Spectroscopie optique de nouveaux matériaux à base de (Ga,In)(N

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N° d’ordre : 01 ISAL 0055
Année 2001
THESE
présentée
devant L’INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES DE LYON
pour obtenir
LE GRADE DE DOCTEUR
FORMATION DOCTORALE : Dispositifs de l’Electronique Intégrée
ECOLE DOCTORALE : Electronique, Electrotechnique, Automatique
par
Laurent GRENOUILLET
Ingénieur INSA de Lyon
SPECTROSCOPIE OPTIQUE
DE NOUVEAUX MATERIAUX A BASE DE (Ga,In)(N,As)
POUR LA REALISATION DE COMPOSANTS A CAVITE VERTICALE
EMETTANT A 1,3 µm SUR SUBSTRAT GaAs
Soutenue le 20 Novembre 2001 devant la Commission d’Examen
MM.
C. BRU-CHEVALLIER
C. FONTAINE
P. GILET
G. GUILLOT
J.C. HARMAND
H. MARIETTE
E. TOURNIE
Chargée de recherche CNRS
Directeur de recherche CNRS
Ingénieur de recherche CEA
Professeur
Directeur de recherche CNRS
Directeur de recherche CNRS
Chargé de recherche CNRS
Directrice de thèse
Rapporteur
Examinateur
Examinateur
Examinateur
Rapporteur
Examinateur
Cette thèse a été préparée au Laboratoire de Physique de la Matière de l’INSA de LYON
A François, l’absent qui nous manque
REMERCIEMENTS
Ce travail de thèse a été réalisé au Laboratoire de Physique de la Matière (LPM)
de l’INSA de Lyon, ainsi qu’au Laboratoire Infrarouge du LETI/CEA Grenoble.
Je remercie très sincèrement Monsieur Gérard Guillot, directeur du LPM, de
l’intérêt qu’il a porté à mon travail, et d’avoir présidé le jury de soutenance. J’ai par
ailleurs beaucoup apprécié le dynamisme qu’il insuffle au laboratoire.
Mes remerciements vont également à Madame Catherine Bru-Chevallier, qui a
encadré ce travail. Sa disponibilité, ses compétences scientifiques, ses précieux conseils
et les discussions ouvertes que nous avons eues ont permis de réaliser ce travail dans un
climat très favorable.
Je suis très honoré que Madame Chantal Fontaine ait accepté de juger ce travail
en tant que rapporteur. Sa vision globale du sujet a été pour moi très bénéfique.
J’exprime mes sincères remerciements à Monsieur Henri Mariette pour son
rapport et l’intérêt qu’il a montré pour ce travail. Lors des quelques échanges, toujours
fructueux, que nous avons eus pendant ma thèse, j’ai apprécié ses compétences en
physique, et ses idées foisonnantes dans le domaine des alliages semiconducteurs.
J’ai grandement apprécié la présence au sein de mon jury de Messieurs Eric
Tournié et Jean-Christophe Harmand. Leur connaissance des nitrures à faible bande
interdite, notamment en terme de croissance, a été pour moi très enrichissante.
Un merci très chaleureux à Philippe Gilet pour ces trois années d’amicale
collaboration. Au delà des structures d’études qu’il m’a fournies, j’ai apprécié sa bonne
humeur, sa constante envie d’avancer, et ses qualités scientifiques. J’ai été touché par la
confiance qu’il m’a accordée.
Je remercie Francis Bertrand et Pierre Vaudaine de m’avoir accueilli dans de si
bonnes conditions au sein du Département Optronique / Laboratoire Infrarouge du CEA
Grenoble, ainsi qu’André Chenevas-Paule, qui est à l’origine de ce sujet de thèse. Un
grand merci à l’ensemble des personnes du LIR, notamment les « métallurgistes », pour
leur bonne humeur quotidienne. Je voudrais citer plus particulièrement Alain Million pour
ses compétences, son sérieux, et sa relecture critique et rapide de mon manuscrit
(malgré son emploi du temps surchargé), Philippe Duvaut pour sa sympathie, sa maîtrise
de la machine d’épitaxie qui m’a permis d’avoir du matériau de bonne qualité, Philippe
Ballet pour son aide extrêmement précieuse en simulation et sa disponibilité à répondre
à mes questions, Véronique Rouchon pour l’institution de la traditionnelle pause café du
matin, Jacqueline Bablet pour les discussions intarissables que nous avons eues, et aussi
Régis Hamelin, Astrid Bain, Charlie Cigna, Bernard Aventurier, Jacques Baylet, Nicolas
Dunoyer pour leurs incursions récréatives dans mon bureau.
Un merci spécial à François Mongellaz pour son humour et sa joie de vivre. Il
embellissait avec brio notre quotidien. Son décès prématuré nous a tous beaucoup
affecté.
Je remercie également Guy Rolland et Michel Burdin pour leurs caractérisations
par diffraction de rayons X, Cyril Vannuffel pour ses clichés de microscopie
électronique en transmission, Gilbert Gaude pour le polissage des plaques, Claudine
Petitprez pour la découpe des plaques, Philippe Grosse pour les fructueuses discussions
et Fabien Filhol pour son schéma du VCSEL.
Du côté du LPM, je salue l’ensemble des permanents (secrétaires, techniciens,
enseignants-chercheurs, chercheurs) pour leur disponibilité. Je pense particulièrement
à Stéphanie Salager, Claude Plantier, Martine Rojas, Manuel Bérenguer, Philippe Girard,
Jean-Marie Bluet, Régis Orobtchouk, Georges Bremond. J’ai pu bénéficier au cours de
ma thèse des compétences multiples des membres de l’équipe. J’en profite pour
remercier Taha Benyattou pour son esprit critique lors des présentations orales, et pour
ses nombreuses idées de manips.
Je tiens à remercier l’ensemble des thésards pour l’ambiance complice, débridée,
et conviviale qui a plané au LPM tout au long de ma thèse : les « vieux » ex-thésards :
Agnès, Ronan, José, Karim, Anis, Paolo, Muriel … les « jeunes » futurs docteurs :
Matthieu, Bassem, Sébastien, Aldrice, Ilham, Philippe … Je termine par le noyau dur,
l’équipe de choc, les adeptes de la pause café pas toujours intelligible et assurément
hilare : Stéphanie Périchon, Christophe Busseret (le multitache de talent), Nicolas
Baboux (le looser cohérent), Stéphane Fanget (le voyageur impénitent), Lilian Masarotto
(Red Lyons assurément), Nabil Sghaier (animateur de génie, yyaaaaaarr !) et Yohan
Désières (fondateur du LDB !). Encore merci pour ces petits moments qu’on n’oublie pas.
Pour finir, un petit clin d’œil à ma famille pour ses encouragements, et à mes amis
pour leur soutien et leur joie de vivre !
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE
6
CHAPITRE I :
LES NITRURES A FAIBLE BANDE INTERDITE
POUR L’EMISSION DE LUMIERE A 1,3 µm
9
SUR SUBSTRAT GaAs
I.1
Situation du sujet : les interconnexions optiques
11
I.1.1
Croissance d’Internet
11
I.1.2
Augmentation de la fréquence des circuits intégrés
11
I.2
Les VCSELs à 1,3 µm
13
I.2.1
Fonctionnement et avantages des VCSELs
13
I.2.2
Pourquoi 1,3 µm ?
15
I.2.2.1
Avantages des émetteurs à 1,3 µm
15
I.2.2.1
Problèmes technologiques des VCSELs à 1,3 µm
17
I.2.3
Les différentes approches à 1,3 µm
18
I.2.3.1 Approche sur substrat InP
18
I.2.3.2 Approche hybride
18
I.2.3.3
19
Approche monolithique sur substrat GaAs
I.2.3.3.a
Puits quantiques de GaAsSb/GaAs
19
I.2.3.3.b
Boîtes quantiques d’In(Ga)As/GaAs
19
I.2.3.3.c
Puits quantiques de GaInNAs/GaAs
20
I.2.3.3.d
Synthèse
20
I.3
Les nitrures d’éléments III-V pour l’émission à 1,3 µm
21
I.3.1
L’alliage ternaire GaNxAs1-x
21
I.3.2
L’alliage quaternaire Ga1-yInyNxAs1-x
24
I.4
Conclusion du Chapitre I
25
I.5
Références du Chapitre I
26
CHAPITRE II :
OPTIMISATION DE LA CROISSANCE
29
POUR L’EMISSION A 1,3 µm
II.1
La croissance des alliages à faible teneur en azote
II.1.1
Croissance par épitaxie par jets moléculaires
II.1.1.1
Principes et avantages
II.1.1.2 La croissance en présence d’azote
31
31
31
33
II.1.1.2.a
Epitaxie en source gaz
33
II.1.1.2.b
L’incorporation d’azote
35
II.1.2
II.2
Structures épitaxiées
Techniques de spectroscopie optique utilisées
35
38
II.2.1
La photoluminescence : principe et dispositif expérimental
38
II.2.2
La photoréflectivité
40
II.2.2.1
Principe
41
II.2.2.1.a
Transitions bande à bande
42
II.1.1.2.b
Transitions sur des états liés
43
II.2.2.2
II.3
Dispositif expérimental
L’émission à 1,3 µm sur substrat GaAs
44
47
II.3.1
Un paramètre clé : la température de croissance
47
II.3.2
Décalage de la bande interdite vers les plus grandes longueurs d’onde avec
52
l’incorporation d’azote
II.3.3
Dégradation de l’intensité de photoluminescence avec l’incorporation d’azote
53
II.3.4
Emission à 1,3 µm sur substrat GaAs à température ambiante
55
II.3.5
Importance du recuit post-croissance
57
II.3.5.1
Type de recuit
58
II.3.5.1.a
Recuit in situ
58
II.3.5.1.a
Recuit ex situ
58
II.3.5.1
Augmentation de l’intensité de photoluminescence
59
II.4
Conclusion du Chapitre II
62
II.5
Références du Chapitre II
63
CHAPITRE III :
PROPRIETES OPTIQUES ET ELECTRONIQUES
DES NITRURES A FAIBLE BANDE INTERDITE
III.1
Un paramètre de courbure géant
67
69
III.1.1
Diminution de l’énergie d’émission avec l’incorporation d’azote
69
III.1.2
Origine physique du paramètre de courbure géant : plusieurs approches
72
III.1.2.1
Modèle d’anticroisement de bande
72
III.1.2.2
Passage progressif dopage-alliage
77
III.1.2.2.a
Raies discrètes dans les spectres de photoluminescence
77
III.1.2.2.b
Les raies discrètes se transforment en bandes
79
III.1.3
Coexistence d’états localisés et d’états délocalisés
79
III.1.4
Discussion
80
III.2
Détermination expérimentale des niveaux d’énergie
III.2.1
82
Levée de dégénérescence trous lourds – trous légers dans des couches de
GaNAs contraintes
III.2.2
Niveaux d’énergie dans un puits quantique
III.2.2.1
Formalisme des matrices de transfert
III.2.2.1 Détermination expérimentale des niveaux d’énergie dans des puits quantiques de
82
87
87
87
GaIn(N)As/GaAs
III.3
Conclusion du Chapitre III
93
III.4
Références du Chapitre III
94
CHAPITRE IV :
PHENOMENES DE LOCALISATION
IV.1
Introduction
IV.2
Variation de l’énergie de bande interdite avec la température
dans les nitrures à faible bande interdite
99
101
103
IV.2.1
Considérations générales
103
IV.2.2
Effet de l’incorporation d’azote
104
IV.3
Mise en évidence d’une forte localisation des porteurs à basse
température
IV.3.1
110
Evolution atypique de l’énergie, de l’élargissement et de l’intensité des
spectres de PL avec l’incorporation d’azote
110
IV.3.2
Interprétation qualitative
113
IV.3.3
Confirmation des résultats sur d’autres échantillons et par d’autres auteurs
114
IV.3.4
Synthèse des effets de localisation
116
IV.4
Analyse quantitative des effets de localisation
IV.4.1
Etats localisés à très basse température
119
119
IV.4.1.1
Queue d’états à basse énergie
119
IV.4.1.2
Origine physique des états localisés
121
IV.4.1.2.a
Calcul approché des niveaux des excitons liés à des agrégats d’azote
122
IV.4.1.2.b
Fluctuations de potentiel dans la bande de conduction
125
IV.4.1.3
Etude en puissance
126
IV.4.1.3.a Décalage énergétique vers le bleu
128
IV.4.1.3.b
Augmentation de la largeur à mi-hauteur avec la puissance
129
IV.4.1.3.c
Intensité
130
IV.4.1.4
Conséquence des états localisés à très basse température
131
IV.4.1.4.a Spectre de PR
131
IV.4.1.4.b Décalage énergétique entre émission et absorption
132
IV.4.1.4.c Durée de vie radiative des états excitoniques localisés
134
IV.4.1.5
IV.4.2
Conclusion
Transfert excitonique à basse température
IV.4.2.1 Décalage vers les basses énergies du pic de PL
135
135
135
IV.4.2.2 Forte chute de l’intensité de PL intégrée
IV.4.2.2.a
137
Considérations générales
137
IV.4.2.2.b Cas classique dans un semiconducteur
137
IV.4.2.2.c
Cas particulier des nitrures à faible bande interdite
139
IV.4.2.2.d
Bilan
141
IV.4.3
Transition états localisés-états délocalisés
142
IV.4.3.1
Décalage vers les hautes énergies du pic de PL
142
IV.4.3.2
Intensité de PL intégrée
143
IV.4.3.3
Largeur à mi-hauteur
144
IV.4.3.3.a
Considérations générales
144
IV.4.3.3.b
Evolution de la largeur à mi-hauteur
145
IV.4.3.4
Etude en puissance
147
IV.4.3.4.a
Energie du pic de PL
148
IV.4.3.4.b
Diminution de la largeur à mi-hauteur avec la puissance
148
IV.4.4
Etats délocalisés
149
IV.4.5
Liens avec la littérature
150
IV.4.6
Conclusion-Bilan
151
IV.5
Modélisation des effets de localisation
152
IV.6
Références du Chapitre IV
156
CHAPITRE V :
EFFET DU RECUIT SUR LES PROPRIETES OPTIQUES
DES ALLIAGES A BASE DE (Ga,In)(N,As)/GaAs
V.1
Introduction
V.2
Effet du recuit sur la photoluminescence de puits quantiques de
GaIn(N)As/GaAs
161
163
164
V.2.1
Augmentation de l’intensité de photoluminescence
164
V.2.2
Diminution des phénomènes de localisation de porteurs
164
V.2.2.1
Diminution de Tloc/deloc
164
V.2.2.2
Diminution de la largeur à mi-hauteur des spectres
166
V.2.3
Décalage vers le bleu de la photoluminescence après recuit
166
V.2.3.1
Observation du décalage vers le bleu
166
V.2.3.2
Origine du décalage vers le bleu
168
V.3
V.2.3.2.a
Interdiffusion In-Ga dans les puits quantiques de GaInAs/GaAs
168
V.2.3.2.b
Cas des puits quantiques de GaInNAs/GaAs
171
Origine du décalage vers le bleu du pic de photoluminescence
après recuit : étude spécifique
V.3.1
Couches épaisses de GaNAs/GaAs
172
172
V.3.1.1
Décalage vers le bleu de la photoluminescence
172
V.3.1.2
Aucune mise en évidence d’exodiffusion d’azote par diffraction de rayons X
173
V.3.2
V.3.2.1
Puits quantiques de GaNAs/GaAs
Etude de la photoluminescence à très basse température
V.3.2.1.a
Diminution des effets de localisation induite par le recuit
V.3.2.1.b Décalage vers les hautes énergies induit par le recuit
174
175
175
177
V.3.2.2
Etude de la photoluminescence à température ambiante
179
V.3.2.3
Diffraction de rayons X
181
V.3.2.4
Synthèse
182
V.4
Elaboration d’un modèle simple : fluctuations de composition
d’azote dans le plan de croissance et homogénéisation avec le recuit
186
V.4.1
Approche qualitative
186
V.4.2
Approche quantitative
188
V.4.2.1
Modèle simple
188
V.4.2.2
Prise en compte des effets de confinement
190
V.4.3
Confrontation avec l’expérience
191
V.4.3.1
Résultats sur un puits quantique de GaNAs/GaAs de la littérature
192
V.4.3.2
Résultats sur les puits quantiques de GaNAs/GaAs étudiés
193
V.4.3.3
Discussion et synthèse
195
V.4.3.4
Liens avec la littérature
197
V.5
Conclusion du Chapitre V
198
V.6
Références du Chapitre V
199
CONCLUSION GENERALE
201
INTRODUCTION GENERALE
Les domaines des télécommunications et de la microélectronique connaissent une
croissance très importante, motivée par l’augmentation incessante des quantités d’information
à traiter et à véhiculer de plus en plus rapidement. Aujourd’hui, les prévisions convergent vers
la même nécessité de développer des liaisons optiques pour remplacer les liens électriques
utilisés actuellement mais qui ne pourront pas supporter l’augmentation vertigineuse des
débits. Quelles que soient les options envisagées, la réalisation d’une nouvelle génération de
diodes laser à émission verticale (VCSEL) sur substrat GaAs, émettant dans la gamme de
longueur d’onde privilégiée pour les télécommunications par fibres optiques (1,3 – 1,55 µm),
reste un passage obligé pour des questions de coût et de performances.
En effet, les solutions actuelles sont basées soit sur une technologie InP relativement
chère, soit sur des technologies complexes faisant appel à des procédés coûteux de report de
couches. Les études portent donc actuellement sur la croissance d’un nouveau type de
matériau épitaxié sur GaAs et capable d’émettre dans la gamme 1,3 – 1,55 µm.
Le matériau probablement le plus prometteur pour l’émission à 1,3 µm sur substrat
GaAs est l’alliage semiconducteur quaternaire GaInNAs. L’élaboration de ce nitrure
d’élément III-V, à faible bande interdite, est extrêmement récente puisqu’elle a été réalisée
pour la première fois en 1996 1. La communauté scientifique s’est alors immédiatement
lancée dans l’étude expérimentale et théorique de ce matériau aux propriétés très particulières,
similaires à celles du GaNAs qui est connu depuis une dizaine d’années.
Très vite, le GaInNAs, utilisé comme couche active de dispositifs optoélectroniques, a
permis l’élaboration de diodes laser émettant par la tranche à 1,3 µm sur substrat GaAs 2. Plus
récemment, l’obtention de VCSELs fonctionnant en continu à cette longueur d’onde, capables
1
KONDOW, M., UOMI, K., NIWA, A., KITATANI, T., WATAHIKI, S., YAZAWA, Y.
GaInNAs: A Novel Material for Long-Wavelength-Range Laser Diodes with Excellent HighTemperature Performance
Jpn. J. Appl. Phys., 1999, vol. 35, Part 1, n° 2B, pp. 1273-1275
2
NAKAHARA, K., KONDOW, M., KITATANI, T., LARSON, M.C., UOMI, K.
1.3 µm continuous-wave lasing operation in GaInNAs quantum-well lasers
IEEE Photonics Technol. Lett., 1998, vol. 10, n° 4, pp. 487-488
7
de transmettre des données à très hauts débits (10 Gbit/s) 3, a montré la potentialité de ce
matériau, qui devrait être commercialisé dès l’année prochaine 4.
Néanmoins, en marge de ces résultats prometteurs, la physique des matériaux GaNAs
et GaInNAs aux propriétés atypiques, offre encore un large champ d’investigation.
Ce travail de thèse s’inscrit dans ce contexte et porte sur l’étude des propriétés
optiques des nitrures à faible bande interdite. La thèse s’est déroulée au Laboratoire de
Physique de la Matière (LPM) de l’INSA de Lyon, et également au Laboratoire Infrarouge
(LIR) du LETI/CEA Grenoble pour permettre une meilleure interaction avec les personnes
élaborant les structures que nous avons caractérisées.
Dans le Chapitre I, les nitrures à faible bande interdite sont présentés dans la
perspective des dispositifs pour lesquels ils sont dédiés, à savoir les émetteurs de lumière à la
longueur d’onde de 1,3 µm, et plus particulièrement les diodes laser à cavité verticale
émettant par la surface.
Dans le Chapitre II, nous présentons succinctement l’épitaxie par jets moléculaires,
technique de choix pour la croissance des nitrures d’éléments III-V, ainsi que les techniques
de spectroscopie optique utilisées dans ce travail : la photoluminescence et la
photoréflectivité. Nous décrivons ensuite les difficultés posées par l’incorporation d’azote
ainsi que notre contribution à l’optimisation des conditions de croissance. Nous montrons
enfin que la diminution de l’énergie de bande interdite avec l’incorporation d’azote dans des
puits quantiques de GaInAs/GaAs, permet d’obtenir l’émission à 1,3 µm sur substrat GaAs, et
ce à température ambiante.
Le Chapitre III est consacré dans un premiers temps à la mise en évidence
expérimentale de la diminution drastique de l’énergie de bande interdite avec l’incorporation
d’azote dans l’alliage GaNAs. Nous nous interrogeons ensuite sur la physique à l’origine de
ce comportement, et sur les modèles qui le décrivent. Un modèle phénoménologique de la
3
STEINLE, G., MEDERER, F., KICHERER, M., MICHALZIK, R., KRISTEN, G.,
EGOROV, A.YU., RIECHERT, H., WOLF, H.D., EBELING, K.J.
Data transmission up to 10 Gbit/s with 1.3 µm wavelength InGaAsN VCSELs
Electron. Lett., 2001, vol. 37, n° 10, pp. 632-634
4
ELECTRONIQUE INTERNATIONAL, 12 Avril 2001, n° 429, p 22
8
littérature
5
est en particulier mis à profit pour expliciter les résultats obtenus en
photoréflectivité, tant sur des couches de GaNAs/GaAs que sur des puits quantiques de
GaInNAs/GaAs.
Dans le Chapitre IV, nous mettons en évidence, par spectroscopie de
photoluminescence et de photoréflectivité dans la gamme de température 8 K – 300 K, une
forte localisation des porteurs à basses températures dans des puits quantiques de
GaInNAs/GaAs. Après avoir montré que l’azote est à l’origine de ces effets de localisation,
nous nous attachons à expliciter l’ensemble des phénomènes optiques observés.
Enfin, le Chapitre V porte sur l’effet du recuit thermique sur les propriétés optiques
des nitrures à faible bande interdite. Le recuit permet d’augmenter de manière conséquente les
rendements radiatifs des structures, et induit un décalage vers le bleu des longueurs d’onde
d’émission. Un intérêt particulier est porté sur l’origine physique de ce décalage et un modèle
quantitatif simple est développé pour rendre compte des phénomènes observés.
5
SHAN, W., WALUKIEWICZ, W., AGER III, J.W., HALLER, E.E., GEISZ, J.F.,
FRIEDMAN, D.J., OLSON, J.M., KURTZ, S.R.
Band Anticrossing in GaInNAs Alloys
Phys. Rev. Letters, 1999, vol. 82, n° 6, pp. 1221-1224
9
Chapitre I
:
Les nitrures à faible bande interdite
pour l’émission de lumière
à 1,3 µm sur substrat GaAs
Dans ce chapitre, nous présentons les nitrures à faible bande interdite, matériaux
semiconducteurs III-V qui font l’objet de ce mémoire. Mais avant d’aborder de près la
physique de ces alliages à faible teneur en azote, nous tenons à les situer par rapport aux
dispositifs pour lesquels ils sont dédiés, à savoir les émetteurs de lumière à la longueur d’onde
de 1,3 µm épitaxiés sur GaAs, et plus spécifiquement les lasers à cavité verticale émettant par
la surface. Ces dispositifs attirent particulièrement l’attention dans un contexte
d’augmentation vertigineuse des débits pour transmettre toujours plus d’informations.
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
10
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
I.1
Situation du sujet : les interconnexions optiques
Les prévisions de croissance dans les domaines des télécommunications, et de la
microélectronique sont telles que les liens électriques utilisés actuellement devront être
remplacés par des liaisons optiques, qui permettent de satisfaire les nouvelles exigences de
hauts débits. L’émergence des interconnexions optiques impose de développer de nouveaux
émetteurs de lumière, comme nous allons le voir.
I.1.1 Croissance d’Internet
Le trafic Internet subit actuellement une très forte croissance : la capacité de
transmission dans les fibres optiques doit tripler chaque année. Par comparaison, cette
croissance est plus rapide que la fameuse loi de Moore utilisée en microélectronique, qui
stipule le doublement des performances des circuits intégrés tous les 18 mois. Cette
‘explosion’ d’Internet nécessite de transmettre des informations à des débits de plus en plus
élevés et sur des distances de plus en plus longues. Ces informations sont actuellement
véhiculées dans des réseaux de fibres optiques qu’on appelle aussi réseaux datacoms (qui
vient de l’anglais data-communication networks). A court ou moyen terme, chaque fibre
devra transmettre des informations à des débits de 160 Gbit/s. A plus long terme, les fibres
supporteront des débits de 1 Tbit/s ! De telles spécifications imposent d’avoir des émetteurs
rapides, compacts, non refroidis, peu onéreux et émettant dans la fenêtre de transmission des
fibres en silice (1,3 et 1,55 µm). Aussi, un fort potentiel de recherche est engagé dans de telles
sources de lumière, capables de fonctionner en format parallèle ou en multiplexage en
longueur d’onde pour augmenter les débits, tout en maintenant des coûts de production
faibles.
I.1.2 Augmentation de la fréquence des circuits intégrés
Les
circuits
intégrés
de
la
microélectronique
d’aujourd’hui
utilisent
des
interconnexions électriques pour véhiculer les signaux. Ces interconnexions seront, dans un
futur plus ou moins proche, un goulot d’étranglement pour la rapidité des circuits. En effet,
11
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
une distorsion des signaux électriques apparaît pour des fréquences de modulation élevées
(typiquement 10 GHz). De plus, deux signaux ne peuvent pas être véhiculés simultanément
dans un même canal. Les interconnexions optiques permettent de pallier ces inconvénients.
En effet, elles supportent des fréquences beaucoup plus élevées. De plus, l’immunité
électromagnétique
entre
différentes
longueurs
d’onde
permet
de
les
transporter
simultanément. Cependant, pour voir le jour, les sources de ces interconnexions optiques
doivent pouvoir être hybridées sur silicium et présenter des tensions d’alimentation
compatibles avec les filières CMOS avancées. Par ailleurs, le silicium doit être transparent à
ces longueurs d’onde, et les guides optiques en silice les absorber le moins possible.
Ainsi, on voit la nécessité de fabriquer des émetteurs rapides et peu onéreux pour
accélérer l’accès à l’information, que ce soit via la communication entre ordinateurs
(croissance d’Internet) ou via la fréquence de travail de ces derniers (croissance de la
Microélectronique). Nous présentons maintenant les lasers à cavité verticale émettant par la
surface (VCSELs pour Vertical Cavity Surface Emitting Lasers), qui sont des candidats de
choix pour de telles applications. Après avoir brièvement décrit leurs fonctionnement et
principaux avantages, nous discutons la longueur d’onde d’émission ainsi que le type de
substrat adéquat. Enfin, nous passons en revue les différentes approches existantes ou
envisagées en terme de matériau pour les faire émettre à 1,3 µm.
12
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Les VCSELs à 1,3 µm
I.2
I.2.1 Fonctionnement et avantages des VCSELs
La Figure I-1 montre schématiquement le principe d’un VCSEL. A la différence d’un
laser semiconducteur classique, qui émet par la tranche, un VCSEL possède une cavité FabryPérot qui est verticale et de faible épaisseur. A l’intérieur de cette cavité sont placés des puits
quantiques qui constituent le milieu actif et fournissent le gain optique. Le faible volume de la
couche active impose que les miroirs de la cavité aient de fortes réflectivités pour obtenir un
gain suffisant pour qu’il y ait émission stimulée. Ces réflectivités élevées sont obtenues avec
des réflecteurs de Bragg distribués, qui sont des empilements de bicouches constituées de
deux couches quart d’onde d’indices différents. La réflectivité des miroirs est d’autant plus
forte que le nombre de bicouches est élevé et que l’écart d’indice entre deux couches
adjacentes est grand.
Pour que le VCSEL fonctionne, il faut qu’il y ait accord entre :
•
la longueur d’onde d’émission du milieu actif,
•
la longueur d’onde de résonance de la cavité Fabry-Pérot, et
•
le domaine de longueur d’onde pour lequel les miroirs de Bragg sont réfléchissants.
Ces conditions nécessitent un contrôle très fin de l’épaisseur (précision inférieure à 1 %) et de
la composition des couches, mais ces exigences peuvent être satisfaites par les techniques de
croissance actuelles, telles que l’épitaxie par jets moléculaires (EJM) ou l’épitaxie en phase
vapeur par organométalliques (EPVOM).
13
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Figure I-1 : Schéma d’un VCSEL émettant à 850 nm sur substrat GaAs. Dans ce cas, la couche active est
composée de puits quantiques de GaAs/AlGaAs.
Mis à part ces contraintes sur la croissance, les VCSELs présentent de nombreux
avantages. D’abord, ils émettent par la surface, ce qui permet d’utiliser les procédés de
fabrication (et de test) collectifs peu coûteux de la microélectronique et d’envisager la
fabrication de matrices 2D, notamment pour les interconnexions optiques. Ensuite, en terme
de caractéristiques, le faisceau laser émis par un VCSEL est monomode longitudinal par
construction, du fait de la très faible longueur de la cavité. Cette propriété est nécessaire pour
espérer transmettre des informations à très hauts débits. Le faisceau est multimode ou
monomode transverse selon que la dimension latérale effective du VCSEL est importante (50
µm) ou faible (5 µm). En outre, il est de symétrie circulaire et à faible divergence
(typiquement 9°), ce qui permet de coupler 80 % de la lumière avec une fibre optique
monomode sans ajout d’optique de focalisation. De plus, le faible volume actif permet aux
VCSELs d’avoir des courants de seuil très faibles et d’être modulés à des fréquences élevées.
Enfin, un autre avantage est que la longueur d’onde d’émission de ces dispositifs
optoélectroniques varie relativement peu avec la température. Le packaging de ces lasers est
14
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
donc simple, puisqu’il n’y a besoin ni d’optique de focalisation, ni de régulation en
température.
Ainsi, les VCSELs présentent des avantages en terme de performances et en terme de
coût sur les lasers émettant par la tranche. Les premiers VCSELs ont été commercialisés en
1996. Ces VCSELs fonctionnant à 850 nm sont maintenant la technologie de choix pour
transmettre des informations à des vitesses allant jusqu’à 10 Gbit/s dans des fibres
multimodes et sur de relativement courtes distances (500 m environ). Cependant, de
nombreux aspects techniques, notamment les nouvelles contraintes de débits, favoriseraient la
longueur d’onde de 1,3 µm comme longueur d’onde d’opération de tels systèmes dans des
fibres monomodes (cf Figure I-2).
I.2.2 Pourquoi 1,3 µm ?
I.2.2.1
Avantages des émetteurs à 1,3 µm
Le minimum de dispersion chromatique des fibres optiques monomodes standard se
situe à 1,3 µm. Des VCSELs émettant à cette longueur d’onde permettraient donc des débits
plus élevés qu’à 850 nm et sur des distances plus longues, puisque la dispersion chromatique
limite la fréquence de modulation des signaux et la distance de transmission. En outre à cette
longueur d’onde l’atténuation du signal par la fibre est très faible, autorisant des distances de
transmission de l’ordre de la dizaine de kilomètres. La Figure I-2 résume ces propos et montre
que des VCSELs émettant à 1,3 µm seraient compatibles avec le standard ’10 Gigabit
Ethernet’.
Par ailleurs, les problèmes de sécurité oculaire entrent en jeu que ce soit pour les liens
par fibre ou a fortiori pour les liens dans l’espace libre (télécommande par exemple). A 1,3
µm, l’ œil peut tolérer environ 10 fois plus de puissance qu’à 850 nm pour un même seuil de
dangerosité oculaire. Ceci correspond à 15 fois plus de photons injectés dans une fibre, et
autorise des distances de transmission encore plus grandes.
15
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Distance de transmission
dans une fibre optique
en fonction du débit
Gigabit Ethernet 10 Gigabit Ethernet
100
Laser DFB 1550 nm,
fibre monomode
10
1
0,1
0,01
0,1
Limitation due à l'atténuation
Distance de transmission (km)
1000
Laser DFB 1310 nm
ou VCSEL 1310 nm,
fibre monomode
Laser Fabry-Perot 1310 nm
fibre monomode
VCSEL 1310 nm,
VCSEL 850 nm,
fibre multimode
Limitation due à la dispersion
1
10
100
1000
10000
Débit (Mbit/s)
Figure I-2 : Distance de transmission dans une fibre optique en fonction du débit, pour différents types de
lasers et de longueurs d’onde d’émission [1].
De plus, la tension d’alimentation d’un émetteur est directement liée à l’énergie de
bande interdite du matériau émetteur, et donc à la longueur d’onde d’émission. A 1,3 µm, les
tensions d’alimentation seraient compatibles avec les faibles tensions utilisées dans les filières
CMOS, et les substrats de silicium seraient transparents à ces signaux. Ces conditions sont
nécessaires pour pouvoir hybrider les VCSELs sur les circuits intégrés.
La Figure I-2 montre aussi que la longueur d’onde de 1,55 µm est encore plus
favorable que 1,3 µm en terme de débit et distance de transmission. Elle correspond en effet
au deuxième minimum (minimorum) d’absorption et de dispersion dans les fibres optiques en
silice. Néanmoins dans la filière GaAs, la plus prometteuse pour la réalisation de VCSELs, la
longueur d’onde de 1,3 µm constitue déjà une grande percée technologique. C’est ce que nous
nous proposons maintenant de montrer.
16
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
I.2.2.2
Problèmes technologiques des VCSELs à 1,3 µm
En dépit de la forte demande pour les VCSELs à grande longueur d’onde, la
technologie n’est pas simple à développer à cause de challenges fondamentaux au niveau du
matériau. En effet, le système de matériau le plus établi pour l’émission à 1,3 µm avec des
lasers classiques est le système InGaAsP/InP. Dans ce système, la différence d’indices de
réfraction est faible (0,3 contre 0,6 pour le système GaAs/AlAs) si bien qu’il faut un grand
nombre d’empilements pour réaliser des miroirs de Bragg de haute réflectivité. Encore plus
rédhibitoire, la conductivité thermique des miroirs à base de ce système est très médiocre, et
le confinement des électrons dans la région active est faible, ce qui engendre une très
mauvaise tenue en température des dispositifs actuels (cf Tableau I-1).
FILIERE
GaAs
AVANTAGES
INCONVENIENTS
Substrat GaAs :
Emission à 850 – 980 nm :
• perte dans la silice
• faible coût
• report du GaAs/Si maîtrisé
• absorption dans silicium
Miroirs de Bragg AlGaAs/GaAs :
• pas de sécurité oculaire
• bonne conductivité thermique
• tension de seuil incompatible
avec filière CMOS avancée
• bonne qualité mécanique
⇒ capacité à réaliser des VCSELs
InP
⇒ bande spectrale inadaptée
Emission à 1300 – 1550 nm :
Substrat InP :
• absorption minimale de la
• coût élevé
silice
• mauvais confinement
électronique
• transparence dans le silicium
Miroirs de Bragg InGaAsP/InP :
• sécurité oculaire
• mauvaise conductivité
• tension de seuil compatible
thermique
avec filière CMOS avancée
Substrat InP :
• réalisation de MOEMS, de
⇒ nécessité de stabiliser les lasers en
dispositifs accordables
température
⇒ difficulté à fabriquer des VCSELs
⇒ bande spectrale adaptée
Tableau I-1 : Avantages et inconvénients des deux filières GaAs et InP pour la réalisation de VCSELs.
Quant au système AlAs/GaAs, il obtient tous les avantages pour les miroirs de Bragg
mais malheureusement il n’existe pas de matériau semiconducteur simple capable d’émettre à
17
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
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1,3 µm sur substrat GaAs. Aussi, différentes approches sont aujourd’hui étudiées pour
synthétiser des matériaux émettant à cette longueur d’onde sur ce type de substrat. Qui plus
est, les substrats GaAs existent en diamètres plus grands que les substrats InP et ils sont moins
coûteux. La filière GaAs devrait donc engendrer une baisse du coût des composants.
I.2.3 Les différentes approches à 1,3 µm
Différentes approches sont aujourd’hui étudiées pour obtenir des VCSELs émettant à
1,3 µm. La filière InP conserve une petite avance en terme de maîtrise du matériau émetteur et
permet la réalisation de micro-systèmes électro-mécaniques (MOEMS). Si l’approche hybride
permet d’allier les avantages des deux filières grâce au report de couches, elle reste coûteuse
et complexe. Ce sont donc les nouveaux matériaux émettant à 1,3 µm sur substrats GaAs qui
attirent le plus l’attention.
I.2.3.1
approche sur substrat InP
La filière InP fut dans un premier temps la seule à permettre la réalisation de VCSELs
émettant à 1,3 µm [2]. Depuis, les performances se sont améliorées mais que ce soit avec des
miroirs à base de semiconducteurs ou de diélectriques, les résultats ne sont pas excellents à
cause des problèmes cités dans le Tableau I-1.
I.2.3.2
approche hybride
