Réflexion RÉÉVALUATION DES ACTIFS DANS LES COMPTES INDIVIDUELS ET CONSOLIDÉS : FOCUS SUR QUELQUES DIFFICULTÉS TECHNIQUES Eric TORT Diplômé d’expertise comptable, docteur HDR en sciences de gestion, DAF Groupe Pierre Martinet D ans un contexte difficile, les entreprises peuvent avoir intérêt à pratiquer la réévaluation des actifs tant dans leurs comptes sociaux que dans leurs comptes consolidés. Au niveau individuel, la réévaluation libre du PCG (optionnelle) permet en effet : 22 • d’une part, de renforcer les fonds propres d’une société dont, par exemple, la situation nette aurait été affectée par des pertes accumulées au cours des dernières années (cf. tableau 1) ; • d’autre part, d’éviter une fiscalisation effective de la plus-value dégagée en utilisant les déficits fiscaux reportables liés à des pertes antérieures tout en conservant la possibilité de les “récupérer” au cours des exercices futurs par le biais des suppléments d’amortissement déductibles. Au niveau du groupe, la question du maintien ou pas de cette réévaluation peut, en outre, se poser avec des traitements différents suivant le référentiel utilisé, IFRS ou CRC 99-02. Au niveau des comptes individuels, les opérations de réévaluation libre (PCG art. 350-1) ont un impact négatif sur l’EBIT, le résultat net et la rentabilité financière mesurée par le ROE (return on equity (1)). Il en va différemment dans les comptes consolidés en IFRS du modèle de réévaluation d’IAS 16 dans la mesure où les agrégats du résultat consolidé ne sont pas affectés du fait de la compensation des sur-amortissements par la reprise en résultat à due concurrence de l’écart de réévaluation. En tout état de cause, dans les comptes individuels comme consolidés, ces opérations améliorent sensiblement le ratio d’autonomie financière (gearing) sans détériorer la capacité de remboursement mesurée par le ratio dettes financières nettes / CAF ou EBITDA. A cet égard, elles sont de nature à mettre une PME en situation plus favorable pour recourir à des financements bancaires en étant plus en phase avec les exigences des établissements financiers en matière, notamment, de covenants financiers. Dans cet article, nous mettons l’accent sur quelques difficultés et particularités techniques posées par ces opérations de réévaluation pour une société française consolidant ses comptes en règles françaises ou internationales. 1. ROE = résultat net comptable / capitaux propres. Résumé de l’article Dans le prolongement de l’article de B. Poulard paru dans le numéro 411 de juin 2008 de la Revue française de comptabilité, nous nous intéressons ici aux difficultés techniques des opérations de réévaluation des actifs dans les comptes individuels et consolidés. Tableau 1 : impact des réévaluations d’actif sur la présentation des états financiers Incidence d’une réévaluation des actifs Augmentation des fonds propres Suppléments d’amortissement R.F.C. 414 Octobre 2008 Comptes individuels (PCG art. 350-1) et consolidés (CRC 99-02 § 302) Comptes consolidés (IFRS) - modèle de réévaluation d’IAS 16 Amélioration du gearing (dettes financières nettes / situation nette) Possibilité d’incorporation en capital social de l’écart de réévaluation en cas, par exemple, de perte de la moitié du capital Diminution progressive de l’écart de réévaluation inscrit en capitaux propres du fait sa reprise au rythme des suppléments d’amortissement Dégradation de l’EBIT et du résultat net mais absence d’impact sur l’EBITDA Pas d’impact sur les agrégats du compte de résultat consolidé du fait de la reprise de l’écart de réévaluation en fonction des suramortissements pratiqués Comptabilité 1. RAPPEL DES PRINCIPALES DIFFÉRENCES DE TRAITEMENT ENTRE COMPTES INDIVIDUELS ET CONSOLIDÉS Le tableau 2 reprend les principales divergences entre les règles françaises et internationales, étant précisé que, dans les deux référentiels, la réévaluation libre (PCG) et le modèle de la réévaluation des actifs (IAS 16) sont totalement optionnels puisque relevant d’une décision de gestion de l’entreprise. En règles françaises comme internationales, les amortissements futurs sont calculés à