. Le ligand naturel le plus important du RG est le cortisol, synthétisé par la corticosurrénale à partir du choles­ térol. L’effet biologique du cortisol est extrêmement poly­ valent. Les glucocorticoïdes sont utilisés en pratique courante surtout pour le traitement de nombreux pa­ tients souffrant de pathologies inflammatoires et/ou auto­immunes telles qu’asthme, arthrite rhumatoïde ou maladies inflammatoires intestinales chroniques, où ils sont très efficaces. D’autres maladies inflammatoires, comme la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), sont en majeure partie résistantes au glucocor­ ticoïdes [2, 3]. Une autre limitation est celle de leurs Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 466 ou sur Internet sous www.smf-cme.ch. très nombreux effets indésirables [4]. Comme leur nom l’indique, ils ont un effet marqué sur le métabolisme du glucose. L’un de leurs effets indésirables les plus fré­ quents est la manifestation d’un diabète. Après une brève introduction sur les bases molécu­ laires d’une inflammation chronique, cet article présen­ tera un aperçu des mécanismes d’action moléculaires des glucocorticoïdes dans les malades inflammatoires chroniques. Le but est d’en montrer quelques sites et mécanismes d’action généraux, de rafraîchir les connais­ sances de l’effet de cette importante classe de médi­ caments et de les compléter par quelques exemples. Un autre paragraphe expliquera le problème cliniquement significatif de la résistance aux glucocorticoïdes à l’exemple de la BPCO. Et enfin, une perspective sur de tout nouveaux modulateurs sélectifs du RG et leur fort potentiel d’améliorer le profil des effets et effets indési­ rables des glucocorticoïdes. Mécanismes moléculaires d’une inflammation chronique Les pathologies inflammatoires chroniques comme l’asthme, l’arthrite rhumatoïde, les maladies inflamma­ toires intestinales chroniques ou la BPCO sont toutes caractérisées par une infiltration et une activation de plusieurs cellules inflammatoires, qui expriment toute une gamme de protéines inflammatoires et en sécrètent certaines. Le spectre va des cytokines pro­inflamma­ toires avec leurs récepteurs à l’expression de protéases contribuant à une inflammation exagérée par la disso­ lution de protéines allant jusqu’à la destruction tissu­ laire, en passant par des molécules d’adhésion, impor­ tantes pour l’infiltration et le homing des cellules inflammatoires [5]. L’expression plus marquée de ces protéines inflammatoires est réglée au niveau de la transcription par des facteurs de transcription pro­in­ flammatoires. L’un de ces plus importants facteurs est le facteur nucléaire kappa B (NF­kB), activé par exemple dans les voies respiratoires des asthmatiques, mais aussi dans les articulations des patients souffrant d’arthrite rhumatoïde. L’organisation de la chromatine joue un rôle central dans la régulation de l’expression de gènes pro­inflammatoires [6]. Les stimuli activant la transcription de ces gènes modifient la structure de la chromatine, processus pouvant être inversé par les glu­ cocorticoïdes. Pour mieux comprendre ce processus et l’effet des glucocorticoïdes, le paragraphe ci­dessous est consacré à la structure de la chromatine. Forum Med Suisse 2011;11(27):473–477 473 curriculum NF-κB ARN Histone HAT ADN AC Acétylation deAC l’histone AC AC AC AC AC AC AC AC AC AC Figure 1 Régulation de la transcription par acétylation des histones. La chromatine est composée d’ADN et d‘histones. Des cofacteurs de transcription interagissent avec des facteurs de transcription tels que le facteur nucléaire kappa B (NF-κB), qui active l’histone-acétyltransférase (HAT). L’acétylation des histones qui en résulte ouvre la structure de la chromatine, ce qui fait que l’ARN-polymérase peut