Courrier de l'environnement de l'INRA n°39, février 2000
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repères dans le paysage agricole français
Le coût de la gestion courante
des principaux milieux naturels ouverts
par Sébastien Colas et Martial bert
respectivement
Espaces naturels de France
6, rue Jeanne d'Arc, 45000 Orléans
enfsco @ infonie.fr
et
Société centrale d'aménagement foncier rural
3, rue de Turin, 75008 Paris.
Les milieux naturels occupent une place de plus
en plus grande dans les politiques nationale et
européenne de l'Environnement. La gestion écologique
de grands espaces préservés dans le cadre de la mise en
œuvre de la directive Habitats, la dimension
environnementale de l'agriculture révélée par les contrats
territoriaux d'exploitation, la nouvelle loi d'orientation
de l'aménagement du territoire sont autant de nouvelles
impulsions tournées vers l'aménagement durable et la
protection de la nature. De telles approches nécessitent
l'utilisation de références technico-économiques fiables
et utilisables par tous afin de définir les volants financiers
nécessaires à leur mise en œuvre : combien coûte le
débroussaillage d'un coteau calcaire abandonné depuis
de nombreuses années, quel budget pvoir pour
l'entretien de prairies alluviales, etc. ?
Jusqu'à ce jour, très peu de documents
apportent cette aide aux gestionnaires d'espaces naturels
(collectivités, associations...) et aux administrations pour
déterminer de manière prospective ces coûts que ce soit
pour des opérations précises ou pour des évaluations
globales.
C'est pourquoi Espaces naturels de France, avec
l'appui technique de la Société centrale d'aménagement
foncier rural, bureau d'étude rattaché à la Fédération
nationale des SAFER, travaille depuis 3 ans sur la mise
au point de référentiels sur le coût de l'entretien des
milieux ouverts dans le cadre d'un programme LIFE
Environnement, (voir encadré ci-dessous).
Méthode générale de travail
Deux niveaux de coût de gestion peuvent être
définis : le coût apparent ou sensu stricto correspond au
coût de l'opération de terrain : il s'agit, par exemple, du
coût de l'intervention d'une entreprise. A ce ct, doit
être ajoutée une partie des charges non opérationnelles du
gestionnaire : salaire du personnel administratif, charges
de structure.. .On définit alors le coût réel de l'oration.
L'évaluation de ces charges est très dure à mettre en
œuvre, étant donné la diversi des intervenants
(syndicats, communes, associations, état...). On peut
cependant l'estimer entre 10 et 25% du coût sensu
stricto.
L'étude a porté sur l'évaluation du coût sensu
stricto de la gestion courante. Deux grands axes de
travail ont été définis suivant que le travail de gestion est
réalisé dans le cadre d'une exploitation agricole ou non.
Lorsque le travail est réalisé par un agriculteur,
le coût de gestion écologique est un coût marginal. Il est
égal au manque à gagner ou au surcoût dû à l'adaptation
du système de production aux contraintes écologiques
des parcelles concernées. Six types de cahiers des
charges ont été analysés. Ils correspondent aux
principaux volets développés dans le cadre des
opérations locales agri-environnementales :
- retard de fauche : il permet dviter les
interventions durant les périodes sensibles du cycle de
reproduction des espèces animales et végétales (période
de floraison, de ponte...) ;
Partenaires financiers :
Union européenne via LIFE Environnement
Minisre de l'aménagement du territoire et de
l'Environnement (DATAR)
Ministère de l'Agriculture
Fédération nationale des SAFER
Partenaires techniques :
serves naturelles de France
Parcs naturels régionaux
Conservatoire du littoral et rivages de France
Assemblée des présidents de conseils généraux
Association des maires de France
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Courrier de l'environnement de l'INRA n°39, février 2000
- fauche des refus : elle limite le développement
d'espèces végétales envahissantes délaissées par les
troupeaux ;
- pâturage interdit - fauche obligatoire : cette
contrainte est intéressante pour les sites sensibles au
turage (piétinement, espèces patrimoniales
appétentes...)
- maintien des surfaces en herbe ;
- fertilisation interdite : beaucoup d'espèces
végétales de grand intérêt disparaissent à mesure que le
sol est enrichi en éléments minéraux ;
- diminution du chargement animal : une
pression de pâturage trop élevée provoque un
appauvrissement, une banalisation de la flore par
piétinement et abroutissement excessifs.
