le lien entre pauvreté et aide à la jeunesse : une recherche qui

V
LE LIEN ENTRE PAUVRETÉ
ET AIDE À LA
JEUNESSE: UNE
RECHERCHE QUI APPELLE
AU DIALOGUE
Aideàlajeunesse
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V LE LIEN ENTRE PAUVRETÉ ET AIDE À LA
JEUNESSE: UNE RECHERCHE QUI
APPELLE AU DIALOGUE
Introduction .................................................................................................................................................................................................................................. 191
1. Genèsedelarecherche ..................................................................................................................................................................................... 191
2. Méthode .................................................................................................................................................................................................................................... 192
3. Principauxrésultats ................................................................................................................................................................................................ 193
3.1. Existence d’unlienentrepauvrete´ etrisque de mesurede l’aide a` la jeunesse 194
3.2. Pourcentagee´leve´ deplacements parmi lespremie`resmesures 194
3.3. Agee´leve´ desenfants concerne´spar unepremie`remesure 194
4. Interprétationdes résultats ....................................................................................................................................................................... 195
4.1. Interventionnismeaccru ou aideaccrue aupre`sdes famillespauvres ? 195
4.2. Quidavant l’intervention del’aide a` la jeunesse? 196
4.3. Quellemotivation pour de´ciderd’unemesure et enparticulier d’un placement? 196
4.4. Influence ducontexte socie´talsur lelien entre pauvrete´ etaide a` la jeunesse ? 196
4.5. Roˆledel’aide a` la jeunessepar rapport a` la luttecontre la pauvrete´ ? 197
5. Recommandations .................................................................................................................................................................................................... 198
5.1. Menerun large de´batausein et au-dela` del’aide a` la jeunesse 198
5.2. De´velopperlesbanques de donne´es 198
5.3. Investirdans la connaissancequalitative 198
Membresde laCommission d’accompagnementde larecherche ................................................... 200
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190
Introduction
Tre`s souvent, au cours d’e´changes avec des acteurs de terrain, il apparaıˆt que des donne´es perti-
nentes manquent pour pouvoir aborder l’une ou l’autre the´matique relative a` la pauvrete´ en toute
connaissancede cause. Autrement dit,desrecherches s’ave`rent parfois ne´cessairespourpoursuivre
unde´batdemanie`reoptimale.C’estlecasenmatie`red’aidea` lajeunesse.Laquestiondesavoirs’ily
adesplacementspourraisondepauvrete´ revientdemanie`rere´currente.Seulesdesre´ponsesempi-
riques y e´taient jusqu’ici apporte´es: les uns, parmi lesquels les familles concerne´es, n’ont aucun
doutesurl’existenced’untelliendecausalite´,lesautressontplusdubitatifs.Objectiverl’existenceou
l’inexistenced’unerelationentrepauvrete´ etaidea` lajeunesseestunepremie`ree´tapene´cessairecar
lesperceptions diffe´rentes,lespre´suppose´s divergentsrendentdifficile lene´cessaire dialogueentre
acteurs du secteur et familles qui vivent dans la pauvrete´. Le Service a introduit une demande de
recherche en ce sens aupre`s du SPF Politique scientifique qui, dans le cadre de son programme
Agora
1
, offre la possibilite´ de travailler sur des banques de donne´es. Cette recherche a de´bute´en
octobre2006 et s’est termine´e fin 2009.Nous pouvonsdonc enrendre compte dansce chapitre.
Nouspre´sentonsicilesgrandeslignesdelade´marcheetdesre´sultats;nousinvitonsleslecteursqui
voudraientensavoirdavantagea` prendre connaissance du rapport final dans son inte´gralite´
2
.Nous
nous sommes bien entendu base´s sur ce rapport pour re´diger ce texte mais aussi sur les re´flexions
e´change´eslorsdescommissionsd’accompagnement,duse´minaireorganise´ le27novembre2008et
desconcertationsavec des acteursdeterrain,en particulier du groupeAgoraenCommunaute´ fran-
c¸aise
3
. Tout en pre´sentant la recherche de manie`re rigoureuse, nous ne nous attardons pas sur les
questions de me´thodologie, largement de´veloppe´es dans le rapport final. C’est avant tout la ques-
tionde la recherche qui nous inte´resse ici, lelien entre pauvrete´ et aide a` la jeunesse.