se lier à l’ADN et ensuite initialiser la transcription (modifié d’après [2]). Régulation de l’expression génique par la structure de la chromatine La chromatine est faite d’ADN et d’histones (fig. 1 x). Les histones sont des protéines formant la colonne ver­ tébrale des chromosomes. Nous savons depuis long­ temps qu’elles jouent un rôle critique dans la régulation de l’expression des gènes. Dans une cellule au repos, l’ADN est très étroitement enroulé autour des histones et l’ARN­polymérase, qui décode l’information génique et produit l’ARN messager (ARNm), est exclue. La transcription ne se fait que si la structure de la chroma­ tine est ouverte de manière à ce que l’ARN­polymérase puisse se lier à l’ADN. Pour ce remodeling de la chro­ matine, les histones sont modifiées enzymatiquement, notamment par acétylation (fig. 1). Pour la transcrip­ tion des gènes pro­inflammatoires, il est nécessaire que des facteurs de transcription pro­inflammatoires tels que le NF­kB interagissent avec des coactivateurs capables d’acétyler les segments géniques concernés, c.­à­d. qui fonctionnent comme des histone­acétyl­ transférases (HAT). Cette transformation est réversible et catalysée par des histone­acétyldésacétylases (HDAC). Dans l’asthme par exemple, l’expression des HAT est augmentée et celle des HDAC diminuée, de même que leur activité, ce qui favorise la transcription des gènes pro­inflammatoires. Mode d’action moléculaire des glucocorticoïdes Le récepteur des glucocorticoïdes (RG) joue un rôle cen­ tral dans leur effet. Il n’y a qu’un seul gène pour le RG humain. La transcription de ce gène, tout comme la production d’ARNm, sont cependant variables, raison pour laquelle il y a plusieurs isoformes de RG [1]. Le RG peut en outre être modifié par accrochage ou largage de groupes phosphates (phosphorylation, déphosphoryla­ tion). Malgré que nous n’ayons qu’un seul gène pour le RG, il y a de très nombreux produits géniques diffé­ rents. Ce qui explique d’une part la grande diversité des effets biologiques du cortisol et de l’autre la chance que des effets sélectifs puissent être obtenus par interaction pharmacologique avec une isoforme particulière du RG. Le RG se compose de trois différents domaines ou modules (fig. 2 x), dont l’un se lie au cortisol ou à un ligand pharmacologique. Un deuxième module peut se lier à l’ADN. Et le troisième finalement peut interagir avec d’autres facteurs de transcription et/ou leurs co­ facteurs. Les mieux connus sont les effets anti­inflammatoires des glucocorticoïdes après leur liaison au RG dans le cy­ toplasme de la cellule (fig. 3 x). Cette liaison active le récepteur et des protéines accessoires, ou chaperons, s’en détachent. Le RG activé pénètre ensuite dans le noyau de la cellule. C’est là qu’il déploie son effet bio­ logique par régulation de l’expression génique. Cette dernière peut prendre deux formes. Tout d’abord, deux RG comme homodimères peuvent se lier directement à l’ADN, à un dit glucocorticoid-responsive element (GRE) (fig. 3). L’expression des gènes peut ainsi être ac­ tivée directement ou dans certains cas aussi être in­ hibée. L’important est que de nombreux effets indési­ rables des glucocorticoïdes résultent de ce premier mécanisme. Le nombre de gènes régulés par l’interac­ tion directe avec un GRE est relativement petit, et il faut pour cela des concentrations élevées de glucocorti­ coïdes. Fait intéressant, de nombreux gènes activés dans l’asthme n’ont pas de GRE, malgré qu’ils soient fortement inhibés par les glucocorticoïdes [2]. Dans quelle mesure la régulation directe de la transcription selon le mécanisme présenté est importante pour l’ac­ tivité anti­inflammatoire des glucocorticoïdes, la ré­ ponse à cette question n’est pas assurée. Un autre argument en