Cette approche tire partie des avantages des deux filières : elle utilise donc des miroirs
de Bragg GaAs/AlAs et des couches actives d’InGaAsP/InP [3,4]. En revanche, comme les
paramètres de maille de l’InP et du GaAs sont trop différents pour épitaxier le VCSEL de
manière monolithique, les miroirs et la couche active sont fabriqués séparément, puis
assemblés par collage moléculaire. Ces dispositifs présentent de bonnes caractéristiques mais
sont très lourds à fabriquer et coûteux, rendant la commercialisation très difficile.
18
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
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I.2.3.3
approche monolithique sur substrat GaAs
Trois types de matériaux sont actuellement étudiés pour obtenir l’émission à 1,3 µm
sur substrats GaAs :
•
les puits quantiques de GaAsSb/GaAs,
•
les boîtes quantiques d’In(Ga)As/GaAs,
•
les puits quantiques de GaInNAs/GaAs.
Des approches plus exotiques qui combinent ces trois types de matériaux sont aussi à
l’étude, comme les boîtes d’InAs/GaInNAs [5] ou de GaInNAs/GaAs [6, 7] ou encore les
alliages GaAsSbN [8] et GaInAsSbN [9].
I.2.3.3.a
Puits quantiques de GaAsSb/GaAs
Les antimoniures tels que GaAsSb sont capables d’émettre à 1.3 µm sur GaAs et
récemment les premiers VCSELs à 1,3 µm ont été réalisés [10]. Cette solution semble
prometteuse, en dépit d’une très forte contrainte présente dans les puits de GaAsSb/GaAs et
du fait que les hétérostructures GaAsSb/GaAs sont de type II.
I.2.3.3.b
Boîtes quantiques d’In(Ga)As/GaAs
Les boîtes quantiques sont des objets tridimensionnels de taille nanométrique (10 nm
de hauteur, 30 nm de large) constitués par un matériau semiconducteur (InAs ou InGaAs)
dont l’énergie de bande interdite est plus faible que celle du matériau constituant la matrice
(GaAs). La formation de ces îlots cohérents provient de la relaxation élastique de la couche
d’In(Ga)As contrainte. Le confinement tridimensionnel des porteurs dans ces boîtes engendre
des objets extrêmement radiatifs et des lasers avec de très bonnes tenues en température et des
courants de seuil très bas. En effet, il est facile d’obtenir l’inversion de population du fait de
la faible densité d’états. Cependant, la densité de matière relativement faible avec ces objets
entraîne peu de gain optique et donc des puissances de sortie peu élevées. Leur réalisation
nécessite un contrôle très fin de la croissance, et notamment de la taille des boîtes qui
conditionne la longueur d’onde d’émission. Ceci pose des problèmes en terme d’homogénéité
et de reproductibilité.
Récemment, le premier VCSEL utilisant des boîtes d’InGaAs/GaAs et émettant à 1,3
µm a vu le jour [11]. Notons cependant qu’il ne fonctionne qu’en régime pulsé.
19
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
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I.2.3.3.c
Puits quantiques de GaInNAs/GaAs
Le matériau GaInNAs est probablement le plus prometteur pour l’émission à 1,3 µm
sur substrat GaAs. Ce matériau, qui est constitué de GaInAs dans lequel est incorporé une
faible fraction d’azote (quelques pourcents), a été utilisé pour la première fois en 1996 [12].
Quatre ans plus tard, les premiers résultats de VCSELs à 1,3 µm sur substrats GaAs utilisant
ce matériau comme couche active sont déjà publiés [13]. Ce matériau est présenté plus en
détail dans le paragraphe I.3
I.2.3.3.d
Synthèse
Le Tableau I-2 fait une synthèse exhaustive des premiers VCSELs émettant à des
longueurs d’onde proches de 1,3 µm sur GaAs à température ambiante, en utilisant les
nouveaux matériaux que nous avons présentés. Ce tableau montre que les 3 approches sont
d’une actualité brûlante : il est susceptible de changer à tout moment. Néanmoins, on
remarque que le quaternaire GaInNAs possède une certaine avance.
Date de
publication
Matériau actif dans
le VCSEL épitaxié
sur GaAs
Zone active
λ émission
laser
à 300 K
Densité seuil
(électrique ou
optique)
Pompage
Références
04/1999
GaInNAs
Puits quantiques
1,285 µm
1,6 kW/cm2
Optique, pulsé
Ellmers et al.
[14]
01/2000
GaInNAs
Puits quantiques
1,266 µm
1,6 kW/cm2
Optique, pulsé
Wagner et al.
[15]
05/2000
GaInNAs
Puits quantiques
1,200 µm
2,5 kA/cm2
Electrique, pulsé
Coldren et al.
[16]
08/2000
08/2000
InAs-InGaAs
GaInNAs
Boîtes quantiques
Puits quantiques
1,301 µm
1,294 µm
2,8 kA/cm2
4 kA/cm2
Electrique, pulsé
Electrique, continu
Lott et al. [11]
Choquette et al.
[13]
11/2000
GaInNAs
Puits quantiques
1,262 µm
7,6 kA/cm2
Electrique, continu
Sato et al. [17]
12/2000
GaAsSb
Puits quantiques
1,288 µm
Equivalent à 25
kA/cm2
Optique, pulsé
Quochi et al.
[18]
01/2001
GaInNAs
Puits quantiques
1,284 µm
6 kA/cm2
Electrique, continu
Steinle et al.
[19]
03/2001
GaInNAs
Puits quantiques
1,262 –
1,305 µm
6,7 kA/cm2 et
38 kA/cm2
Electrique, continu
Jackson et al.
[20]
04/2001
GaAsSb
Puits quantiques
1,295 µm
3,3 kA/cm2
Electrique, continu
Anan et al. [10]
05/2001
GaInNAs
Puits quantiques
1,303 –
1,306 µm
3 kA/cm2
Electrique, continu
Steinle et al.
[21]
Tableau I-2 : Synthèse des VCSELs émettant à λ ≅ 1,3 µm sur substrat GaAs à température ambiante.
20
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
I.3
Les nitrures d’éléments III-V pour l’émission à 1,3 µm
Nous présentons maintenant les nitrures d’éléments III-V, à faible bande interdite. Ces
alliages semiconducteurs à bande interdite directe, dont fait partie le GaInNAs, ouvrent la
voie à la réalisation de matériaux émetteurs ou détecteurs dans le proche infrarouge (1,3 µm)
épitaxiés sur substrats GaAs. Ils sont composés d’éléments III et V de la classification
périodique, un des éléments V étant l’azote en faible quantité (III-Nx-V1-x, avec x < 0,05).
I.3.1 L’alliage ternaire GaNxAs1-x
Energie de bande interdite (eV)
4,0
3,5
c-GaN
3,0
2,5
GaP
AlAs
2,0
1,5
GaAs
Si
1,0
0,5
0,0
InP
1.3 µm
GaSb
GaInNAs
Ge
InSb
InAs
GaNAs
GaInAs
-0,5
4,4 4,6 4,8 5,0 5,2 5,4 5,6 5,8 6,0 6,2 6,4 6,6
Paramètre de maille (Å)
Figure I-3 : Valeur de l’énergie de bande interdite en fonction du paramètre de maille pour les
semiconducteurs les plus usuels.
La Figure I-3 montre la valeur de l’énergie de bande interdite des principaux
semiconducteurs binaires III-V en fonction de leur paramètre de maille. La tendance générale
21
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
qui apparaît est la suivante : plus le paramètre de maille est faible, plus l’énergie de bande
interdite est élevée. Ceci vaut également pour les alliages ternaires (GaInAs, InAsSb,
GaAsSb, …), dont l’énergie de bande interdite s’écarte peu de la moyenne pondérée des
bandes interdites des deux composés binaires les constituant. Ainsi, si un alliage ternaire est
composé des binaires A et B avec les fractions x et (1-x) respectivement, son énergie de bande
interdite s’exprime par :
E g (A x B1− x ) = x ⋅ E g (A ) + (1 − x ) ⋅ E g (B) − b ⋅ x ⋅ (1 − x )
Équation I-1
où le dernier terme traduit l’écart à la loi d’interpolation linéaire, avec b coefficient de
courbure de l’alliage. Ce facteur est généralement de l’ordre de la fraction d’électronvolt et
indépendant de la composition. Par exemple pour le Ga1-xInxAs, b est égal à 0,45 eV.
L’origine physique du coefficient de courbure, qui représente la non-linéarité, est le
désordre. Ce désordre est échantillonné par la sonde, l’exciton. Plus l’exciton est localisé,
moins il traduit la composition moyenne de l’alliage, et plus il révèle sa composition locale.
Cet effet d’environnement local est encore appelé désordre d’alliage. Le coefficient de
courbure est donc d’autant plus important que le désordre d’alliage est grand et que la sonde
est petite.
En utilisant du GaAs et du GaN, tous les deux de bande interdite directe et d’énergie
respective 1,42 eV (proche infrarouge) et 3,4 eV (ultraviolet) à température ambiante, on
pouvait s’attendre à former un alliage GaNxAs1-x qui pouvait décrire tout le spectre du visible
selon les valeurs de x. Or, quand au début des années 1990 la synthèse des alliages GaNAs à
faible teneur en azote devint techniquement possible avec l’apparition des cellules plasma [22,
23], un fort décalage vers l’infrarouge des mesures d’absorption [24] et de photoluminescence
[22, 23, 24] fut observé, suggérant une diminution de l’énergie de bande interdite du
GaNxAs1-x avec l’incorporation d’azote. Ce résultat, bien que surprenant, fut rapidement
appuyé par des travaux théoriques [25] : l’alliage GaNxAs1-x (x < 0,05) possède en fait un
paramètre de courbure géant (cf Figure I-3). Ce paramètre varie avec la composition d’azote :
sa valeur est de l’ordre de 20 à 25 eV pour x < 1%, et de 15 à 20 eV pour x > 1% [26, 27].
La structure électronique de l’alliage GaNxAs1-x est donc très différente de celle de ses
binaires parents GaAs et GaN. L’origine de cet écart à la loi des mélanges réside dans la
grande différence entre l’atome d’azote et l’atome d’arsenic auquel il se substitue, en terme
22
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
d’électronégativité et en terme de taille. Ceci est illustré dans la partie de la table de
Mendeleiev reproduite au Tableau I-3. L’exciton sera fortement localisé à l’azote dans les
alliages faiblement nitrurés, et donc très sensible à l’environnement local, induisant le
paramètre de courbure ‘géant’.
Les propriétés très particulières des alliages GaNxAs1-x et Ga1-yInyNxAs1-x que nous
développons dans les chapitres suivants découlent du désordre d’alliage important.
COLONNE II
COLONNE III
COLONNE IV
COLONNE V
COLONNE VI
Be (4)
B (5)
C (6)
N (7)
O (8)
0.853
2.0
0.774
2.5
0.719
3.0
0.678
3.5
Mg (12)
Al (13)
Si (14)
P (15)
S (16)
1.301
1.2
1.230
1.5
1.173
1.8
1.128
2.1
1.127
2.5
Zn (30)
Ga (31)
Ge (32)
As (33)
Se (34)
1.225
1.6
1.225
1.6
1.225
1.8
1.225
2.0
1.225
2.4
Cd (48)
In (49)
Sn (50)
Sb (51)
Te (52)
1.405
1.7
1.405
1.8
1.405
1.9
1.405
2.1
0.975
Electronégativité 1.5
Rayon atomique (Å)
1.405
1.7
Tableau I-3 : Eléments de la classification périodique avec leur rayon atomique et leur électronégativité
selon Pauling.
A titre d’exemple, l’incorporation de seulement 2 % d’azote dans GaAs diminue
d’environ 200 meV l’énergie de bande interdite de l’alliage formé. Ainsi, le GaNAs permet
potentiellement de contrôler une gamme d’énergie importante dans l’infrarouge, tout en
variant peu le pourcentage d’azote incorporé c’est-à-dire en restant proche du paramètre de
maille du GaAs. Le faible désaccord de maille entre GaNAs et GaAs ouvre la voie à l’épitaxie
pseudomorphique de GaNAs/GaAs (cf Figure I-3). On notera par ailleurs que cet avantage
peut devenir un inconvénient si l’incorporation d’azote est mal contrôlée. En effet, une faible
variation sur l’incorporation d’azote entraînera des fluctuations importantes de la gamme
d’énergies de bande interdite.
La diminution de l’énergie de bande interdite avec l’incorporation d’azote est
également effective avec le matériau GaInAs.
23
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
I.3.2 L’alliage quaternaire Ga1-yInyNxAs1-x
L’alliage ternaire Ga1-yInyAs, qui présente d’excellentes propriétés optiques, ne permet
pas d’obtenir une émission au delà de la longueur d’onde de 1,2 µm sur substrat GaAs (100).
En effet, le désaccord de paramètre de maille entre le GaAs et l’InAs limite la croissance
pseudomorphique de Ga1-yInyAs sur GaAs à des épaisseurs faibles (puits quantiques) et des
pourcentages d’indium restreints (y < 0,4). Aussi, en 1996, Kondow et al. [12] proposèrent
d’utiliser conjointement l’azote et l’indium pour former l’alliage quaternaire Ga1-yInyNxAs1-x.
Cet alliage utilise l’effet cumulé de diminution de l’énergie de bande interdite par l’azote et
l’indium. Par ailleurs le GaNAs étant contraint en tension et le GaInAs en compression sur le
GaAs, il est possible de faire croître du matériau GaInNAs en accord de maille sur GaAs.
Ainsi, cet alliage permet la croissance pseudomorphique sur substrat GaAs d’un matériau
dont l’énergie de bande interdite est inférieure à 1 eV, comme l’illustre la Figure I-3. Qui plus
est, il autorise une grande flexibilité en terme d’énergie de bande interdite et d’état de
contraintes. C’est donc un candidat pour l’émission aux longueurs d’onde des
télécommunications optiques [12], jusqu’alors réservée à la filière InP, mais aussi pour la
réalisation de cellules solaires multispectrales sur substrats GaAs ou Ge [28, 29], de
transistors bipolaires à hétéro-jonctions [30], ou encore de photodiodes à avalanche à très
faible courant d’obscurité [31]. Par ailleurs, cette famille d’alliages semiconducteurs bénéficie
d’un large décalage de bande de conduction [12], ce qui permet un bien meilleur confinement
des porteurs de charge les plus légers, les électrons, dans la couche active (cf Figure I-4).
BC
~ 500 meV
BC
~ 100 meV
Ga0.9In0.1P0.8As0.2
Ga0.7In0.3P0.4As0.6
Ga0.7In0.3N0.02As0.98
GaAs
BV
BV
Figure I-4 : Illustration du meilleur confinement électronique attendu avec le matériau GaInNAs, par
rapport au matériau GaInPAs [12].
24
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
La réalisation de lasers avec de bonnes tenues en température, donc non refroidis, est
alors envisageable.
Le matériau GaInNAs a effectivement de réelles potentialités en optoélectronique,
puisque très vite des lasers à émission continue par la tranche, émettant à 1,3 µm [32], ont été
réalisés. Puis des VCSELs pompés électriquement, fonctionnant également en continu et à 1,3
µm [13, 19, 20, 21], ont vu le jour. Ce quaternaire a aussi permis l’obtention de diodes lasers
émettant à des longueurs d’onde aussi grandes que 1,52 µm sur substrat GaAs [33]. En terme
de durée de vie, des lasers fonctionnant plus de 1000 heures ont déjà été obtenus [34]. La
commercialisation de VCSELs à 1,3 µm sur substrat GaAs utilisant ce matériau comme
matériau actif a été annoncée par la société Infineon pour début 2002 [35]. Ceci montre
définitivement la potentialité de ce matériau pour les applications optoélectroniques visées.
I.4
Conclusion du Chapitre I
Ce chapitre permet de comprendre le besoin de réaliser des émetteurs lasers compacts
et bas coût aux longueurs d’onde stratégiques des télécommunications optiques, pour
satisfaire les exigences toujours accrues de débits dans les systèmes de transmissions de
données. Les lasers à cavité verticale émettant par la surface (VCSELs) sont des candidats
idéaux, mais nécessitent le développement de nouvelles couches actives. Le candidat le plus
prometteur pour l’émission à 1,3 µm sur substrat GaAs est actuellement l’alliage
semiconducteur quaternaire GaInNAs, qui devrait engendrer la commercialisation d’émetteurs
dans les prochains mois.
Néanmoins, en marge de ces résultats prometteurs, la physique de ces matériaux aux
propriétés très particulières offre encore un large champ d’investigation. Les chapitres
suivants sont donc principalement consacrés à l’étude des propriétés optiques des nitrures à
faible bande interdite.
25
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
I.5
Références du Chapitre I
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10 ANAN, T., YAMADA, M., NISHI, K., KURIHARA, K., TOKUTOME, K., KAMEI, A., SUGOU, S.
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26
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
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12 KONDOW, M., UOMI, K., NIWA, A., KITATANI, T., WATAHIKI, S., YAZAWA, Y.
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STOLZ, W., RÜHLE, W.W.
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MATSUTANI, A., KOYAMA, F., IGA, K.
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Monolithic VCSEL with InGaAsN active region emitting at 1.28 µm and CW output power exceeding 500 µW
at room temperature
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20 JACKSON, A.W., NAONE, R.L., DALBERTH, M.J., SMITH, J.M., MALONE, K.J., KISKER, D.W.,
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27
Chapitre I : Les nitrures à faible bande interdite pour l’émission de lumière à 1,3µm sur substrat GaAs
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Summer School and European Optical Society Topical Meeting on Semiconductor Microcavity Photonics, 2000,
21-25 Octobre, Monte Verita, Ascona, Switzerland, 32 p, Présentation orale
32 NAKAHARA, K., KONDOW, M., KITATANI, T., LARSON, M.C., UOMI, K.
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IEEE Photonics Technol. Lett., 1998, vol. 10, n° 4, pp. 487-488
33 FISCHER, M., REINHARDT, M., FORCHEL, A.
GaInNAs/GaAs laser diodes operating at 1.52 µm
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34 KONDOW, M., KITATANI, T., NAKAHARA, K., TANAKA, T.
A 1.3-µm GaInNAs Laser Diode with a Lifetime of over 1000 Hours
Jpn. J. Appl. Phys., 1999, vol. 38, n° 12A, part 2, pp. L1355-L1356
35 Infineon produira des diodes VCSEL 1300 nm à partir de 2002
ELECTRONIQUE INTERNATIONAL, 12 Avril 2001, n° 429, p 22
28
Chapitre II
:
Optimisation de la croissance
pour l’émission à 1,3 µm
Dans ce chapitre, nous présentons sommairement l’épitaxie par jets moléculaires, qui
est la technique d’élaboration des échantillons étudiés. Nous évoquons notamment
l’incorporation d’azote, spécifique à la croissance des alliages GaNAs et GaInNAs à faible
bande interdite. Ensuite, nous présentons les deux techniques de spectroscopie optique que
nous avons exploitées tout au long de cette thèse : la photoluminescence et la
photoréflectivité. Corrélées à des mesures de diffraction de rayons X et de microscopie
électronique en transmission, elles permettent d’optimiser les conditions de croissance des
alliages nitrurés. La diminution de l’énergie de bande interdite avec l’incorporation d’azote
est observée, et l’émission à 1,3 µm à température ambiante atteinte sur substrat GaAs.
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
30
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.1 La croissance des alliages à faible teneur en azote
A ce jour, de nombreuses techniques de croissance ont permis la réalisation de
structures à base d’alliages GaNAs ou GaInNAs. Parmi les plus courantes on citera le dépôt
en phase vapeur par organométalliques ou l’épitaxie par jets moléculaires. Dans la première
technique, le précurseur de l’azote est la diméthylhydrazine. Dans la seconde, l’azote
moléculaire est décomposé en azote atomique réactif à l’aide d’une cellule plasma. Les
échantillons que nous avons étudiés ont été épitaxiés par cette deuxième technique, au sein du
Laboratoire Infrarouge du CEA Grenoble.
II.1.1 Croissance par épitaxie par jets moléculaires
Bien que n’ayant pas travaillé directement sur la croissance, j’ai été en étroite
collaboration avec l’ingénieur et le technicien qui élaborent les structures, ce qui m’a permis
d’appréhender rapidement l’impact des différents paramètres de croissance sur les propriétés
optiques des nitrures à faible bande interdite. Avant de les étudier, il me semble nécessaire de
présenter brièvement la technique de croissance utilisée, notamment les spécificités par
rapport à l’introduction d’azote.
II.1.1.1 Principe et avantages
L’épitaxie par jets moléculaires est une technique de croissance qui permet de déposer
sur un substrat monocristallin des couches monocristallines de matériaux semiconducteurs,
dont l’épaisseur peut varier de quelques fractions de nanomètres à plusieurs microns. Le
principe consiste généralement à chauffer des espèces contenues dans des cellules et à les
évaporer dans une enceinte ultravide (pression résiduelle < 10-10 torr). Le vide est tel que le
libre parcours moyen de l’espèce évaporée est supérieur à la distance cellule-substrat. On
obtient ainsi des jets de molécules ou d’atomes qui viennent se condenser sur le substrat.
La température du substrat joue un rôle prépondérant : elle doit être relativement basse
pour permettre la condensation des espèces constituant les couches, mais néanmoins
suffisante pour que les atomes puissent migrer à la surface et rejoindre leur site
31
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
d’incorporation. La basse pression résidant dans le bâti d’épitaxie, qui est nécessaire à
l’obtention des jets moléculaires ou atomiques, présente l’avantage de permettre l’utilisation
de la technique du RHEED (Reflection High Energy Electron Diffraction). Cette technique
consiste à faire diffracter des électrons accélérés sous 20 kV sur la surface en croissance, en
incidence rasante. Elle permet de déterminer les vitesses de croissance et de remonter à la
fraction des différents éléments III (oscillations RHEED). Elle donne aussi accès, en temps
réel, aux caractéristiques de la surface (diagramme RHEED), c’est-à-dire aux reconstructions
de surface qui renseignent sur le type et le mode de croissance.
Figure II-1 : Schéma de principe d’un bâti d’épitaxie par jets moléculaires.
La température de croissance, plus basse que dans les autres techniques de croissance telles
que le dépôt en phase vapeur par organométalliques ou le dépôt en phase liquide, permet de se
situer dans un domaine de croissance où les phénomènes de séparation de phase, très
récurrents lors de la croissance de GaNAs ou du GaInNAs, existent moins ou sont limités par
32
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
une cinétique plus faible. De plus, elle minimise les problèmes d’interdiffusion lors de la
réalisation d’hétérostructures.
En épitaxie par jets moléculaires, la vitesse de croissance est de l’ordre de la
monocouche atomique (environ 0,2 nm) par seconde, ce qui permet de réaliser des structures
de très basse dimensionnalité telles que les puits quantiques, ou les boîtes quantiques. Par
ailleurs, devant chaque cellule se trouve un cache, qui autorise ou non le passage des espèces.
Il permet de changer de manière abrupte la nature du matériau épitaxié, donc de faire de la
véritable ingénierie de structure de bande et obtenir les structures relativement complexes que
sont les VCSELs.
II.1.1.2 La croissance en présence d’azote
II.1.1.2.a
Epitaxie en source gaz
La machine qui est utilisée au LIR est une RIBER 32 P à source gaz (cf Figure II-2).
Les substrats utilisés sont des plaquettes de GaAs de 3 pouces de diamètre et d’orientation
cristalline (100), prêts à l’épitaxie (dits ‘epiready’). Les matériaux épitaxiés sont les
semiconducteurs III-V usuels GaAs, AlAs, InAs, GaInAs, AlGaAs, ainsi que les nitrures
d’éléments III-V GaNAs et GaInNAs.
La température du substrat peut monter jusqu’à 750 °C. Elle est contrôlée soit par un
thermocouple, soit par un pyromètre optique qui pointe sur l’échantillon.
Les éléments III (Ga, In, Al) sont évaporés à partir de sources solides ultra-pures (7N)
de Ga, In, Al respectivement chauffées autour de 950 °C, 790 °C, et 1120 °C. Ce sont les flux
d’éléments III, fixés par la température des cellules, qui donnent la vitesse de croissance. En
effet, leur coefficient de collage est égal à 1 pour la gamme de température de substrat
utilisée, ce qui signifie qu’un atome d’élément III qui arrive à la surface du substrat ne se réévapore pas. En revanche, l’élément V arsenic, qui possède une pression partielle de vapeur
très élevée par rapport à celle du gallium, nécessite l’utilisation d’un flux d’arsenic très
supérieur à celui du gallium. Il est également possible de doper les couches soit de type n, soit
de type p, respectivement avec des cellules d’évaporation silicium et béryllium.
Les éléments V (As, N) sont obtenus à partir de sources gazeuses : le gaz arsine AsH3
est décomposé à l’entrée de l’enceinte à haute température (950 °C) sous forme d’As2 ; nous
présentons plus en détail l’incorporation d’azote dans le paragraphe suivant.
33
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Figure II-2 : Photographie du bâti d’épitaxie par jets moléculaires avec, en premier plan, la partie
extérieure de la cellule radio-fréquence qui génère le plasma d’azote.
Figure II-3 : Photographie de la cellule plasma RF qui permet la décomposition de l’azote moléculaire en
azote réactif. L’azote dissocié sort de la cellule par 61 trous.
34
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.1.1.2.b
L’incorporation d’azote
L’azote actif pour la croissance des nitrures est l’azote atomique N [1]. Il est obtenu
par décomposition d’azote diatomique N2. Cependant, l’énergie de liaison de cette molécule
étant de l’ordre de 7 eV, la décomposition thermique est exclue puisqu’elle nécessiterait des
températures beaucoup trop élevées. Aussi l’emploi d’une source plasma à résonance
cyclotron (cellule ECR) ou d’une source plasma radio-fréquence (cellule plasma RF) est-il
nécessaire. La source que nous utilisons est une cellule plasma RF (cf Figure II-2 et Figure
II-3). Dans une source RF, une onde électromagnétique de 13,56 MHz est injectée dans la
cellule dans laquelle arrive de l’azote N2 ultra-pur (7N). L’énergie transférée à l’azote
moléculaire conduit à l’excitation de la molécule puis à sa dissociation en 2 atomes d’azote
atomique, réactifs, qui vont pouvoir être incorporés sur la plaquette.
En fait, le plasma produit est un mélange complexe d’espèces atomiques ou
moléculaires, neutres ou ionisées. L’intérêt des sources RF par rapport aux sources ECR est
de produire plus d’espèces neutres que d’ions [1]. En effet, il est souhaitable d’avoir le
minimum d’espèces ionisées, ces dernières pouvant être accélérées par la différence de
potentiel entre le plasma et la masse, et donc endommager la surface en croissance ainsi
qu’affecter les propriétés optiques des nitrures épitaxiés.
Les paramètres sur lesquels il est possible de jouer dans notre cellule sont la puissance
du plasma et le débit d’azote entrant dans la cellule. Au cours de ma thèse, la ligne d’arrivée
d’azote a été perfectionnée, afin de pouvoir contrôler des flux d’azote plus faibles,
correspondant aux pourcentages d’azote incorporés pour atteindre les longueurs d’onde
désirées, typiquement de 1 à 3 %.
II.1.2 Structures épitaxiées
La croissance d’une structure se déroule comme illustré à la Figure II-4 : dans un
premier temps, il est nécessaire de désoxyder la surface du substrat en la chauffant à 580 °C.
Le contrôle de cette étape s’effectue grâce au diagramme RHEED : la diffraction du faisceau
d’électron passe d’un halo caractéristique d’un matériau amorphe aux taches de diffraction
bien structurées d’une structure cristalline, correspondant à une surface de GaAs reconstruite
de type 2×4, caractéristique d’une surface désoxydée. Ensuite, pour enterrer les défauts de
surface éventuels et commencer la croissance dans des bonnes conditions, une couche tampon
de GaAs d’environ 400 nm d’épaisseur est épitaxiée autour de 600 °C. Sur cette couche
35
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
tampon on peut alors faire croître la couche active, qui se compose généralement soit d’une
couche de GaNxAs1-x d’environ 100 nm d’épaisseur, soit d’un ou plusieurs puits quantiques.
Les puits quantiques sont composés des ternaires GaNxAs1-x/GaAs ou Ga1-yInyAs/GaAs, ou du
quaternaire Ga1-yInyNxAs1-x/GaAs. Leur épaisseur ne dépasse pas 7-8 nm (cf Figure II-4).
L’épitaxie de la couche active nitrurée se fait à plus basse température (400 – 450 °C) comme
nous allons le voir. Enfin, une fine couche d’encapsulation de GaAs couvre les structures,
d’une part pour les protéger de l’oxyde natif, d’autre part pour placer la zone active à environ
100 à 200 nm de la surface afin de limiter les effets de recombinaison de surface en
photoluminescence. Dans le cas où la structure est recuite in situ, la température est
augmentée jusqu’à 650°C avec une contre pression importante d’arsenic pour éviter la
décomposition du GaAs de surface.
Un ou plusieurs puits quantiques
(Ga,In)(N,As)/GaAs
épaisseur ~ 7 nm
Espacement interpuits : ~ 20 nm
100 nm 50 nm
GaNAs
50 nm
GaAs
couche tampon
de GaAs
400 nm
400 nm
Croissance
Temps
Recuit in situ (facultatif)
Désoxydation
400-450°C 580°C
substrat
GaAs (100)
‘epiready’
650°C
GaAs
couche tampon
de GaAs
substrat
GaAs (100)
‘epiready’
Température
Figure II-4 : Schéma du type de structures épitaxiées.
L’épaisseur des couches de GaNxAs1-x n’excède pas 100 nm, celle des puits
quantiques de Ga1-yInyAs/GaAs, ou de Ga1-yInyNxAs1-x/GaAs n’excède pas 7-8 nm, car audelà le désaccord de paramètre de maille est trop important et les dépôts ne sont alors plus
pseudomorphiques. En effet, le dépassement de l’épaisseur critique génère des défauts et
entraîne une forte chute des rendements de photoluminescence.
36
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Par ailleurs, les structures étudiées sont toutes non-intentionnellement dopées. On
notera également que lorsque le cache de la cellule azote est fermé et que la cellule est en
marche, une incorporation résiduelle d’azote d’environ 0,3 % - 0,4 % a lieu dans le GaAs.
Ceci montre que le cache de la cellule azote ne joue pas totalement sont rôle. Cette donnée est
intégrée dans les calculs ultérieurs.
La technique de croissance ayant été décrite, il convient maintenant de présenter les
deux techniques de spectroscopie optique qui ont permis d’obtenir les principaux résultats
consignés dans ce mémoire : la photoluminescence et la photoréflectivité.
37
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.2 Techniques de spectroscopie optique utilisées
Dans ce paragraphe nous présentons de manière relativement succincte le principe des
techniques de spectroscopie optique utilisées pendant cette thèse. Les dispositifs
expérimentaux de photoluminescence et de photoréflectivité, schématisés respectivement à la
Figure II-5 et à la Figure II-9, sont situés au Laboratoire de Physique de la Matière (LPM) de
l’INSA de Lyon.
II.2.1 La photoluminescence : principe et dispositif expérimental
La photoluminescence (PL) est probablement la technique de spectroscopie la plus
couramment utilisée pour caractériser les propriétés optiques des semiconducteurs,
notamment à bande interdite directe. Elle permet de mesurer les recombinaisons radiatives au
sein d’un matériau, quand celui-ci est excité par des photons.
Dans le cas de la manipulation que nous avons le plus utilisée (cf Figure II-5) le
faisceau excitateur est issu d’un laser Ar de longueur d’onde 514,5 nm focalisé sur
l’échantillon à étudier. Le diamètre du spot sur l’échantillon est d’environ 200 µm. On peut
faire varier les densités de puissance d’excitation de 0,2 W/cm2 à 2000 W/cm 2. Il est possible
de placer l’échantillon dans un cryostat afin d’effectuer des mesures dans la gamme de
température 8 K – 300 K. Les photons issus du laser sont absorbés dans le matériau car leur
énergie est supérieure à l’énergie de bande interdite des semiconducteurs que nous étudions
(excitation intrinsèque). Leur profondeur de pénétration est de l’ordre de la centaine de
nanomètres. Chaque photon crée une paire électron-trou, dans la mesure où il existe des états
(places) disponibles pour chacune de ces particules. A une échelle de temps très courte les
électrons et les trous se thermalisent pour occuper les états disponibles permettant de
minimiser leur énergie, puis se recombinent, soit de manière non radiative avec émission de
phonons ou par effet Auger, soit de manière radiative avec émission de photons. Les photons
émis sont collectés à l’aide d’un système Casse -grain sur les fentes d’un monochromateur
(résolution 2,5 nm par mm de fente) et dispersés par un réseau de 600 traits/mm blazé à 1 µm.
Ils sont ensuite détectés avec une photodiode Ge refroidie à 77 K et polar isée à – 300 V. Le
38
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
signal, extrait du bruit à l’aide d’une détection synchrone, est envoyé à l’ordinateur qui
enregistre le spectre.
Les spectres permettent d’obtenir des informations sur les propriétés intrinsèques
(énergie de bande interdite, transition excitonique, désordre d’alliage, qualité d’interfaces) et
extrinsèques (défauts légers ou profonds) du semiconducteur étudié.
Figure II-5 : Schéma du banc expérimental de photoluminescence.
39
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Dans le cadre de cette thèse, nous avons également utilisé deux autres bancs de PL.
•
Le premier est un banc de cartographie de photoluminescence, situé au Laboratoire
Infrarouge du LETI. Il permet de collecter le spectre de PL en chaque point (pas de 1
µm ou 50 µm) d’une plaque 3 pouces, et ainsi de récolter des informations sur
l’homogénéité du matériau ou sur la répartition spatiale d’éventuels défauts. Dans
cette manipulation, la PL est excitée avec un faisceau laser He-Ne (632,8 nm), et
collectée avec une photodiode InGaAs. Les mesures sont effectuées soit à 300 K, soit
à 77 K. La densité de puissance d’excitation est relativement élevée, de l’ordre de 10
kW/cm2. L’absence de détection synchrone ne permet pas l’acquisition de signaux
faibles.
•
Le second banc est un banc de microphotoluminescence, situé au LPM. Il permet de
sonder la PL sur une surface très faible, de l’ordre d’une dizaine de microns carrés et
de visualiser le spot de PL à l’aide d’une caméra infrarouge. Les densités de puissance
d’excitations (~ 10 kW/cm2) et les spectres peuvent être obtenus dans la gamme de
température 4,2 K – 300 K.
II.2.2 La photoréflectivité
La photoréflectivité (PR), ou réflectivité photomodulée, est une technique de
modulation, qui permet de sonder les transitions optiques directes dans la structure de bande
des matériaux semiconducteurs. Elle présente l’avantage d’être non destructive et s’applique à
la fois aux matériaux massifs et aux structures de très faible dimension telles que les puits
quantiques. Par conséquent, elle est bien adaptée à l’étude des semiconducteurs III -V qui font
l’objet de ce mémoire (GaAsN, GaInAs, GaInNAs), tous de bande interdite directe et se
présentant soit sous la forme de couches épaisses, soit sous la forme de puits quantiques.
Cette technique est complémentaire de la photoluminescence. En effet, la PR permet
d’avoir accès aux énergies d’absorption des paires électron-trou dans le matériau, c’est-à-dire
typiquement à l’énergie de bande interdite d’un matériau massif ou aux énergies des niveaux
confinés dans un puits quantique. En revanche, la PL donne les énergies de recombinaison des
paires électron-trou dans le matériau, qui peuvent être différentes des énergies citées plus
haut.
40