partir des nouvelles valeurs issues de la réévaluation des actifs amortissables avec application du plan initial sauf modification significative et justifiée des conditions d’utilisation mais avec les quelques divergences normatives existant, par ailleurs, en matière d’amortissement (6). Pour une société soumise au double référentiel, les divergences principales décrites dans le tableau 2 sont susceptibles de sensiblement complexifier le passage des comptes individuels français aux comptes consolidés en IFRS en présence de réévaluations (§ 3). En revanche, une société appliquant le règlement CRC 99-02 au niveau de ses comptes consolidés aura la faculté, 2. Voir aussi B. Poulard (2008), p. 38. 3. Dans le cadre du règlement CRC 99-02 (§ 302) dans les conditions fixées par l’art. L 123-18 du code de commerce. 4. Cf. IAS 38 pour les immobilisations incorporelles. 5. Il est distribuable uniquement dans des cas spécifiques visés par l’art. 350-1 al 4 du PCG se traduisant par un transfert dans un compte de réserves distribuables. 6. Exemple : révision annuelle obligatoire de la valeur résiduelle en IFRS, date de début d’amortissement pouvant diverger en cas de différé dans la mise en service effective, réexamen annuel obligatoire des plans d’amortissement en IFRS, appréciation différenciée du caractère significatif pour l’application de l’approche par composant, etc. (cf. E. Tort, 2007). Abstract Following up on the article by B. Poulard published in Revue Française de Comptabilité number 411, June 2008, the present article concerns the technical difficulties involved when reassessing assets in individual and consolidated financial statements. Tableau 2 : principales différences de traitement des réévaluations d’actifs entre les règles françaises et internationales (2) Items Réévaluation libre prévue par le PCG (art. 350-1) Modèle de la réévaluation des actifs corporels d’IAS 16 (§ 30-40) Comptes concernés en France Comptes individuels et consolidés en règles françaises Actifs concernés Immobilisations corporelles et financières à l’exclusion des immobilisations incorporelles, des stocks et des VMP Immobilisations corporelles à l’exception des immeubles de placement (IAS 40) (4) Champ d’application Réévaluation globale de l’ensemble des immobilisations corporelles et financières sans exceptions Réévaluation catégorielle d’immobilisations corporelles (et non pour un actif isolé). Exemples de catégorie selon IAS 16 : terrain, terrains et constructions, machines, navires, avions, véhicules à moteur, mobilier & agencements et matériel de bureau Fréquence de réévaluation Ponctuelle Réévaluation avec une régularité suffisante Méthode de réévaluation Valeur actuelle correspondant à la valeur d’utilité par référence au régime de réévaluation légale, à savoir « le prix qu’accepterait de décaisser un tiers pour acquérir le bien compte tenu de son usage propre » (cf. Delesalle, 2002) Juste valeur selon une évaluation à dire d’expert ou une estimation de celle-ci (approche par le résultat ou coût de remplacement amorti) en l’absence de marché actif Comptabilisation de l’écart de réévaluation En capitaux propres net d’IS avec possibilité d’incorporation ultérieure au capital (5) En capitaux propres en tenant compte des impôts différés et avec reprise ultérieure en résultat au rythme des sur-amortissements pratiqués pour les actifs amortissables Présentation de la réévaluation à l’actif du bilan Réévaluation de la valeur brute sans modification des amortissements antérieurs à l’exception des amortissements dérogatoires repris obligatoirement en résultat Soit par un ajustement simultané et proportionnel des valeurs brutes et des amortissements cumulés, soit par l’inscription du montant réévalué en remplacement des anciennes valeurs Perte de valeur ultérieure Constatation en résultat sous forme de provision ou d’amortissement exceptionnel Diminution à due-concurrence de l’écart de réévaluation et au-delà en charges (3) 23 Comptes consolidés établis en IFRS R.F.C. 414 Octobre 2008 Réflexion dans certains cas, de gérer ce passage de manière plus homogène (§ 2). En tout état de cause, certaines problématiques fiscales sont à prendre en considération par les sociétés françaises réalisant une réévaluation libre (§ 4). 