faveur du fait que ce mécanisme a éventuellement une importance secondaire provient d’un modèle animal. Chez la souris ayant un RG muté, qui ne peut plus se lier directement à l’ADN, les gluco­ corticoïdes ont encore un effet anti­inflammatoire très puissant [7]. Ce qui signifie qu’une bonne partie de leur effet anti­inflammatoire au niveau de la transcription se Forum Med Suisse 2011;11(27):473–477 474 curriculum U Récepteur des glucocorticoïdes (RG) A RG Ligand Liaison du ligand Liaison d’ADN Liaison à des cofacteurs ADN GRE B ballview.org ADN Figure 2 Structure modulaire du récepteur des glucocorticoïdes. A Le récepteur des glucocorticoïdes (RG) est composé de trois modules fonctionnels, un pour la liaison du ligand, un pour la liaison à l’ADN au niveau d‘un glucocorticoid-responsive element (GRE) et un troisième pour la liaison aux facteurs de transcription et à leurs cofacteurs. B Modèle détaillé de l’interaction entre les domaines de liaison de l’ADN et l’ADN (image obtenue avec le logiciel de ballview.org [13]). fait selon un autre mécanisme. Le RG interagit avec d’autres facteurs de transcription que le NF­kB par exemple, ce qui fait que la transcription de très nom­ breux gènes pro­inflammatoires est inhibée. Dans cet effet indirect des glucocorticoïdes par l’activité d’autres facteurs de transcription, c’est notamment l’acétylation des histones qui est diminuée, ce qui fait que la trans­ cription est interrompue. En détail, cela se produit par la liaison du RG à des cofacteurs de transcription et par inhibition de leur activité HAT (fig. 3) [2]. Alternative­ ment, l’acétylation des histones peut être diminuée et des histone­désacétylases (HDAC) sont recrutées par le RG activé (fig. 3). Nul ne sait encore pourquoi les gluco­ corticoïdes peuvent interrompre sélectivement la trans­ cription de gènes pro­inflammatoires selon ce méca­ nisme. Il est possible que le RG activé se lie en particulier à des cofacteurs de transcription interagissant avec des facteurs de transcription pro­inflammatoires [2]. En plus des effets génomiques des glucocorticoïdes par la régulation de la transcription, ces derniers peuvent également agir sur la stabilité de l’ARNm ou exercer leur effet par interactions directes avec les lipides membra­ naires (modification de la fluidité membranaire), des protéines membranaires (par ex. canaux ioniques) ou cytoplasmiques [8]. Certains de ces effets sont directe­ ment ceux des glucocorticoïdes, d’autres par contre ceux du RG activé interagissant avec des protéines cytoplas­ miques, canaux ioniques ou récepteurs de la membrane cellulaire. Un effet non génomique peut être très rapide après action sur les canaux ioniques et la transmission de signaux intracellulaires (effet sur les­dits second messenger). Les effets génomiques par contre prennent du temps (5–15 minutes ou même plusieurs heures) en pas­ sant par la régulation de la transcription. Glucocorticoïdes U Membrane Chaperons RG U RG Noyau 2 1 Homodimère UU Transcription RG ARNm RG GRE U RG NF-κB ADN HAT - HDAC Désacétylation STOP Figure 3 Mode d’action moléculaire du récepteur des glucocorticoïdes par la régulation de la transcription. Les glucocorticoïdes traversent la membrane cellulaire et se lient à leur récepteur (RG) dans le cytoplasme, ensuite de quoi des protéines accessoires (chaperons) se détachent du récepteur. Comme homodimère, le RG se lie à l’ADN nucléaire au niveau du glucocorticoidresponsive element (GRE), qui régule la transcription de gènes. Alternativement, le RG peut se lier comme monomère à des facteurs de transcription ou à leurs cofacteurs. Dans ce second mécanisme, le RG inhibe typiquement l’histone-acétylase (HAT) et recrute une histonedésacétylase (HDAC), ce qui inhibe la transcription. Forum Med Suisse 