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.2.2.1 Principe
Le principe de la PR est le suivant : un faisceau lumineux de longueur d’onde variable,
le faisceau sonde, se réfléchit sur la surface de l’échantillon à étudier. Au même endroit, une
perturbation périodique extérieure, en l’occurrence un faisceau laser haché, vient moduler la
constante diélectrique relative εr du matériau, ce qui induit une modification du coefficient de
réflexion, qui est détectée en mesurant l’intensité du faisceau sonde réfléchi (cf Figure II-9).
En effet, la constante diélectrique complexe est directement liée à l’indice optique complexe,
à partir duquel est défini le coefficient de réflexion :
ε1 + iε2 = (n + ik)2
Équation II-1
avec n indice de réfraction traduisant la vitesse de propagation d’une onde dans le cristal, et k
coefficient d’extinction correspondant à l’atténuation de l’onde qui traverse le cristal.
Ainsi, au voisinage des transitions optiques où la fonction diélectrique est fortement
perturbée, on enregistre une forte variation du coefficient de réflexion. En PR, c’est la
variation relative ∆R/R qui est enregistrée, à l’aide d’une détection synchrone (cf Figure II-9).
L’avantage d’acquérir la dérivée du spectre de réflectivité est double : ceci permet d’une part
d’éliminer le fond continu, d’autre part d’augmenter la sensibilité au voisinage des points
critiques, c’est-à-dire aux énergies de singularité de la densité d’états conjointe.
Quant au mécanisme de modulation de la fonction diélectrique, il s’effectue par une
modulation du champ électrique de surface. En effet, les propriétés de la surface étant
toujours différentes de celles du matériau en volume, il existe un champ électrique et une zone
de charge d’espace à proximité de la surface des échantillons. Les photons issus du f aisceau
laser haché génèrent périodiquement des paires électron/trou dans la zone de charge d’espace,
qui vont se déplacer sous l’action du champ électrique de manière à réduire son intensité (cf
Figure II-6).
Dans la zone de modulation du champ E ainsi créée, i.e. dans la gamme de profondeur
où la zone de charge d’espace existe et où les paires électron/trou sont photogénérées
(typiquement quelques dixièmes de micron), les paramètres intrinsèques du matériau tels que
l’énergie de l’exciton, la durée de vie des excitons ou des porteurs, la force d’oscillateur, vont
être perturbés, induisant les changements de la fonction diélectrique et donc du coefficient de
réflexion.
41
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
E
E-dE
Ec
Ef
Ev
Figure II-6 : Illustration de la réduction du champ électrique de surface sous photoinjection de porteurs.
Cependant, les mécanismes physiques responsables de la modulation de la fonction
diélectrique par la modulation du champ électrique diffèrent selon que l’on considère des
transitions bande à bande ou des transitions d’états liés.
II.2.2.1.a
Transitions bande à bande
Dans le cas d’un matériau massif, la présence du champ E affecte la symétrie de
translation du réseau, et accélère les électrons et les trous libres. Si le champ est faible, la
perturbation de la fonction diélectrique est proportionnelle à la dérivée troisième de la
fonction diélectrique non perturbée [2]. Pour un élargissement lorentzien de la transition, la
PR peut être décrite sous la forme :
[
∆R = Re A⋅exp(iφ)⋅(E − E g +iΓ )−m
R
]
Équation II-2
où A est l’amplitude de la transition, liée à la force d’oscillateur, φ un facteur de phase, Eg
l’énergie de bande interdite du matériau, Γ l’élargissement de la transition, et m un facteur qui
dépend du type de point critique considéré, et qui, pour les structures blende de zinc à bande
interdite directe, est égal à 2,5 [ 3].
La Figure II-7 montre la forme d’un spectre de PR caractéristique d’une transition
bande à bande sur une couche de GaAs à 300 K, calculée à l’aide de l’équation II -2. On
pourra constater le changement de la forme du spectre en fonction des valeurs du paramètre
de phase. Pour un élargissement gaussien, la formule, plus compliquée, fait intervenir la
fonction hypergéométrique dégénérée [4].
42
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
∆R/R
1.424 eV
Eg(GaAs) = 1.424 eV
Γ = 13 meV
A fixe
φ variable
1,3
1,4
1,5
1,6
Energie (eV)
Figure II-7 : Forme d’un spectre de PR caractéristique d’une transition bande à bande sur une couche
épaisse de GaAs, pour différentes valeurs de la phase.
Si le champ est fort, les spectres sont plus complexes, car l’effet Franz-Keldysh (effet
tunnel assisté par photon) apparaît, induisant un décalage des transitions vers les basses
énergies, ainsi que des oscillations à hautes énergies.
II.2.2.1.b
Transitions sur des états liés
Dans les systèmes confinés tels que les excitons ou les puits quantiques, les états liés
ne peuvent pas être accélérés par le champ électrique. Néanmoins, le champ électrique reste à
l’origine de la modulation de la fonction diélectrique, dont la perturbation est cette fois
proportionnelle à la dérivée première de la fonction diélectrique non perturbée [ 5]. La
modulation s’effectue en effet via :
i)
une variation de l’énergie de l’état lié, c’est-à-dire par effet Stark dans le cas d’un
exciton ou effet Stark confiné quantiquement dans le cas d’un puits quantique,
ii)
une variation de l’élargissement de la transition, inversement proportionnel à la durée
de vie de l’état lié, qui peut être modifiée par effet tunnel,
iii)
une variation de l’intensité, c’est-à-dire de la force d’oscillateur de l’état lié
(modification du recouvrement des fonctions d’onde).
43
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Ec
Ec
effet
tunnel
E
E’
Ev
Ev
Figure II-8 : Illustration des mécanismes de modulation induits par la variation du champ électrique dans
un puits quantique : variation de l’énergie de transition, de l’élargissement, et du recouvrement des
fonctions d’onde. A gauche, structure de bande d’un puits en présence d’un champ électrique, à droite
structure de bande d’un puits sans champ électrique.
En général, parmi les trois effets cités plus haut (illustrés à la Figure II-8 pour un puits
quantique), un est prépondérant : dans un puits quantique de type I, le mécanisme principal
est la modulation de l’énergie de confinement ; pour les excitons dans un matériau massif, il
s’agit plutôt d’une modulation de la durée de vie. On notera que dans le cas d’un profil
lorentzien, ∆R/R peut s’exprimer à l’aide de l’équation II -2 en prenant m égal à 2.
II.2.2.2 Dispositif expérimental
Le banc expérimental est présenté à la Figure II-9. Le faisceau sonde est obtenu en dispersant
la lumière blanche issue d’une lampe quartz tungstène halogène, régulée en courant, à travers
un monochromateur Jobin-Yvon HR 640 équipé d’un réseau de 600 traits/mm blazé à 1 ou
1,5 µm. Il est ensuite focalisé sur l’échantillon à l’aide d’une lentille biconvexe. Il est possible
de placer l’échantillon dans un cryostat dont la température, mesurée à l’aide d’un
thermocouple, peut être régulée entre 8 K à 300 K. La modulation est produite par un faisceau
44
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
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laser He-Ne (632,8 nm) haché à une fréquence de 310 Hz. Le faisceau réfléchi est ensuite
focalisé à l’aide d’une autre lentille biconvexe sur une photodiode GaInAs ou Si (selon la
gamme d’énergies considérée) utilisée en mode photovoltaï que. Un appareil Keithley
convertit le courant de la photodiode en tension, avec un gain de l’ordre de 107 V/A. Deux
voies d’acquisition permettent ensuite d’acquérir le signal proportionnel à R, et le s ignal
proportionnel à ∆R (via la détection synchrone). Le rapport numérique des deux composantes
donne le signal de PR. La résolution des spectres est de l’ordre du meV.
Figure II-9 : Schéma du banc expérimental de photoréflectivité.
45
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Les deux techniques de spectroscopie optique, complémentaires, que sont la
photoluminescence (émission) et la photoréflectivité (seuil d’absorption), servent dans un
premier temps à des caractérisations relativement simples, effectuées à température ambiante,
des structures épitaxiées par jets moléculaires. Elles permettent, alliées à des techniques de
caractérisation structurale telles que la microscopie électronique en transmission ou la
diffraction de rayons X, d’optimiser la qualité optiques des nitrures à faible bande interdite,
pour obtenir l’émission de lumière à la longueur d’onde de 1,3 µm.
46
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.3 L’émission à 1,3 µm sur substrat GaAs
Lorsque la croissance de structures nitrurées à faible bande interdite a débuté au
Laboratoire Infrarouge, c’est-à-dire en janvier 1999, les plaques épitaxiées présentaient un
aspect laiteux et aucun signal de PL n’était détecté. Pourtant, l’incorporation d’azote fut mise
en évidence par diverses techniques telles que la spectroscopie de masse d’ions secondaires,
la spectroscopie Auger ou encore la diffraction de rayons X. La température de croissance des
couches actives était alors voisine de 500 °C. En fait, il est apparu rapidement que la
température de croissance des nitrures à faible bande interdite doit être beaucoup plus basse,
et qu’elle joue un rôle essentiel sur les propriétés structurales et optiques des nitrures.
II.3.1 Un paramètre clé : la température de croissance
En épitaxie par jets moléculaires, la température de croissance en-dessous de laquelle
la PL à température ambiante des couches actives est observée est typiquement 470 °C. Une
étude de la qualité cristalline et optique d’échantillons composés de trois puits quantiques de
Ga1-yInyNxAs1-x/GaAs est donc menée dans la gamme de température de croissance 400 °C –
450 °C. L’épaisseur des puits et des barrières est fixée à 7 nm et 18 nm, respectivement. Les
pourcentages d’indium et d’azote visés sont de 35 % et 2 %, respectivement. Le rapport
d’éléments V/III est fixé à 3. Des puits de référence sans azote sont étudiés en parallèle.
La Figure II-10 montre les spectres de diffraction X haute résolution obtenus sur ces
structures à multipuits quantiques pour des températures de croissance de 400 °C, 425 °C, et
450 °C. Sur chaque spectre, le pic le plus intense et le plus fin correspond au GaAs. Les pics
satellites traduisent les interférences dues aux différentes couches de la structure
multicouches. L’espacement angulaire entre les pics est lié à sa période. La position angulaire
de l’enveloppe englobant les franges est fonction de la composition en indium et en azote des
puits.
Au vu des figures, il apparaît clairement que les pics satellites sont d’autant mieux
définis que la température de croissance est faible, que ce soit pour les multipuits quantiques
de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs ou pour leurs homologues sans azote. Ceci indique que
47
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
l’interface entre les puits et les barrières est moins bien définie à 450 °C (morphologie
rugueuse), qu’à 400 °C. La morpho logie relativement abrupte des interfaces à 400 °C est
vérifiée sur l’image de la Figure II-11 obtenue en microscopie électronique en transmission
sur les puits quantiques nitrurés. Les puits sont bien définis et on note également qu’aucune
dislocation n’est observée, ce qui indique que leur densité est inférieure à 10 8 cm-2.
Néanmoins, on constate que la planéité des interfaces se dégrade avec le nombre de puits : le
puits le plus proche de la surface présente des légères fluctuations d’épaisseur.
3 puits quantiques de Ga0.65In 0.35As/GaAs
3 puits quantiques de Ga 0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
6
10
6
5
10
5
4
10
4
10
3
10
2
10
1
10
0
10
10
Intensité (u. a.)
Intensité (u. a.)
10
3
10
2
10
1
10
Tcroissance = 400 °C
0
10
10
Tcroissance = 400 °C
Tcroissance = 425 °C
10
-1
Tcroissance = 450 °C
-8000
-1
-2
-6000
-4000
-2000
0
2000
4000
Tcroissance = 450 °C
10
-12000 -10000
-2
10
-12000 -10000
Tcroissance = 400 °C
6000
-8000
-6000
-4000
-2000
0
2000
4000
6000
Ω (arcsec)
Ω (arcsec)
Figure II-10 : Spectres de diffraction X haute résolution obtenus sur des échantillons composés de 3 puits
quantiques de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs ou de Ga0,65In0,35As/GaAs, élaborés à différentes températures.
Les spectres sont décalés verticalement par souci de clarté.
GaInAsN
GaAs
Epaisseurs des puits : 6,5 à 7 nm
Figure II-11 : Photographie, obtenue en microscopie électronique en transmission, de 3 puits quantiques
de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs élaborés à 400 °C.
48
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
L’amélioration des propriétés structurales des couches actives en abaissant la
température de croissance semble liée à l’amélioration des propriétés d’émission des puits,
comme le montre la Figure II-12. La photoluminescence des puits de GaInNAs/GaAs est 50
fois plus intense lorsque les structures sont élaborées à 400 °C que lorsqu’elles sont élaborées
à 450 °C, pour une longueur d’onde d’émission très proche. Les spectres de
photoluminescence obtenus au LIR sur les deux structures (avec et sans azote) élaborées à
400 °C sont tracés en encart de la Figure II-12. On constate le décalage vers les grandes
longueurs d’onde de l’émission du puits, consécutif à l’inco rporation d’azote. On note
également une chute d’un facteur au moins 5 de l’intensité de PL des puits quantiques de
GaInNAs/GaAs par rapport à celle des puits quantiques de GaInAs/GaAs.
1000
100
λ (nm)
1500 1400 1300
10
1
Intensité de PL (u. a.)
Intensité de PL (u. a.)
Ga0.65In0.35As/GaAs
Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
1,00
1200
1100
1000
900
Ga0.65In 0.35As/GaAs
Ga0.65In 0.35N 0.02As0.98/GaAs
300 K
Tcroissance = 400 °C
0,75
0,50
X6
0,25
0,00
0,8
0,9
1,0
1,1
1,2
1,3
1,4
Energie (eV)
380
400
420
440
460
Tcroissance (°C)
Figure II-12 : Intensité de PL à 300 K sur des échantillons composés de 3 puits quantiques de
Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs ou de Ga0,65In0,35As/GaAs, élaborés à différentes températures de croissance.
L’encart montre les spectres obtenus pour les deux échantillons élaborés à 400 °C.
49
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Des simulations des spectres de diffraction X ont été effectuées sur ces deux structures
[6]. Sur les 3 puits de Ga0,65In0,35As/GaAs de référence, le pourcentage d’indium et
l’épaisseur des puits déduits des simulations sont en accord avec les valeurs visées. Sur les 3
puits de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs, en supposant que le pourcentage d’azote ne change pas
le pourcentage d’indium incorporé, ce qui semble le cas en épitaxie par jets moléculaires
(contrairement au dépôt d’organométalliques en phase vapeur), et en tenant compte d’une
incorporation résiduelle d’azote de 0,4 % dans les barrières (due à une efficacité du cache de
la cellule azote qui n’est pas totale, cf II.1.2), les simulations sont également en accord avec
l’expérience. Elles montrent en outre que l’incorporation de 2 % d’azote dans le Ga0,65In0,35As
permet de diminuer le désaccord de paramètre de maille avec le GaAs, puisque la position
angulaire de l’enveloppe englobant les franges se rapproche de celle du GaAs. Ce résultat est
attendu, puisque le GaInAs/GaAs est contraint en compression et que le GaNAs/GaAs est
contraint en tension (cf Figure I-3).
Pourtant, paradoxalement, l’incorporation d’azote ne permet pas de repousser la valeur
de l’épaisseur critique des puits quantiques mais au contraire semble favoriser l’apparition
d’une croissance tridimensionnelle, comme illustré à la Figure II-13 à l’aide de photographies
de microscopie électronique en transmission obtenues respectivement sur un puits quantique
de Ga0,72In0,28N0,028As0,972/GaAs et un puits quantique de Ga0,72In0,28As/GaAs, tous les deux
épitaxiés à 450 °C, c’est -à-dire à une température de croissance qui n’est pas optimale. Le
puits nitruré présente des fluctuations d’épaisseurs beaucoup plus importantes que sur le puits
sans azote. Le début de croissance tridimensionnelle observée sur l’échantillon nitruré
(fluctuations de l’épaisseur du puits), alors que la contrainte dans ce puits devrait être
moindre, indique la présence probable de fortes inhomogénéités de composition ou de
contraintes. De telles fluctuations peuvent éventuellement donner naissance à des structures
ressemblant à des boîtes quantiques [ 7]. A l’inverse, nous avons montré qu’en diminuant la
température de croissance il était possible de limiter l’apparition de ces fluctuations (cf Figure
II-11).
Nous pensons que la température de croissance des alliages III-V-N doit être basse
pour éviter les phénomènes de séparation de phase [8, 9]. En effet, la forte différence de
paramètre de maille (20 %) entre GaN et GaAs entraîne une immiscibilité extrême des atomes
d’As et d’N du sous-réseau des éléments du groupe V. L’obtention de l’alliage GaNAs (ou
GaInNAs) sans phénomènes de séparation de phase est probablement favorisée à basse
température de croissance (400 °C) car, d’un point de vue cinétique, cette dernière réduit la
50
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
mobilité de surface des atomes d’azote et minimise ainsi la formation d’agrégats de taille
importante.
Puits quantique 7 nm Ga0.72In0.28N0.028As0.972/GaAs
GaAs
GaInAsN
GaAs
50 nm
Puits quantique 7 nm Ga0.72In0.28As/GaAs
GaAs
GaInAs
GaAs
20 nm
Figure II-13 : Photographies, obtenues en microscopie électronique en transmission, d’un puits quantique
de Ga0,72In0,28N0,028As0,972/GaAs (haut) et de Ga0,72In0,28As/GaAs (bas) élaborés à 450 °C.
En conclusion, la croissance par épitaxie par jets moléculaires des nitrures à faible
bande interdite doit se faire à basse température (400 °C), tant pour optimiser les propriétés
structurales qu’optiques des couches actives.
51
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.3.2 Décalage de la bande interdite vers les plus grandes
longueurs d’onde avec l’incorporation d’azote
Longueur d'onde (µm)
1,35
1,3
70
1,25
1,2
1,15
1.24 µm
1,1
1,05
1
1.12 µm
T = 300 K
60
Intensité de PL (u. a.)
1 puits quantique GaInNAs/GaAs
3 puits quantiques GaInAs/GaAs
50
40
X 30
28 meV
30
15 meV
20
10
0
0,90
0,95
1,00
1,05
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
Energie (eV)
Longueur d'onde (µm)
1,35
1,3
1,25
1,2
1,15
1,1
1,05
1
T = 300 K
0,0002
1.24 µm
1 puits quantique GaInNAs/GaAs
3 puits quantiques GaInAs/GaAs
0,0001
∆R/R
0,0000
-0,0001
-0,0002
1.12 µm
-0,0003
-0,0004
0,90
0,95
1,00
1,05
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
Energie (eV)
Figure II-14 : Spectres de PL (haut) et de PR (bas) obtenus à 300 K sur des puits quantiques de
GaInNAs/GaAs ou de GaInAs/GaAs, montrant le décalage vers les grandes longueurs d’onde (basses
énergies) consécutif à l’incorporation d’azote.
52
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
La Figure II-14 montre les spectres de photoluminescence et de photoréflectivité
obtenus, à 300 K, sur un puits quantique de GaIn NAs/GaAs (environ 35 % d’indium et 1,5 %
d’azote) et sur trois puits quantiques de GaInAs/GaAs (environ 35 % d’indium). L’épaisseur
des puits est proche de 7 nm. La présence d’azote dans le puits augmente la longueur d’onde
d’émission de 1,12 µm à 1,24 µm. Elle induit une chute des rendements de PL ainsi qu’une
augmentation importante de la largeur à mi-hauteur du spectre. Le décalage vers les grandes
longueurs d’onde, ainsi que l’élargissement du signal, est également constaté en PR (cf Figure
II-14). Cette corrélation permet de montrer sans ambiguï té que l’augmentation de la longueur
d’onde d’émission est due à une diminution de l’énergie de bande interdite de l’alliage et non
à la présence de défauts radiatifs émettant à 1,24 µm. En effet, si la luminescence obtenue sur
l’échantillon nitruré provenait de défauts profonds, aucun signal de PR ne serait observé
puisque cette technique est sensible aux propriétés intrinsèques (et non extrinsèques) du
matériau.
II.3.3 Dégradation
de
l’intensité
de
photoluminescence
avec
l’incorporation d’azote
L’augmentation d’incorporation d’azote dans GaAs ou GaInAs induit une diminution
de l’énergie d’émission. Cette diminution en fonction du pourcentage d’azote incorporé est
étudiée quantitativement au Chapitre III. Dans ce paragraphe, nous montrons que l’intensité
du signal de photoluminescence est affectée par l’incorporation croissante d’azote dans
l’alliage GaInNAs.
La Figure II-15 montre une cartographie de PL obtenue à tem pérature ambiante sur
une structure composée d’un puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs, ainsi que sur une
structure de référence, identique mais sans azote. Les deux structures sont élaborées à 400 °C.
Sur le puits quantique de référence, la longueur d’onde d’émission (de même que l’intensité
du pic de PL) est relativement homogène sur toute la plaque : sa valeur est de 1143 nm ± 5
nm. Cette homogénéité est attribuée à une très faible dérive de l’épaisseur du puits et du
pourcentage d’indium incorporé sur la plaque. En revanche, sur le puits de GaInNAs/GaAs, la
longueur d’onde d’émission augmente de 1324 nm au centre la plaque à 1358 nm en bord de
plaque. Au vu des faibles dispersions obtenues sur la structure de référence, la forte
inhomogénéité de la longueur d’onde d’émission est attribuée à une inhomogénéité du
53
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
pourcentage d’azote incorporé dans le puits : plus la longueur d’onde d’émission est grande,
plus le pourcentage d’azote incorporé dans le puits est élevé. L’inhomogénéité
d’incorporation d’azote se traduit également par une inhomogénéité du signal de PL : plus
l’incorporation d’azote est élevée, plus l’intensité de PL est dégradée.
Puits quantique de GaInNAs/GaAs
Puits quantique de GaInAs/GaAs
Figure II-15 : Cartographies de photoluminescence obtenues, à 300 K, sur une plaque 3’’ comportant un
puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs (gauche) et sur une autre comportant un puits quantique de
Ga0,65In0,35As/GaAs (droite). Les cartographies du haut sont des cartographies de longueur d’onde
d’émission. Les cartographies du bas sont des cartographies d’intensité du pic de PL.
Ces propos sont également illustrés sur les spectres de la Figure II-16. On observe que
l’augmentation de la longueur d’onde d’émission et la chute d’intensité de PL avec
l’incorporation d’azote sont accompagnées d’un élargissement des spectres de PL.
54
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Longueur d'onde (µm)
1,35
1,3
1,25
1,2
1,15
1,1
1,05
1
35
T = 300 K
Puits quantiques GaInNAs/GaAs
30
Intensité de PL (u. a.)
Puits quantique GaInAs/GaAs
25
20
X1
X 20
15
X 10
X 300
10
5
0
0,90
0,95
1,00
1,05
1,10
1,15
1,20
1,25
Energie (eV)
Figure II-16 : Spectres de PL obtenus à 300 K sur des puits quantiques de GaIn(N)As/GaAs, montrant le
décalage vers les grandes longueurs d’onde, la diminution de l’intensité de PL, et l’élargissement des
spectres avec l’incorporation d’azote.
La diminution des rendements de photoluminescence avec l’incorporation d’azote,
systématiquement consignée dans la littérature, montre que l’incorporation d’azote
s’accompagne de la génération de défauts non radiatifs. La nature de ces défauts est discutée
au chapitre V. Cependant, ce résultat amène à la conclusion suivante : pour une application
optoélectronique visée, en l’occurrence la réalisation d’émetteurs à 1,3 µm, il est important
d’utiliser le minimum d’azote nécessaire à l’obtention de la longueur d’onde visée, puisque
l’incorporation de cet élément fait chuter les rendements radiatifs.
II.3.4 Emission à 1,3 µm sur substrat GaAs à température ambiante
D’après la remarque précédente, pour atteindre la longueur d’onde de 1,3 µm avec une
intensité maximale avec des puits quantiques de GaInNAs/GaAs, il est préférable
d’incorporer le maximum d’indium et le minimum d’azote dans les puits [10]. Ceci est illustré
à la Figure II-17, où sont tracés les spectres de puits quantiques de Ga1-yInyNxAs1-x/GaAs
55
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
d’épaisseur 7 nm avec des pourcentages d’indium et d’azote différents. On constate que le
puits de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs a un signal de PL plus élevé que le puits de
Ga0,74In0,26N0,026As0,974/GaAs, alors qu’il émet pourtant à plus grande longueur d’onde (1,275
µm contre 1,2 µm).
Longueur d'onde (µm)
1,4
1,3
1,2
1,1
1
15
Intensité de PL (u. a.)
12
Puits quantique Ga1-yInyNxAs1-x :
y=26%, x=2%
y=26%, x=2.6%
y=35%, x=2%
y=35%, x=2.6%
T = 300 K
2
Pexc = 10 kW/cm
9
6
3
0
0,9
1,0
1,1
1,2
1,3
Energie (eV)
Figure II-17 : Spectres de PL obtenus à température ambiante sur des puits quantiques de
GaInNAs/GaAs dont les compositions respectives d’indium et d’azote varient.
La cartographie de PL de la Figure II-15, les spectres de PL de la Figure II-16 et de la
Figure II-17 confirment que l’alliage GaInNAs, épitaxiable sur substrat GaAs, permet
d’obtenir une émission de lumière à 1,3 µm et même au-delà, et ce à température ambiante.
Néanmoins, l’obtention de telles longueurs d’onde se fait généralement aux dépens de
l’intensité du signal de photoluminescence, qui peut chuter de plus de 2 ordres de grandeur.
Cette diminution des rendements radiatifs est importante, mais peut être réduite à l’aide d’un
recuit post-croissance, comme nous allons le voir.
56
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.3.5 Importance du recuit post-croissance
Dans les nitrures à faible bande interdite, l’incorporation d’azote s’accompagne d’une
chute importante des rendements de photoluminescence (cf II.3.3). Certes, une diminution de
la force d’oscillateur avec l’incorporation d’azote a été prédite [11], mais en pratique la chute
est beaucoup plus forte et donc plutôt imputable à la génération ou l’incorporation de défauts
non radiatifs pendant la croissance des nitrures. Aussi le recuit est-il utilisé de manière quasisystématique pour guérir les défauts. Les nitrures à faible bande interdite sont extrêmement
sensibles au recuit, qui permet notamment d’augmenter la photoluminescence des couches
typiquement d’un ordre de grandeur (cf Figure II-18). Un décalage vers le bleu du pic de PL
est également constaté après le recuit (cf Figure II-18). Cet effet indésirable limite l’obtention
de longueurs d’onde élevées avec des intensités acceptables. Il sera étudié en détail au
Chapitre V.
Spectre PL puits quantique GaInNAs/GaAs
1,0
300 K
recuit 5 min à 700 °C
non recuit
Intensité de PL (u. a.)
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
0,90
0,95
1,00
1,05
1,10
Energie (eV)
Figure II-18 : Effet typique du recuit thermique sur un spectre de photoluminescence.
57
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.3.5.1 Type de recuit
Les échantillons ont été recuits soit in situ dans le bâti d’épitaxie, soit ex situ dans un
four thermique rapide, dit four RTA (pour Rapid Thermal Annealing).
II.3.5.1.a
Recuit in-situ
Le recuit in situ consiste à élever la température de l’échantillon jusqu’à 650 °C
pendant une durée de 15 à 30 minutes. Ce recuit s’effectue dans le bâti d’épitaxie à la fin de la
croissance des structures (cf Figure II-4), sous une contre pression d’arsenic afin d’empêcher
toute dégradation de la couche de GaAs de surface. Il impose des rampes de montée en
température relativement lentes, et n’autorise pas des recuits à température élevée,
contrairement au recuit RTA.
Ce type de recuit préfigure l’histoire thermique que pourrait subir une couche de
GaInNAs dans le cas de la réalisation du miroir supérieur d’un VCSEL.
II.3.5.1.b
Recuit ex situ
Le recuit thermique rapide (RTA) consiste à chauffer des lampes halogènes dans un
four, ce qui autorise des rampes de montée en température très raides. Il permet donc
d’effectuer des recuits très courts à des températures relativement élevées (cf Figure II-19), ce
qui ne dégrade généralement pas les propriétés structurales du matériau. Dans ce travail de
thèse, deux fours RTA ont été utilisés : un situé au LIR, dont la température maximale
d’utilisation est de 700 °C, l’autre situé au LPM, pour les recuits à plus hautes températures
(700 °C – 850 °C). Dans les deux cas, les recuits sont effectués sous flux d’azote.
58
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Enregistrement température RTA 800°C, 30s
900
800
Température (°C)
700
600
500
400
300
200
100
0
0
50
100
150
200
250
Temps (s)
Figure II-19 : Courbe de température enregistrée dans le four RTA lors d’un recuit RTA de 30 s à 800 °C.
II.3.5.2 Augmentation de l’intensité de photoluminescence
Dans un premier temps, nous confirmons que le recuit permet effectivement d’obtenir
un gain sur l’intensité de PL (notée IPL) de puits quantiques de GaInNAs/GaAs. Ensuite nous
essayons de l’optimiser en terme de température et en terme de durée. L’échantillon étudié se
compose de 3 puits quantiques de Ga0,62In0,38N0,015As0,985/GaAs, élaborés à 400 °C, dont
l’épaisseur est voisine de 7 nm. Les recuits ont été effectués dans le four RTA du LPM.
L’intensité de PL est mesurée au LIR à température ambiante et sous forte densité de
puissance d’excitation (~10 kW/cm2). Un échantillon identique mais sans azote est également
étudié comme référence.
La Figure II-20 montre l’évolution de l’IPL en fonction de la durée du recuit, pour
différentes températures de recuit, et sur chacune des deux structures. De manière générale, le
recuit améliore la luminescence d’un facteur 4 à 10 sur les puits quantiques azotés, alors qu’il
59
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
a tendance à dégrader la luminescence des puits quantiques de référence, sans azote.
L’augmentation la plus importante d’IPL a lieu dès les premières secondes du recuit, et ce
quelle que soit la température de recuit. En ce qui concerne les conditions de recuit, il apparaît
qu’il est préférable d’effectuer soit un recuit relativement long (5 minutes) à te mpérature
‘intermédiaire’ (700 °C), soit un recuit très court (10 s) à température élevée (800 °C à 850
°C). Néanmoins dans tous les cas, l’intensité du signal reste plus faible sur l’échantillon qui
comporte de l’azote.
Intensité de PL (u. a.)
Sensibilité au recuit RTA
100
100
3 puits quantiques Ga0.62In0.38As/GaAs
3 puits quantiques Ga0.62In0.38N0.015As0.985/GaAs
10
10
700 °C
1
0
Intensité de PL (u. a.)
750 °C
1
100
200
300
400
500
600
0
100
100
10
10
100
200
300
400
800 °C
1
500
600
850 °C
1
0
100
200
300
400
500
600
Durée du recuit (s)
0
100
200
300
400
500
600
Durée du recuit (s)
Figure II-20 : Intensité de PL à 300 K en fonction des conditions de recuit RTA sur 3 puits quantiques de
Ga0,62In0,38N0,015As0,985/GaAs et 3 puits de référence, sans azote.
La luminescence, comparativement faible, des puits nitrurés par rapport aux puits non
nitrurés, est généralement observée dans la littérature, particulièrement sur les structures non
recuites. Elle indique la création de centres de recombinaison non radiative avec
l’incorporation d’azote. Quant au recuit, il permettrait de réduire, au moins en partie, la
60
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
concentration de ces défauts non radiatifs. Rao et al. [12] furent les premiers à montrer
l’utilité des traitements thermiques pour accroître l’IPL de couches de GaNAs. Depuis, le
recuit thermique est le traitement de choix pour augmenter l’IPL, que ce soit sur le GaNAs ou
sur le GaInNAs [13]. Pour autant l’ambiguï té sur l’origine de l’augmentation des rendements
de luminescence avec le recuit n’a pas été clairement levée, même si la génération de défauts
non radiatifs est vraisemblablement plus à relier aux phénomènes d’incorporation d’azote
qu’aux basses températures de croissance utilisées. En effet, les échantillons de référence,
sans azote, sont élaborés dans les mêmes conditions et émettent une PL plus intense. De plus,
l’IPL chute avec l’incorporation d’azote, ce qui montre que l’incorporation des défauts
augmente avec le pourcentage d’azote [14]. Des études de spectroscopie de défauts profonds
(DLTS pour Deep Level Transient Spectrocopie) ont permis de mettre en évidence la
présence de centres situés en énergie dans la bande interdite des nitrures GaNAs [15] et
GaInNAs [16] non recuits. L’élimination [15] de certains de ces centres ou tout au moins la
diminution de leur signature [16] avec le recuit montre qu’ils jouent probablement le rôle de
défauts non radiatifs. La diminution des défauts non radiatifs avec le recuit a également été
mise en évidence par résonance magnétique détectée optiquement (ODMR) [17].
L’élimination de ces défauts non radiatifs, localisés spatialement [15], permettrait, outre le
gain sur l’IPL, une uniformisation de l’IPL à la surface des échantillon [ 18]. Quant à la nature
des défauts, elle est encore discutée actuellement. Il a souvent été proposé [12, 19, 20, 21] que
l’hydrogène, associé à l’azote sous forme de complexes, puisse jouer le rôle de défauts non
radiatifs dans les couches. L’élément hydrogène est en effet présent pendant la croissance par
épitaxie par jets moléculaires en source gaz, ou par dépôt en phase vapeur par
organométalliques. La diminution de la concentration d’hydrogène après recuit [20], corrélée
à l’augmentation d’I PL, permet d’argumenter en ce sens. Pourtant, le gain en IPL est également
constaté sur des échantillons élaborés par épitaxie par jets moléculaires en source solide, dans
lesquels l’incorporation d’hydrogène ne peut avoir lieu. Il faut donc chercher ailleurs l’origine
du gain de luminescence induit par le recuit. Les défauts présents dans les couches de nitrures
à faible bande interdite ont également été imputés à des ions énergétiques générés par le
plasma (dans le cas d’une décomposition d’azote par cellule plasma rf) et bombardant les
couches en croissance. Il a été montré [22] que l’application d’un champ magnétique à la
sortie de la cellule azote pour dévier les ions énergétiques résiduels, permet d’augmenter l’IPL
de puits quantiques de GaInNAs/GaAs. Les défauts ponctuels tels que les lacunes de gallium
ou les interstitiels d’azote [23] ou encore les antisites (arsenic en site gallium) [17] ont