1. Genèsedelarecherche
La question du lien entre pauvrete´ et intervention de l’aide et de la protection de la jeunesse, en
particulier le placement des enfants, a e´te´ pose´e de manie`re radicale dans le Rapport Ge´ne´ral sur la
Pauvrete´.
“(…)toutindique(…)quelesenfantsissusdefamillespauvressontplusfacilement(“plussyste´matique-
ment”) place´s que d’autres et qu’on rend difficile tout particulie`rement leur retour dans la famille… La
1ProgrammeAgora/VoletI : Soutien aux donne´es administratives fe´de´rales.
Les autorite´sfe´de´rales peuvent introduire des projets visant le de´veloppement, l’exploitation, la cre´ation de donne´es, aupre`s de la Poli-
tiquescientifiquefe´de´rale.
Cre´er, exploiter, de´velopper... des donne´esne´cessite bien souvent la conjonction d’un travail de nature scientifique (me´thodologie...) et
d’untravaild’ope´rationnalisation (ICT...).Lesoutien delaPolitique scientifiquefe´de´rale visepre´cise´ment levoletscientifique duprojet,via
lefinancement d’une e´quipe de recherche. Lestaˆches d’ope´rationnalisation, de suivi, d’actualisation... doiventrester le fait de l’institution
quiesta` l’origine du projet.
Ene´changedusoutienscientifiquedelaPolitiquescientifiquefe´de´rale,ilestdemande´a` l‘institutionpubliquedeveillera` cequelesdonne´es
ge´ne´re´espar leprojetpuisse eˆtremisesa` dispositiondu grandpublicen ge´ne´ral(via parexempledesinformations secondairessurun site
Internet...)etdes chercheurs en particulier sous la forme la plusapproprie´e.
Delasorte,lesprojetsAgoracontribuenta` doterlesautorite´sfe´de´ralesdenouvelles/meilleuresdonne´esre´pondanta` leursbesoinspropres,
maise´galementa` mettrea` dispositiondeschercheursdupaysdesdonne´esquipermettentdefonderdesnouvellesrecherches.Deplus,les
donne´esainsi renduespubliques sonttre`s utilespour larecherchesocioe´conomiqueque laPolitiquescientifique fe´de´rale souhaitee´gale-
mentencourager.De plus, des e´tudes d’impact des politiques publiques sont rendues possibles.
2Lerapportsera disponible fin 2009. Un article paraıˆtraaussi bientoˆt(mai2010) dans la Revue belge de se´curite´ sociale.
3Groupe Agora: groupe de dialogue permanent entre des familles qui vivent dans la grande pauvrete´ et des professionnels de l’aide a`la
jeunesseenCommunaute´ franc¸aiseetce,encollaborationavecleServicedeluttecontrelapauvrete´.Cespartenairescroisentleursregards
surletexte et la pratique du de´cret de l’aide a` la jeunesse.
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question-cle´ est la suivante : l’Etat, la socie´te´ ont-ils le droit de faire sortir des enfants de leur environne-
mentnaturelpourlaseuleraisonqueleurfamillevitdanslapauvrete´?
4
Ce chapitre consacre´ au droit a` la protection de la vie familiale a suscite´ de tre`s nombreuses re´ac-
tions. Les responsables politiques y ont rapidement re´pondu puisqu’en novembre 1995 de´ja`, la
Confe´renceinterministe´riellepourl’inte´grationsocialeademande´ auxCommunaute´sd’e´tudierleur
de´cretrelatif a` l’aide a` lajeunesse“dansl’optiqued’e´viterlesplacementspour raison de pauvrete´etde
pre´serverlarelationparents-enfants”.