2011;11(27):473–477 475 curriculum BPCO Asthme Stimulus Macrophag e alvéolaire NF-κB Acétylation de l’histone ↓↓ Asthme + fumée U Stress oxydatif RG HDAC↑↑ NF-κB HDAC↓ Acétylation de l’histone ↑↑ Médiateurs de l’inflammation Médiateurs de l’inflammation ↑↑ Figure 4 Modèle de la résistance aux glucocorticoïdes dans la BPCO. La stimulation des macrophages alvéolaires active des facteurs de transcription pro-inflammatoires tels que le facteur nucléaire kappa B (NF-κB), ce qui provoque l’acétylation des histones et ensuite la transcription de gènes pro-inflammatoires. Les glucocorticoïdes bloquent ce processus en se liant à leur récepteur (RG) et recrutant l’histone-désacétylase (HDAC), ce qui inhibe l’acétylation induite par le NF-κB et l’activation des gènes pro-inflammatoires. Chez les patients BPCO ou asthmatiques fumeurs, l’activité de l’HDAC est nettement diminuée sous l’effet du stress oxydatif, ce qui augmente l’activité du NF-κB et diminue la réponse aux glucocorticoïdes, c.-à-d. qu’il en résulte une résistance aux glucocorticoïdes (modifié d’après [2]). De nombreux effets biologiques des glucocorticoïdes sont finalement les résultats d’effets génomiques et non génomiques. Un exemple important est l’effet sur la mort cellulaire des granulocytes éosinophiles, consi­ déré comme central dans leur efficacité dans l’asthme [9]. Ce qui vaut également pour leur effets immunomo­ dulateurs sur les lymphocytes [10]. Résistance aux glucocorticoïdes Il est notamment bien connu que les patients BPCO réa­ gissent mal aux glucocorticoïdes, comparativement aux asthmatiques. A part cela, il y a des maladies inflamma­ toires chroniques telles que l’arthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse, dans lesquelles les glucocorticoïdes ont un bon effet chez de nombreux patients, mais pas tous. Plusieurs mécanismes de résis­ tance aux glucocorticoïdes sont actuellement connus, et dans la même maladie plusieurs mécanismes peuvent intervenir [3]. Nous présentons ci­dessous à titre d’exemple un grand mécanisme de la résistance aux glucocorticoïdes dans la BPCO. La désacétylation des histones est très nettement dimi­ nuée chez les patients BPCO. Ce qui va de pair avec une activité diminuée de l’HDAC, moins exprimée chez les patients ayant une grave BPCO et dont l’activité est en­ core inhibée sous l’effet du stress oxydatif (fig. 4 x) [2]. Ce qui peut bien expliquer le mauvais effet des gluco­ corticoïdes dans la BPCO, car leurs effets anti­inflam­ matoires sont essentiellement dépendants du recrute­ ment des HDAC. De la même manière l’activité des HDAC peut être massivement réduite chez les fumeurs asthmatiques (fig. 4), ce qui explique bien pourquoi ils répondent nettement moins bien aux glucocorticoïdes topiques ou systémiques. Perspectives d’optimisation du traitement par glucocorticoïdes ou modulateurs non stéroïdiens des glucocorticoïdes L’utilisation clinique des glucocorticoïdes est limitée par leurs effets indésirables dose­dépendants. Pour ce qui est de l’asthme, il est certain que le développement des stéroïdes topiques a été un jalon, car ils ont surtout un effet local et les doses de glucocorticoïdes systémiques ont pu être nettement réduites. Chez l’adulte sous trai­ tement systémique prolongé par glucocorticoïdes, les effets indésirables métaboliques, avec obésité troncu­ laire et déclenchement d’un diabète, sans oublier le risque de manifestation ou d’aggravation d’une ostéo­ porose, sont souvent au premier plan. Comme nous l’avons déjà vu, un autre problème est celui de la résis­ tance aux glucocorticoïdes. Grâce aux progrès dans la connaissance des sites et mécanismes d’action moléculaires des glucocorticoïdes, nous pouvons avoir bon espoir de découvrir des ago­ nistes sélectifs de leur récepteur