également été évoqués comme cause possible de défauts non radiatifs. En particulier
61
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
l’incorporation d’azote en site interstitiel sur les échantillons non recuits semble très probable,
[23, 24] du fait de la petite taille de cet atome. Elle expliquerait par ailleurs les écarts à la loi
de Végard constatés dans l’alliage GaNAs [24, 25].
Le rôle premier du recuit thermique est donc d’augmenter d’environ un ordre de
grandeur l’IPL des nitrures à faible bande interdite, via la guérison de défauts non radiatifs
générés pendant l’incorporation d’azote.
II.4 Conclusion du Chapitre II
L’incorporation d’environ 2 % d’azote dans des puits quantiques de GaInAs/GaAs
riches en indium (35 à 39 % d’In) induit une diminution de l’énergie de bande interdite
d’environ 200 meV, et permet d’obtenir une émission de lumière à la longueur d’onde de 1,3
µm sur substrat GaAs à température ambiante. L’obtention de cette longueur d’onde
d’émission, stratégique dans le domaine des télécommunications, et qui n’était jusqu’en 1996
possible que sur substrat InP, ouvre la voie à la réalisation de composants optiques
monolithiques dans la filière GaAs. Cependant, l’élaboration de l’alliage quaternaire
GaInNAs avec de bonnes propriétés optiques et structurales nécessite de prendre certaines
précautions. En effet, l’incorporation d’azote dans le semiconducteur ternaire GaInAs, qui
devrait
pourtant
réduire
les
contraintes,
favorise
l’apparition
d’une
croissance
tridimensionnelle et fait chuter les rendements radiatifs des puits quantiques. Ces phénomènes
néfastes peuvent être réduits en diminuant la température de croissance à environ 400°C, puis
en effectuant un recuit thermique post-croissance. Néanmoins, autant que faire se peut, il est
préférable d’effectuer une croissance ‘riche indium pauvre azote’ plutôt que l’inverse pour
atteindre la longueur d’onde de 1,3 µm. Le chapitre suivant porte sur l’augmentation de la
longueur d’onde d’émission avec l’incorporation d’azote.
62
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
II.5 Références du Chapitre II
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EJM-assitée plasma des nitrures : problèmes spécifiques, cas de la phase cubique
Cours donné dans le cadre de l’école thématique sur les composés semiconducteurs de la famille des nitrures
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Modulation spectroscopy – Electric field effects on the dielectric function of semiconductors
In : Handbook on semiconductors, Balanski ed., Amsterdam : North Holland Publishing Company, 1980, vol. 2,
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3 POLLAK, F.H.
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1998, pp. 158-181
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63
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
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12 RAO, E.V.K., OUGAZZADEN, A., LE BELLEGO, Y., JUHEL, M.
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Photocurrent of 1 eV GaInNAs lattice-matched to GaAs
J. of Cryst. Growth, 1998, vol. 195, pp. 401-408
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Effect of rapid thermal annealing on GaInNAs/GaAs quantum wells grown by plasma-assisted molecular-beam
epitaxy
Appl. Phys. Lett., 2000, vol. 77, n° 9, pp. 1280-1282
23 LI, W., PESSA, M., AHLGREN, T., DECKER, J.
Origin of improved luminescence efficiency after annealing of Ga(In)NAs materials grown by molecular-beam
epitaxy
Appl. Phys. Lett., 2001, vol. 79, n° 8, pp. 1094-1096
24 SPRUYTTE, S.G., COLDREN, C.W., HARRIS, J.S., WAMPLER, W., KRISPIN, P., PLOOG, K.,
LARSON, M.C.
64
Chapitre II : Optimisation de la croissance pour l’émission à 1,3 µm
_________________________________________________________________________________________________________________
Incorporation of nitrogen in nitride-arsenides: Origin of improved luminescence efficiency after anneal
J. of Appl. Phys., 2001, vol. 89, n° 8, pp. 4401-4406
25 LI, W., PESSA, M., LIKONEN, J.
Lattice parameter in GaNAs epilayers on GaAs: Deviation from Vegard’s law
Appl. Phys. Lett., 2001, vol. 78, n° 19, pp. 2864-2866
65
Chapitre III
:
Propriétés optiques et électroniques
des nitrures à faible bande interdite
Ce chapitre porte sur la diminution de l’énergie de bande interdite des alliages
GaInNAs et GaNAs avec l’incorporation d’azote. Cette diminution très forte, atypique dans
les semiconducteurs III-V, est d’abord mise en évidence dans l’alliage GaNAs. Ensuite, son
origine physique est discutée à travers différents modèles théoriques et résultats
expérimentaux de la littérature. Parmi ces modèles, le modèle d’anticroisement de bande est
utilisé pour décrire de manière quantitative la diminution de l’énergie de bande interdite avec
l’incorporation d’azote dans le ternaire GaNAs et le quaternaire GaInNAs. La description
mathématique est mise à profit pour étudier la contrainte dans des couches pseudomorphiques
de GaNAs. Elle sert également à l’attribution des différents niveaux énergétiques confinés,
observés dans les puits quantiques de GaInNAs par photoréflectivité.
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
68
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
III.1 Un paramètre de courbure géant
Dans ce paragraphe, nous nous intéressons dans un premier temps à l’évolution
atypique de l’énergie d’émission de PL à 300 K de l’alliage GaNxAs1-x lorsque la fraction
d’azote augmente de 0 à 4 %. Nous quantifions la diminution drastique de l’énergie
d’émission avec l’incorporation d’azote et la comparons avec les résultats de la littérature,
tant expérimentaux que théoriques. Dans un deuxième temps, nous nous penchons sur les
effets physiques à l’origine d’un tel ‘paramètre de courbure géant’ [1]. En effet, la littérature,
bien que très récente sur ce type d’alliage, n’en est pas moins très riche et parfois
contradictoire. A notre connaissance, aucun modèle ne fait encore l’unanimité concernant la
physique à l’origine du comportement de l’alliage.
III.1.1 Diminution de l’énergie d’émission avec l’incorporation
d’azote
De nombreuses couches de GaNxAs1-x ont été épitaxiées en faisant varier le débit
d’azote dans la cellule plasma pour changer le pourcentage d’azote incorporé dans les
couches, ceci dans le but d’estimer le paramètre de courbure de l’alliage et ainsi calibrer la
diminution de l’énergie d’émission avec l’incorporation d’azote. Pour ce faire, chaque
échantillon est caractérisé par photoluminescence et par diffraction de RX haute résolution
afin de déterminer respectivement l’énergie d’émission à 300 K et le pourcentage d’azote
incorporé. La Figure III-1 illustre les spectres obtenus pour un échantillon dont le pourcentage
d’azote est estimé, par simulation, à 1,06%.
69
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
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7
3,0
10
expérience
simulation : x = 0.0106
GaAs
1.244 eV
6
10
2,5
5
Intensité (u. a.)
Intensité de PL (u. a.)
10
GaNxAs1-x
2,0
1,5
FWHM = 60 meV
1,0
4
10
3
10
2
10
0,5
1
10
0
0,0
1,0
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
10
-500
0
500
1000
1500
ω (arcsec)
Energie (eV)
Figure III-1 : Spectre de photoluminescence (gauche) et de diffraction de RX haute résolution (droite)
obtenus à 300 K sur une couche de GaNAs/GaAs de 100 nm d’épaisseur.
La position angulaire du pic du GaNAs par rapport au pic du GaAs est directement
reliée au pourcentage d’azote. Les simulations sont effectuées en supposant que les couches
de GaNAs/GaAs sont pseudomorphiques, c’est-à-dire que la déformation de la couche
contrainte est tétragonale. Par ailleurs, le paramètre de maille de l’alliage est déterminé par
interpolation linéaire des paramètres des binaires le constituant (loi de Végard). Récemment il
a été montré que l’alliage GaNAs déviait de la loi de Végard [2], et que le pourcentage
d’azote incorporé était surestimé par rapport au pourcentage réel. Cet effet, qui demande
confirmation, n’est pas pris en compte dans nos simulations.
L’ensemble des couples ‘énergie d’émission à 300 K - pourcentage d’azote incorporé’
obtenus sur nos échantillons est tracé à la Figure III-2 (carrés pleins). La forte chute de
l’énergie d’émission avec l’incorporation d’azote est confirmée, puisque 4 % d’azote
induisent une diminution de l’énergie d’émission de PL à 300 K d’environ 400 meV, ce qui
représente une réduction de 30 % par rapport à l’énergie d’émission du GaAs. Ce
comportement est en bon accord avec les résultats expérimentaux de la littérature, obtenus par
PL [3] mais aussi par des mesures d’absorption [4] ou encore d’électroréflectivité [5] (cf
70
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Figure III-2). A la température de mesure (300 K), on considère que l’énergie d’émission de
PL est assimilable à l’énergie de bande interdite de l’alliage, déterminée par absorption ou
électroréflectivité. Cette hypothèse semble justifiée au vu de la faible dispersion des mesures
de la Figure III-2, mais surtout au vu de la Figure II-14, où les spectres de PL et de PR à 300
K sont situés à la même énergie.
1,5
300 K
PL 300K (notre travail)
Mesures d'absorption (Uesugi et al.)
PL 300K (Bhat et al.)
Electroréflectance (CER) (Malikova et al.)
Paramètre de courbure b=14,7 eV
2
Ajustement polynomial 110x -15,2x+1,422
Modèle d'anticroisement de bande (Shan et al.)
1,4
Energie (eV)
1,3
1,2
1,1
1,0
0,9
0
1
2
3
4
5
Pourcentage d'azote
Figure III-2 : Paramètre de courbure ‘géant’ de l’alliage GaNxAs1-x (0<x<0,045), déterminé par différentes
techniques de spectroscopie optique, à 300 K. Les traits correspondent à différents ajustements.
L’évolution de l’énergie des points expérimentaux de la Figure III-2 avec
l’incorporation d’azote peut être approximativement décrite à l’aide de l’équation I-1, en
utilisant un paramètre de courbure ‘géant’ de 14,7 eV. On constate à la Figure III-2 que
l’approximation (tracée en pointillés) est grossière, ce qui montre que le coefficient de
courbure de l’alliage dépend de la concentration d’azote (comme explicité au Chapitre I) : il
diminue avec le pourcentage d’azote. Aussi, plutôt que d’attribuer un coefficient de courbure
71
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
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à des gammes de composition très restreintes, il nous semble plus simple de décrire le
comportement optique de l’alliage par un ajustement polynomial du 2nd ordre :
EPL 300K = 110 x2 – 15,2 x + 1,424
Équation III-1
où l’énergie est exprimée en électronvolt et où x est la fraction d’azote (courbe discontinue de
la Figure III-2). Cet ajustement reste toutefois relativement imprécis pour les pourcentages
d’azote inférieurs à 1,5 %. En revanche, le modèle d’anticroisement de bande développé par
Shan et al. [6], et explicité dans les pages qui suivent, est beaucoup plus fidèle aux résultats
expérimentaux, comme le montre la courbe continue de la Figure III-2. Nous nous
interrogeons maintenant sur les phénomènes physiques à l’origine de cette très forte
diminution de l’énergie de bande interdite (et de l’énergie d’émission) avec l’incorporation
d’azote.
III.1.2 Origine physique du paramètre de courbure géant : plusieurs
approches
Dans ce paragraphe nous présentons différentes explications physiques proposées pour
rendre compte du paramètre de courbure géant observé sur les nitrures d’éléments III-V, ainsi
que d’autres propriétés caractéristiques de ces alliages.
III.1.2.1 Modèle d’anticroisement de bande
Lorsque l’on substitue de l’azote en faible quantité (dopage) à de l’arsenic dans GaAs,
le caractère très électronégatif de l’atome N introduit un niveau accepteur, c’est-à-dire un
piège (puits de potentiel) local pour les électrons. Ce niveau est appelé niveau isoélectronique
car la valence de l’atome d’azote est identique à celle de l’atome d’arsenic. Dans GaAs:N
ainsi créé, ce niveau d’impureté est résonnant avec la bande de conduction : il se situe à
environ 1,65 eV au-dessus du haut de la bande de valence, donc à 0,25 eV au-dessus du bas
de la bande de conduction du GaAs, comme l’ont mis en évidence des études en pression [7].
Ce niveau, très localisé dans l’espace réel, est donc très délocalisé dans l’espace des k (espace
réciproque), d’après la relation d’Heisenberg ∆x.∆k ≥ h.
72
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Shan et al. [6] ont proposé que, dans l’alliage GaNAs, ces états localisés dus aux
atomes d’azote isolés dans la matrice soient couplés avec les états délocalisés (ou étendus) du
minimum Γ de la bande de conduction de la matrice GaAs. La description mathématique de
cette interaction [6] aboutit à deux solutions :
E ± (k ) =
E N + E M (k ) ±
[(E
− E M (k ) ) + 4 ⋅ VMN
2
2
N
2
]
Équation III-2
où EN est l’énergie du niveau de l’atome d’azote isolé, EM(k) est l’énergie de la bande de
conduction Γ du GaAs et VMN décrit l’interaction entre ces deux types d’états. Cette
interaction est d’autant plus forte que le nombre d’atomes d’azote dans la matrice de GaAs est
élevé. Il a été montré [8] que :
VMN = C MN ⋅ x
Équation III-3
où x est la fraction d’azote et CMN une constante. Finalement, on a :
E ± (k, x ) =
E N + E M (k ) ±
[(E
− E M (k ) ) + 4 ⋅ C MN ⋅ x
2
2
N
2
]
Équation III-4
Ainsi, l’interaction (le couplage) de EM(k) avec EN donne naissance à deux sousbandes non paraboliques E-(k) et E+(k) dont l’énergie dépend de la concentration d’azote,
comme montré à la Figure III-3. Plus la concentration d’azote augmente, plus ces deux sousniveaux se repoussent et donc plus le minimum de la bande de conduction E-(0) de l’alliage
formé diminue. D’après ce modèle, appelé modèle d’anticroisement de bande ou BAC (pour
Band Anticrossing Model), c’est donc la répulsion de EN et de EM(k) qui serait à l’origine de
la réduction de l’énergie de bande interdite avec l’incorporation d’azote et donc du fort
paramètre de courbure de l’alliage GaNAs. Un raisonnement identique peut être fait avec
l’alliage quaternaire GaInNAs, en prenant une matrice de GaInAs à la place de la matrice de
GaAs. Toujours d’après ce modèle, l’interaction de EN avec EM(k) induit un anticroisement de
E- et E+ et un mélange du caractère des états E- et E+ : les états E- sont principalement
délocalisés (nature proche de EM) pour k ≈ 0 et très localisés en limite de zone de Brillouin
(nature proche de EN). Inversement, les états E+ sont très localisés pour k ≈ 0 et plutôt
délocalisés pour k élevé (cf Figure III-3).
73
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Diagramme E(k) de GaNxAs1-x
3,0
2,5
E+(x2)
Energie (eV)
2,0
E+(x1)
EN
BC matrice GaAs
N isolé
GaNx As1-x
avec x1=0,005
GaNx As1-x
avec x2=0,025
EM(k)
1,5
E-(x1)
1,0
E-(x2)
1
1
2
2
0,5
trous lourds
0,0
SO
-0,5
-20
-10
0
trous légers
10
6
20
-1
Vecteur d'onde k (10 cm )
Figure III-3 : Diagramme E(k) montrant la répulsion entre la bande de conduction du GaAs et le niveau de
l’azote isolé, qui induit la création des deux sous-bandes non paraboliques.
Ce modèle, simple et esthétique, a été validé par la mise en évidence, par mesures de
photoréflectivité [6, 9, 10], électroréflectivité [11], et absorption [12], des niveaux E- et E+.
Leur répulsion lorsque le pourcentage d’azote augmente est également observée et bien
décrite par le modèle. Ces mesures montrent aussi que les bandes de valence ne sont, elles,
pas perturbées par la présence d’azote [11, 12].
Mais surtout, le modèle permet d’expliquer de nombreuses propriétés des nitrures à
faible bande interdite GaNAs et GaInNAs, que nous résumons brièvement :
i)
Le paramètre de courbure de ces alliages est très bien décrit (cf Figure III-2) et
de manière simple, en utilisant l’équation III-4 avec comme seul paramètre
d’ajustement CMN = 2,7 eV. Il n’est donc plus nécessaire de considérer que le
74
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
paramètre de courbure est fonction de la concentration d’azote. Nous utilisons
donc ce modèle pour calculer l’énergie de bande interdite des alliages
GaNxAs1-x et Ga1-yInyNxAs1-x dans la gamme de composition 0<x<0,045.
ii)
Le comportement en pression de l’énergie de bande interdite des alliages
nitrurés est lui aussi atypique. Au lieu d’augmenter de manière linéaire avec la
pression, E- augmente de manière sub-linéaire et finit par saturer pour des
pressions appliquées élevées, alors que l’inverse se produit pour E+ [6]. Le
modèle d’anti-croisement de bande décrit très bien ce phénomène en utilisant
la dépendance linéaire de l’énergie de bande interdite de la matrice lorsque la
pression augmente et la quasi-insensibilité du niveau isoélectronique de l’azote
avec la pression. De plus, le passage progressif d’états délocalisés (localisés) à
états localisés (délocalisés) pour E- (E+) lorsque la pression augmente, est mis
en évidence qualitativement [6] avec l’intensité des transitions observées en
PR.
iii)
La
masse
effective
des
électrons
∗
me =
h2
∂ 2 E ∂k 2
est
inversement
proportionnelle à la courbure de la bande de conduction. Comme on peut le
constater à la Figure III-3, la bande de conduction E- des nitrures à faible bande
interdite est fortement non parabolique et de courbure plus faible que s’il n’y
avait pas d’azote. On s’attend donc à ce que la masse effective des électrons
dans ces alliages augmente fortement avec la concentration d’azote et ce
d’autant plus que la bande de conduction E-(k) est peuplée. Des résultats
expérimentaux mentionnent effectivement des masses très élevées, par
exemple 0,4 m0 dans du Ga0,92In0,08N0,033As0,967 [13]. Ces valeurs sont 5 fois
plus importantes que dans du GaAs et comparables aux valeurs de masse
effective des trous lourds dans les composés III-V. En outre, ces travaux
montrent que la masse effective des électrons dépend fortement du niveau de
dopage de type n, donc de la concentration des électrons dans la bande de
conduction. Ils confirment également une prédiction peu intuitive du modèle
d’anticroisement de bande, à savoir que pour une même concentration
d’électrons dans la bande de conduction, l’augmentation de la masse effective
est d’autant plus importante que la concentration en azote est faible. Une
diminution de la mobilité des électrons est aussi observée [14].
75
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
iv)
Lorsqu’un semiconducteur est dopé, de type n par exemple, la concentration
d’électrons ne peut excéder une concentration maximale qui dépend de la
nature du matériau. Des études s’appuyant sur le modèle d’anticroisement de
bande ont montré que le décalage vers les basses énergies de la bande de
conduction E-(k) et l’augmentation de la masse effective, consécutifs à
l’augmentation de l’incorporation d’azote, induisaient une augmentation
importante de la concentration maximale d’électrons. Ainsi, l’incorporation
d’une faible fraction d’azote peut augmenter d’un ordre de grandeur la
concentration maximale d’électrons présents dans la bande de conduction [15].
v)
La dépendance en température de l’énergie de bande interdite des alliages
nitrurés est plus faible que celle de leurs homologues sans azote [16, 17, 18,
19, 5]. Elle diminue d’autant plus que le pourcentage d’azote incorporé est
important. Cet effet est décrit par le modèle d’anticroisement de bande [17], en
considérant que le niveau des états localisés introduit par l’azote ne dépend pas
de la température. On obtient alors la formule :
E ± ( T, x ) =
E N + E M (T ) ±
[(E
− E M (T ) ) + 4 ⋅ C MN ⋅ x
2
N
2
2
]
Équation III-5
En définitive, ce modèle permet de décrire de manière phénoménologique de
nombreuses propriétés des nitrures à faible bande interdite, et ce de façon simple. Néanmoins,
il ne fait pas l’unanimité car il soulève certains problèmes physiques :
•
La bande E- a un caractère plutôt délocalisé d’après le modèle d’anticroisement de
bande. Or, des études, qu’elles soient théoriques [20] ou expérimentales [21], tendent
à montrer que cette bande présente un caractère très localisé. Par ailleurs, des calculs
menés par Mattila et al. [22] ont montré que la formation des bandes E- et E+ était
plutôt imputable à une interaction entre les bandes de conduction Γ et L, qui
augmenterait avec le pourcentage d’azote. En outre, Jones et al. [23] ont montré que la
faible dépendance en pression de la bande E- pouvait être expliquée par une interaction
entre les bandes de conduction Γ et X, sans nécessairement faire intervenir le niveau
de l’atome d’azote isolé. A la différence du modèle d’anticroisement de bande, dans ce
modèle, les états E- de l’alliage Ga(In)NAs sont localisés dans l’espace réel [24]. Des
études expérimentales [25, 26, 27] vont également dans le sens d’un mélange des états
des bandes de conduction Γ, L, et X, alors que d’autres [28, 29] montrent au contraire
76
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
que ces interactions jouent un rôle très peu significatif dans la modification de la
structure de bande par rapport à l’interaction entre les états étendus de la bande de
conduction Γ et les états localisés de l’atome d’azote isolé. En somme, les avis et
résultats divergent sur l’interprétation physique des phénomènes observés.
•
Le modèle d’anticroisement de bande ne prend en compte, dans l’interaction avec la
bande de conduction de la matrice, que le niveau induit par l’atome d’azote isolé. Or, à
moins d’avoir des dopages très faibles, l’atome d’azote est rarement isolé :
statistiquement, dans son environnement local, se trouve un autre atome d’azote. La
présence des deux atomes d’azote va changer l’énergie du niveau isoélectronique
accepteur, ce qui n’est pas du tout pris en compte par le modèle d’anticroisement de
bande, et que nous décrivons dans le paragraphe suivant.
III.1.2.2 Passage progressif dopage-alliage
III.1.2.2.a
Raies discrètes dans les spectres de photoluminescence
Imaginons un atome d’azote isolé se substituant à un atome d’arsenic dans une matrice
de GaAs. A basse température, l’atome d’azote, très électronégatif par rapport à l’atome
d’arsenic qu’il remplace, capture un électron pour devenir N-, puis un trou par attraction
coulombienne [30, 31]. L’association de l’électron et du trou forme un exciton [32]. Dans ce
cas, l’exciton est lié à l’atome d’azote isolé. L’atome d’azote constitue donc une impureté
acceptrice isoélectronique et crée un niveau excitonique (place disponible pour l’exciton). Le
niveau excitonique est, dans ce système, résonant avec la bande de conduction du GaAs et est
situé à 1,65 eV au-dessus de la bande de valence du GaAs, comme nous l’avons explicité au
III.1.2.1 (cf également Figure III-4).
Imaginons maintenant deux atomes d’azote (en position substitutionnelle) dans la
matrice GaAs. Si ces deux atomes sont infiniment éloignés l’un de l’autre, ils créent chacun
un niveau isoélectronique situé à la même énergie que celle de l’azote isolé. En revanche, si
les deux atomes d’azote se rapprochent l’un de l’autre, il va y avoir interaction des deux
niveaux isoélectroniques pour former un niveau énergétiquement plus favorable pour
l’exciton, un peu comme l’association de deux atomes d’hydrogène forme une molécule
stable H2. L’exciton sera alors lié à une paire azote-azote. Dans un réseau cristallin (en
l’occurrence zinc de blende), la position des cations est bien déterminée et la distance entre
77
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
deux atomes d’azote prend des valeurs discrètes ri = 2i × a 0 2 où a0 est le paramètre
cristallin. Les atomes d’azote peuvent être plus proches voisins, on parlera alors de paires
NN1. Si les atomes d’N sont en position de 2nd, 3ème, ième voisins, on parlera respectivement de
paires NN2, NN3, NNi, jusqu’à N-N∞ = Nx (atome d’azote isolé). Chacun de ces défauts
isoélectroniques associé à une paire NN crée un état excitonique dont l’énergie est
caractéristique du type de paire considérée.
Niveau énergétique d'excitons liés à des n-uplets d'azote
2,00
BC matrice GaAs
Energie (eV)
1,75
Nx = N-N∞
N-N3
1,50
N-N2-N3
1,25
N-N1
N-N3-N1-N2
matrice GaAs
1,00
atome N
exciton lié à un
défaut isoélectronique
Vecteur d'onde k
Figure III-4 : Schéma montrant les excitons liés aux agrégats d’azote (droite) et leur énergie
correspondante par rapport à la bande de conduction Γ de la matrice GaAs (gauche). L’indice i dans Ni
correspond au type de voisin considéré.
Généralement, plus la distance entre deux azotes est faible, plus l’exciton est lié
fortement à cette paire, et plus l’énergie du niveau associé ‘descend’ vers la bande de valence
du GaAs (cf Figure III-4). En continuant le raisonnement, on peut imaginer la création
d’agrégats d’azote (triplets, quadruplets, n-uplets, cf triplet NN2N3 et quadruplet NN3N1N2 de
la Figure III-4) auxquels se lient très fortement les excitons. Si les niveaux se situent dans la
bande interdite, la recombinaison d’excitons localisés sur ces paires est observable en
78
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
photoluminescence et se présente sous la forme de raies très fines (largeur à mi-hauteur < 1
meV à 8K) [7, 33] et intenses, dont l’énergie est caractéristique du type de paire auquel est lié
l’exciton [7]. Si les niveaux sont situés dans la bande de conduction du GaAs, l’application
d’une contrainte hydrostatique suffisante permet de faire apparaître les raies correspondantes,
leur dépendance en pression étant beaucoup plus faible que celle de la bande interdite du
GaAs [7]. De cette manière, Liu et al. [7] ont montré que Nx est situé dans la bande de
conduction du GaAs et que NN1 se trouve environ à 10 meV en-dessous de la bande de
conduction. Des raies très intenses ont également été observées en PL à basses températures
dans des couches de GaAs lorsque le dopage azote augmente (dopage en volume ou δ dopage)
[34, 33, 35]. Les raies sont situées de 40 à 90 meV en dessous du bord de la bande de
conduction de GaAs.
III.1.2.2.b
Les raies discrètes se transforment en bandes
Cet ensemble de raies, observé à basses températures et attribué à la recombinaison
d’excitons liés à des agrégats d’azote ou à leurs répliques phonon [36, 37, 38], disparaît peu à
peu lorsque le pourcentage d’azote augmente. Il laisse place à une bande de
photoluminescence assez large à partir d’un concentration de 0,2-0,25 % d’azote (dopage
azote équivalent à 1019 et 1020 cm-3). Ce phénomène correspond au passage du dopage à
l’alliage. Il est explicité et discuté aux paragraphes qui suivent.
III.1.3 Coexistence d’états localisés et d’états délocalisés
Une publication théorique récente [39] donne une description de la formation de la
structure électronique des nitrures d’éléments III-V qui nous semble très intéressante. En
effet, la description de Kent et Zunger prend en compte à la fois le couplage entres les
différentes bandes, et la distribution statistique des différents agrégats d’azote. Leur calcul
montre que lorsque le dopage du GaAs:N augmente, apparaissent progressivement des raies
fines sous la bande de conduction du GaAs. Ces raies, qui correspondent aux excitons liés aux
agrégats d’azote (‘états agrégats’) et qui s’étendent progressivement à l’intérieur de la bande
interdite, n’interagiraient pas suffisamment pour former une véritable bande d’impuretés. En
revanche, les états du cristal hôte perturbé par l’azote, qui apparaissent comme des résonances
fines dans le continuum de la bande de conduction du GaAs (‘états hôtes perturbés’),
79
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
s’élargiraient et descendraient énergétiquement dans la bande interdite, recouvrant ainsi un à
un les ‘états agrégats’.
D’après ce modèle, dans la gamme de composition qui nous intéresse (0,5 %- 2 %
d’azote), le bas de la bande de conduction est un mélange ‘d’états agrégats’, localisés
spatialement, et ‘d’états hôtes perturbés’, plus étendus. Les états localisés, qui viennent juste
d’être recouverts, constituent principalement une queue à basse énergie, tandis que les
niveaux à plus haute énergie proviennent préférentiellement d’états plus étendus. Kent et
Zunger prédisent que cette dualité états localisés – états délocalisés dans le bord de bande doit
induire :
•
une localisation des excitons dans les queues d’états à basses températures,
•
un décalage énergétique entre l’absorption (sur les ‘états hôte perturbés’) et l’émission
(provenant des ‘états agrégats’),
•
un décalage vers le bleu de la photoluminescence basses températures lorsque la
température augmente, due à un transfert thermique des excitons des états localisés
vers les états plus étendus.
Nous verrons au Chapitre IV que nos résultats expérimentaux vont tout à fait dans ce sens.
III.1.4 Discussion
Nous pensons que les résultats de la publication de Kent et Zunger, que nous
décrivons ci-avant, apparaissent comme une sorte de prise en compte d’une part du modèle
d’anticroisement de bande (‘descente’ progressive de la bande de conduction avec
l’incorporation d’azote, états plutôt délocalisés), d’autre part des excitons liés aux paires,
triplets, …, agrégats d’azote (‘descente’ discrète avec l’incorporation d’azote, états très
localisés dans l’espace réel).
On peut imaginer que la formation d’un agrégat d’azote crée un niveau liant dans la
bande interdite, auquel se lie un exciton, mais également un niveau anti-liant dans la bande de
conduction, qui interagirait avec les états de la bande de conduction pour donner lieu à
l’anticroisement décrit par le modèle d’anticroisement de bande.
Avant d’étudier expérimentalement de manière plus fine les propriétés optiques de ces
alliages aux caractéristiques surprenantes, et éventuellement de confirmer les prédictions
80
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
théoriques de Kent et al. [39], nous utilisons le modèle phénoménologique d’anticroisement
de bande et la technique de photoréflectivité à 300 K pour mettre en évidence d’une part la
dégénérescence trous lourds – trous légers dans un couche de GaNAs contrainte sur GaAs,
d’autre part pour accéder à l’énergie des niveaux confinés dans un puits quantique à base de
(Ga,In)(N,As)/GaAs.
81
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
III.2 Détermination expérimentale des niveaux d’énergie
III.2.1 Levée de dégénérescence trous lourds – trous légers dans
des couches de GaNAs contraintes
L’énergie de bande interdite d’un matériau semiconducteur dépend de son état de
contrainte, comme le montre la Figure III-5. Dans le cas de dépôt de couches
bidimensionnelles et pseudomorphiques sur un substrat, la contrainte est biaxiale et le tenseur
des contraintes peut toujours se décomposer selon :
•
une composante hydrostatique, qui diminue l’énergie de bande interdite dans le cas
d’une augmentation de volume ou qui l’augmente dans le cas contraire,
•
une composante de cisaillement qui a pour effet de lever la dégénérescence trous
lourds – trous légers du haut de la bande de valence (cf Figure III-5).
TENSION
RELAXE
COMPRESSION
BC
BC
BC
trous légers
trous lourds
trous lourds
BV
trous légers
cisaillement
+
contrainte
hydrostatique
en tension
contrainte
hydrostatique
en compression
+
cisaillement
Figure III-5 : Evolution de l’énergie de bande interdite en fonction de l’état de contrainte d’une couche
déposée sur un substrat.
82
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Dans le cas d’une couche de GaNAs de 100 nm d’épaisseur, pseudomorphique sur
GaAs, le GaNAs est contraint en tension (cf Figure I-3). La transition la moins énergétique est
donc la transition électrons de la bande de conduction – trous légers de la bande de valence
(notée E-LH), et la plus énergétique est la transition électrons – trous lourds (notée E-HH). La
Figure III-6 montre les spectres de PR obtenus en différents points d’une plaque composée
d’une couche de GaNAs pseudomorphique (épaisseur 100 nm) sur GaAs, c’est-à-dire pour
différents pourcentages d’azote. Chaque spectre présente deux composantes, que nous
attribuons aux transitions E-LH et E-HH à basses et plus hautes énergies, respectivement. Les
ajustements, également tracés à la Figure III-6, permettent de décrire convenablement les
deux transitions. Le Tableau III-1 illustre les paramètres d’ajustement obtenus sur le spectre
qui correspond à la composition x1 (cf Figure III-6).
Plaque GaNxAs1-x(100nm)/GaAs
0,0002
300 K
GaNxAs1-x
x1
x2>x1
x3>x2
ajustements
∆R/R
0,0001
0,0000
-0,0001
-0,0002
0,90
0,95
1,00
1,05
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
1,35
Energie (eV)
Figure III-6 : Spectres de PR en différents points d’une plaque de GaNAs/GaAs, ainsi que les ajustements
correspondants.
L’attribution des transitions se justifie d’une part par l’état de contrainte dans lequel se
trouve la couche, d’autre part par le fait que l’amplitude de la transition E-LH est proche du
tiers de l’amplitude de la transition E-HH, ce qui est prédit théoriquement.
83
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Paramètres
1ère transition : E-LH
2ème transition : E-HH
Energie (eV)
1,020
1,073
Elargissement (meV)
25
22
Amplitude
0,24
0,64
Phase
1,531
-0,019
Tableau III-1 : Paramètres d’ajustement du spectre de PR de la Figure III-6 correspondant à la
composition x1.
La couche étant pseudomorphique, la variation relative du paramètre de maille a0 dans :
•
une direction parallèle à la couche est égale à
e para =
•
a 0 GaAs − a 0 GaNAs
a 0 GaAs
Équation III-6
une direction perpendiculaire à la couche est égale à
e perp = −2 ⋅ e para ⋅
C12 GaNAs
C11GaNAs
Équation III-7
où les Cij sont les coefficients d’élasticité.
L’énergie de la transition E-HH est donnée par :
E gHH = E gNC + E hyd + E u
Équation III-8
avec EgNC valeur de l’énergie de bande interdite de l’alliage non contraint (donnée par le
modèle d’anticroisement de bande), Ehyd variation d’énergie due à la composante
hydrostatique (cf Figure III-5) donnée par :
E hyd = a ⋅ ( 2 ⋅ e para + e perp )
Équation III-9
et Eu variation d’énergie due à la composante de cisaillement (cf Figure III-5) donnée par :
E u = b ⋅ (e perp − e para )
Équation III-10
a et b étant les potentiels de déformation hydrostatique et de cisaillement, respectivement.
L’énergie de la transition E-LH est donnée par :
E gLH = E gHH + ∆
Équation III-11
84
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
avec