Chaque cahier des charges a été analysé et des
modalités de calcul des cts ont été définies.
L'ensemble desférences bibliographiques existantes
ont été utilisées pour définir des coûts moyens :
- étude du CEMAGREF et cahiers des charges
des opérations locales ;
- barèmes d'entraide (évaluation des cts
horaires d'utilisation des matériels) ;
- rérences des chambres d'agriculture (calcul
d'un prix de référence pour les fourrages) ;
- tables HMRA (valeurs fourragères) ;
- statistiques du ministère de l'Agriculture et de
la Pêche(rendement des différentes cultures et itinéraires
techniques moyens)
* Dobremez et al., 1997 : Contribution à l'évaluation des mesures
agri-environnementales : analyse des conditions d'élaboration et de
suivi des opérations locales agri-environnementales ; expertise
technico-économique des surcoûts subis par les exploitations à
partir de l'analyse du cahier des charges. Rapport final.
CEMAGREF.
Lorsque le travail
est réalisé dans un contexte
non agricole (entreprise,
gie d'une association...), le
coût de gestion sensu stricto
correspond au coût global de
l'opération réalisée sur le
terrain. Il se décline alors de
la manière suivante : coût =
coût horaire x temps de
travail.
Pour modéliser ces
deux paramètres
fondamentaux (temps et coût
horaire), le travail a été
réalisé suivant le scma
indiqué ci-contre (fig. 1) :
Les facteurs
pouvant influencer
directement les coûts de
gestion ont été répertoriés et
synthétisés sur des fiches de
recueil de données :
- type d'opération ;
- type d'écosystème ;
- conditions de terrain : pente,
portance... ;
- matériel utilisé, etc.
En parallèle, un
importantseau de gestionnaires a été mis en place afin
de collecter ces informations (Conservatoires d'espaces
naturels, réserves naturelles, conseils généraux, parcs
naturels régionaux et Conservatoire du littoral). Ainsi,
233 opérations de gestion, totalisant environ 25 000
heures de travail, ont été colleces sous forme de fiches
standardisées.
Ces données ont alimenté des modèles
d'analyses statistiques :
- analyses de variance pour déterminer des
référentiels de temps de travaux ;
- calcul de moyennes pour les coûts horaires
matériels et humains.
L'analyse a porté sur quatre grands types de
milieux ouverts : les pelouses, les landes océaniques, les
prairies inondables et les tourbières et marais, en
considérant 4 types de travaux : la fauche, le pâturage, le
débroussaillage et le bûcheronnage.
Intervention des agriculteurs :
un coût marginal généralement assez faible
Exemple de cahier des charges :
maintien des surfaces en herbe
Tous les cahiers des charges ne peuvent pas être
traités en détail dans cet article. Seul le maintien des
surfaces en herbe au détriment du maïs ensilage est
abordé.
Afin de déterminer le manque à gagner d'un
exploitant à qui on propose de préserver une prairie
permanente au détriment de cultures plus intensives, il
est toutcessaire d'évaluer les résultats économiques
moyens des prairies et du maïs. Dans le tableau I (ci-
aps), est uniquement psentée la comparaison finale.
Courrier de l'environnement de l'INRA n°39, février 2000 65
Tableau I. Résultats économiques des productions d'herbe et de maïs-ensilage
Rendement (t de MS/ha)(1)
Prix de fourrage (F/t de MS) (2)
Produit brut (F/ha)
Charges proportionnelles (F/ha) (3)
Marge brute (F/ha)
Coût d'implantation (F/ha) (3)
Charges de mécanisation (F/ha) (3)
Résultat pour la première année
d'implantation (F/ha)
Résultat les années suivantes (F/ha)
Maïs-ensilage
11,2
439
4920
1250
3
670
.540
1210
1920
2
460
Prairie
Production d'herbe
5
401
2
010
2 010
-
500
1510
1510
Prairie
Production de foin
5
372
1860
-
1860
-
600
1260
1260
Manque à
gagner
herbe -> maïs
410
950
1 = 6,56 F
1
F = 0,15
(1) Le rendement moyen est déterminé à partir des références du SCEES (Service central des études et enquêtes statistiques du
ministère de l'Agriculture).