ou de leur modulateur, ayant un bon effet anti­inflammatoire et moins d’effets indésirables. Ces effets résultent souvent de la liaison directe du RG activé comme homodimère à l’ADN, alors que par contre l’interaction d’un RG (comme monomère) avec des facteurs de transcription pro­inflammatoires et leurs cofacteurs parvient bien à inhiber l’expression de nombreuses protéines inflammatoires. Sont particu­ lièrement prometteurs les résultats de nouvelles re­ cherches avec les modulateurs du RG non stéroïdiens tels que le Compound A (CpdA) [11]. Le CpdA est une molécule relativement petite (fig. 5 x) extraite d’une plante désertique namibienne. L’effet sélectif ou disso­ cié du CpdA peut entre autre s’expliquer par le fait que le RG par lui activé ne peut pas donner d’homodimère (fig. 5). Ce RG recrute en outre un autre set de cofac­ teurs de transcription. Nous partons actuellement du principe que de très petites modifications seulement de la structure du ligand du RG ont une grande influence sur le profil d’expression génique. Une autre option futuriste est de vaincre la résistance aux glucocorticoïdes ou d’en supprimer la cause. Chez les asthmatiques par exemple, cela est possible par l’ar­ rêt de la fumée. Ce qui s’explique par l’absence d’in­ hibition des HDAC due à la fumée, ou par la désacé­ tylation des histones des gènes pro­inflammatoires fonctionnant de nouveau. Fait intéressant la théophyl­ line, dont l’effet dans le traitement de l’asthme et de la BPCO s’explique classiquement par un effet anti­inflam­ matoire et bronchodilatateur, notamment par inhibi­ tion des phosphodiestérases, agit également par une activation des HDAC. Cet effet de la théophylline a pu être mis en évidence dans les macrophages alvéolaires de patients BPCO, dans lesquels à concentrations théra­ peutiques (10–5 à 10–6 molaires) la théophylline a multi­ plié par 6 l’activité des HDAC. L’effet de la théophylline sur les HDAC résulte d’une inhibition de la phospho­ Forum Med Suisse 2011;11(27):473–477 476 curriculum A Agoniste stéroïdien du RG Prednisone B Modulateur non stéroïdien du RG CpdA Cl O CH3C O CH3 CH CH2 NH2Cl Effet (plus) sélectif Membrane cellulaire RG RG Membrane cellulaire RG Noyeau Noyeau Act iva tion tion iva Act RG Transcription RG RG RG RG RG RG ADN ADN Pas de dimérisation 3 Pas de liaison au GRE Figure 5 Régulation différenciée de la transcription par modulateurs sélectifs du récepteur des glucocorticoïdes. A Les ligands classiques du récepteur des glucocorticoïdes (RG) tels que la prednisone régulent la transcription selon deux mécanismes différents. D’une part, la prednisone provoque une homodimérisation du RG avec liaison consécutive de l’homodimère à un glucocorticoidresponsive element (GRE). Le RG lié à la prednisone peut d’autre part interagir avec d’autres facteurs de transcription ou leurs cofacteurs. Alors que le premier mécanisme est responsable de nombreux effets indésirables métaboliques des glucocorticoïdes, le second inhibe des facteurs de transcription pro-inflammatoires tels que le facteur nucléaire kappa B (NF-κB) par inhibition de l’histone-acétylase (HAT) et recrutement de l’histone-désacétylase (HDAC). B De tout nouveaux modulateurs du récepteur des glucocorticoïdes, dont certains non stéroïdiens tels que le Compound A (CpdA), empêchent toute homodimérisation du RG et agissent notamment par inhibition de l’HAT et recrutement de l’HDAC, ce qui explique le meilleur profil d’effets/effets indésirables du CpdA. inositolkinase 3 delta (PI3Kd) [3, 12]. Pour cette raison, les inhibiteurs sélectifs de la PI3Kd sont potentiellement de nouveaux médicaments permettant de vaincre la résistance aux glucocorticoïdes. En résumé, les toutes dernières connaissances sur les mécanismes d’action moléculaires