24 ■ Pour les autres entités, une réévaluation sera nécessaire dans les comptes consolidés, conformément aux prescriptions précitées du § 302 du CRC 99-02. 2. CAS DES SOCIÉTÉS NON COTÉES APPLIQUANT LES RÈGLES FRANÇAISES EN CONSOLIDATION 3. CAS DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES UTILISANT LE RÉFÉRENTIEL IFRS POUR L’ÉTABLISSEMENT DE LEURS COMPTES CONSOLIDÉS Les sociétés non cotées n’ayant pas opté pour les IFRS dans leurs comptes consolidés ont le choix en consolidation d’annuler les réévaluations individuelles ou de les généraliser à l’ensemble des entités du groupe. Ainsi, selon le § 302 du CRC 99-02, si une entreprise consolidée a procédé à une réévaluation libre dans ses comptes individuels (7), il y a lieu, soit de l’éliminer dans les comptes consolidés, soit de pratiquer la réévaluation pour l’ensemble du groupe dans les conditions fixées par l’art. L 123-18 du code de commerce et selon des méthodes uniformes. En dehors des cas particuliers concernant les premiers adoptants et les immeubles de placement (cf. tableau 3), les sociétés cotées (y compris les sociétés non cotées ayant opté pour les IFRS dans leurs comptes consolidés) pratiquant la réévaluation libre dans leurs comptes individuels pourront l’annuler totalement ou saisir l’opportunité de réévaluer toutes les catégories d’actifs corporels ou certaines d’entre-elles dans leurs comptes consolidés en IFRS dans le cadre du modèle de la réévaluation catégorielle d’IAS 16. Dans l’hypothèse d’une réévaluation de l'ensemble des entreprises consolidées, les dotations aux amortissements ainsi que les plus ou moins-values de cession sont déterminées sur la base des valeurs réévaluées et toutes informations utiles sont données dans l'annexe sur la méthode de réévaluation, l'écart dégagé, son incidence sur les écarts d'évaluation et d'acquisition ainsi que sur les dotations aux amortissements et aux provisions relatives aux biens réévalués (CRC 99-02 § 302). Autrement dit : ■ A l’origine, en effet, certaines précautions sont à prendre afin de s’assurer notamment : ■ Pour les entités françaises ayant déjà pratiqué la réévaluation libre dans leurs comptes individuels, il ne devrait donc pas y avoir, en principe, de différences de traitement entre les comptes sociaux et consolidés à l’exception des amortissements dérogatoires. En effet, après la réévaluation, il est possible de constituer de nouveaux amortissements dérogatoires dans les comptes sociaux qui devront être éliminés en consolidation s’agissant de provisions à caractère fiscal. ■ S’agissant des entités étrangères ayant pratiqué une réévaluation en fonction de la législation locale, des différences pourront apparaître en présence de méthodes non uniformes, pouvant entraîner des retraitements d’homogénéisation, par exemple, au niveau des amortissements. Dans ce dernier cas, la réévaluation libre d’immobilisations corporelles mise en œuvre “en social” pourra être maintenue dans les comptes consolidés , sous réserves des divergences suivantes avec les dispositions d’IAS 16 (8). • de la cohérence entre la méthode utilisée pour déterminer la valeur d’utilité en matière de réévaluation libre et la définition assez restrictive de la juste valeur d’IAS 16 comprenant généralement la valeur de marché pour les terrains et constructions et le coût de remplacement net d’amortissement (CRNA) pour les outils de production (9). En effet, suivant les actifs concernés, les 7. Y compris pour une filiale étrangère qui aurait procédé à une telle réévaluation autorisée par la législation locale dans son pays. 8. En l’absence de réévaluation libre “en social”, les actifs des autres sociétés consolidées appartenant à la catégorie concernée devront faire l’objet d’une réévaluation selon IAS 16 (cf. exemple en fin d’article). 