E
E2
∆ = −1.5 ⋅ E u + 0.5 ⋅ ∆ SO ⋅ 1 − 1 + 2 ⋅ u + 9 ⋅ 2 u

∆ SO
∆ SO





Équation III-12
où ∆SO est le dédoublement spin-orbite.
EgNC, EgHH, et EgLH dépendent évidemment du pourcentage d’azote. En supposant que les
paramètres de GaNAs sont obtenus par interpolation linéaire des paramètres du GaAs et du
GaN consignés dans le Tableau III-2, les valeurs des énergies sont tracées à la Figure III-7,
ainsi que les points expérimentaux obtenus à l’aide des ajustements des spectres de la Figure
III-6. Le pourcentage d’azote (x1) correspondant au premier couple (E-LH, E-HH) de points
expérimentaux a été déterminé par RX et est égal à 2,7 %. L’incertitude sur les autres points
expérimentaux (provenant d’endroits plus éloignés du centre de la plaque, plus riches en
azote) est plus importante car le pourcentage d’azote n’a pas été estimé exactement aux
mêmes endroits.
Paramètres
GaAs
GaN
Paramètre de maille (nm)
0,565325
0,452
Composante C11 du module d’élasticité (GPa)
119
264
Composante C12 du module d’élasticité (GPa)
53,8
153
Potentiel de déformation hydrostatique a (eV)
-8,16
-8,16
Potentiel de déformation de cisaillement b (eV)
-1,7
-1,6
Dédoublement spin-orbite (meV)
341
341
Tableau III-2 : Valeurs des paramètres servant au calcul de l’énergie du bande interdite en fonction de la
contrainte.
Néanmoins, on constate que l’écart énergétique expérimental entre la transition E-HH
et la transition E-LH est supérieur aux prévisions théoriques. On peut minimiser l’écart entre
théorie et expérience si on suppose que le potentiel de déformation b du GaNAs est plus élevé
qu’une simple interpolation linéaire entre GaAs et GaN. Ce résultat est tout à fait en accord
avec une étude [40] qui arrive à la conclusion que la valeur absolue de b dans l’alliage GaNAs
augmente anormalement dans la gamme de pourcentages 1,5 % - 3,3 %.
85
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
1500
1450
Energie (en meV)
1400
Energie (en meV)
E-HH exp.
E-LH exp.
1100
1350
1300
1250
1050
1000
1200
0,026
1150
EgNC
EgHH
EgLH
1100
1050
0,028
0,030
0,032
0,034
Fraction d'azote x dans GaNxAs1-x
1000
950
900
0,000
0,005
0,010
0,015
0,020
0,025
0,030
0,035
Fraction d'azote x dans GaNxAs1-x
Figure III-7 : Energie de bande interdite en fonction de la composition, pour du GaNAs non contraint
(EgNC), et contraint (EgHH et EgLH). L’encart est un zoom avec les points expérimentaux déterminés à partir
de la Figure III-6.
Dans ce paragraphe, le modèle d’anticroisement de bande a donc permis de quantifier
la levée de dégénérescence trous lourds – trous légers dans une couche de GaNAs/GaAs, et ce
en fonction du pourcentage d’azote, c’est-à-dire en fonction de l’état de contrainte de la
couche pseudomorphique. La mise en évidence expérimentale de cette levée de
dégénérescence à l’aide de la technique de photoréflectivité montre que l’écart énergétique
entre les deux niveaux trous lourds – trous légers est plus important que prévu par le calcul,
pour un pourcentage d’azote dans la couche contrainte proche de 3 %. Ces résultats,
relativement surprenants, sont pourtant en accord avec ceux d’une publication récente [40].
qui propose que le potentiel de déformation de cisaillement de l’alliage augmente
anormalement dans cette gamme de composition, et donc que l’incorporation d’azote dans
GaAs, perturbe non seulement la bande de conduction, mais également la bande de valence
[40].
Dans le paragraphe suivant, le modèle d’anticroisement de bande est utilisé pour le calcul des
niveaux dans des puits quantiques de GaInNAs/GaAs.
86
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
III.2.2 Niveaux d’énergie dans un puits quantique
III.2.2.1 Formalisme des matrices de transfert
Pour calculer les niveaux d’énergie dans un puits quantique fini de composition
constante et présentant des interfaces abruptes, le formalisme le plus simple est obtenu en
utilisant l’approximation de la fonction enveloppe [32]. La théorie de la fonction enveloppe
s’applique bien aux structures telles que les puits quantiques puisqu’elle traite le problème de
l’insertion, dans un cristal (matériau barrière), d’un potentiel perturbateur peu profond
s’étendant sur un grand nombre de distances interatomiques (puits quantique). Elle permet de
s’affranchir du problème du potentiel du à la périodicité du cristal. La fonction enveloppe est
déterminée avec une bonne approximation avec une équation du type équation de
Schrödinger :


d2
h2
− 2m * (z ) dz 2 + U (z ) ⋅ ϕ( z ) = E ⋅ ϕ( z )


Équation III-13
où ϕ est la fonction d’onde enveloppe et U représente l’énergie du bas (du haut) de la bande
de conduction (de valence). Les conditions aux limites sont données par les continuités de la
fonction enveloppe ϕ(z) et de la densité de courant 1/m*(z)×(dϕ/dz) aux interfaces.
L’équation III-13 peut se mettre sous la forme :
d2
ϕ( z ) + k ⋅ ϕ(z ) = 0
dz 2
avec
k2 =
Équation III-14
2m * ( E − U )
h2
Équation III-15
On recherche les solutions sous la forme d’ondes planes :
ϕ( z ) = A ⋅ e ikz + B ⋅ e − ikz
Équation III-16
avec :
•
E > U : k réel, onde propagative du type ϕ(z) = A cos(kz) + B sin(kz),
•
E < U : k imaginaire, onde évanescente du type ϕ(z) = A ch(kz) + B sh(kz),
87
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Plus généralement, pour déterminer les états électroniques d’une structure quantique
quelconque telle que celle de la Figure III-8, il est intéressant d’utiliser la méthode des
matrices de transfert [41, 42]. Cette méthode consiste à calculer la fonction enveloppe dans
chaque zone où le potentiel possède une valeur constante.
U(z)
BC
E2
V1
V2
Vi
V4
E1
(0)
(1)
z1
(2) (3)
z2
(i)
z3 zi
(n)
(i+1)
zi+1
zn
(n+1)
z
zn+1
Figure III-8 : Schéma décrivant la bande de conduction d’une structure quantique complexe, dont les
états d’énergie peuvent être calculés à l’aide de la méthode des matrices de transfert.
Par exemple, dans la zone i, comprise dans l’intervalle [zi ; zi+1] d’épaisseur li, où U(z)
= Vi avec m* = mi, on a, d’après ce qui précède :
ϕ i ( z ) = A i cos[k i (z − z i )] + B i sin[k i (z − z i )]
si E > Vi
Équation III-17
ϕ i ( z ) = A i ch[k i (z − z i )] + B i sh[k i (z − z i )]
si E < Vi
Équation III-18
avec k i =
2 m i E − Vi
Équation III-19
h2
Les conditions de raccordement dans chaque zone sont données par :
ϕ i +1 ( z i +1 ) = ϕ i (z i +1 )
1
m i +1
1
 dϕ i +1 ( z ) 
=
 dz 

 z i +1 m i
Équation III-20
 dϕ i ( z ) 
 dz 

 z i +1
Équation III-21
Les deux dernières relations peuvent se mettre sous forme matricielle :
 ϕ i +1 ( z i +1 )   A i +1 
 Ai
 B ⋅k 
 '

(
z
)
ϕ
 i +1 i +1  =  i +1 i +1  = S i ( E) B1 ⋅ k i
 m

 m
  m
i +1
i



i +1
 
 ϕ i (z i ) 

 '


 = S i ( E ) ϕ i ( z i ) 

 m 


i

88
Équation III-22
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________

 cos( k i l i )
avec S i ( E) = 
 ki
 − m sin( k i l i )
i


 ch ( k i l i )
ou S i ( E) = 
 ki
 m sh ( k i l i )
 i
mi

sin( k i l i ) 
ki
 si E > Vi

cos( k i l i ) 

mi

sh( k i l i ) 
ki
 si E < Vi

ch ( k i l i ) 

Équation III-23
Équation III-24
si bien qu’on associe à chaque couche une matrice caractéristique de ses propriétés, appelée
matrice de transfert. La matrice de transfert totale,
n
S( E) = ∏ S i ( E)
Équation III-25
i =1
permet de relier les coefficients des fonctions enveloppe des deux extrémités de la structure :
 A n +1 
 A1 
B k 
B k 
 n +1 n +1  = S( E) 1 1 
 m

 m 
n +1


 1 
Équation III-26
Les couches 0 et n+1 sont des barrières (ondes évanescentes), ce qui fixe les conditions aux
limites : A1=1, B1=m1k0/m0k1, et An+1=-Bn+1. Les énergies qui satisfont ces conditions sont
donc les énergies propres du système. Elles correspondent aux énergies des niveaux confinés.
Pour les déterminer, nous utilisons un programme écrit par P. Ballet pendant sa thèse [43], qui
consiste à balayer toutes les énergies entre le potentiel le plus bas et le potentiel le plus haut
de la structure, et d’extraire celles qui satisfont l’équation III-13. Nous avons adapté ce
programme au cas des nitrures à faible bande interdite, à l’aide du modèle d’anticroisement de
bande, et l’utilisons au paragraphe suivant pour la détermination des niveaux d’énergie dans
des puits quantiques de Ga(In)NAs/GaAs. Ce programme nous sert également au Chapitre V
pour décrire les phénomènes d’interdiffusion ou de fluctuation de compositions.
89
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
III.2.2.2 Détermination expérimentale des niveaux d’énergie dans des puits
quantiques de GaIn(N)As/GaAs
Le formalisme des matrices de transfert est utilisé dans tous les calculs qui suivent.
Les effets de contrainte sont pris en compte. La détermination expérimentale, par
photoréflectivité, des énergies des transitions électron-trou dans un puits quantique de
GaInAs/GaAs (cf Figure III-9) et dans un puits quantique de GaInNAs/GaAs (cf Figure
III-10) est corrélée avec le calcul avec des valeurs de paramètres proches des valeurs visées
expérimentalement. Les puits quantiques de GaInNAs/GaAs sont supposés de type I, avec 0,8
comme valeur de ∆Ec/(∆Ec+∆Ev) [44]. La valeur de la masse effective des électrons dans ce
matériau est supposée égale à celle du GaNAs, c’est-à-dire égale à 0,19 m0 (cf Chapitre V).
La Figure III-9 montre le spectre de PR obtenu sur un puits quantique de GaInAs/GaAs non
recuit et épitaxié à 400 °C. Le pourcentage d’indium visé est d’environ 35 % et l’épaisseur de
7 à 8 nm. On observe distinctement deux niveaux confinés dans le puits, ainsi que la transition
bande à bande des barrières de GaAs. La simulation de la Figure III-9 permet de rendre
compte des transitions observées, en supposant que l’épaisseur des puits est de 7,4 nm et que
le pourcentage d’indium incorporé dans le puits est de 39 %. D’après le calcul, la transition la
moins énergétique est attribuée à la transition E1H1, la seconde à la transition E1L1. Les
transitions E2H2 et E2L2, indiquées par une flèche sur le spectre de PR, sont beaucoup plus
difficiles à distinguer.
Les paramètres déterminés sur le puits quantique de GaInAs/GaAs sont supposés
identiques dans un puits quantique de GaInNAs/GaAs, élaboré dans les mêmes conditions. Le
pourcentage d’azote visé est d’environ 2 %. La faible incorporation d’azote dans les barrières
(0,3 %) due à une mauvaise efficacité du cache de la cellule azote est prise en compte dans la
simulation. Le spectre de PR de la Figure III-10 montre la transition fondamentale E1H1 à
0,920 eV. Cette énergie est trouvée par simulation pour un pourcentage d’azote incorporé de
1,5 %. La deuxième transition qui apparaît sur le spectre est attribuée, d’après la simulation, à
E1L1. Il semble également qu’il y ait une troisième transition, attribuée à E2H2.
90
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Puits quantique de GaInAs/GaAs
bande interdite GaAs :
0,0010
E1H1 :
1.073 eV
E1L1 :
E2L2 :
1.25 eV
1.424 eV
0,0010
1.33 eV
1.205 eV
0,0005
∆R/R
E2H2 :
0,0005
0,0000
0,0000
-0,0005
-0,0005
-0,0010
-0,0010
-0,0015
300 K
-0,0015
-0,0020
1,0
-0,0020
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
Energie (eV)
Figure III-9 : Energie des niveaux confinés dans un puits quantique de GaInAs/GaAs, déterminée par
photoréflectivité (haut) ou par le calcul (bas).
91
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
Puits quantique de GaInNAs/GaAs
0.002
bande interdite GaAs :
E1H1 :
1.424 eV
E1L1 :
0.920 eV
0.002
1.043 eV E H :
2 2
1.068 eV
0.001
0.000
0.000
∆R/R
0.001
X6
-0.001
-0.002
-0.003
0.8
-0.001
300 K
0.9
-0.002
1.0
1.1
1.2
1.3
1.4
-0.003
1.5
Energie (eV)
Figure III-10 : Energie des niveaux confinés dans un puits quantique de GaInNAs/GaAs, déterminée par
photoréflectivité (haut) ou par le calcul (bas).
92
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
On constate que les valeurs simulées sont en relativement bon accord avec les valeurs
expérimentales, compte tenu d’une part des imprécisions sur les pourcentages incorporés et
d’autre part des valeurs relativement dispersées de la littérature en ce qui concerne le décalage
de bande entre les nitrures à faible bande interdite et le GaAs. Les simulations, corrélées aux
mesures de spectroscopie optiques, nous permettent donc d’avoir un retour sur la croissance,
par exemple pour calibrer les épaisseurs ou les compositions.
III.3 Conclusion du Chapitre III
Les propriétés optiques et électroniques des alliages nitrurés à faible bande interdite
sont très particulières, car l’atome d’azote est très différent de l’atome d’arsenic auquel il se
substitue (électronégativité, taille). Ces différences sont à l’origine de la diminution drastique
de l’énergie de bande interdite avec l’incorporation d’azote (paramètre de courbure géant), qui
permet notamment d’obtenir l’émission à 1,3 µm sur substrat GaAs. Le modèle
d’anticroisement de bande [6], bien que sujet à discussion, permet néanmoins de décrire
quantitativement l’évolution de l’énergie d’émission avec l’incorporation d’azote. Cette
description, associée au formalisme des matrices de transfert, permet d’estimer l’énergie des
niveaux dans une structure quantique à base de (Ga,In)(N,As) de forme quelconque. En
revanche, le modèle achoppe en ce qui concerne l’existence d’états localisés (induits par
l’azote) dans et/ou sous la bande de conduction. Cette existence est prédite par un modèle plus
complexe [39] et observée expérimentalement aux premiers stades de formation des alliages
nitrurés [7, 33]. Dans l’étude qui suit, nous utilisons la photoluminescence et la
photoréflectivité pour montrer ces effets de localisation de porteurs, notamment à basses
températures.
93
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
III.4 Références du Chapitre III
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Giant and Composition-Dependent Optical Bowing Coefficient in GaAsN Alloys
Phys. Rev. Lett., 1996, vol. 76, n° 4, pp. 664-667
2 LI, W., PESSA, M., LIKONEN, J.
Lattice parameter in GaNAs epilayers on GaAs: Deviation from Vegard’s law
Appl. Phys. Lett., 2001, vol. 78, n° 19, pp. 2864-2866
3 BHAT, R., CANEAU, C., SALAMANCA-RIBA, L., BI, W., TU, C.
Growth of GaAsN/GaAs, GaInAsN/GaAs and GaInAsN/GaAs quantum wells by low-pressure organometallic
chemical vapor deposition
J. of Cryst. Growth, 1998, vol. 195, pp. 427-437
4 UESUGI, K., MOROOKA, N., SUEMUNE, I.
Strain effect on the N composition dependence of GaNAs bandgap energy grown on (001) GaAs by
metalorganic molecular beam epitaxy
J. of Cryst. Growth, 1999, vol. 201/202, pp. 355-358
5 MALIKOVA, L., POLLAK, F.H., BHAT, R.
Composition and Temperature Dependence of the Direct Band Gap of GaAs1-xNx (0≤x≤0.0232) Using
Contactless Electroreflectance
J. of Electronic Materials, 1998, vol. 27, n° 5, pp. 484-487
6 SHAN, W., WALUKIEWICZ, W., AGER III, J.W., HALLER, E.E., GEISZ, J.F., FRIEDMAN, D.J.,
OLSON, J.M., KURTZ, S.R.
Band Anticrossing in GaInNAs Alloys
Phys. Rev. Letters, 1999, vol. 82, n° 6, pp. 1221-1224
7 LIU, X., PISTOL, M.E., SAMUELSON, L.
Nitrogen pair luminescence in GaAs
Appl. Phys. Lett., 1990, vol. 56, n° 15, pp. 1451-1453
8 LINDSAY, A., O’REILLY, E.P.
Theory of enhanced bandgap non-parabolicity in GaNxAs1-x and related alloys
Sol. State. Comm., 1999, vol. 112, pp. 443-447
9 SHAN, W., WALUKIEWICZ, W., AGER III, J.W., HALLER, E.E., GEISZ, J.F., FRIEDMAN, D.J.,
OLSON, J.M., KURTZ, S.R.
Effect of nitrogen on the band structure of GaInNAs alloys
J. of Appl. Phys., 1999, vol. 86, n° 4, pp. 2349-2351
10 SHAN, W., WALUKIEWICZ, W., YU, K.M., AGER III, J.W., HALLER, E.E., GEISZ, J.F.,
FRIEDMAN, D.J., OLSON, J.M., KURTZ, S.R., XIN, H.P., TU, C.W.
Band Anticrossing in III-N-V Alloys
Phys. Stat. Sol. (b), 2001, vol. 223, pp. 75-85
11 PERKINS, J.D., MASCARENHAS, A., ZHANG, Y., GEISZ, J.F., FRIEDMAN, D.J., OLSON, J.M.,
KURTZ, S.R.
Nitrogen-Activated Transitions, Level Repulsion, and Band Gap Reduction in GaAs1-xNx with x < 0.03
Phys. Rev. Letters, 1999, vol. 82, n° 16, pp. 3312-3315
94
Chapitre III : Propriétés optiques et électroniques des nitrures à faible bande interdite
_________________________________________________________________________________________________________________
12 PERLIN, P., WISNIEWSKI, P., SKIERBISZEWSKI, C., SUSKI, T., KAMINSKA, E.,
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97
Chapitre IV
:
Phénomènes de localisation
Dans ce chapitre, les propriétés optiques des nitrures à faible bande interdite sont
étudiées, dans la gamme de température 8 K – 300 K. Un comportement atypique de
l’énergie, de la largeur et de l’intensité intégrée du pic de photoluminescence est mis en
évidence dans ces alliages, lorsque la température augmente de 8 K à 300 K. Nous montrons
que l’ensemble de ces phénomènes est du à l’incorporation d’azote, qui induit une forte
localisation des porteurs à basses températures.
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
100
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.1 Introduction
Pour mettre en évidence le rôle que joue l’azote sur les propriétés optiques des nitrures
à faible bande interdite, nous étudions une structure simple, à savoir un puits quantique de
Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs d’épaisseur 7 à 8 nm. Il contient suffisamment d’azote et
d’indium pour émettre au delà de 1,3 µm à l’ambiante, sans avoir subi de recuit (cf Figure
IV-1). Son homologue sans azote est étudié en parallèle, afin d’avoir une référence.
La Figure IV-1 montre les spectres de photoluminescence (PL) obtenus à 300 K et 8 K
pour chaque échantillon avec une densité d’excitation de l’ordre de 140 W/cm2.
L’incorporation de 2 % d’azote dans Ga0,65In0,35As s’accompagne d’un décalage du spectre de
150 meV vers les grandes longueurs d’onde, comme explicité au Chapitre II, si bien qu’à 300
K la longueur d’onde d’émission est de 1,35 µm.
Monopuits quantique Ga0.65In0.35As/GaAs
non recuit
Monopuits quantique Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
non recuit
Longueur d'onde (µm)
1,45
100
1,4
1,35
1,25
1,2
1,2
1,15
1,1
1,05
5
1,0x10
8K
300 K
Intensité de PL (u. a.)
1,3
Longueur d'onde (µm)
8K
300 K
31 meV
69 meV
4
80
8,0x10
60
6,0x10
4
X 1000
12 meV
34 meV
4
X 2000
40
4,0x10
58 meV
0
0,85
4
21 meV
20
0,90
0,95
1,00
1,05
Energie (eV)
1,00
1,05
1,10
2,0x10
1,15
0,0
1,20
Energie (eV)
Figure IV-1 : Spectres de PL obtenus à 8 K et 300 K sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs
non recuit et sur le puits de référence, sans azote.
101
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Cependant, ce décalage vers les grandes longueurs d’onde s’accompagne de profondes
modifications des propriétés optiques du matériau considéré (cf Figure IV-1) :
•
La présence d’azote dans le puits diminue l’écart entre l’énergie du pic de PL à 8 K et
l’énergie du pic de PL à 300 K. Cet écart est de 69 meV pour le GaInAs contre 31
meV pour le GaInNAs.
•
Le spectre à 8 K sur l’échantillon nitruré présente une décroissance très progressive du
flanc à basses énergies.
•
La largeur du pic de PL augmente considérablement sur l’échantillon nitruré : à 300
K, sa valeur passe d’environ 20 meV sur le puits de GaInAs à environ 60 meV sur le
puits de GaInNAs.
•
L’incorporation d’azote s’accompagne également d’une chute de l’efficacité de PL :
elle génère donc des défauts non radiatifs.
Afin de comprendre comment et pourquoi ces modifications surviennent, une étude
complète en fonction de la température est menée. Nous nous intéressons bien sûr à la PL, qui
donne l’énergie de recombinaison des paires électron-trou, mais dans un premier temps
utilisons la technique de photoréflectivité (PR), qui permet de sonder l’énergie des niveaux
intrinsèques accessibles pour les électrons et les trous, en l’occurrence l’énergie des niveaux
confinés dans un puits quantique.
102
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.2 Variation de l’énergie de bande interdite avec la
température dans les nitrures à faible bande interdite
IV.2.1
Considérations générales
L’énergie de bande interdite d’un semiconducteur III-V diminue lorsque sa
température augmente. Les causes de cette diminution sont :
•
La dilatation thermique : lorsque la température augmente, l’anharmonicité du
potentiel des atomes induit une augmentation de la distance interatomique.
L’augmentation consécutive du paramètre de maille diminue Eg.
•
Les interactions électron-phonon : lorsque la température augmente, la densité de
phonons et leur couplage avec les électrons augmente, ce qui diminue Eg.
De ces causes, la seconde est responsable d’environ 75 % de la diminution de l’énergie de
bande interdite lorsque la température augmente.
Une relation semi-empirique a été proposée par Varshni [1] pour rendre compte de la
diminution de l’énergie de bande interdite avec la température :
E g (T ) = E g (0 ) −
α ⋅ T2
β+T
Équation IV-1
où α et β sont des constantes, β étant proche de la température de Debye.
Cette équation, qui reproduit bien le comportement de l’énergie de bande interdite à
hautes températures, est beaucoup plus approximative à basses températures, et il est difficile
d’obtenir une incertitude faible sur β. Aussi utiliserons-nous préférentiellement une autre
équation, qui décrit avec plus de précision le comportement de l’énergie de la bande interdite
avec la température. Elle a été proposée par Vina et al. [2] :