(2) Le prix des fourrages a été calculé à partir du travail réalisé par la chambre d'Agriculture d'Ille-et-Vilaine sur l'évaluation du prix du
maïs ensilage. On détermine un prix constant pour une unité fourragère. Les correspondances entre fourrages indiquées par les tables INRA
permettent donc la détermination d'un prix pour l'herbe, le foin et l'ensilage d'herbe ou de maïs.
(3) Les charges de mécanisation sont déterminées à partir des barèmes d'entraide.
Des calculs intermédiaires ont été fait afin de calculer par
exemple le prix d'implantation de la culture
(retournement de la prairie et travail du sol).
Tableau récapitulatif
(tab. H, ci-aps)
Les 6 cahiers des charges ont été analysés de la
même manière afin d'apporter aux gestionnaires des
références générales et des méthodes de calcul
permettant d'approcher au plus près les coûts de gestion
en fonction du contexte local.
Dans la majeure partie des adaptations, le coût
induit est assez faible et est souvent inrieur à
1 000 F/ha (152 )avec une moyenne située entre 200 et
800 F/ha (30 et 122 ). Comme nous le verrons dans le
paragraphe suivant, le maintien des agriculteurs est très
intéressant à promouvoir d'autant plus, bien sûr, que cela
permet le maintien d'un tissu économique rural fort en
considérant l'ensemble des filières concernées en aval
comme en amont.
P
roduit br
u
t
(
F/ha
)
4
920
M
ar
g
e brute
(
F
/
ha
)
3
670
M
an
q
ue
à
gagner
r
-> m
Résultat
p
our la
p
remière anné
e
d'implantation
(
F
/
ha
)
Résultat les années suivantes
(
F
/
ha
)
1920
2
460
1510
1510
1260
1260
4
10
9
50
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Tableau II. Évaluation du surcoût ou manque à gagner pour un agriculteur en fonction des différents cahiers des charges
Fauche tardive
Maintien des
surface en herbe
Pas de fertilisation
sur prairies
Diminution du
chargement animal
Pas de pâturage initial -
Fauche avec évacuation
Retard de fauche et maintien
du nombre de coupes
Réduction du nombre de
coupes
Maintien de STH à la place
de prairies temporaires
Maintien de STH à la place
de maïs fourrage
Maintien de STH à la place
de cultures de ventes
Arrêt de la fertilisation
Réorganisation du plan de
pâturage
Retrait partiel des animaux
excédentaires
Retrait complet des animaux
excédentaires
Coût de la fauche = temps de travail x coût horaire+ Coût
d'évacuation
= temps de travail x coût horaire - Gain de fourrage
= rendement x prix du fourrage
Coût de baisse de qualité du foin remplacé par du blé
Coût de baisse de quantité de foin = rendement x prix du
fourrage
Marge brute de la prairie temporaire - Marge brute de la
prairie naturelle - Coût d'implantation de la temporaire
Marge brute du maïs fourrage - Marge brute de la prairie
naturelle - Coût d'implantation du maïs fourrage
Marge brute des cultures de ventes - Marge brute de la
prairie naturelle - Coût d'implantation des cultures de ventes
Coût baisse de quantité de foin = baisse rendement x prix
du fourrage- gain sur le poste engrais - gain sur le poste
mécanisation
Temps de travail supplémentaire
Coût alimentaire/UGB/jour x Baisse de chargement x
Nombre de jours de retrait
Perte de marge brute par UGB retiré
550-1 400 F/ha
300-1 000 F/ha
530-630 F/ha
450-550 F/ha
400-700 F/ha la
1ère
année
d'implantation
950-1 200 F/ha
les années
suivantes
0450 F/ha les
années après la
1ère
année
d'implantation
260 F/ha
70-120 F/ha par
rotation
supplémentaire
4 à 7 F/UGB/jour
2 000 à 3 000
F/UGB/an
1 = 6.56 F
1
F = 0.15
Tableau III. Temps des travaux pour les opérations de gestion des pelouses sèches (en h/ha)
Opération de gestion
Débroussaillage
Fauche
ND : non détermine
Type de matériel
manuel
semi-motorisé
agricole
spécialisé
manuel
semi-motorisé
agricole
Conditions
de terrain
Pente nulle
a moyenne
Pente forte
à très forte
Pente nulle à
moyenne
Pente forte
à très forte
Type de sous-tâches
Coupe
1
34,0
55,0
28,0
5,5
8,0
29,0
47,0
6,0
5,0
2
12,0
16,5
22,0
5,5
7,5
14,0
19,5
2,0
4,0
Conditionnement
1
31,5
31,5
ND
ND
ND
27,5
27,5
ND
7,5
2
0,0
0,0
ND
ND
ND
0,0
0,0
ND
6,5
évacuation
1
16,0
16,0
ND
32,5
ND
29,5
29,5
ND
8,5
2
0,0
0,0
ND
2,0
ND
0,0
0,0
ND
4,0
1 : temps homme ; 2 : temps machine.