9. Cf. par exemple, sur ces divergences de réévaluations, IFRS 2005, éd. F. Lefebvre, § 6325. Tableau 3 : les cas particuliers de réévaluations d’actifs non financiers prévus par les normes IFRS Items Lors de la 1er application des IFRS : norme IFRS 1 Immeubles de placement : norme IAS 40 Régime optionnel Exemption facultative ponctuelle réservée à la transition aux IFRS (First time application – FTA) Choix en régime de croisière entre le modèle de la juste valeur (encouragé) et celui du coût d’IAS 16 Modalités d’option Application de la juste valeur immobilisation par immobilisation uniquement lors de la transition Application à tous les immeubles de placement d’une évaluation à la juste valeur actualisée chaque année Réévaluation à la juste valeur Coût présumé correspondant à la date de transition soit à la juste valeur, soit à une réévaluation (y.c. antérieure) globalement cohérente avec la juste valeur Juste valeur résultant d’une évaluation faite par un évaluateur indépendant Comptabilisation de la réévaluation Inscription en capitaux propres dans le bilan d’ouverture (net d’impôt) Enregistrement des variations annuelles de juste valeur dans le résultat R.F.C. 414 Octobre 2008 Comptabilité experts immobiliers sont susceptibles d’utiliser différentes méthodologies telles que la valeur vénale, une estimation de la valeur d’utilité sur la base de la méthode DCF, etc. ; • de la compatibilité de la méthode de décomposition mise en œuvre des ensembles immobiliers entre la part du foncier et la part de la construction avec les orientations données par la CNCC dans sa note du 10 janvier 2006 (10). Cette décomposition n’est pas neutre sur le niveau des suppléments d’amortissements futurs calculés (hors foncier) ; • de la comptabilisation de l’écart de réévaluation net d’impôt dans les capitaux propres individuels. En l’absence d’une telle imputation comptable de l’IS “en social”, un ajustement sera nécessaire dans les comptes consolidés à hauteur de l’impôt sur la plus-value effectivement dû ou payé ; • de la correcte présentation au bilan des actifs réévalués en fonction des “normes” de présentation retenues en IFRS avec, contrairement aux règles françaises, correction dans tous les cas des amortissements antérieurs pour obtenir soit des valeurs nettes réévaluées, soit des valeurs réévaluées décomposées en valeurs brutes et amortissements cumulés (cf. exemple p. suivante). En tout état de cause, l’existence de biens pris en location-financement constituera une source de distorsion entre comptes individuels et consolidés dans la mesure où ceux-ci devront être réévalués au même titre que les biens détenus en propre. Bien que les normes IFRS ne répondent pas spécifiquement à cette question précise, notre analyse des normes IAS 16 et 17 confortée par celle de confrères conduit, en effet, à procéder à la réévaluation de l’ensemble des actifs appartenant à la catégorie concernée indépendamment de leur mode de financement dont les locations financières constituent un cas particulier. ■ En régime de croisière, les différences existant entre les référentiels français et international (cf. tableau 2) nécessiteront des écritures d’ajustement en consolidation. On peut citer ici d’une part, la nécessité de constater en IFRS, en fin de période, la reprise annuelle en résultat de l’écart de réévaluation au rythme des sur-amortissements pratiqués et d’autre part, les conséquences de la mise en œuvre régulière de réévaluations en IFRS susceptibles d’engendrer des corrections de valeur telles que, par exemple : • la constatation d‘une réévaluation complémentaire unique- 10. S’agissant de la part du foncier dans un ensemble immobilier, la CNCC fait une distinction selon la localisation et la demande. Ainsi : dans les zones où le foncier est rare et la demande forte, le prix du foncier pourra être estimé par différence entre le prix de marché de l’ensemble immobilier et le coût complet de la construction ; dans les autres zones, le prix de l’ensemble immobilier est, en général, fixé en cumulant le coût de la construction et celui du terrain (CNCC, note du 10 janvier 2006). 11. Voir aussi E. Tort (2008). 12. En matière de TP, cf. par exemple, Mémento fiscal F. Lefebvre, § 3877 et 3878. 