2

E g (T ) = E B − a B ⋅ 1 +
exp(θ D / T ) − 1 

Équation IV-2
EB et aB sont des constantes telles que EB-aB = Eg(0K), aB représentant la force de l’interaction
électron-phonon ; θD est la température de Debye. Dans cette équation une statistique de type
Bose-Einstein est utilisée pour caractériser l’émission ou l’absorption de phonons.
103
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Dans un puits quantique, le confinement des électrons et des trous augmente l’énergie
des transitions inter-bande, mais l’évolution en température des transitions reste décrite par
une loi de ce type.
IV.2.2
Effet de l’incorporation d’azote
Monopuits GaInAs/GaAs
Non recuit
9K
9K
45 K
45 K
∆R/R
∆R/R
Monopuits GaInNAs/GaAs
Non recuit
95 K
300 K
0,85
95 K
300 K
0,90
0,95
1,00
1,05
1,10 1,00
Energie (eV)
1,05
1,10
1,15
1,20
1,25
Energie (eV)
Figure IV-2 : Spectres de PR montrant la transition E1H1 du puits quantique Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs et
du puits de référence pour différentes températures ; les ajustements sont également tracés et l’énergie
qui en est déduite indiquée par une flèche.
La Figure IV-2 montre les spectres de PR obtenus pour différentes températures sur
les mêmes échantillons non recuits que ceux étudiés en PL à la Figure IV-1. Sur le puits de
référence, la transition correspondant à E1H1 est bien définie, et correctement décrite par un
104
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
ajustement utilisant la dérivée première de la fonction diélectrique non perturbée et en
considérant que le terme de modulation prépondérant correspond à une modulation de
l’énergie (cf paragraphe II.2.2.1). Son évolution avec la température est ajustée à l’aide de
l’équation IV-2. Les paramètres sont consignés au Tableau IV-1 et la courbe correspondante
tracée à la Figure IV-7.
Sur l’échantillon nitruré, les spectres obtenus sont ajustés avec le même formalisme.
En revanche, les signaux observés sont beaucoup plus bruités, particulièrement à basse
température (45 K et 8 K). La détermination de l’énergie E1H1 est donc plus difficile, et
l’incertitude sur cette valeur plus grande. Les paramètres d’évolution de l’énergie en fonction
de la température sont également consignés au Tableau IV-1 et la courbe correspondante
tracée à la Figure IV-7.
Une étude plus complète est présentée aux Figure IV-3 et Figure IV-4. Elle est réalisée
sur un puits quantique de Ga0,65In0,35N0,016As0,984/GaAs recuit in situ, c’est à dire dans le bâti
d’épitaxie sous flux d’arsenic après la croissance. Ce puits présente de très bonnes propriétés
optiques et émet à 1,24 µm à température ambiante. On observe pour toutes les températures
l’énergie correspondant aux deux premières transitions E1H1 et E1L1 entre les niveaux
confinés d’électrons et de trous dans le puits quantiques (cf paragraphe III.2.2.2). L’énergie de
la transition E1H1 diminue avec la température, en très bon accord avec l’équation IV-2,
comme le montre la Figure IV-4. Les paramètres de l’ajustement sont consignés au Tableau
IV-1.
On remarque, comme sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit,
que les signaux sont relativement bruités à basse température. L’intensité du signal de
photoréflectivité est tracée en fonction de la température, dans l’insert de la Figure IV-4.
C’est dans une gamme de température intermédiaire (50 K – 150 K) que l’amplitude
de ∆R/R est la plus forte. Ce résultat, qui peut paraître surprenant, semble également visible
sur des spectres de PR obtenus sur un puits quantique de GaInNAs/GaAs et publiés
récemment [3]. Il sera discuté au paragraphe IV.4.1.4. Quant à la forme des signaux à basse
température, elle semble atypique et perturbée par une ligne de base qui n’est pas horizontale
au voisinage de la transition. Les spectres s’approchent même parfois d’une forme en marche
d’escalier [4].
105
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
8K
14 K
24 K
30 K
50 K
∆R/R
65 K
85 K
105 K
135 K
170 K
200 K
235 K
295 K
0,9
1,0
1,1
1,2
1,3
Energie (eV)
Figure IV-3 : Spectres de PR obtenus sur un puits quantique de Ga0,65In0,35N0,016As0,984/GaAs recuit in situ.
Ces phénomènes ont déjà étés observés dans d’autres alliages semiconducteurs tels
que GaInP [5] et AlInAs [6], et attribués à des phénomènes de localisation de porteurs à basse
106
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
température. L’étude de photoluminescence qui suit va permettre de confirmer cette
hypothèse.
Puits quantique de Ga0.65In0.35N0.016As0.984/GaAs recuit in-situ
1.09
E1H1 déterminée par PR
Ajustement du type Bose-Einstein
1.08
1.07
1.05
1.04
Intensité de la transition PR
Energie (eV)
1.06
1.03
1.02
1.01
1.00
0.99
25
20
15
10
5
0
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-4 : Energie de la transition E1H1 en fonction de la température et ajustement correspondant,
sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,016As0,984/GaAs recuit in situ ; en insert est tracée l’intensité de la
transition PR en fonction de la température
En ce qui concerne les paramètres d’ajustement du Tableau IV-1, la faible incertitude
sur les valeurs montre que l’évolution de l’énergie de bande interdite est globalement
‘classique’, que ce soit sur les puits avec ou sans azote. Sur les échantillons caractérisés, le
terme aB, qui traduit le couplage entre les porteurs et les phonons, augmente dans les puits
quantiques qui possèdent de l’azote. De même, l’incorporation d’azote semble augmenter la
température de Debye de l’alliage. L’augmentation conjointe de ces deux paramètres a pour
effet ‘d’aplatir’ la courbe EE1H1(T) aux basses températures, sans changer de manière
drastique la différence d’énergie entre basse température et température ambiante.
107
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
EB (eV)
aB (meV)
ΘD (K)
Ga0,65In0,35As/GaAs non recuit
1,184 ± 0,004
28 ± 7
157 ± 30
Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit
1,040 ± 0,002
52 ± 2
276 ± 18
Ga0,65In0,35N0,016As0,984/GaAs recuit in situ
1,121 ± 0,004
47 ± 5
240 ± 16
Puits quantique
Tableau IV-1 : Paramètres d’ajustement décrivant la variation de l’énergie E1H1 avec la température
Néanmoins, pour mieux appréhender un éventuel changement de la dépendance en
température de l’énergie de bande interdite avec l’incorporation d’azote, le décalage en
énergie entre la transition E1H1 à 8K et la transition E1H1 à 300 K est tracé en fonction de
l’énergie de la transition E1H1 à 300 K à la Figure IV-5. Les points ouverts correspondent aux
puits quantiques de GaInAs/GaAs, les points fermés (respectivement mi-ouverts mi fermés)
correspondent à des puits quantiques de GaInNAs/GaAs élaborés au LIR (respectivement
dans d’autres laboratoires).
Il apparaît à travers cette figure que l’incorporation d’azote s’accompagne en fait
d’une légère diminution de la dépendance en température de l’énergie de bande interdite.
Cette diminution a déjà été mise en évidence lors de l’incorporation croissante d’azote dans
GaNAs [7]. Elle a été récemment interprétée comme une manifestation de l’anti-croisement
de bande [8] et est mathématiquement décrite par ce modèle à l’aide de l’équation (III-5) [9].
La courbe discontinue de la Figure IV-5 correspond à cette équation adaptée au matériau
GaInNAs. Elle reproduit bien l’évolution suivie par les puits quantiques de GaIn(N)As/GaAs
lorsque l’énergie E1H1 diminue et montre que la tendance suivie sur GaNAs est également
valable sur GaInNAs.
108
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Synthèse de la variation de l'énergie de bande interdite
∆Eg(8K-300K)=[E1H1 8K - E1H1 300K] (meV)
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0,80
0,85
0,90
0,95
1,00
EE H
1
1
300K
1,05
1,10
1,15
1,20
(eV)
Figure IV-5 : Etude de la dépendance en température de l’énergie de la transition E1H1 (mesurée en PR)
dans des puits quantiques de GaIn(N)As/GaAs en fonction de l’énergie de la transition à 300 K.
Ainsi, l’énergie de bande interdite des nitrures d’éléments III-V dépend moins de la
température que celle des semiconducteurs III-V traditionnels GaAs ou GaInAs. Néanmoins,
la diminution de cette dépendance reste relativement minime par rapport à celle suivie par le
pic de photoluminescence. Par exemple sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs,
l’écart énergétique entre 8 K et 300 K subi par la transition E1H1 reste supérieur à 60 meV,
alors que celui subi par le spectre de photoluminescence est deux fois plus faible (31 meV, cf
Figure IV-1). L’origine du très faible déplacement du pic de PL avec la température ne peut
donc être attribuée à la diminution de l’énergie de bande interdite avec la température,
comparativement modeste. Une étude plus complète de photoluminescence est donc menée.
109
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.3Mise en évidence d’une forte localisation des porteurs
à basse température
IV.3.1
Evolution atypique de l’énergie, de l’élargissement et de
l’intensité des spectres de PL avec l’incorporation d’azote.
La Figure IV-6 montre les spectres de photoluminescence obtenus sur les deux puits
quantiques non recuits de la Figure IV-1 (l’un avec 2 % d’azote, l’autre sans azote), pour
plusieurs températures.
Monopuits quantique Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
non recuit
Monopuits quantique Ga0.65In0.35As/GaAs
non recuit
0,85
8K
19 K
35 K
56 K
76 K
106 K
133 K
189 K
237 K
298 K
Intensité de PL (échelle linéaire)
Intensité de PL (échelle linéaire)
8K
19 K
34 K
55 K
79 K
104 K
133 K
186 K
235 K
298 K
0,90
0,95
1,00
1,05
Energie (eV)
1,00
1,05
1,10
1,15
1,20
Energie (eV)
Figure IV-6 : Spectres de PL obtenus sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit et
sur le puits de référence, dans la gamme de température 8 K – 300 K. Les spectres sont normalisés et
décalés verticalement pour plus de clarté.
Sur l’échantillon de référence en GaInAs, l’énergie du pic de PL augmente de manière
continue lorsque la température diminue de 300 K à 35 K. A 35 K et 8 K, un léger
‘décrochement’ est constaté. En revanche, sur l’échantillon de GaInNAs, on observe un
110
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
‘décrochement’ du pic à une température comparativement très élevée (80 K), comme si la
luminescence passait d’une transition à une autre. C’est semble-t-il ce ‘décrochement’ qui est
à l’origine du faible écart énergétique entre la PL à 8 K et la PL à 300 K sur les échantillons
nitrurés.
Monopuits quantique
Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
non recuit
Monopuits quantique
Ga0.65In0.35As/GaAs
non recuit
1,00
1,16
E1H1 (PR)
max émission (PL)
Energie (eV)
E1H1 (PR)
max émission (PL)
0,98
1,14
0,96
1,12
0,94
1,10
0,92
1,08
0,90
1,06
0
50
100
150
200
250
300
0
50
Largeur à mi-hauteur (meV)
Température (K)
100
150
200
250
300
250
300
250
300
Température (K)
100
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0
0
50
100
150
200
250
300
0
50
Température (K)
100
150
200
Température (K)
10
Intensité de PL intégrée (u. a.)
1000
1
100
0,1
10
0,01
1
1E-3
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
0
50
100
150
200
Température (K)
Figure IV-7 : Energie, largeur à mi-hauteur et intensité du pic de PL en fonction de la température pour
le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit et le puits de référence, sans azote.
111
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Afin de mieux visualiser les phénomènes observés, l’énergie, la largeur à mi-hauteur
ainsi que l’intensité intégrée du pic de PL, sont représentées en fonction de la température
pour chaque échantillon sur la Figure IV-7. La variation de l’énergie de la transition E1H1
avec la température, déterminée au paragraphe précédent, est également tracée.
Sur le puits de GaInAs, le maximum du pic de PL suit la transition E1H1, sauf à très
basse température (8 K) où l’énergie de la PL se situe environ 10 meV en-dessous de
l’énergie E1H1. La largeur à mi-hauteur augmente quasi-continûment de 8 K à 300 K, à cause
de l’interaction des porteurs avec les phonons, qui augmente avec la température et qui élargit
le spectre.
L’incorporation de 2 % d’azote suffit à bouleverser complètement ces comportements
‘classiques’. En effet :
•
A basse température (8 K), sur l’échantillon nitruré, le pic de PL se situe très endessous de E1H1 (30 meV).
•
Lorsque la température augmente de 8 K à 50 K, l’énergie du maximum du pic
diminue alors que la valeur de la bande interdite reste relativement constante dans
cette gamme de température, si bien que l’écart énergétique entre E1H1 et le pic de PL
augmente pour atteindre une valeur maximale de 40 meV autour de 50 K.
•
Ensuite, de 50 K à 125 K, le pic se décale anormalement vers les hautes énergies et se
rapproche de l’énergie E1H1.
•
Enfin, de 125 K à 300 K, l’énergie du pic de PL diminue à nouveau, selon une pente
similaire à celle suivie par E1H1.
Ainsi, l’énergie du pic de PL suit une forme dite ‘en S-inversé’, ce terme désignant le
décalage successif vers les basses – hautes – basses énergies subi par le pic lorsque la
température augmente de 8 K à 300 K. Ce comportement atypique transparaît également à
travers la largeur à mi-hauteur du spectre, dont l’augmentation n’est pas monotone avec la
température. En effet, un élargissement rapide et anormal de la largeur à mi-hauteur est
constaté entre 50 et 75 K, suivi d’une diminution tout aussi rapide entre 75 K et 125 K. Quant
à l’intensité intégrée de PL, elle chute beaucoup plus rapidement entre 8 K et 50 K sur
l’échantillon avec azote que sur l’échantillon de référence.
Ces phénomènes ont déjà été observés dans d’autres alliages tels que Ga0.5In0.5P [5] et
Al0.48In0.52As [10, 11, 12], mais également dans des multipuits quantiques d’InGaN/GaN [13]
et dans des superréseaux désordonnés AlAs/GaAs [14]. Très prononcés dans les nitrures
112
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
d’éléments III-V [4], ils sont caractéristiques de phénomènes de localisation de porteurs à
basses températures.
Nous expliquons qualitativement ces phénomènes dans le paragraphe qui suit.
IV.3.2
Interprétation qualitative
Monopuits quantique Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
1,00
E1H1 (PR)
max émission (PL)
0,98
Energie (eV)
0,96
0,94
0,92
BC
BC
BC
0,90
0,88
BV
BV
0,86
0
50
100
BV
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-8 : Schéma explicatif du type de recombinaisons radiatives à différentes températures,
induisant le phénomène de ‘S-inversé’ sur les échantillons nitrurés
L’interprétation qualitative qui est suggérée pour expliquer la forme de ‘S-inversé’ est
illustrée à la Figure IV-8. A basse température, les excitons sont localisés dans des niveaux
dont la distribution énergétique s’étend dans la bande interdite du matériau. La nature de ces
niveaux sera discutée plus loin mais elle est liée à l’azote puisque l’échantillon de référence
ne présente pas de comportement anormal de l’énergie du pic de PL avec la température. Ces
niveaux, même en faible quantité, sont extrêmement radiatifs et permettent de minimiser
l’énergie des porteurs : les paires électrons-trous photogénérées s’y recombinent donc
113
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
préférentiellement. Lorsque la température augmente, les porteurs acquièrent de plus en plus
d’énergie thermique. A partir d’une certaine température (50 K sur la Figure IV-8), ils
commencent à s’échapper du piège pour rejoindre les états délocalisés (ou étendus) du
continuum et donnent lieu préférentiellement à des recombinaisons bande à bande, plus
énergétiques. Ce passage d’une recombinaison préférentielle sur des états localisés à basse
température à une recombinaison préférentielle sur des états délocalisés à haute température
induit le décalage vers le bleu du pic de PL. Il est observé entre 50 K et 125 K sur le puits
quantique de la Figure IV-8. Nous identifierons cette transition par une température
caractéristique, notée Tloc/deloc, pour laquelle les deux régimes de recombinaison participent de
manière égale au signal de PL. A la Figure IV-8, Tloc/deloc ≅ 75K. Lorsque la température
augmente encore, la grande majorité des porteurs est délocalisée et l’énergie de PL suit la
même évolution que celle de l’énergie de bande interdite du matériau.
On notera au passage que le puits quantique de référence, sans azote, présente des
effets de localisation à très basse température. Cependant, comparativement à son homologue
azoté strictement identique par ailleurs, les effets de localisation sont très faibles.
Nous revenons plus en détail sur l’ensemble de ces phénomènes dans le reste du
chapitre mais auparavant cherchons à confirmer que l’azote est bien la principale cause des
effets de localisation, puis à présenter une synthèse des effets observés sur le type d’alliage
GaIn(N)As.
IV.3.3
Confirmation des résultats sur d’autres échantillons et
par d’autres auteurs
Les premiers résultats dit ‘en forme de S-inversé’ que nous avons obtenus [4]
correspondaient à des puits quantiques élaborés dans des conditions non optimales (cf Figure
II-13) et présentaient des fluctuations d’épaisseur et de contrainte importantes, si bien que
nous ne pouvions pas déterminer si les effets de localisation étaient induits par l’azote ou par
des conditions de croissance défavorables pour l’incorporation d’azote. Les résultats que nous
présentons tout au long de ce chapitre correspondent à des puits optimisés (interfaces planes,
température de croissance optimale). Nous pensons donc que c’est l’azote dans le puits, bien
qu’en proportion relativement faible (typiquement 2 %), qui induit cette localisation.
114
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Néanmoins, pour avoir la certitude que ces effets ne sont pas dus à notre technique ou
nos conditions de croissance, nous avons caractérisé un échantillon provenant des laboratoires
de recherche d’Infineon, épitaxié par jets moléculaires avec une source d’arsenic solide et une
cellule azote fonctionnant sur le même principe mais d’une marque différente. Cet échantillon
est composé de 5 puits quantiques de GaInNAs/GaAs. Par ailleurs, l’échantillon constitué
d’un puits quantique de Ga0,65In0,35N0,016As0,984/GaAs recuit in situ et étudié en PR à la Figure
IV-3 et à la Figure IV-4 est étudié en parallèle dans des conditions de manipulation
(notamment d’excitation) exactement identiques. La Figure IV-9 montre pour chaque
échantillon et pour différentes températures le spectre de PL obtenu, l’énergie du maximum
du pic, sa largeur à mi-hauteur et son intensité intégrée.
Energie max pic PL (eV)
1,100
Intensité de PL (u. a., éch. linéaire)
LIR
8K
15 K
27 K
35 K
42 K
50 K
59 K
66 K
74 K
83 K
92 K
100 K
108 K
119 K
128 K
135 K
146 K
160 K
178 K
201 K
234 K
265 K
295 K
1,00
1,05
1,10
1,15
7.9 K
15 K
27 K
37 K
45 K
53 K
61 K
70 K
79 K
88 K
98 K
107 K
117 K
125 K
135 K
144 K
157 K
169 K
182 K
202 K
259 K
296 K
1,00
1,05
1,000
0,975
60
55
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
0
1,10
Energie (eV)
50
100
150
200
250
300
Puits quantique LIR recuit in situ
5 puits quantiques Infineon
0
Intensité de PL intégrée (u. a.)
Intensité de PL (u. a., éch. linéaire)
Infineon
0,95
1,025
0,950
Energie (eV)
0,90
1,050
Largeur à mi-hauteur (meV)
0,95
Puits quantique LIR recuit in situ
5 puits quantiques Infineon
1,075
50
100
1000
150
200
250
300
Puits quantique LIR recuit in situ
5 puits quantiques Infineon
100
10
1
0,1
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-9 : Spectres de PL et paramètres caractéristiques obtenus en fonction de la température pour
l’échantillon nitruré d’Infineon et l’échantillon nitruré du LIR recuit in situ.
115
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
L’ensemble des phénomènes atypiques décrits ci-avant, à savoir la forme de ‘Sinversé’, l’élargissement anormal du pic, ainsi que la forte décroissance de l’intensité de PL
intégrée dans la gamme des basses températures, est à nouveau très visible, ce qui confirme
que l’azote est à l’origine des profondes modifications observées. Cependant, les phénomènes
sont beaucoup plus prononcés sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit
(cf Figure IV-7) ou sur les cinq puits de GaInNAs/GaAs d’Infineon que sur le puits de
Ga0,65In0,35N0,016As0,984/GaAs recuit in situ. Il semble notamment que la température Tloc/deloc
est d’autant plus élevée que l’échantillon émet vers les grandes longueurs d’onde, ce que nous
allons vérifier au paragraphe suivant.
Par la suite, d’autres groupes ont mis en évidence le phénomène en forme de ‘Sinversé’ sur les nitrures à faible bande interdite, confirmant la forte localisation induite par
l’incorporation d’azote, que ce soit sur des puits quantiques de GaInNAs/GaAs [15, 16, 17,
18, 3], des puits quantiques de GaNAs/GaAs [19] ou des couches plus épaisses de
GaNAs/GaAs [20], et ce indépendamment de la technique de croissance.
Nous présentons dans le paragraphe suivant une synthèse des effets de localisation mis
en évidence sur les échantillons du LIR et sur ceux de la littérature.
IV.3.4
Synthèse des effets de localisation
L’azote étant à l’origine des effets de localisation, on peut penser que le degré de
localisation augmente avec la fraction d’azote dans les puits. Certes la localisation dépend
probablement aussi des conditions de croissance, des techniques de croissance, de la méthode
de décomposition ou d’incorporation d’azote, mais nous supposons que ces conditions
interviennent au second ordre.
Nous essayons donc de dégager, si elle existe, une loi de variation qui permet
d’appréhender les phénomènes de localisation dans le GaInNAs. Pour ce faire, il semble
intéressant de tracer l’écart énergétique (E1H1 – EPL)8K, qui traduit le degré de localisation, en
fonction du pourcentage d’azote incorporé dans les puits de GaInNAs/GaAs. En pratique, ceci
est difficile car :
•
Comme nous l’avons vu au IV.2.2, les signaux de PR à 8 K sont parfois faibles et de
forme telle qu’il est difficile d’en extraire une énergie E1H1 précise. Pour cette raison
nous choisissons plutôt de tracer en ordonnées (EPL 8K – EPL 300K). En effet, le spectre
116
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
de PL à 8 K est caractéristique d’une recombinaison d’excitons localisés et le spectre
de PL à 300 K est caractéristique d’une recombinaison de porteurs délocalisés dans les
bords de bande. La différence (EPL 8K – EPL 300K) est donc représentative du degré de
localisation des porteurs, qui sera d’autant plus fort que (EPL 8K – EPL 300K) est faible.
•
Le pourcentage d’azote incorporé dans le GaInNAs est estimé et non pas mesuré de
manière précise, car il n’est pas possible, par diffraction de RX, de déterminer sans
ambiguï té à la fois le pourcentage d’indium et le pourcentage d’azote. De plus, les
phénomènes de localisation dans GaInNAs peuvent être exacerbés par la présence
d’indium, comme cela a été suggéré [18], et le pourcentage d’indium varie selon les
puits que nous considérons. Pour ces deux raisons nous préférons tracer en abscisses
l’énergie du pic de PL à 300 K, qui reflète l’incorporation d’azote et d’indium et
montre de quelle quantité l’énergie de bande interdite moyenne est tirée vers les
grandes longueurs d’onde (l’épaisseur des puits étant quasiment constante).
∆EPL(8K-300K) = [EPL 8K - EPL 300K] (meV)
90
80
70
60
50
40
30
Nos échantillons ainsi que
Pinault et al.
Kaschner et al.
Polimeni et al.
Shirakata et al.
éch. d'Infineon
20
10
0
0,80
0,85
0,90
0,95
1,00
1,05
1,10
1,15
∆Eg(8K-300K)=[E1H1 8K - E1H1 300K] (meV)
Synthèse : effets de localisation sur puits quantiques de GaIn(N)As/GaAs
1,20
EPL 300K ~ EPR 300K (eV)
Figure IV-10 : Synthèse des effets de localisation sur tous les puits quantiques que nous avons étudiés et
sur ceux de la littérature. Les puits ont typiquement une épaisseur de 7 à 8 nm. La densité d’excitation
pour l’acquisition des spectres de PL est inférieure à 200 W/cm2.
117
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
La Figure IV-10 représente donc (EPL 8K – EPL 300K) = f (EPL 300K) pour l’ensemble des
puits quantiques de GaIn(N)As/GaAs caractérisés à basse température et température
ambiante. Les symboles ouverts (respectivement fermés) correspondent à des puits quantiques
de GaInAs/GaAs (respectivement GaInNAs/GaAs) élaborés au Laboratoire Infrarouge du
LETI. Les symboles mi-ouverts mi-fermés proviennent de résultats de la littérature, exceptés
le symbole ‘étoile’ qui a été élaboré dans les laboratoires d’Infineon mais caractérisé par nos
soins dans les mêmes conditions d’excitation que nos échantillons.
La tendance qui apparaît clairement est que (EPL
8K
– EPL
300K)
diminue fortement
lorsque l’énergie du spectre de PL à 300 K diminue. Ceci montre que le phénomène de ‘Sinversé’ est d’autant plus prononcé, donc que le degré de localisation et la température
Tloc/deloc sont d’autant plus élevés que l’énergie d’émission à température ambiante est faible.
On remarque que l’ensemble de nos points est relativement bien décrit par une ligne (courbe
discontinue bleue de la Figure IV-10) sur laquelle se trouve l’échantillon Infineon et la
majorité des résultats de la littérature, élaborés dans des conditions différentes mais excités à
des faibles densités de puissance, comme nos échantillons. Seuls les résultats de Polimeni et
al. [15] s’écartent de manière significative de notre courbe. On notera cependant qu’ils sont
parallèles à celle-ci.
La courbe discontinue bleue de la Figure IV-10 permet donc de prédire, pour une
énergie visée dans un puits quantique de GaInNAs, l’importance des effets de localisation.
Elle nous renseigne sur la modification des phénomènes radiatifs qui entrent en jeu avec
l’incorporation d’azote et donc indirectement sur l’évolution de la structure électronique du
matériau quaternaire.
Sur la Figure IV-10 sont également tracés les résultats de la Figure IV-5, qui montrent
une légère diminution de (E1H1-8K – E1H1-300K) lorsque E1H1-300K diminue. Il apparaît que cette
diminution est beaucoup plus faible que celle subie par (EPL-8K – EPL-300K) lorsque EPL-300K
diminue. Cette comparaison montre que l’écart énergétique entre E1H1-8K et EPL-8K, donc les
effets de localisation, augmentent avec l’incorporation d’azote.
Nous allons dans la suite de ce chapitre essayer d’appréhender les phénomènes
physiques à l’origine des comportements atypiques observés. Cette compréhension conduit à
une modélisation mathématique des comportements observés.
118
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.4Analyse quantitative des effets de localisation
IV.4.1
Etats localisés à très basse température
IV.4.1.1 Queue d’états à basse énergie
L’étude d’un spectre de PL à très basse température (8 K) permet d’obtenir des
informations sur l’origine de la luminescence.
E
états
délocalisés
Ec
N(E)
états
localisés
Ev
Figure IV-11 : Densité d’états schématique pour un matériau massif dans lequel une queue d’états
localisés s’étend dans la bande interdite.
119
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Sur les échantillons nitrurés (que ce soit du GaNAs ou du GaInNAs, en couche épaisse
ou en puits quantiques), le flanc à basses énergies d’un spectre de PL à 8 K est
systématiquement très peu abrupt [21, 22]. Ceci indique que les bords de bande sont mal
définis ou qu’il existe une distribution d’états dans la bande interdite. Cette queue
exponentielle de luminescence à basse énergie est caractéristique d’états localisés sous le bord
de bande et fortement radiatifs. L’origine de la présence de ces états peut être multiple,
comme nous allons l’évoquer, mais dans tous les cas elle est liée au désordre et traduit
généralement une localisation spatiale importante des électrons et/ou des trous. Il a été montré
[23, 24] que les perturbations introduites par l’azote affectaient principalement la bande de
conduction. C’est la raison pour laquelle nous considérons que la bande de valence est moins
perturbée par l’incorporation d’azote que la bande de conduction.
La Figure IV-11 illustre cette queue d’états localisés sous la bande de conduction dans
le cas d’un matériau massif. On définit Ec comme le seuil de mobilité : en-dessous de ce seuil,
les électrons sont localisés dans la queue d’états ; au-dessus, les électrons sont délocalisés
dans le continuum.
A très basse température, l’énergie thermique des porteurs est quasi-nulle, ils restent
donc gelés sur leur piège. Un éventuel transfert entre les différents états situés dans la queue
de bande est donc peu probable ou peu efficace. La queue de luminescence reflète donc la
densité de ces états localisés, densité qui prend la forme [25] :
 E
N loc (E ) ∝ exp 
 E0 
avec E0 énergie caractéristique.
La Figure IV-12 montre le spectre de PL en échelle semi-logarithmique obtenu sur le
puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit et sur le puits de référence. On peut
vérifier que la queue de bande est effectivement exponentielle ; une énergie caractéristique E0
de 20 meV est déduite sur le puits quantique nitruré. Plus l’énergie caractéristique est élevée,
plus la queue d’états s’enfonce profondément dans la bande interdite, et plus les états sont
localisés. Sur le puits de référence, sans azote, E0 est trois fois plus faible, égale à 5,8 meV.
Notons que cette queue de bande a également été mise en évidence sur des spectres
d’absorption dans du GaNAs [26, 27]. Les énergies caractéristiques déterminées par
Buyanova et al. [21] sur des couches de GaNAs et par Mair et al. [22] sur des couches
120
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
GaInNAs en accord de maille sur GaAs sont de 9 meV. Dans des puits quantiques multiples
d’In0,06Ga0,94N, des valeurs aussi élevées que 35 meV ont été rapportées [28].
Monopuits quantique Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
non recuit
Monopuits quantique Ga0.65In0.35As/GaAs
non recuit
T=8K
100
100
queue exponentielle
à basses énergies
exp(E/E0)
10
10
E0 = 20 meV
1
0,900
0,925
0,950
0,975
Intensité de PL (u. a.)
Intensité de PL (u. a.)
T=8K
1
1,000
100000
100000
queue exponentielle
à basses énergies
exp(E/E0)
10000
1000
1,100
Energie (eV)
E0 = 6 meV
1,125
1,150
1,175
10000
1000
1,200
Energie (eV)
Figure IV-12 : Spectre de PL à 8 K du puits quantique Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit (gauche) et de
son homologue sans azote (droite). Les spectres sont tracés en échelle semi-logarithmique.
Nous discutons maintenant plus précisément l’origine de cette queue d’états ainsi que
sa forme exponentielle.
IV.4.1.2 Origine physique des états localisés
Le désordre est généralement à l’origine de la présence des queues d’états. Par
exemple dans les semiconducteurs amorphes, où le désordre est très prononcé, le changement
de la longueur ou de l’angle des liaisons est à l’origine de queues d’états importantes [29].
Dans les semiconducteurs monocristallins, la queue d’états peut être créée par des fluctuations
de potentiel provenant de fluctuations de composition, de contrainte, voire d’épaisseur dans le
cas de puits quantiques. Dans le cas plus spécifique des nitrures à faible bande interdite, nous
avons vu au Chapitre III que l’azote constitue un défaut isoélectronique auquel se lie un
exciton [30] et que l’association de deux atomes d’azote (doublet), de trois (triplet), en somme
que la présence d’agrégats (n-uplets) d’azote, lie d’autant plus fortement les excitons que le
nombre d’atomes d’azote constituant l’agrégat est élevé et que la distance entre ces atomes est
faible. Les excitons, pour peu qu’ils soient suffisamment liés, créent des niveaux (états) sous
la bande de conduction. On imagine aisément que l’association de l’ensemble des
121
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
configurations possibles pour les agrégats d’azote crée une distribution d’états dans la bande
interdite et donc une queue d’états localisés.
IV.4.1.2.a
Calcul approché des niveaux des excitons liés à des agrégats d’azote
Nous nous proposons de montrer à travers un calcul simple, inspiré d’une discussion
avec H. Mariette, la formation de la queue d’états dans la bande interdite du matériau
GaNxAs1-x.
Considérons un atome d’azote en position substitutionnelle dans un réseau blende de
zinc d’alliage Ga1-yInyNxAs1-x/GaAs. Cet anion possède n1=12 anions en premiers voisins,
n2=6 anions en seconds voisins, n3=24 anions en troisièmes voisins, n4=8 anions en
quatrièmes voisins. Ces anions sont soit des atomes d’arsenic, soit des atomes d’azote. Soit
PN j ( x ) la probabilité de former un j-uplet d’azote en ièmes voisins, ni étant le nombre de ièmes
i
voisins et x la fraction d’azote dans le réseau des anions. Cette probabilité est donnée par la
formule de Bernouilli :
PN j ( x ) = C nj−i 1 ⋅ x j−1 ⋅ (1 − x ) i
n − j+1
Équation IV-3
i
Les travaux de Liu et al. [31] ont permis de montrer qu’un exciton lié à un atome
d’azote isolé N x = N1i introduit un niveau dans la bande de conduction de la matrice. Un
exciton lié à une paire NNi = Ni2 sera plus fortement lié (cf Figure III-4). Cette paire introduit
un niveau dans la bande interdite ou résonant avec la bande de conduction selon la valeur de i.
En faisant l’approximation que la profondeur énergétique du niveau de l’agrégat N ij est égale
( )
à (j-1) fois l’énergie ( N 1i - N i2 ), on associe à chaque probabilité PN j ( x ) une énergie E N ij du
i
j-uplet d’azote en ièmes voisins. On obtient alors une densité discrète d’états localisés qui
s’étend progressivement dans la bande interdite (cf Figure III-4). L’origine des énergies est
prise pour le niveau de l’atome d’azote isolé. Cette densité est tracée en échelle linéaire et
logarithmique à la Figure IV-13 pour x = 2 %. Nous avons choisi x = 2% car c’est une valeur
typique du pourcentage d’azote incorporé dans GaNAs ou GaInNAs. Elle correspond à une
distance moyenne entre deux atomes d’azote de 1,3 nm. Les probabilités pour les j-uplets en
2èmes voisins n’ont pas été calculées car d’après Liu et al. [31] il n’y a pas de niveau
excitonique associé à une paire NN2.
122
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Probabilité des j-uplets d'azote en i
èmes
voisins
EcGaAs
EcGaAs
1
1.0
3
EN-N = 156 meV
EN-N = 92 meV
EN-N = 58 meV
d'après Liu et al.
4
1
3
0.1
4
j
0.01
E0= 54 meV
0.6
1E-3
0.5
0.4
1E-4
i
PN (x=2%)
0.7
0.3
0.2
j
1
i
0.8
ers
1 voisins
èmes
3
voisins
èmes
4
voisins
EN-N = 156 meV
EN-N = 92 meV
EN-N = 58 meV
d'après Liu et al.
PN (x=2%)
ers
1 voisins
èmes
3
voisins
èmes
4
voisins
0.9
1E-5
0.1
0.0
1E-6
700
600
500
400
300
200
100
0
700
600
500
400
300
200
100
0
Energie (meV)
Energie (meV)
Figure IV-13 : Probabilité de former certains types d’agrégats d’azote auxquels peuvent se lier des
excitons (échelle linéaire et semi-logarithmique) en fonction de l’énergie approximative des niveaux créés.
Le niveau du bas de la bande de conduction du GaAs est indiqué à la Figure IV-13. On
peut vérifier que très vite l’association de plusieurs atomes d’azote, dont la probabilité est
souvent faible mais non nulle, permet de lier des excitons profondément dans la bande
interdite. Pour des niveaux beaucoup plus faibles d’incorporation d’azote dans GaAs (dopage
GaAs:N plutôt qu’alliage GaNxAs1-x), c’est-à-dire pour des dopages azote de l’ordre de 1019
cm-3, les raies de photoluminescence très fines associées à ces états excitoniques dominent le
spectre [32, 33], bien que leur probabilité soit encore plus ténue. C’est donc que ces niveaux
sont extrêmement radiatifs et que la majorité des excitons y sont transférés. Lorsque la
fraction d’azote augmente, les raies discrètes disparaissent peu à peu [34, 35, 36] au profit
d’une bande, car la diversité des agrégats et leur probabilité respective augmente. Dans le cas
qui nous intéresse, en l’occurrence l’alliage GaNxAs1-x (ou Ga1-yInyNxAs1-x), on peut imaginer
que le calcul simple que nous avons fait permet d’avoir une idée de l’enveloppe de cette
queue d’états. D’après la Figure IV-13, une exponentielle du type exp(E/E0) avec E0=54 meV
permet de décrire l’enveloppe.
Ce calcul est très approximatif pour plusieurs raisons :
•
on ne considère que les agrégats ayant le même type de voisins ; les agrégats du type
N-Nα-Nβ, avec α≠β ne sont en effet pas pris en compte,
123
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
•
l’écart énergétique des niveaux des j-uplets d’une même famille de ièmes voisins n’est
pas constant, comme nous l’avons supposé, à cause d’une énergie d’interaction qu’il
faudrait prendre en compte à chaque ajout d’un atome d’azote constituant l’agrégat,
•
la position énergétique des excitons liés aux paires azote-azote, est très variable selon
les publications : par exemple, NN1 se situe environ 10 meV en dessous du bord de la
bande de conduction du GaAs d’après Liu et al. [31], alors que d’après Saito et al.
[33] et Kent et al. [37], NN1 se situe plutôt 90 meV sous la bande de conduction. Par
ailleurs, les structures que nous considérons sont en GaInNAs et non pas GaNAs. La
position du bord de bande n’est donc pas la même. De plus, il s’agit de puits
quantiques et non de couches épaisses. La position énergétique relative des excitons
liés aux agrégats par rapport au premier niveau confiné des électrons E1 est donc
probablement différente, même si elle semble peu dépendante des effets de
confinement [38].
Néanmoins, cette approche simple permet d’appréhender qualitativement une des origines
possibles de la présence de la queue de bande ainsi que sa forme, bien que l’énergie
caractéristique approximative déduite surestime la valeur que nous avons déterminée
expérimentalement.
Pour finir, une approche du même type est menée mais cette fois en considérant
simplement les atomes d’azote en premiers voisins et en faisant varier la fraction d’azote x
dans l’alliage. La probabilité d’occurrence d’un j-uplet est tracée en fonction de l’énergie
associée à ce j-uplet, pour différentes fractions d’azote, à la Figure IV-14. On observe un
décalage progressif vers les basses énergies de la densité d’états localisés lorsque le
pourcentage d’azote augmente. L’augmentation des phénomènes de localisation avec la
diminution de l’énergie d’émission, mise en évidence à la Figure IV-10, n’est probablement
pas étrangère à ces phénomènes.
On notera que ces calculs sont effectués en supposant implicitement que les atomes
d’azote dans l’alliage sont distribués de manière aléatoire et en position substitutionnelle. Si
l’azote a tendance à se regrouper sous forme d’agrégats, les effets seront encore plus
prononcés.
124
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
10
Probabilité de formation de j-uplets d'azote en premiers voisins
lorsque la fraction d'azote dans l'alliage augmente
5
1
N1
4
N1
N-N1-N1=N1
3
N-N1
EcGaAs
N
Prob(E)
0,1
GaNxAs1-x
0,01
x = 0.4%
x = 0.8%
x = 1.2%
x = 1.6%
x = 2.0%
x = 2.4%
x = 2.8%
x = 5.0%
x = 10%
x = 15%
1E-3
1E-4
1E-5
1E-6
700
600
500
400
300
200
100
0
Energie des j-uplets (meV)
Figure IV-14 : Evolution de la probabilité de former des états localisés dans la bande interdite avec
l’incorporation d’azote dans GaNAs.
IV.4.1.2.b
Fluctuations de potentiel dans la bande de conduction
La seule présence de fluctuations de potentiel dues à un désordre d’alliage
(fluctuations de compositions) naturel ou artificiellement créé à l’aide d’un superréseau
désordonné par exemple [14], ou à des fluctuations d’épaisseur ou de contraintes dans un
puits quantique, génère une fluctuation des niveaux d’énergie et donc la présence d’une queue
d’états sous la bande interdite ‘moyenne’.
Dans les puits quantiques de Ga(In)NAs/GaAs, de nombreuses études font état de
fluctuations de composition ou en évoquent la présence, comme nous le verrons au Chapitre
V. Les fluctuations de composition sont en effet très probables étant donnés les phénomènes
de démixion ou de séparation de phase rapportés dans ce type d’alliage.
125
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Dans les nitrures à faible bande interdite, les deux phénomènes que nous venons de
mentionner comme pouvant générer la queue d’états localisés peuvent coexister et
s’additionner : en effet, les régions de l’espace où le pourcentage d’azote est le plus élevé sont
celles où la bande interdite est la plus faible, mais également celles où les excitons sont le plus
liés car ils possèdent la probabilité la plus importante de créer des niveaux dans la bande
interdite. La Figure IV-15 illustre ce cas le plus général. Cependant, comme les phénomènes
de localisation sont plus importants dans les nitrures à faible bande interdite que dans d’autres
types d’alliages, on peut penser que ce sont les agrégats d’azote qui induisent le plus de
localisation.
Fluctuations de potentiel
Ec
Ev
Excitons localisés à des agrégats d’azote
Figure IV-15 : Schéma décrivant la création d’une queue d’états localisés sous la bande de conduction
moyenne, à cause des fluctuations de potentiel et d’états excitoniques liés à des agrégats d’azote.
IV.4.1.3 Etude en puissance
Une étude de PL en fonction de la densité de puissance d’excitation est menée à très
basse température (8 K). Cette étude est effectuée non pas sur l’échantillon nitruré non recuit
mais sur un échantillon identique recuit à 700 °C pendant 5 minutes (cf Figure IV-16 et
Figure IV-17) ou 10 secondes (cf Figure IV-18), ceci afin de bénéficier d’une plus forte
126
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
intensité du signal de PL (cf Chapitre V) et de pouvoir étudier ses propriétés de luminescence
sur plusieurs ordres de grandeur de puissance d’excitation. Nous verrons (cf Chapitre V) que
le recuit diminue le phénomène de ‘S-inversé’. En conséquence, la profondeur des états
localisés est moindre sur l’échantillon recuit. Les résultats présentés ci-après, déjà
significatifs, seraient donc exacerbés sur un échantillon non recuit.
Etude en puissance
monopuits quantique Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs recuit 300 s à 700 °C
Intensité de PL normalisée
1,0
0,8
2
14000 W/cm , 4.2 K, µPL
2
700 W/cm , 8 K
2
140 W/cm , 8 K
2
40 W/cm , 8 K
2
10 W/cm , 8 K
2
0.15 W/cm , 8 K
0,6
0,4
0,2
0,0
0,95
1,00
1,05
1,10
Energie (eV)
Figure IV-16 : Spectres de PL obtenus à 8 K pour différentes densités de puissance d’excitation sur le
puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs recuit. Le spectre en pointillé a été obtenu en µPL à 4.2 K.
L’évolution du spectre de PL (intensité normalisée) lorsque la densité de puissance
d’excitation augmente est présentée à la Figure IV-16, à 8 K. Nous avons greffé aux résultats
obtenus sur le banc de photoluminescence ‘classique’ des résultats obtenus sur un banc dédié
à la microphotoluminescence, qui permet de focaliser le faisceau sur des dimensions
micrométriques et ainsi d’obtenir des densités de puissance d’excitation beaucoup plus
élevées (en traits discontinus sur la Figure IV-16).
127
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
1,045
50
Energie pic PL (eV)
8K
40
1,040
30
1,035
20
1,030
1,025
10
0
500
1000
1500
2000
14000
0
Largeur à mi-hauteur du pic (meV)
Effet de la densité de puissance d'excitation
sur l'énergie et la largeur du pic de PL
2
Densité de puissance d'excitation (W/cm )
Figure IV-17 : Evolution de l’énergie et de la largeur du pic de PL obtenu à 8 K sur le puits quantique de
Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs recuit, en fonction de la densité de puissance d’excitation.
IV.4.1.3.a
Décalage énergétique vers le bleu
A 8 K, le spectre se décale vers le bleu lorsque la densité de puissance augmente, ce
qui est illustré également à la Figure IV-17. Ce décalage vers les hautes énergies traduit une
saturation progressive des états les plus localisés et un peuplement consécutif des états
localisés les plus proches du bord de bande. Lorsque la densité d’excitation devient très
élevée (microphotoluminescence), le signal provient presque exclusivement des états
délocalisés du continuum et la position du pic de PL est confondue avec celle de l’énergie
E1H1 (comme le montre la Figure IV-18). A une telle densité de puissance d’excitation,
l’énergie du pic de PL en fonction de la température ne suit pas la forme typique de ‘Sinversé’.
128
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Etude en puissance monopuits quantique
Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs recuit 10s à 700°C
1,01
2
14000 W/cm
2
1400 W/cm
2
140 W/cm
Energie E1H1
1,00
Energie (eV)
0,99
(µPL)
(PL)
(PL)
(PR)
0,98
0,97
0,96
0,95
0,94
0,93
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-18 : Energie du pic de PL obtenu sur un puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs recuit
10s montrant le S-inversé à faible densité de puissance d’excitation. Lorsque la densité de puissance
augmente, la PL rejoint le bord de bande E1H1 à très basse température
IV.4.1.3.b
Augmentation de la largeur à mi-hauteur avec la puissance
A 8 K, l’augmentation de la densité de puissance d’excitation a pour effet de saturer
les états les plus localisés. La distribution énergétique d’états localisés participant au signal de
PL augmente, donc la largeur à mi-hauteur aussi (cf Figure IV-17). A très forte densité
d’excitation, les états localisés sont tous saturés et le spectre de PL reflète plus les états
délocalisés du continuum. La largeur à mi-hauteur traduit alors le désordre d’alliage et la
fluctuation éventuelle des bords de bande, c’est-à-dire la valeur Γ(0) de l’équation III-21
évoquée plus loin, qui pour l’échantillon recuit 300s est égale à 27 meV et pour l’échantillon
recuit 10s est égale à 36 meV (cf Figure IV-19).
129
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Etude en puissance monopuits quantique
Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs recuit 10s à 700°C
Largeur à mi-hauteur du pic (meV)
80
14000 W/cm
2
1400 W/cm
2
140 W/cm
70
2
60
50
40
30
20
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-19 : Largeur à mi-hauteur du pic de PL obtenu sur un puits quantique de
Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs recuit 10s.
IV.4.1.3.c
Intensité
A 8 K, l’intensité intégrée du signal de PL augmente de manière linéaire avec la
densité de puissance d’excitation sur plus de 3 ordres de grandeur (cf Figure IV-20). La
densité d’états localisés est donc suffisante pour permettre la recombinaison de tous les
porteurs photogénérés. Le début de saturation observé à forte puissance d’excitation est
attribué à un effet thermique.
130
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Effet de la densité de puissance d'excitation
sur l'intensité du pic de PL
Intensité intégrée (u. a.)
100
8K
10
1
0,1
0,01
0,1
1
10
100
1000
2
Densité de puissance d'excitation (W/cm )
Figure IV-20 : Evolution de l’intensité intégrée du pic de PL obtenu à 8 K sur le puits quantique de
Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs recuit, en fonction de la densité de puissance d’excitation.
IV.4.1.4 Conséquence des états localisés à très basse température
IV.4.1.4.a
Spectres de PR
Forme des spectres à 8 K
La forme particulière des spectres de PR à basse température sur les échantillons
nitrurés a été constatée sur les échantillons les plus riches en azote. Elle prend parfois l’allure
d’une marche d’escalier. Ces phénomènes ont été étudiés dans la thèse de Y. Baltagi [39], et
attribués à des effets de localisation de porteurs à basse température. La PR est une technique
qui est sensible aux propriétés intrinsèques d’un matériau. Elle est donc a priori peu sensible
aux états localisés sous le bord de bande. Cependant, il est possible que les mécanismes de
modulation soient changés lorsque la densité d’états localisés devient suffisamment élevée,
créant ainsi les perturbations du signal observées à basse température. A basse température,
une sensibilité du signal de PR aux états localisés induirait une sous-estimation de l’énergie
E1H1 et par voie de conséquence ‘l’aplatissement’ observé dans l’évolution de l’énergie de
bande interdite à basses températures.
131
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Efficacité de modulation
Les signaux de PR sont toujours plus difficiles à acquérir sur les nitrures à faible
bande interdite que sur leurs homologues sans azote. De manière générale, la puissance du
laser de modulation doit être 10 fois supérieure pour espérer obtenir un spectre significatif, ce
qui peut être expliqué qualitativement de la manière suivante. La présence d’une densité
importante d’états localisés dans les échantillons nitrurés piège une partie des porteurs
photogénérés. La mobilité de ces porteurs est extrêmement faible ; ils ne peuvent donc
participer à la modulation du champ électrique dans la structure et donc à la création du
signal. Une augmentation de la puissance du laser de modulation permet de créer plus de
porteurs, ce qui compense le piégeage de certains d’entre eux.
Chute de l’intensité du signal à basse température
La chute de l’intensité du signal de PR à basse température pourrait être reliée au
phénomène de piégeage cité au-dessus. On remarquera d’ailleurs que la forme de la courbe
suivie par l’intensité de la transition E1H1 en fonction de la température (cf insert de la Figure
IV-4) est identique à celle suivie par la mobilité des trous rapportée par Li et al. [40].
IV.4.1.4.b
Décalage énergétique entre émission et absorption
Décalage de Stokes
Quand les interactions électron-phonon sont significatives dans un matériau, le
processus de recombinaison peut faire intervenir l’émission d’un photon mais aussi de
phonons. Le diagramme de la Figure IV-21 explicite ce phénomène. Les énergies de l’état
fondamental et de l’état excité sont décrites en terme de coordonnées de configuration q
respectivement par :
E fond (q ) = Aq 2
E exc (q ) = E∗ + Aq 2 − Bq
où B est le potentiel de déformation linéaire qui représente la force d’interaction électronphonon.
132
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Energie
Eexc(q)
*
E
W
Eabs
Eém
Efond(q)
W
q0
0
Coordonnée de configuration
Figure IV-21 : Schéma en coordonnées de configuration permettant d’expliquer le décalage de Stokes.
En posant W = B2/4A, on montre facilement que l’énergie d’émission est plus faible
que l’énergie d’absorption d’une quantité 2W :
E ém = E abs − 2 W
Équation IV-4
Ce décalage énergétique entre émission et absorption est appelé décalage de Stokes. Il
est d’autant plus élevé que les interactions électron-phonon sont fortes.
Les nitrures à faible bande interdite présentent, comme nous l’avons vu, un décalage
important entre émission (PL) et absorption (PR). Cependant, ce décalage est important à
basse température et inexistant à haute température. Les interactions porteurs-phonons étant
plus importantes à hautes températures, on peut penser que le décalage observé n’est pas un
décalage de Stokes (bien que dénommé comme tel par abus de langage dans la littérature),
mais plutôt un phénomène de thermalisation de porteurs à basses températures.
Thermalisation de porteurs
La densité d’états (i.e. le nombre de places disponibles) est beaucoup plus élevée pour
les états délocalisés du continuum de la bande de conduction que pour les états localisés. Le
spectre d’absorption reflète donc principalement la distribution des états délocalisés. En
133
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
revanche lorsque les paires électrons-trous sont absorbées à très basse température, elles se
thermalisent, c’est-à-dire perdent très rapidement (à une échelle de temps très courte devant la
durée de vie radiative) des petites quantités d’énergie pour se retrouver sur les niveaux
énergétiques les plus bas, c’est-à-dire sur les états localisés, d’où elles se recombinent.
Ainsi, à basse température, l’absorption fait intervenir principalement les états
délocalisés et l’émission fait intervenir plutôt les états localisés, ce qui explique le décalage
énergétique observé dans les échantillons nitrurés.
IV.4.1.4.c
Durée de vie radiative des états excitoniques localisés
La durée de vie radiative d’une paire électron-trou ou d’un exciton est d’autant plus
grande que l’électron et le trou sont spatialement séparés ou que le potentiel dans lequel ils
sont localisés est profond. D’après Street et al. [29],
τ R ∝ exp(2λR )
Équation IV-5
où λ ≈1/R0 (R0 longueur de localisation) est un paramètre de localisation et R la distance qui
sépare l’électron et le trou.
On peut donc qualitativement prédire que la durée de vie des transitions radiatives est
plus élevée pour les basses énergies du spectre de PL, qui correspondent aux transitions
radiatives des excitons les plus localisés. Ceci a été montré expérimentalement à l’aide de
mesures de photoluminescence résolue en temps sur des couches de Ga0,97In0,03N0,01As0,99 en
accord de maille sur GaAs [22] et sur des puits quantiques de GaInNAs/GaAs [17]. Dans ces
études, la durée de vie des excitons, extraite à partir de IPL(t)=I0 exp(-t/τR), augmente au fur et
à mesure que les basses énergies du spectres correspondant aux états localisés sont sondées,
comme attendu avec le raisonnement simple présenté ci-dessus. La dépendance est typique
d’une distribution d’états localisés [22] :
τ R (E ) =
τ Rm
 (E − E c )
1 + exp 