C’estdansce contexte qu’un dialogue, toujours en cours, entre des associationsdans lesquelles des
personnespauvresserassemblent,desdirecteurs,conseillersetde´le´gue´sainsiquedesmembresde
la Direction ge´ne´rale de l’aide a` la jeunesse et le Service de lutte contre la pauvrete´ade´bute´en
Communaute´ franc¸aise.Maislesre´actionsdusecteurde l’aide a` la jeunesse et de la protection de la
jeunesse,tre`snombreuses, ne furent pas toujours aussi positives : certains professionnels mettaient
endoute ce lien d’autant plus qu’ile´tait exprime´ en termes de causalite´.
Cettequestionvittoujours.PreuveenestqueleServiceae´te´ sollicite´ parl’Observatoiredel’enfance
etdel’aidea` lajeunessedelaCommunaute´ franc¸aisepourl’examiner.L’ide´ee´taitd’e´tudierlespossi-
bilite´sd’objectiverl’existenced’unlienentrepauvrete´ etrisqued’interventiondel’aidea` lajeunesse.
Larecherche, finance´e par le SPF Politiquescientifique (programmeAgora), ae´te´ confie´ea` l’Univer-
site´ deGand et a` l’UCL.
2. Méthode
LeprogrammeAgoraoffrelapossibilite´ detravaillersurdesbanquesdedonne´es,decroiserlesinfor-
mations qui y sont contenues. En liant la banque de donne´es Datawarehouse marche´ du travail et
protection sociale aux banques de donne´es des administrations de l’aide a` la jeunesse, l’e´quipe de
recherche a pu e´tudier la relation statistiquement significative entre des caracte´ristiques socioe´co-
nomiquesetunepremie`repriseenchargedanslecadredel’aidea` lajeunesseoudelaprotectionde
la jeunesse. Cette me´thode est d’autant plus pertinente qu’elle rend possible un suivi longitudinal
(lesmeˆmespersonnessont suivies dans la dure´e), une perspective qualifie´e detre`s inte´ressante par
denombreuxacteursdeterrain.Cetypederecherchepermeteneffetd’aidera`re´pondrea` uneques-
tion centrale pour lutter contre la pauvrete´ : quand et de quelle manie`re les personnes obtiennent-
ellesde re´elles perspectives d’avenir ?
A cet e´gard, la Banque Carrefour de la se´curite´ sociale, plus particulie`rement le Datawarehouse
marche´ dutravailoffrebeaucoupdepossibilite´s :ilrassembledesinformationse´manantdediverses
institutions de se´curite´ sociale, et plus re´cemment des CPAS aussi, sur la quasi-totalite´ de la popula-
tion belge et donne donc un vaste aperc¸u de la situation des me´nages (type de famille, statut sur le
marche´ du travail).Maisle Datawarehouseases limites, lie´esa` cellesdes bases dedonne´esadminis-
tratives:il ne contient, par exemple, aucunedonne´e relative a` la sante´ et au logement, deux indica-
teurs reconnus pertinents en matie`re de pauvrete´. Pour tenter de pallier cet inconve´nient et
d’inte´grer le caracte`re multidimensionnel de la pauvrete´, l’e´quipe de recherche a recoupe´ les
donne´es provenant des banques de donne´es des administrations de l’aide a` la jeunesse avec les
4ATDQuart Monde,Union desVilles etCommunes sectionCPAS, FondationRoi Baudouin(1994). RapportGe´ne´ralsurla Pauvrete´,Bruxelles,
p.41.
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donne´es de l’Atlas des quartiers en difficulte´
5
, qui montrent la concentration territoriale des indica-
teurs de pauvrete´ (niveau de formation, e´tat de sante´, logement, emploi). Il faut cependant pre´ciser
que cet Atlas ne couvre pas l’entie`rete´ du territoire belge mais seulement 17 re´gions urbaines
6
de
Belgique,soit 56 % de la population.