13. Le bénéfice fiscal utilisé pour l’imputation des déficits antérieurs à l’entrée dans le groupe fiscal (2058 FC) est diminué du montant de la réévaluation libre selon le mécanisme du plafonnement visé à l’art. 223 I.4 du CGI. 14. Egalement applicable aux titres de sociétés à prépondérance immobilière. 15. Voir, par exemple, Mémento fiscal, F. Lefebvre, § 1755. ment dans les comptes consolidés avec la correction subséquente sur les amortissements futurs ; • la constatation d’une diminution de valeur de l’actif imputable prioritairement à l’écart de réévaluation résiduel en IFRS alors que cette diminution transitera obligatoirement par le résultat dans les comptes individuels sous forme de provision ou d’amortissement exceptionnel. 4. PROBLÉMATIQUES FISCALES D’UNE RÉÉVALUATION LIBRE AU REGARD DE L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (11) Par application de l’art. 38-2 du CGI, la plus-value constatée dans les comptes individuels, lors de la réévaluation libre, est imposable à l’IS au taux de droit commun avec la possibilité d’imputer sur celle-ci les éventuels déficits antérieurs. En phase avec les règles comptables du PCG, la nouvelle valeur comptable sert de base de calcul pour la détermination des dotations futures aux amortissements et des plus ou moins-values réalisées en cas de cession ultérieure. Toutefois, le traitement fiscal d’une réévaluation libre au regard de l’IS présente certaines particularités (12) : ■ Spécificité déclarative : la réévaluation ne transitant pas comptablement par le compte de résultat (inscription directe en capitaux propres), le montant correspondant devra ainsi faire l’objet d’une réintégration extracomptable dans le tableau 2058-A de la liasse fiscale de l’exercice. 25 ■ En régime d’intégration fiscale, des limitations existent conduisant à neutraliser les possibilités d’une accélération de l’apurement des déficits par une réévaluation réalisée avant ou pendant l’appartenance au groupe fiscal. En effet, il n’est pas possible pour une société intégrée d’imputer ses propres déficits reportables (antérieurs à l’intégration) sur la plus-value de réévaluation dégagée au cours d’un exercice intégré (13). Par ailleurs, en cas de réévaluation antérieure à l’entrée dans le groupe fiscal, la quote-part de déficits correspondant aux suppléments d’amortissement liés à la réévaluation des immobilisations par une société membre doit être rapportée au résultat d’ensemble (art. 223 I.1 du CGI). ■ S’agissant des immeubles réévalués (14) entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2009, soulignons ici que ceux-ci sont susceptibles de bénéficier d’un taux réduit à 16,5 % hors éventuelle contribution sociale sous réserve d’un engagement de conservation de 5 années à compter de la date de clôture de l’exercice de réévaluation (art. 238 bis JA du CGI). ■ Existence de moins-value individuelle (15) : fiscalement, la réévaluation ne peut pas conduire à la constatation d’une moins-value sur un actif isolé autrement que sous forme de provision ou d’amortissement exceptionnel. Aussi convient-il dans cette hypothèse de pratiquer une dotation exceptionnelle dans les comptes individuels afin de ramener la VNC à la valeur réévaluée. ■ Amortissements dérogatoires : les amortissements dérogatoires antérieurs doivent faire l’objet d’une reprise totale en résultat sans que cela fasse obstacle, pour autant, à la mise en place de nouveaux amortissements dérogatoires post-réévaluation. R.F.C. 414 Octobre 2008 Réflexion Exemple de réévaluation catégorielle d’une immobilisation corporelle selon IAS 16 Au 1er janvier N, l’entreprise EVYTTE a acquis une machine d’une valeur de 500 K€ qu’elle amortit sur 5 ans en mode linéaire. Trois années plus tard, fin N+2, la valeur de la machine est évaluée à 400 K€ du fait de nouvelles conditions de marché (coût de remplacement). Appliquant la méthode de la réévaluation prévue par la norme IAS 16 pour cette catégorie d’actif, la société EVYTTE met ainsi en œuvre cette réévaluation fin N+2. A fin N+3, la machine est frappée d’obsolescence technique en raison de la mise sur le marché de nouvelles machines ayant une performance et une longévité deux fois supérieures