 E0 
Équation IV-6
où Ec est une énergie pour laquelle le taux de recombinaison d’un état localisé est égal au taux
de transfert hors de cet état (seuil de mobilité), τRm est la durée de vie radiative maximale et
où E0, déjà défini au IV.4.1.1, traduit la profondeur des pièges. D’après les mesures de Mair et
al. [22], τR varie entre 0,07 et 0,34 ns. Des mesures similaires effectuées sur des multipuits
quantiques de GaNAs/GaAs [21] confirment la tendance de l’augmentation de la durée de vie
134
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
des excitons avec l’augmentation des effets de localisation, mais cette fois les durées de vie
radiatives rapportées sont un ordre de grandeur supérieures.
IV.4.1.5 Conclusion
A 8 K, la forme et l’intensité du spectre de PR, la forme et la position énergétique
relative du spectre de PL, son évolution lorsque la densité de puissance d’excitation augmente
ainsi que des mesures de durée de vie [21, 22] ont permis de montrer que la PL provient de la
recombinaison d’excitons localisés sous le bord de la bande de conduction des nitrures à
faible bande interdite. Ces excitons sont probablement localisés sur des agrégats riches azote
qui créent des fluctuations de potentiel profondes. Il convient maintenant de comprendre ce
qu’il se passe lorsque la température augmente, notamment la forme caractéristique dite en
‘S-inversé’ que suit le pic de PL de 8 K à 300 K.
IV.4.2
Transfert excitonique à basse température
IV.4.2.1 Décalage vers les basses énergies du pic de PL
Dans la gamme de température 8 K – 50 K, sur le puits quantique de
Ga0,65In0,35N0,02AsO,98/GaAs non recuit (cf Figure IV-7) par exemple, l’énergie de bande
interdite, et par conséquent celle de la transition E1H1, restent quasiment constantes, comme le
montrent les études de photoréflectivité (cf Figure IV-7). Or, l’énergie du spectre de PL
diminue à un taux d’environ 0.5 meV/K, si bien que l’écart entre la transition PR et la
transition PL augmente pour atteindre 40 meV à 50 K. La densité d’états localisés restant fixe,
ceci implique que la proportion de recombinaisons radiatives provenant des excitons localisés
sur les niveaux les plus profonds augmente.
Lorsque la température augmente, l’énergie thermique permet aux excitons,
auparavant figés sur leur niveau, de transférer sur les niveaux d’énergie minimale, soit par
saut direct entre états localisés, soit par piégeage multiple via les excitons libres [41, 42, 43,
44] (cf Figure IV-22). De proche en proche, ils vont avoir tendance à se retrouver sur les
135
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
niveaux les plus profonds, ce qui fait ressortir la partie la moins énergétique du spectre en
photoluminescence.
BC
E
x
BV
Figure IV-22 : Schéma illustrant les phénomènes de transferts excitoniques à basse température [45].
Par ailleurs, lors de ces transferts, les excitons peuvent être capturés par les défauts
non-radiatifs qui sont présents en grande quantité sur les échantillons non recuits. Les
excitons localisés qui transfèrent le plus étant ceux qui correspondent aux recombinaisons les
plus énergétiques dans le spectre de PL, on comprend également la raison pour laquelle ce
type de recombinaisons radiatives s’éteint préférentiellement. Ainsi, nous pouvons expliquer
qualitativement le décalage vers les basses énergies du spectre de PL dans la gamme de
température 8 K – 50 K.
136
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.4.2.2 Forte chute de l’intensité de PL intégrée
IV.4.2.2.a
Considérations générales
Sous injection de porteurs, la population qui gouverne une transition donnée est régie
par :
∂n
n
n
=G−
−
∂t
τR τ NR
Équation IV-7
où n est la densité de porteurs minoritaires ou la densité d’excitons, G est le taux de
génération, τR et τNR sont les durées de vie radiative et non radiative, respectivement.
En régime permanent, on a
∂n
= 0 d’où, à une température T donnée :
∂t
n
(T ) = G − n (T ) = K ⋅ IPL (T )
τR
τ NR
Équation IV-8
Les taux de recombinaison non radiatifs sont généralement thermiquement activés, d’où, à T
= 0K :
n
(0) = G = K ⋅ IPL (0)
τR
Équation IV-9
ce qui entraîne :
I PL (T ) =
I PL (0)
I (0 ) ⋅ 1 τ R
I (0) ⋅ p R
= PL
= PL
τ
1 τ R + 1 τ NR
p R + p NR
1+ R
τ NR
Équation IV-10
où pR et pNR sont les probabilités de recombinaison radiative et non radiative, respectivement.
IV.4.2.2.b
Cas classique dans un semiconducteur
Dans un semiconducteur classique, le taux de recombinaison non radiative est
généralement thermiquement activé et le taux de recombinaison radiative est supposé constant
avec la température. On a donc :
E 
τ NR = τ0 ⋅ exp a 
 kT 
Équation IV-11
137
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
ce qui correspond soit à une dépopulation du niveau, soit à l’activation d’un centre de
recombinaison non radiatif, si bien que :
I PL (T ) =
I0
 E 
1 + A exp − a 
 kT 
Équation IV-12
avec A = τR /τ0.
La Figure IV-23 montre l’allure typique de la diminution d’intensité de PL avec la
température pour plusieurs énergies d’activation. Clairement, à basse température, la courbe
débute toujours par un palier où l’intensité de PL est relativement constante. Plus l’énergie
d’activation est faible, plus le palier est court, et la chute d’IPL post-palier rapide. Ensuite à
partir de 150 K, l’intensité de PL décroît faiblement.
IPL int(T) = I0 / [1+τR/τ0*exp(-Ea/kT)]
Ea = 5 meV
Ea = 10 meV
Ea = 20 meV
Ea = 40 meV
IPL int (u. a.)
1000
τR = 1000 τ0
100
10
1
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-23 : Illustration de la décroissance de l’intensité intégrée de PL dans le cas de transitions non
radiatives thermiquement activées.
138
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.4.2.2.c
Cas particulier des nitrures à faible bande interdite
Dans les nitrures à faible bande interdite, comme par exemple dans le GaAs:N [46], la
chute d’intensité intégrée est très rapide à basses températures et sa forme ne comporte pas
vraiment de palier. Elle est donc mal décrite dans la gamme de température 8 K – 50 K par la
formule ci-avant (ou alors approximativement avec une énergie d’activation très faible). Ceci
provient du fait que dans ce type de système τR n’est pas constant : les excitons liés aux
agrégats d’azote ont des durées de vie d’autant plus élevées que l’exciton est profondément
lié. La description mathématique précise de l’extinction de PL à basse température résultant
de la variation de la durée de vie excitonique en fonction du type d’exciton considéré est
complexe. Une manière approchée plus simple de la décrire est d’utiliser une formule valable
dans les semiconducteurs amorphes, matériaux au sein desquels les porteurs sont fortement
localisés. L’expression est la suivante [47] :
I PL (T ) =
I0
Équation IV-13
T
1 + B exp 
 T0 
Dans cette expression, le processus non radiatif est induit par une fuite des porteurs
des centres de recombinaison radiatifs vers les pièges non radiatifs par effet tunnel assisté par
phonon, comme nous l’explicitons ci-dessous.
R
Energie
effet
tunnel
Position
capture lors
du transit tunnel
par un centre
de recombinaison
non radiatif
W
R0
Figure IV-24 : Illustration d’une transition tunnel assistée par phonon entre deux fluctuations de potentiel.
La capture sur des pièges non radiatifs a lieu lors de la transition tunnel.
139
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Considérons deux fluctuations de potentiel adjacentes séparées d’une distance R0. On
décrit ces fluctuations par des paraboles [47]. La probabilité de transition tunnel entre deux
fluctuations est donnée par :
W

p = υph ⋅ exp − 2λR −

kT 

Équation IV-14
avec λ paramètre de localisation, R distance tunnel, W énergie thermique à obtenir pour
pouvoir transiter par effet tunnel sur une distance R. R et W sont liés par :
R = R 0 − 2γ W
Équation IV-15
où γ définit la parabole.
La valeur de la probabilité p de transition tunnel passe par une valeur maximale notée pmax
obtenue pour Wmax = (2λγkT ) :
2
p max = p 0 ⋅ exp(βT )
Équation IV-16
avec
p 0 = υph ⋅ exp(− 2λR 0 )
β=
Équation IV-17
1
= 4λ2 γ 2 k
T0
d’où :
I PL (T ) =
I0
T
1 + τR ⋅ p 0 ⋅ exp 
 T0 
Équation IV-18
T0 est appelée température caractéristique : elle est d’autant plus grande que la fuite des
porteurs hors des fluctuations de potentiel pour se faire happer par des pièges non radiatifs est
difficile.
La Figure IV-25 montre l’allure typique de cette courbe pour plusieurs températures
caractéristiques. En échelle semi-logarithmique, l’extinction de la PL suit une pente constante,
et est d’autant plus rapide que T0 est faible. Un mini-palier existe à basses températures
lorsque le coefficient devant l’exponentielle est faible. Cette formule décrit de manière
140
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
satisfaisante l’extinction de la PL à basses températures que nous observons sur les nitrures à
faible bande interdite, mais pas du tout à plus haute température.
IPL int(T) = I0 / [1+τR*p0*exp(T/T0)]
T0 = 8 K, τR*p0 = 10
T0 = 8 K, τR*p0 = 0.01
T0 = 16 K, τR*p0 = 10
T0 = 16 K, τR*p0 = 0.01
IPL int (u. a.)
100
10
1
0,1
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-25 : Illustration de la décroissance de l’intensité intégrée de PL dans le cas des semiconducteurs
amorphes ou des nitrures à faible bande interdite à basses températures.
IV.4.2.2.d
Bilan
Nous avons donc décrit la chute rapide d’IPL dans la gamme de température 8 K- 50 K,
qui correspond à la recombinaison d’excitons localisés, par l’équation III-18, typique d’effets
de localisation. En revanche, à haute température, où les porteurs sont préférentiellement
délocalisés dans le continuum, la décroissance de l’intensité de photoluminescence devrait
suivre une évolution décrite par l’équation III-12.
141
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.4.3
Transition états localisés-états délocalisés
IV.4.3.1 Décalage vers les hautes énergies du pic de PL
Lorsque la température augmente encore, c’est-à-dire dans la gamme 50 K – 100 K, le
spectre de PL se déplace vers les grandes énergies (cf Figure IV-26). Ce brusque changement
de comportement indique un changement de nature du type de recombinaisons radiatives
prédominant.
1.00
PL
PR (E1H1)
PR (ajustement)
Energie (eV)
0.98
0.96
0.94
états
localisés
0.92
0
50
localisés
+
delocalisés
100
états
délocalisés
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-26 : Evolution suivie par l’énergie du pic de PL en fonction de la température sur le puits
quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit (ronds pleins).
En fait, l’énergie thermique devient alors suffisante pour que les excitons, localisés
dans les queues de bande, accèdent aux bords de bande, où ils sont délocalisés dans le
142
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
continuum. C’est ce passage de recombinaisons d’excitons localisés dans la bande interdite à
des recombinaisons d’excitons délocalisés dans la bande de conduction qui induit le décalage
vers le bleu rapide et anormal du pic de PL.
Intensité de PL intégrée (u. a.)
IV.4.3.2 Intensité de PL intégrée
IPL intégrée (points expérimentaux)
IPL(loc)=I0loc/(1+B.exp(T/T0), T0=20K
IPL(déloc)=I0déloc/(1+A.exp(-Ea/kT), Ea=55 meV
IPL(loc) + IPL(déloc)
10
1
0,1
0,01
états
localisés
localisés
+
delocalisés
états
délocalisés
1E-3
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-27 : Evolution suivie par l’intensité du pic de PL en fonction de la température sur le puits
quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit (carrés pleins). Cette évolution est décrite avec une
extinction de la luminescence typique d’effets de localisation à basse température, et par une décroissance
thermiquement activée à hautes températures. La somme des deux ajustements reproduit la décroissance
expérimentale.
Le comportement expérimental de la chute de l’intensité de PL intégrée sur les nitrures à
faible bande interdite est décrit par :
•
Une extinction rapide de la photoluminescence dans la gamme des basses
températures où les recombinaisons radiatives proviennent exclusivement de la
143
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
recombinaison d’excitons localisés. L’équation III-18, explicitée au IV.4.2.2.c et
typique d’effets de localisation de porteurs, permet une bonne adéquation entre théorie
et expérience.
•
Une décroissance thermiquement activée à hautes températures, où la recombinaison
d’excitons ou de porteurs délocalisés prédomine. Elle permet de rendre compte de la
diminution relativement faible de l’intensité de PL avec la température.
Dans la gamme de température intermédiaire où les deux régimes de recombinaisons
radiatives coexistent, en l’occurrence entre 50 K et 125 K sur la Figure IV-27, la contribution
cumulée des deux ajustements reproduit avec un bon accord l’évolution suivie par les points
expérimentaux, en particulier le changement de pente dans la décroissance d’IPL. Le
croisement a lieu à 75 K, température à laquelle l’intensité des deux régimes est identique. On
retrouve ici ‘mathématiquement’ la température Tloc/deloc définie en IV.3.2, qui correspond
aussi à la température à laquelle la remontée du pic de PL vers les hautes énergies est à miparcours.
IV.4.3.3 Largeur à mi-hauteur
IV.4.3.3.a
Considérations générales
D’une manière générale, les deux mécanismes qui influent sur la largeur d’un spectre
sont :
•
L’interaction entre les porteurs et les phonons, qui dépend de la température. Elle est
exprimée par un terme d’élargissement noté ΓT. Ce terme est proportionnel à la
fonction d’occupation des phonons, qui suit une statistique de Bose-Einstein, et au
couplage entre les porteurs et les phonons. Il s’exprime donc par [39] :
ΓT =
•
Γcouplage
 E ph
exp
 kT

 − 1

Équation IV-19
Le désordre, qui ne dépend pas de la température, et qui traduit la distribution de
l’énergie due au désordre d’alliage, aux fluctuations de compositions, voire de
contrainte ou de l’épaisseur d’un puits quantique par exemple. Dans le cas d’un alliage
144
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
ternaire comme GaNxAs1-x, le désordre d’alliage, pour l’exciton du bord de bande,
s’exprime par [48] :
 x (1 − x ) 
Γa = S ⋅ 

N


 ∂E g
où S = 
 ∂x
Équation IV-20

 avec x composition moyenne en azote, et
x
où N est le nombre de sites anioniques dans le volume sondé. Dans un puits quantique, la
sonde est généralement l’exciton donc N représente le nombre d’atomes d’élément V dans le
volume excitonique. Notons que dans les nitrures à faible bande interdite, le paramètre de
courbure géant impose une valeur de S élevée, et donc un Γa important, ce qui explique que la
largeur à mi-hauteur des spectres augmente considérablement avec l’incorporation d’azote.
En considérant que les élargissements sont inhomogènes, l’élargissement total Γi(T), pour des
recombinaisons provenant du bord de bande, est donné par :
Γi (T ) =
IV.4.3.3.b
(Γ
2
a
+ ΓT2 )
Équation IV-21
Evolution de la largeur à mi-hauteur
Comme nous l’avons déjà souligné, l’évolution de la largeur à mi-hauteur présente un
pic dans la gamme de température pour laquelle la luminescence provient à la fois de la
recombinaison d’excitons localisés et d’excitons délocalisés, dont les énergies respectives
sont différentes. Le pic doit se situer à la température Tloc/deloc, quand les deux composantes
sont égales en intensité, c’est-à-dire, pour l’échantillon nitruré non recuit, à 75 K d’après les
ajustements de l’intensité de chacun des régimes obtenu à la Figure IV-27. C’est bien ce qui
est observé à la Figure IV-28.
145
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Largeur à mi-hauteur (meV)
100
2
points expérimentaux (140 W/cm )
courbe théorique (rec. états déloc.)
2
2 1/2
Γi(T)=[Γa +ΓT ]
80
effet d'augmentation
de la densité d'excitation
60
40
20
0
états
localisés
0
50
localisés
+
delocalisés
100
états
délocalisés
150
200
250
300
Température (K)
Figure IV-28 : Evolution suivie par la largeur à mi-hauteur du pic de PL en fonction de la température
sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit (triangles pleins).
La relation monotone IV-21 (tracée à la Figure IV-28) ne décrit l’évolution de la
largeur à mi-hauteur avec la température que dans le cas où les recombinaisons radiatives
proviennent majoritairement de la recombinaison d’excitons délocalisés dans le bord de
bande. Sur les échantillons nitrurés, à faible densité d’excitation (cf points expérimentaux
Figure IV-28), il n’est donc pas surprenant que l’évolution de la largeur à mi-hauteur avec la
température – qui traduit la transition progressive des recombinaisons sur des états
excitoniques localisés à des recombinaisons d’excitons délocalisés dans le bord de bande
lorsque la température augmente – ne soit pas corrélée à la courbe théorique. En revanche, les
points expérimentaux se rapprochent de la courbe théorique (cf Figure IV-28) lorsque la
densité de puissance d’excitation augmente, c’est-à-dire lorsque la proportion de photons
provenant de la recombinaison radiative d’excitons délocalisés augmente (cf Figure IV-16,
Figure IV-17, Figure IV-29 et Figure IV-30).
146
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.4.3.4 Etude en puissance
Nous rappelons que l’étude en puissance est menée sur l’échantillon nitruré recuit
300s à 700°C pour avoir plus de signal et que sur cet échantillon, la température à laquelle les
deux régimes de recombinaisons (localisé/délocalisé) coexistent, notée Tloc/deloc, est plus faible
que sur l’échantillon non recuit. Elle se situe à 55 K (cf Chapitre 4) au lieu de 75 K sur
l’échantillon nitruré non recuit car les effets de localisation sont plus faibles sur les
échantillons recuits. Les résultats présentés ci-après, certes significatifs, seraient exacerbés sur
l’échantillon non recuit.
Etude en puissance
monopuits quantique Ga 0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs recuit 300 s à 700 °C
Intensité de PL normalisée
1,0
0,8
2
14000 W/cm , 61 K, µPL
2
700 W/cm , 55 K
2
140 W/cm , 55 K
2
40 W/cm , 55 K
2
10 W/cm , 55 K
2
0.15 W/cm , 55 K
0,6
0,4
0,2
0,0
0,95
1,00
1,05
1,10
Energie (eV)
Figure IV-29 : Spectres de PL obtenus à Tloc/deloc (55 K) pour différentes densités de puissance d’excitation
sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs recuit. Le spectre en pointillé a été obtenu en µPL à
61 K.
147
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
50
1,045
Energie pic PL (eV)
55 K
40
1,040
30
1,035
20
1,030
1,025
10
0
500
1000
1500
2000
14000
0
Largeur à mi-hauteur du pic (meV)
Effet de la densité de puissance d'excitation
sur l'énergie et la largeur du pic de PL
2
Densité de puissance d'excitation (W/cm )
Figure IV-30 : Evolution de l’énergie et de la largeur du pic de PL obtenu à Tloc/deloc sur le puits quantique
de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs recuit, en fonction de la densité de puissance d’excitation.
IV.4.3.4.a
Energie du pic de PL
A contrario des phénomènes observés à 8 K (cf Figure IV-16 et Figure IV-17), à
Tloc/deloc, aucun décalage significatif vers le bleu de la partie la plus énergétique du spectre
n’est observé dans un premier temps, ce qui montre que la densité des états délocalisés est
élevée, alors que la partie à basses énergies du spectre, qui correspond à la recombinaison des
états localisés, sature très vite, traduisant la densité beaucoup plus faible de ces états. On
remarque qu’à très faible densité d’excitation (0,2 W/cm2), on commence à distinguer les
deux composantes correspondant aux deux régimes états localisés / états délocalisés (cf
courbe noire de la Figure IV-29).
IV.4.3.4.b
Diminution de la largeur à mi-hauteur avec la puissance
A Tloc/deloc, la largeur à mi-hauteur est très importante à faible densité d’excitation, car
les deux régimes de recombinaisons participent en quantité égale au signal de luminescence.
L’augmentation de la densité de puissance d’excitation a pour effet de favoriser
progressivement le régime ‘recombinaison des porteurs sur les états délocalisés’, aux dépens
148
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
du régime ‘recombinaison des porteurs sur les états localisés’, dont la contribution relative au
signal de PL devient petit à petit négligeable. Ceci a pour effet de diminuer la largeur à mihauteur jusqu’à une valeur de 27 meV, qui correspond à la valeur Γ(0) déterminée à 8 K à très
forte densité d’excitation (cf IV.4.1.3.b). Le fait de retrouver la même valeur de largeur à mihauteur à très forte densité d’excitation à 8 K et Tloc/deloc n’est pas surprenant. En effet à très
forte densité d’excitation la PL provient de la recombinaison d’états délocalisés dans les bords
de bande, quelle que soit la température. Or, à Tloc/deloc, le couplage avec les phonons
intervient encore très peu d’après la forme de la courbe décrite par l’équation IV-21, et
Γ(Tloc/deloc) ≅ Γ(0) (cf Figure IV-28).
IV.4.4
Etats délocalisés
A température ambiante, la photoluminescence provient en majeure partie de la
recombinaison de porteurs délocalisés dans les bords de bande, comme nous l’avons déjà
amplement développé. Nous ferons donc dans ce paragraphe simplement quelques remarques.
A 300 K, nous constatons sur certains échantillons que l’énergie E1H1 déterminée par PR est
légèrement plus faible que celle du maximum du pic de PL à cette température. Ceci ne
signifie pas pour autant que les porteurs se recombinent au dessus de E1H1.
En effet, en supposant que les recombinaisons s’effectuent entre le premier niveau
confiné des électrons E1 et le premier niveau confiné des trous H1, la forme du spectre de PL
dans un puits quantique est donnée par l’équation suivante, qui est la convolution d’une
fonction erreur complémentaire traduisant la densité d’état bidimensionnelle ‘en escalier’
dans un puits quantique, et d’une fonction exponentielle décroissante qui traduit le
peuplement des états selon une statistique de Boltzmann :

 E H − E 
 E − E1 H 1 
I PL (E ) ∝ 1 − erf  1 1
 ⋅ exp −

kT


 2 × σ 

Équation IV-22
où σ est une valeur indépendante de la température.
Une telle fonction permet de décrire correctement la forme d’un spectre de PL à 300
K. En outre, elle montre que E1H1 se situe en-dessous du maximum du pic de PL, ce qui lève
la contradiction apparente.
149
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
L’élargissement de la largeur à mi-hauteur à hautes températures est en meilleur
accord avec une description considérant que les élargissements contribuant à l’élargissement
global sont gaussiens. Dans ce cas ce sont les carrés des élargissements qui s’additionnent,
comme le montre la Figure IV-28, où les valeurs des paramètres utilisés sur cet échantillon
non recuit sont : Γa = 41 meV, Γcouplage = 100 meV et Eph = 32 meV . La valeur traduisant
l’interaction des porteurs avec les phonons (100 meV) est donc très élevée. Une interaction
relativement forte des porteurs avec les phonons concorde avec les observations faites au
IV.2.2, où la dépendance de l’énergie de bande interdite dans les échantillons nitrurés est
décrite en augmentant le facteur de couplage porteurs-phonons par rapport aux échantillons
sans azote.
IV.4.5
Liens avec la littérature
Les conclusions des études expérimentales effectuées sur les nitrures à faible bande
interdite, dont celle réalisée dans ce chapitre, vont majoritairement dans le sens d’une forte
localisation des porteurs induite par l’incorporation d’azote [4, 15, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 49,
50, 51], notamment à basse température. Or, le modèle théorique d’anticroisement de bande
[8], explicité au Chapitre 2, montre que la bande E- a un caractère principalement délocalisé,
et particulièrement à k=0 d’où la majorité des recombinaisons radiatives doit provenir. De
toute évidence, à basse température ce n’est pas le cas. On peut donc penser que même s’il
permet d’expliquer certains de phénomènes observés dans ce type de matériau, il comporte
néanmoins des lacunes.
En revanche, la publication théorique très récente de Kent et Zunger [37], dont nous
faisons également mention au Chapitre 2, permet un rapprochement très intéressant entre
théorie et expérience. Elle prédit que, pour les niveaux d’incorporation d’azote proches de
ceux utilisés dans nos couches, il y a une coexistence d’états localisés et d’états délocalisés.
C’est exactement ce que nous montrons tout au long de ce chapitre. Aussi pensons-nous que
nos résultats contribuent à la validation du modèle de Kent et al. [37].
150
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.4.6
Conclusion-Bilan
Ce chapitre montre que l’incorporation d’azote dans les puits quantiques de GaInAs
perturbe fortement les propriétés de photoluminescence des échantillons. En particulier
l’incorporation de seulement 2 % d’azote induit une forte localisation des porteurs à basse
température. Une synthèse des effets de localisation observés sur les échantillons à notre
disposition et sur ceux consignés dans la littérature permet de mettre en évidence une
tendance générale suivie quelle que soit la technique de croissance et d’incorporation d’azote
utilisée : le degré de localisation des porteurs augmente lorsque l’émission se décale vers les
grandes longueurs d’onde. Une étude plus approfondie de l’évolution des propriétés optiques
avec la température aboutit à une description cohérente de la dépendance en température de
l’énergie du pic de PL, de sa largeur à mi-hauteur, et de son intensité intégrée. Ces
comportements atypiques s’expliquent par un changement dans la nature des recombinaisons
radiatives, qui ont lieu préférentiellement sur des états très localisés à basse température et
qui, lorsque la température augmente, transitent progressivement vers des états délocalisés.
Nous proposons maintenant une modélisation simple des phénomènes observés.
151
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.5Modélisation des effets de localisation
Dans ce paragraphe, le but est de modéliser l’évolution, ‘en forme de S-inversé’, du
spectre de PL obtenu sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit, lorsque
la température de l’échantillon augmente de 8 K à 300 K.
A basses températures, nous utilisons un modèle développé par Oueslati et al. [25] pour
rendre compte de la recombinaison des excitons sur des états localisés induits par
l’incorporation d’azote. Ce modèle a été initialement développé pour décrire la recombinaison
d’excitons localisés à basses températures par des fluctuations aléatoires de potentiel dans
l’alliage GaAs1-xPx.
Dans ce modèle, l’intensité de PL à basses températures est donnée par :
I loc ( E, T, t ) ∝ N loc ( E) ⋅ exp( −
τ ( E, T )
t
) ⋅ tot
τ tot ( E, T )
τ R ( E)
Équation IV-22
avec Nloc(E) densité d’états localisés, proportionnelle à exp(E/E0) (cf IV.4.1).
Le produit des deux premiers termes correspond à la concentration d’états occupés à
l’énergie E et au temps t, le dernier terme est l’efficacité radiative. τtot est défini par :
τ tot
 1
1 
=
+