des glucocorticoïdes non seulement sont très intéressantes mais ouvrent dif­ férentes options d’améliorer encore le traitement de pathologies inflammatoires et éventuellement autres maladies par modulation de leur effet et interaction (plus) sélective avec le RG. Nous n’en sommes proba­ blement qu’au début d’une histoire à succès dont la fin influencera sans doute le traitement de beaucoup de nos patients. Remerciements L’auteur remercie les collègues ci­dessous de leur lecture attentive du manuscrit, de leurs suggestions et discussions: Madame la Prof. B. C. Biedermann (cabinet médical à 8345 Adetswil), Madame Dr C. Rosamilia (médecin­assistante, Medizinische Universitätsklinik, Kantonsspital Bruderholz) et Monsieur le Prof. S. Krähenbühl (Médecin­chef, Abteilung Klinische Pharmakologie & Toxikologie, Universitätsspital Basel). Correspondance: Dr Andreas W. Jehle Transplantationsimmunologie und Nephrologie Universitätsspital Basel CH-4031 Basel [email protected] Références recommandées – Rhen T, Cidlowski JA. Antiinflammatory action of glucocorticoids – new mechanisms for old drugs. N Engl J Med. 2005;353(16):1711–23. – Barnes PJ. How corticosteroids control inflammation: Quintiles Prize Lecture 2005. Br J Pharmacol. 2006;148(3):245–54. – Reichardt HM, et al. Repression of inflammatory responses in the absence of DNA binding by the glucocorticoid receptor. Embo J. 2001;20(24):7168–73. – Druilhe A, Letuve S, Pretolani M. Glucocorticoid­induced apoptosis in human eosinophils: mechanisms of action. Apoptosis. 2003;8(5): 481–95. – De Bosscher K, Haegeman G, Elewaut D. Targeting inflammation using selective glucocorticoid receptor modulators. Curr Opin Pharma­ col. 2010;10(4):497–504. Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch. Forum Med Suisse 2011;11(27):473–477 477 Wie wirkt Prednison? Warum nicht immer? / Comment agit la prednisone? Pourquoi pas toujours? Literatur (Online-Version) / Références (online version) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Rhen T, Cidlowski JA. Antiinflammatory action of glucocorticoids – new mechanisms for old drugs. N Engl J Med. 2005;353(16):1711–23. Barnes PJ. How corticosteroids control inflammation: Quintiles Prize Lecture 2005. Br J Pharmacol. 2006;148(3):245–54. Barnes PJ, Adcock IM. Glucocorticoid resistance in inflammatory diseases. Lancet. 2009;373(9678):1905–17. Moghadam-Kia S, Werth VP. Prevention and treatment of systemic glucocorticoid side effects. Int J Dermatol. 49(3):239–48. Barnes PJ. Mediators of chronic obstructive pulmonary disease. Pharmacol Rev. 2004;56(4):515–48. Sanchez-Pernaute O, et al. Epigenetic clues to rheumatoid arthritis. J Autoimmun. 2008;30(1– 2):12–20. Reichardt HM, et al. Repression of inflammatory responses in the absence of DNA binding by the glucocorticoid receptor. Embo J. 2001;20(24):7168–73. Haller J, Mikics E, Makara GB. The effects of non-genomic glucocorticoid mechanisms on bodily functions and the central neural system. A critical evaluation of findings. Front Neuroendocrinol. 2008;29(2):273–91. Druilhe A, Letuve S, Pretolani M. Glucocorticoid-induced apoptosis in human eosinophils: mechanisms of action. Apoptosis. 2003;8(5):481–95. Lowenberg M, et al. Glucocorticoid signaling: a nongenomic mechanism for T-cell immunosuppression. Trends Mol Med. 2007;13(4):158–63. De Bosscher K, Haegeman G, Elewaut D. Targeting inflammation using selective glucocorticoid receptor modulators. Curr Opin Pharmacol. 10(4):497–504. To Y, et al. Targeting phosphoinositide-3-kinase-delta with theophylline reverses corticosteroid insensitivity in chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med. 182(7):897–904. Moll A, et al. BALLView: a tool for research and education in molecular modeling. Bioinformatics. 2006;22(3):365–6.