à celles des modèles antérieurs. A fin N+3, la valeur de la machine est estimée à 80 K€. Dans cet exemple, nous allons : • Déterminer les amortissements et les valeurs nettes comptables (VNC) de la machine à fin N et N+1. • Mettre en œuvre la réévaluation catégorielle de la machine à fin N+2. • Constater la perte de valeur de la machine à fin N+3. Valeur brute Dotation annuelle Amortissement cumulé A fin N+3 (en K€) Débit Crédit Constatation de la dotation aux amortissements Dotation aux amortissements (charges) 200,0 Ecart de réévaluation (capitaux propres) 100,0 Amortissement 200,0 Reprise d’écart de réévaluation (produits) 100,0 Après ces écritures d’inventaire, la VNC de l’actif ressort à 200 K€, à savoir 1 000 K€ (valeur brute réestimée) - 800 K€ (amortissements cumulés). A fin N+3, la valeur de la machine est révisée à la baisse à 80 K€ suite à une obsolescence technique. D’où la constatation d’une perte de valeur de 120 K€ par imputation sur l’écart de réévaluation à hauteur de 100 K€ et pour le solde de 20 K€ en charge de l’exercice. Débit Les amortissements et les valeurs nettes comptables (VNC) à fin N et N+1 s’établissent comme suit : Année Lors de l’exercice N+3 (et N+4), le complément de dotation aux amortissements lié à la réévaluation de la valeur brute (500 K€ / 5 ans = 100 K€) sera compensé par la reprise concomitante et à due concurrence de l’écart de réévaluation (100 K€ sur N+3 et N+4, soit un total de 200 K€). A fin N+3 (en K€) 1. La détermination des amortissements et des VNC à fin N et N+1 26 3. La constatation de la perte de valeur à fin N+3 VNC A fin N 500 100 (*) 100 400 A fin N+1 500 100 200 300 (*) 500 K? (base amortissable) / 5 ans (durée d’amortissement) = 100 K? Selon la méthode de la réévaluation catégorielle de la norme IAS 16, il y a lieu de procéder à une réévaluation avec une régularité suffisante de manière à tenir compte des variations de valeur. Après quelques mois d’utilisation, aucun élément ne justifie le déclenchement d’une réévaluation à fin N et N+1. Crédit Constatation de la perte de valeur Perte de valeur (charges) 20,0 Ecart de réévaluation (capitaux propres) 100,0 Amortissement de la machine 800,0 Machine 920,0 N.B : en termes de présentation, il est fait le choix ici d’annuler la totalité des amortissements cumulés. Ainsi, seule la valeur brute ramenée à 80 K? subsiste dans les états financiers. Source : extrait partiel d’E. Tort, Exercices sur les normes comptables internationales (IAS/IFRS) avec corrigés, Gualino Editeur, collection Zoom’s, 2006, 131 p. Eric TORT 2. La mise en œuvre de la réévaluation catégorielle à fin N+2 A fin N+2, la valeur de machine est estimée à 400 K€ alors que la VNC s’établit à 200 K€ (VNC à fin N+1 de 300 K€ minorée de la dotation N+2 de 100 K€). La mise en œuvre de la réévaluation catégorielle conduit ainsi à réestimer de + 100 % la valeur comptable en augmentant proportionnellement la valeur brute (500 K€ x 2) et les amortissements cumulés (300 K€ x2). A fin N+2 (en K€) Débit Réévaluation catégorielle de la machine Machine Crédit E. Delesalle, “La réévaluation libre des immobilisations”, Revue française de comptabilité, n° 347, septembre 2002, pp. 5-6. B. Poulard, “La réévaluation des actifs à la juste valeur : quel(s) enjeu(x) pour les sociétés françaises”, Revue française de comptabilité, n° 411, juin 2008, pp. 36-40. H. Tondeur, “La réévaluation libre des bilans : présentation et comparaison avec la pratique internationale”, Revue française de Comptabilité, n° 352, février 2003, pp. 31-36. E. Tort, “La réévaluation libre des actifs en règles françaises”, Option finance n° 985 du 16 juin 2008, p. 34. 500,0 Amortissement de la machine 300,0 Ecart de réévaluation (capitaux propres) 200,0 NB : en supposant un enregistrement comptable décomposé en valeur brute et amortissement de la machine. R.F.C. 414 Octobre 2008 Bibliographie E. Tort, La comptabilisation des actifs, Numilog, collection e-thèque, (www.numilog.com), 2007, 188 p. E. Tort, “Les adaptations fiscales suite à l’application des règles comptables françaises sur les actifs”, Echanges, n° 241, mars 2007, pp. 73-74.