Quantaux banques dedonne´esdes administrationsdel’aidea` la jeunesse,ellesse caracte´risent par
le fait qu’elles ne sont pas axe´es sur la recherche mais surtout sur des finalite´s administratives et
financie`res.Lesinformationssontdonclimite´es;lecontextedel’interventionnotammentn’apparaıˆt
pas du tout. Pour essayer d’en tenir compte malgre´ tout, cinq tables rondes ont e´te´ organise´es qui
ont permis de confronter les re´sultats obtenus aux expe´riences de professionnels de l’aide a`la
jeunesseet a` cellesde personnes qui vivent dans la pauvrete´ et qui sont en relationavec les acteurs
de l’aide a` la jeunesse. Les participants y ont mis en lumie`re la fragilite´ de certaines donne´es admi-
nistrativescomprisesdans les bases de donne´es. La personne inscrite comme ‘chef deme´nage’, par
exemple, n’est pas force´ment celle qui l’est en re´alite´. Il est e´galement clairement ressorti de ces
tablesrondesquelesdeuxtypesd’acteurs-professionnelsd’unepartetme´nagesconcerne´sd’autre
part - portent souvent un regard diffe´rent sur les interventions de l’aide a` la jeunesse. L’interaction
aveclesacteursdeterrains’ave`reindispensablepourlirelesre´sultatsstatistiquesobtenusa` partirdu
croisementde donne´es administratives, si on veutque ceux-cisoient enprise avec lare´alite´.
EnCommunaute´ franc¸aiseeten Communaute´ germanophone, lefait que lesdossiers n’indiquaient
pasdenume´roderegistredepopulationasuscite´ quelquesdifficulte´s,puisquecetteinformationest
indispensable pour croiser les donne´es avec celle du Datawarehouse. En Communaute´ germano-
phone,celaaeupourconse´quencequelecroisementn’apusefairedanslesde´laisimpartis.Maisles
donne´esde laCommunaute´ germanophone pourronteˆtreinte´gre´es danslesuivi longitudinal envi-
sage´.EnFlandre,lesbanquesdedonne´escomportaientde´ja` lenume´roderegistrenational
7
.Notons
quela Communaute´ franc¸aiserevoit actuellement son syste`me d’enregistrement des donne´es
8
.
Sansentrerdanslesexplicationstechniquesdeschoixme´thodologiques,ilestcependantimportant
de pre´ciser que les enfants pris en conside´ration pour cette recherche sont ceux qui ont e´te´
confronte´sa` une premie`re mesure de l’aide a` la jeunesse a` un moment donne´, en l’occurrence en
2005,anne´elaplusre´centepourlaquellelesdonne´ese´taientdisponiblesdansleDatawarehouse.Ce
choixse justifie dans l’optique de rendrepossible ulte´rieurement une e´tude longitudinale.
3. Principauxrésultats
Sans pouvoir pre´sumer de liens de cause a` effet, l’analyse des re´sultats obtenus montre l’existence
d’une relation statistiquement significative entre certaines caracte´ristiques socioe´conomiques du
me´nageetlerisque d’eˆtreconfronte´a` unemesure del’aidea` la jeunesse.Autrementdit, lesfamilles
pauvres sont plus susceptibles d’eˆtre confronte´esa` une mesure d’aide a` la jeunesse que d’autres
familles. La recherche indique aussi un taux e´leve´ de placements parmi les premie`res mesures et
l’aˆgerelativement e´leve´ desenfants concerne´s.
5Vandermotten,Christian, Kesteloot, Christianet Bertrand Ippersiel(2006). Atlasdes quartiers endifficulte´,ULB, KULeuven,ICEDD.
6Anvers,Malines, Gand,Sint-Niklaas, Bruges,Ostende, Hasselt-Genk,Courtrai,Lie`ge, Verviers,Charleroi, Mons,La Louvie`re,Namur, Tournai,
Bruxelles,Leuven.
7Lere´centsyste`med’enregistrementDominon’apueˆtreutilise´ danslecadredecetterecherchemaispourral’eˆtrepourlesuivilongitudinal.
8A signaler aussi, une publication parue en avril 2008 : Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide a` la jeunesse (2008). Nouvelles
statistiquesdel’aide a` la jeunesse.Analyse desdonne´es issuesde labase dedonne´esSigmajed2002-2006,Bruxelles. Cettee´tude neprend pas
encompteles donne´es socioe´conomiques qui ne figurent pas dans Sigmajed.
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