Courrier de l'environnement de l'INRA n°39, février 2000
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Coût de gestion hors contexte agricole :
un coût fortement dépendant des travaux
entrepris et des conditions de terrain
Opérations mécanisées
Les analyses de variance ont permis
l'élaboration de moles d'estimation des temps de
travaux en fonction du milieu, des matériels utilisés et
des conditions de terrain. Dans le tableau IH (ci-dessus),
sont présens l'ensemble des résultats pour la fauche et
d'après le recueil et par barème d'entraide), les coûts
peuvent varier de 1 000 F/ha (152 ) dans les meilleures
conditions à plus de 14 000 F/ha (2 134 ) pour les
opérations les plus longues (fauche manuelle de
tourbières peu portantes par exemple). On peut situer une
moyenne de coût d'intervention entre 3 000 et 5 000 F/ha
(460 et 760 ).
En consirant les coûts moyens observés lors
du recueil d'expériences, on constate que les travaux
manuels sont généralement moins chers du fait d'un coût
horaire humain peu élevé (bénévoles, Contrats Emploi
Solidarité).
Comme les travaux ne sont pas
réalisés annuellement, il est cessaire en
fonction de leur durée de rotation
d'annualiser leur coûts définis
précédemment.
On obtient un coût annualisé de
gestion compris généralement entre 1 000
et 2 000 F (152 et 305 ) par hectare. Ce
coût est un peu plus élevé pour les prairies
inondables ayant une forte dynamique
végétale et devant ainsi être plus souvent
fauchées.
Lorsque la gestion courante est
bien établie sur un site, elle peut se réduire
uniquement aux opérations de fauche ou
de débroussaillage (pour les landes par
exemple).
Le coût de gestion revient alors
au coût annualisé de fauche soit environ
600-700 F/ha/an (100 ).
Pâturage
le débroussaillage des pelouses sèches (temps de travaux
en h/ha).
Pour les zones humides (tourbières, marais et
prairies inondables), l'analyse a mis en évidence
l'influence de la portance sur les temps de travaux pour
l'ensemble des opérations de gestion.
Le type de milieu et les conditions de terrain ont
une forte influence sur le temps de travail comme
l'indique le graphique de la figure 2 (ci-dessus). Pour une
même opération de fauche manuelle avec exportation, les
temps varient du simple au double suivant
les conditions de réalisation ou le milieu
concerné.
Il en est de même avec les travaux
mécanisés. Ainsi, une fauche de marais avec
un matériel à pneus basse pression peut
prendre de 2 à 6,5 heures par hectare suivant
les conditions de portance.
(Voir encadré Validité des résultats en fin
d'article)
24 expériences de gestion par pâturage ont été
recueillies (étant entendu qu'il s'agit d'expérience de
gestion écologique de milieux naturels avec des animaux
rustiques). On constate une forte variabilité des cts de
pâturage due à des contextes et des modes de
surveillance fort variés. Pour les animaux conduits en
enclos fixe, en prenant un coût horaire humain au SMIC
et en tenant compte des différentes charges
intermédiaires (soins, apport de fourrage...), le coût
moyen est de l'ordre de 1 000 F/ha (152 ). Le produit
Cette forte variabilité des temps de
travaux se répercute sur les coûts de gestion
d'autant plus que suivant le matériel utilisé
et le type d'intervenant, les coûts horaires
sont aussi très variables.
En standardisant les coûts horaires
d'intervention (salaire des techniciens fixés
à 69 F/h (10,5 ) et coût matériel fixé
Figure 3. Coût comparé de différents travaux de gestion
En grisé : tourbières ; en noir : pelouses.
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