 τ R τ NR 
−1
Équation IV-23
Le spectre de PL en régime permanent d’éclairement est obtenu en prenant la valeur
moyenne de I(E,T,t), entre 0 et un temps très long à l’échelle des durées de vie. Ceci donne :
I loc ( E, T ) = K ⋅ N loc ( E) ⋅
[τ tot ( E, T )]2
τ R ( E)
Équation IV-24
Comme nous l’avons montré à la Figure IV-12, E0 = 20 meV pour le puits quantique
de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs non recuit. Par ailleurs, on obtient la valeur τR(E) à l’aide
l’équation IV-6, que nous rappelons ici :
τ R (E ) =
τ Rm
1 + exp[(E − E c ) / E 0 ]
en prenant τRm = 0,345 ns, valeur déterminée expérimentalement par Mair et al. [22] sur des
couches de GaInNAs. L’énergie Ec correspondant au seuil de mobilité est identifiée à
152
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
l’énergie du bord de la bande de conduction à T = 0 K. D’après le tableau Tableau IV-1 cette
énergie est égale à 1,040 – 0,052 = 0,988 eV. En ce qui concerne le mécanisme de
dépopulation vers des pièges non radiatifs, nous considérons qu’il se produit
préférentiellement par excitation thermique des porteurs de l’énergie E à l’énergie Ec. à
laquelle ils deviennent mobiles et capturés par des pièges non radiatifs. Ceci donne :
−1
τ nonrad
= ν ⋅ exp( −
Ec − E
)
kT
Équation IV-25
où ν est une fréquence (paramètre ajustable).
A plus hautes températures, les porteurs sont délocalisés et les recombinaisons se font
préférentiellement entre E1 et H1. Pour la modélisation nous considérons que le spectre est
gaussien, d’une part parce que le désordre d’alliage est important dans les nitrures à faible
bande interdite, d’autre part parce que la formule suivante :
2

 E − E 1 H 1 (T )  

I deloc ( E, T ) =
⋅ exp − 2 ⋅ 


Γ( T )
π
Γ(T ) ln 4  



⋅
2
ln 4
1
Équation IV-26
permet de faire varier l’élargissement du spectre avec la température. Cet élargissement est
donné par les équations IV-19 et IV-21 du paragraphe IV.4.3.3 Les paramètres déterminés
pour l’échantillon considérés sont (cf IV.4.4) : Γa = 41 meV, Γcouplage = 100 meV et Eph = 32
meV. Quant à la dépendance en température de E1H1, elle est donnée par l’équation IV-2 du
paragraphe IV.2.1.
Nous simulons le cas d’un puits quantique dans lequel les deux régimes de
recombinaison considérés participent de manière équivalente au signal de PL total à environ
75 K (cf Figure IV-27) :
∫I
loc
( E,75K ) ⋅ dE = ∫ I deloc ( E,75K ) ⋅ dE
Équation IV-27
Cette condition permet de déterminer la constante K. Les spectres simulés (valeur
prise pour υ : 3×1012 s-1), prenant en compte les deux composantes, sont tracés à la Figure IV31.
153
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
Intensité de PL (u. a.)
Spectres simulés
5K
20 K
40 K
60 K
80 K
100 K
120 K
140 K
160 K
180 K
230 K
300 K
0,85
0,90
0,95
1,00
1,05
Energie (eV)
Intensité de PL (échelle linéaire)
Spectres simulés
5K
20 K
40 K
60 K
80 K
100 K
120 K
140 K
160 K
180 K
230 K
300 K
0,85
0,90
0,95
1,00
1,05
Energie (eV)
Équation IV-31 : Spectres simulés à partir des équations et paramètres consignés dans ce paragraphe. En
bas les spectres ont été normalisés et décalés verticalement pour plus de clarté.
154
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
On constate la forte chute de l’intensité de PL quand la température augmente de 5 K à
100 K, ainsi que le décalage vers les basses énergies, caractéristiques de la recombinaison
d’excitons localisés. Lorsque la température augmente, la recombinaison des porteurs sur les
bords de bande, qui apparaît à 5 K sous la forme d’un épaulement peu intense, prend de plus
en plus d’importance pour devenir prépondérante à 300 K. Dans la littérature, un épaulement
similaire est souvent constaté sur le côté hautes énergies de spectres de PL obtenus à basse
température [21, 52, 20] sur du GaNAs.
La comparaison de ces simulations avec les spectres expérimentaux (tracés à la Figure
IV-6) montre qu’en fait la frontière entre les deux types de recombinaisons radiatives est
beaucoup plus ténue que celle calculée. En effet, sur les spectres de GaInNAs de la Figure
IV-6, il n’est pas possible de discriminer les deux composantes. L’origine de ce désaccord
provient du fait que la chute d’intensité de PL du régime de recombinaison d’excitons
localisés à basse température n’est pas assez élevée lorsque la température augmente. Pour
augmenter l’extinction de la PL à basse température, il faudrait prendre en compte dans ce
modèle les phénomènes de transfert excitonique, de même que la fuite des excitons vers des
centres non radiatifs par effet tunnel.
Néanmoins, ce modèle simple permet de rendre compte de l’évolution générale de la
photoluminescence lorsque la température augmente de 8 K à 300 K.
155
Chapitre IV : Phénomènes de localisation
_________________________________________________________________________________________________________________
IV.6Références du Chapitre IV
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Chapitre IV : Phénomènes de localisation
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Chapitre IV : Phénomènes de localisation
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Chapitre IV : Phénomènes de localisation
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160
Chapitre V
:
Effet du recuit
sur les propriétés optiques
des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
Un recuit thermique est quasi-systématiquement effectué sur les nitrures à faible
bande interdite après croissance, car il permet d’obtenir un gain important sur la
photoluminescence des couches (cf Chapitre II). Dans ce chapitre, nous abordons les autres
changements qu’induit le recuit sur les propriétés de photoluminescence. En particulier,
l’accent est mis sur les mécanismes à l’origine du décalage vers le bleu du pic de
photoluminescence, très souvent observé après recuit, et qui va à l’encontre de l’obtention de
dispositifs émettant à plus grande longueur d’onde avec des intensités acceptables. Pour
l’expliquer, nous proposons une interprétation originale, dans laquelle le recuit a pour effet
d’homogénéiser les fluctuations de potentiel présentes dans le matériau non recuit.
L’interprétation est cohérente avec la manière dont évoluent les phénomènes de localisation
de porteurs rapportés au Chapitre IV. Elle contribue à une meilleure compréhension des
propriétés structurales des alliages GaNAs et GaInNAs recuits et non recuits, et devrait
permettre d’estimer la longueur d’onde d’émission en fonction de l’histoire thermique d’un
dispositif. Enfin, un modèle quantitatif simple est développé pour rendre compte de
l’évolution du décalage vers le bleu des spectres de photoluminescence à très basse
température.
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
162
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.1 Introduction
Le recuit thermique permet d’augmenter de manière drastique l’intensité de
photoluminescence (PL) des échantillons nitrurés. En contrepartie, un décalage vers le bleu du
pic de PL est généralement constaté après le recuit (cf Figure II-18). Cet effet indésirable
limite l’obtention de longueurs d’onde élevées avec des intensités acceptables. L’attribution
de ce décalage à une interdiffusion In-Ga dans le cas de puits quantiques de GaInNAs/GaAs
[1] et à une interdiffusion N-As dans le cas de puits quantiques de GaNAs [2] nous a semblé
sujette à controverse. Nous orientons donc particulièrement ce chapitre vers la compréhension
des mécanismes à l’origine du décalage vers le bleu du pic de PL consécutif au recuit postcroissance. Elle doit permettre d’une part de mieux appréhender les propriétés du matériau
non recuit et comment elles évoluent avec le recuit, et d’autre part de prédire les longueurs
d’onde d’émission en fonction des conditions de recuit. Ce dernier aspect est capital car le
matériau GaInNAs doit, à terme, être incorporé dans une structure VCSEL, qui subit une
histoire thermique susceptible de changer la longueur d’onde d’émission.
D’un point de vue pratique, pour étudier le rôle du recuit, nous procédons généralement
de la façon suivante : après la croissance d’une structure sur une plaque 3 pouces, nous
effectuons une cartographie de photoluminescence qui nous donne la zone la plus homogène
en terme de longueur d’onde d’émission et d’intensité de signal. Cette partie de la plaque, que
nous considérons en chaque point identique, est ensuite découpée en petits échantillons de
6×6 mm2, chacun subissant un couple température de recuit – durée de recuit différent. Les
températures de recuit varient entre 700 °C et 850 °C : c’est dans cette gamme de température
que les effets du recuit sont les plus bénéfiques. Les durées de recuit s’échelonnent de 10 s à
600 s. Lors du recuit, les échantillons sont recouverts d’un quart de plaque de GaAs pour
éviter la désorption d’arsenic et la dégradation de leur surface. Par ailleurs, les recuits ont lieu
sous flux d’azote.
163
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.2 Effet du recuit sur la photoluminescence de puits
quantiques de GaIn(N)As/GaAs
V.2.1
Augmentation de l’intensité de photoluminescence
Cet effet a été évoqué à la fin du Chapitre II (cf Figure II-20). Nous avons en
particulier montré que le recuit sur les échantillons nitrurés permet d’obtenir un gain
d’environ un ordre de grandeur sur l’intensité de PL des couches actives. Il convient
maintenant d’étudier plus en détail l’effet du recuit, notamment sur l’énergie et la largeur des
spectres de PL, ainsi que sur les phénomènes de localisation rapportés au Chapitre IV. Pour ce
faire, une étude de photoluminescence dans la gamme de température 8 K – 300 K est
présentée, sur des échantillons ayant subi des conditions de recuit différentes.
V.2.2
Diminution des phénomènes de localisation de porteurs
Les spectres de PL sont acquis à faible densité de puissance d’excitation (~140
W/cm2) sur le monopuits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs et sa référence sans azote.
On reconnaîtra à la Figure V-1 l’étude en température effectuée au Chapitre IV sur les
échantillons non recuits, à laquelle s’ajoute une étude similaire sur des échantillons identiques
mais recuits à 700 °C pendant 10 s et 300 s dans le four RTA du LIR [3].
V.2.2.1 Diminution de Tloc/deloc
Comme le montre la Figure V-1, sur le puits quantique de GaInAs/GaAs de référence
(sans azote), la forme de l’évolution de l’énergie du pic de PL avec la température reste
quasiment inchangée quelles que soient les conditions de recuit. On constate néanmoins une
très légère diminution du faible effet de localisation à basse température sur l’échantillon
recuit 300 s. En revanche, sur le puits de GaInNAs/GaAs, l’amplitude de la forme ‘en Sinversé’ diminue très nettement avec le recuit. Le ‘S-inversé’ étant la signature d’une
recombinaison d’excitons fortement localisés à basses températures (cf Chapitre III), ceci
164
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
montre que la profondeur des niveaux (par rapport au bord de la bande de conduction) dans
lesquels sont piégés les excitons diminue avec le recuit. En conséquence, la température à
partir de laquelle les excitons commencent à se ‘hisser’ dans les bords de bande diminue
lorsque la durée du recuit augmente. En effet, Tloc/deloc se situe à 75 K pour l’échantillon non
recuit et diminue jusqu’à environ 45 K pour l’échantillon recuit 300 s à 700 °C. La diminution
de la profondeur des états localisés avec le recuit se traduit également par une diminution de
la pente de EPL(T) entre 8 K et 25 K. Cette pente, caractéristique du transfert excitonique, est
de 0,43 meV/K pour l’échantillon non recuit, de 0,29 meV/K pour l’échantillon recuit 10 s à
700 °C et de 0,17 meV/K pour l’échantillon recuit 300 s à 700 °C.
Puits quantique de Ga0.65In0.35N0.02As0.98/GaAs
1,06
1,20
Recuit 700°C, 300s
Recuit 700°C, 10s
Non recuit
Energie (eV)
1,04
1,16
1,00
1,14
0,98
1,12
0,96
1,10
0,94
1,08
0
50
100
150
200
250
300
100
1,06
0
50
100
150
200
250
300
100
Non recuit
Recuit 700°C, 10s
Recuit 700°C, 300s
80
60
40
40
20
20
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Non recuit
Recuit 700°C, 10s
Recuit 700°C, 300s
80
60
0
Recuit 700°C, 300s
Recuit 700°C, 10s
Non recuit
1,18
1,02
0,92
Largeur à mi-hauteur (meV)
Puits quantique de Ga0.65In0.35As/GaAs
0
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure V-1 : Evolution de l’énergie et de la largeur à mi-hauteur du pic de photoluminescence en fonction
de la température sur le puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs et sur le puits de référence sans
azote, pour différentes conditions de recuit.
165
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.2.2.2 Diminution de la largeur à mi-hauteur des spectres
Sur le puits quantique de référence, le recuit n’a qu’un très faible effet sur la valeur de
la largeur à mi-hauteur du pic de PL. A contrario, la diminution de la largeur à mi-hauteur
avec le recuit est flagrante sur le puits de GaInNAs/GaAs, et ce dans toute la gamme 8 K –
300 K (cf Figure V-1). On observe que l’augmentation anormale de la largeur à mi-hauteur
avant 100 K, ainsi que la température (Tloc/deloc) à laquelle le maximum apparaît, sont
sensiblement réduits avec le recuit. Ceci montre que l’écart entre l’énergie de recombinaison
des excitons localisés et l’énergie de recombinaison des excitons délocalisés diminue avec le
recuit, et par voie de conséquence la température nécessaire aux porteurs pour transiter d’un
régime à l’autre. Dans la gamme 250 K – 300 K, la diminution avec le recuit de la largeur à
mi-hauteur et de son accroissement avec la température est attribuée respectivement à une
diminution du désordre d’alliage et à une réduction de l’interaction porteurs-phonons.
Par ailleurs, nous constatons à la Figure V-1 que l’énergie du pic de PL augmente très
rapidement sur l’échantillon avec azote, et ce dès les dix premières secondes du recuit. Nous
nous intéressons dans le paragraphe suivant à ce décalage vers le bleu induit par le recuit.
V.2.3
Décalage vers le bleu de la photoluminescence après recuit
V.2.3.1 Observation du décalage vers le bleu
La Figure V-2 montre l’évolution de l’énergie du pic de PL en fonction de la durée du
recuit, et pour différentes températures de recuit. Les deux structures étudiées sont composées
de
3
puits
quantiques
respectivement
de
Ga0,62In0,38N0,015As0,985/GaAs
et
de
Ga0,62In0,38As/GaAs. Les spectres ont été acquis sur la machine de cartographie du LIR à
température ambiante et à forte densité d’excitation.
Sur l’échantillon de référence, le décalage vers le bleu du pic de PL est d’autant plus
fort que la durée et la température du recuit sont élevées. Par exemple pour un recuit de 5
minutes, le pic de PL se décale de 14 meV, 19 meV, 37 meV et 70 meV pour des
températures de recuit respectivement de 700 °C, 750 °C, 800 °C et 850 °C (cf Figure V-2).
Sur l’échantillon avec azote, l’évolution du décalage vers le bleu est moins progressive. Ainsi,
166
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
dès les 10 premières secondes de recuit, le pic se décale de 30 à 40 meV vers les hautes
énergies. Ensuite, deux cas de figure se présentent. Pour un recuit entre 700 °C et 800 °C, le
pic ne se décale quasiment plus, même pour des recuits aussi longs que 10 minutes : le
décalage vers le bleu sature à une valeur d’environ 40 meV (cf Figure V-2). Pour un recuit à
850 °C, le pic continue à se décaler vers le bleu, à la même vitesse que sur l’échantillon de
référence.
Avant d’essayer de comprendre les phénomènes a priori relativement surprenants
observés sur les puits quantiques de GaInNAs/GaAs, nous commençons par expliciter
l’origine du décalage vers le bleu observé sur les puits quantiques de GaInAs/GaAs.
Décalage vers le bleu sur
puits quantique de Ga0.62In0.38N0.015As0.985/GaAs
Décalage vers le bleu (meV)
100
Décalage vers le bleu sur
puits quantique de Ga0.62In0.38As/GaAs
100
850 °C
800 °C
750 °C
700 °C
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0
0
850 °C
800 °C
750 °C
700 °C
100 200 300 400 500 600
0
Durée du recuit (s)
100 200 300 400 500 600
Durée du recuit (s)
Figure V-2 : Décalage énergétique vers le bleu du pic de PL à 300 K en fonction des conditions de recuit
RTA sur 3 puits quantiques de Ga0,62In0,38N0,015As0,985/GaAs et 3 puits de référence.
167
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.2.3.2 Origine du décalage vers le bleu
V.2.3.2.a
Interdiffusion In-Ga dans les puits quantiques de GaInAs/GaAs
Le décalage vers le bleu du pic de photoluminescence observé sur des puits quantiques
de GaInAs/GaAs lors du recuit a fait l’objet de nombreuses études [4, 5]. Il est attribuable à
une interdiffusion indium – gallium : sous l’effet des gradients de composition opposés, les
atomes d’indium du puits quantique diffusent dans les barrières adjacentes, tandis que les
atomes de gallium des barrières diffusent dans le puits. Le profil du puits quantique,
initialement abrupt, s’adoucit progressivement. Il est régi par l’équation :
L

 z + L 
1   z − 2 
2 
C(z, t ) = 1 + erf
− erf 
 2 D ⋅ t 
2  2 D⋅t 



 
Équation V-1
où z est la direction perpendiculaire au plan des couches, ‘erf’ la fonction ‘erreur’ définie par
erf (z ) = ∫ exp(− u 2 ) ⋅ du
z
Équation V-2
0
L est la largeur du puits quantique,
D ⋅ t = L D la longueur de diffusion et D le coefficient
de diffusion, thermiquement activé :
 E 
D(T ) = D 0 ⋅ exp − A 
 kT 
Équation V-3
Le formalisme des matrices de transfert exposé au Chapitre III nous permet de calculer
les niveaux d’énergie dans un puits quantique de forme quelconque. En assimilant l’énergie
du maximum du pic de PL de la Figure V-2 à l’énergie de la transition E1H1 (ce qui est un
traitement approché, cf Chapitre IV), on associe à chaque durée et température de recuit une
longueur de diffusion et donc un coefficient de diffusion. Les barrières de GaAs entre les 3
puits sont suffisamment épaisses (18 nm) d’une part pour que les puits soient découplés,
d’autre part pour que les phénomènes d’interdiffusion ne se perturbent pas. Par ailleurs, à la
température à laquelle les structures sont élaborées (400 °C), les phénomènes de ségrégation
d’indium sont très faibles. Les puits sont donc supposés de forme abrupte avant recuit.
La Figure V-3 montre la forme des puits et la position des niveaux d’énergie E1 (1er
niveau confiné des électrons) et H1 (1er niveau confiné des trous lourds) respectivement pour
un puits abrupt (LD = 0 nm) et pour un puits recuit 300 s à 800 °C (LD = 2,2 nm). Le
168
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
paramètre LD est ajusté pour que l’énergie de la transition E1H1 corresponde à l’énergie du
maximum du pic de PL à 300 K. La détermination de LD pour chaque durée et température de
recuit permet de remonter au coefficient de diffusion D, qui est tracé en fonction de l’inverse
de la température absolue à la Figure V-4.
Figure V-3 : Niveaux d’énergie dans un puits quantique de Ga0,62In0,38As/GaAs de 6,8 nm d’épaisseur, non
recuit (haut) et recuit à 800 °C pendant 5 minutes (bas).
Le coefficient de diffusion est effectivement thermiquement activé, avec une énergie
d’activation EA proche de 1,3 eV, comme le montre la droite discontinue de la Figure V-4. Par
ailleurs, on constate que le coefficient de diffusion dépend de la durée du recuit : il est plus
169
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
élevé pour les recuits très courts. Une explication possible serait que l’interdiffusion In-Ga est
accélérée dans les premières secondes du recuit par la présence de lacunes [5] ou par la
contrainte importante présente dans les puits riches en indium. Une autre explication, plus
pragmatique, serait que pour les recuits courts le budget thermique est plus important que
celui estimé, à cause de la descente en température relativement longue (cf Fig. II-16). La
durée de recuit effectif serait donc sous-estimée et le coefficient de diffusion sur-estimé.
10s
30s
90s
300s
600s
10
D ( x 10
-16
2
-1
cm .s )
Puits quantique(s) de GaInAs/GaAs
EA = 1.3 eV
1
0,00090
0,00095
0,00100
0,00105
-1
1/T (K )
Figure V-4 : Coefficient de diffusion D tracé en fonction de l’inverse de la température absolue pour
différentes durées et températures de recuit.
En définitive, le déplacement du pic de PL vers les hautes énergies, induit par le recuit
sur les puits quantiques de GaInAs/GaAs, est bien décrit par l’interdiffusion In-Ga. Le
coefficient de diffusion est thermiquement activé avec une énergie d’activation proche de 1,3
eV. Nous avons vu que l’incorporation d’environ 2 % d’azote dans les puits change de
manière significative le phénomène de décalage vers le bleu (cf Figure V-2). Quelles en sont
les explications possibles ?
170
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.2.3.2.b
Cas des puits quantiques de GaInNAs/GaAs
Dans les puits quantiques de GaInNAs/GaAs, le décalage vers le bleu a été attribué à
une interdiffusion In-Ga d’azote [1, 6, 7]. Si tel est le cas, la comparaison entre les puits avec
et sans azote de la Figure V-2 implique que dans un premiers temps l’interdiffusion In-Ga est
accélérée par l’incorporation d’azote (recuits courts), puis que dans un second temps elle est
bloquée (recuits longs), sauf à très haute température de recuit (850 °C). Ce scénario, qui
semble peu plausible, montre que vraisemblablement l’azote joue un rôle dans l’évolution
différente du décalage vers le bleu avec le recuit. Plusieurs indices nous permettent de le
supposer :
•
Les phénomènes de localisation sont caractéristiques de l’incorporation d’azote (cf
Chapitre III). Or, la diminution significative de ces phénomènes (cf V.2.2) avec le
recuit tend à prouver que la concentration d’azote locale d’où provient la PL à basses
températures diminue, puisque l’émission se rapproche du bord de bande avec le
recuit.
•
La diminution rapide de la largeur à mi-hauteur avec le recuit est une indication que le
désordre d’alliage diminue. Ceci indique que la distribution en taille des agrégats
d’azote s’affine.
Néanmoins, la diminution de la localisation et de la largeur à mi-hauteur peut être induite
soit par une diffusion d’azote hors du puits, soit par une réorganisation de l’azote au sein du
puits.
Pour statuer sur l’un ou l’autre des phénomènes, une étude plus approfondie est menée sur
des couches épaisses et des puits quantiques de GaNAs/GaAs, structures dans lesquelles
l’interdiffusion In-Ga lors du recuit ne compliquera pas l’interprétation des phénomènes.
171
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.3 Origine du décalage vers le bleu du pic de
photoluminescence après recuit : étude spécifique
V.3.1
Couches épaisses de GaNAs/GaAs
V.3.1.1 Décalage vers le bleu de la photoluminescence
La Figure V-5 montre l’évolution de l’énergie du pic de PL obtenu à température
ambiante sur une couche de GaN0,026As0,974/GaAs de 100 nm d’épaisseur, lorsque la durée du
recuit, effectué à 700 °C, augmente. Le pic se décale de façon significative vers les hautes
1,10
1,09
1,08
PL 300K
700 °C, 20 min
700 °C, 10 min
700 °C, 5 min
700 °C, 30 s
non recuit
Intensité (u. a.)
Energie du pic de PL (eV)
énergies : 50 meV après 20 minutes de recuit.
1,07
1,06
1,0
1,05
1,1
1,2
1,3
Energie (eV)
0
200
400
600
800
1000
1200
Durée du recuit (s)
Figure V-5 : Energie du pic de PL d’une couche de 100 nm de GaN0,026As0,974/GaAs, en fonction de la
durée du recuit effectué à 700 °C. Les spectres sont montrés en encart.
172
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Un décalage légèrement plus faible a été rapporté sur un puits quantique de
GaNAs/GaAs de 7 nm d’épaisseur et de composition comparable, par Li et al. [2]. Ils
l’attribuent à une diffusion de l’azote hors du puits. Les longueurs de diffusion qu’ils
calculent sont de quelques nanomètres c’est-à-dire très inférieures à l’épaisseur de la couche
de la Figure V-5, qui pourtant présente un décalage vers le bleu important. Si la diffusion
d’azote hors du puits était effectivement le principal effet induit par le recuit, le décalage vers
le bleu du pic de PL devrait être quasi-inexistant sur des couches épaisses. On peut donc
penser soit que l’azote ne fuit pas hors des couches, soit qu’il s’échappe des couches, mais
très rapidement. Pour choisir parmi les deux hypothèses, nous utilisons la diffraction des
rayons X haute résolution.
V.3.1.2 Aucune mise en évidence d’exodiffusion d’azote par diffraction de
rayons X
Dans cette étude, une couche de GaNxAs1-x/GaAs de 86 nm est caractérisée, à la fois
par photoluminescence à 300 K et par diffraction de rayons X haute résolution. L’acquisition
des spectres est effectuée avant et après un recuit d’une heure à 700 °C, sur le même
échantillon et exactement au même endroit sur l’échantillon.
Le recuit, qui permet d’augmenter l’intensité de PL d’un facteur 25, induit un décalage vers le
bleu du spectre de 28 meV (cf Figure V-6 (a)). Pour autant, aucun décalage angulaire du pic
satellite attribué au GaNxAs1-x n’est observé après recuit en diffraction de rayons X (cf Figure
V-6 (b)). La position angulaire de ce pic étant fonction du pourcentage d’azote incorporé dans
la couche, c’est que le recuit n’induit pas de fuite d’azote hors de la couche. Les simulations
(courbes pointillées de la Figure V-6 (b)) permettent d’appuyer cette affirmation. La première
courbe (pourcentage d’azote de 2,04 %) reproduit bien l’allure des deux courbes
expérimentales. En revanche, la seconde courbe (pourcentage d’azote de 1,80 %), qui aurait
pu rendre compte du décalage vers le bleu du pic de PL si l’exodiffusion d’azote en était la
cause, est en désaccord avec la courbe expérimentale de l’échantillon recuit. Après une heure
de recuit à 700 °C, le pourcentage d’azote dans la couche n’a donc pas changé à ± 0,02 %
près.
Ainsi, le décalage vers le bleu du pic de PL après recuit est probablement imputable à
une réorganisation des atomes d’azote au sein des couches lors du recuit.
173
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Intensité de PL (u. a.)
1,6
(a)
1,2
couche GaNxAs1-x,
non recuite
couche GaNxAs1-x ,
recuite 1H à 700 °C
X 25
0,8
PL 300 K
0,4
0,0
1,0
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
Energie (eV)
GaNxAs1-x non recuit
recuit 1H à 700 °C
simulation avec x = 0.0204
simulation avec x = 0.0180
(b)
Intensité (u. a.)
pic du GaAs
pic du GaNAs
-1000
-500
0
500
1000
1500
2000
2500
ω (arcsec)
Figure V-6 : Spectres de PL à 300K (a) et de diffraction de rayons X (b) avant et après un recuit d’une
heure à 700 °C sur une couche de 86 nm de GaN0,0204As0,9796. En (b), les spectres discontinus correspondent
à des simulations.
V.3.2
Puits quantiques de GaNAs/GaAs
Nous poursuivons maintenant l’étude sur un échantillon composé de 3 puits
quantiques de GaNxAs1-x/GaAs de 7 nm, avec x ~ 1,7 %. En effet sur les puits quantiques le
signal de photoluminescence est généralement plus intense et les raies plus fines. Il est donc
plus facile de déceler le déplacement du pic de PL. L’étude est effectuée à très basse
température et à température ambiante pour la totalité des échantillons. L’échantillon recuit
174
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
30s à 850 °C a subi en plus une étude en fonction de la température dans la gamme 8 K – 300
K. Idéalement, l’étude aurait été plus simple sur un échantillon ne comptant qu’un seul puits
quantique, mais la seule structure alors à notre disposition était cette structure composée de 3
puits quantiques.
V.3.2.1 Etude de la photoluminescence à très basse température
La Figure V-7 montre les spectres de PL obtenus à 8 K et sous faible densité
d’excitation (~140 W/cm2), pour les échantillons non recuit et recuits à différentes
températures (a) et pour différentes durées (b). Les spectres possèdent tous 3 composantes,
chacune étant reliée à l’un des 3 puits quantiques. Ceci signifie que les puits diffèrent
légèrement par leur épaisseur ou leur composition. Nous optons pour la deuxième solution,
puisque la durée de croissance de chaque puits est identique et contrôlée avec précision.
L’écart de composition entre chaque puits est estimé à 0.34 %. Il est attribué à une mauvaise
stabilité du régulateur massique, qui opérait alors aux limites inférieures de sa plage de
fonctionnement.
V.3.2.1.a
Diminution des effets de localisation induite par le recuit
Le pic de PL provenant de chaque puits quantique de GaNAs/GaAs se présente sous la
forme caractéristique déjà observée sur les puits quantiques de GaInNAs/GaAs. Il montre en
effet une décroissance abrupte à hautes énergies et une queue d’énergie exponentielle à basses
énergies, typique d’une recombinaison d’excitons localisés [8]. A très basse température, les
excitons sont donc piégés dans des fluctuations de potentiel (cf Chapitre III). Cependant,
l’intensité de la queue à basses énergies diminue quand la température (cf Figure V-7 (a)) ou
la durée (cf Figure V-7 (b)) du recuit augmente, indiquant que la nature localisée des excitons,
et par conséquent la profondeur énergétique des fluctuations de potentiel, tend à diminuer
avec le recuit.
175
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Intensité de PL (u. a.)
200
non recuit
recuit 700°C, 90s
recuit 750°C, 90s
recuit 800°C, 90s
recuit 850°C, 90s
150
(a)
100
50
8K
0
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
1,35
Energie (eV)
Intensité de PL (u. a.)
400
non recuit
recuit 800°C, 10s
recuit 800°C, 30s
recuit 800°C, 90s
recuit 800°C, 300s
recuit 800°C, 600s
300
(b)
200
100
8K
0
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
1,35
Energie (eV)
Figure V-7 : Spectres de PL obtenus à très basse température sur la structure à 3 puits quantiques de
GaNAs/GaAs, pour différentes températures de recuit (a) et pour différentes durées de recuit (b).
L’augmentation de la puissance d’excitation permet de fournir un autre indice
concernant l’existence d’états localisés. Elle résulte en un décalage vers le bleu de chaque pic
et en une réduction de la contribution de la queue à basses énergies à chaque pic, comme on
peut l’observer à la Figure V-8.
176
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
Intensité de PL normalisée
_________________________________________________________________________________________________________________
2
1,2
700 W/cm
2
140 W/cm
2
8 W/cm
2
0.8 W/cm
8K
0,8
0,4
0,0
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
1,35
1,40
Energie (eV)
Figure V-8 : Intensité de PL normalisée, à 8K, sur la structure à 3 puits quantiques de GaNAs/GaAs
recuite 30 s à 850 °C, pour différentes densités de puissance d’excitation.
En effet, la saturation des états localisés est d’autant plus rapide que leur profondeur
est importante. Le décalage vers le bleu qui résulte du remplissage des états est d’environ 9
meV par décade, c’est-à-dire équivalent à celui observé dans la littérature sur des structures à
multipuits quantiques de GaNAs/GaAs [8].
V.3.2.1.b
Décalage vers les hautes énergies induit par le recuit
La Figure V-7 présentée au paragraphe précédent montre aussi (et surtout) que le pic
de PL provenant de chaque puits à très basse température se décale vers le bleu avec le recuit.
Le décalage énergétique est d’autant plus grand que la température (a) ou la durée (b) de
recuit sont élevées. De plus, la largeur de chaque pic est réduite de manière significative avec
le recuit. Pour décrire de manière quantitative l’évolution de l’énergie et de la largeur à mihauteur de chaque pic, les spectres sont ajustés par trois gaussiennes. On note que ces
ajustements ne permettent pas de prendre en compte la contribution de la queue d’états à
basses énergies, comme le montre l’encart de la Figure V-9. Les valeurs ainsi déterminées
sont présentées pour chaque pic à la Figure V-9 pour une température de recuit de 800 °C.
177
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Energie du pic de PL (eV)
1,30
(a)
8K
1,28
1,26
1,24
ème
3 pic
ème
2 pic
er
1 pic
1,22
1,20
0
100
200
300
400
500
600
35
er
8K
(b)
1 pic
ème
2 pic
ème
3 pic
Intensité de PL (u. a.)
Largeur à mi-hauteur (meV)
40
30
25
8K
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
1,35
Energie (eV)
20
15
10
0
100
200
300
400
500
600
Durée du recuit (s)
Figure V-9 : Energie (a) et largeur à mi-hauteur (b) des 3 pics de PL obtenus à très basse température sur
la structure à 3 puits quantiques de GaNAs/GaAs, en fonction de la durée du recuit à 800 °C.
L’ajustement utilisant 3 gaussiennes est montré en encart de la figure (b).
Il apparaît que l’augmentation de l’énergie des pics et la diminution de la largeur à mihauteur sont concomitantes. En outre, une tendance à la saturation de ces deux paramètres est
observée pour les recuits longs. La valeur des décalages vers le bleu entre l’échantillon recuit
pendant 600 s et l’échantillon non recuit dépend de l’énergie du pic considéré. Le pic le moins
énergétique, qui correspond au puits quantique avec la plus forte concentration d’azote, se
178
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
décale de 38 meV. A l’opposé, le pic le plus énergétique, qui correspond au puits quantique
avec la plus faible concentration d’azote, se décale seulement de 31 meV. Quant à la largeur à
mi-hauteur, elle passe de 27 meV sur l’échantillon non recuit à 15 meV sur l’échantillon
recuit 600 s.
En conclusion, le recuit thermique induit des changements importants dans la forme et
l’énergie des spectres de PL à très basse température (8 K). Qu’en est-il à température
ambiante ?
V.3.2.2 Etude de la photoluminescence à température ambiante
La Figure V-10 montre le spectre de PL obtenu à 300 K (a) sur 3 échantillons
respectivement non recuit, recuit 30 s à 800 °C et 300 s à 800 °C. Les spectres obtenus à 8 K
sont également tracés en encart pour comparaison. A température ambiante, les 3 pics ne
forment plus qu’un seul pic, très large. La discrimination entre les 3 pics provenant des 3 puits
quantiques est par conséquent difficile. Quoi qu’il en soit, la partie hautes énergies de ce large
spectre ne se décale pas vers le bleu avec le recuit, et la partie basses énergies se décale très
légèrement vers le bleu, mais sans commune mesure avec le décalage observé à 8 K. On
notera que pour l’échantillon non recuit, le spectre à 300 K et le spectre à 8 K se situent
quasiment dans la même gamme d’énergie, ce qui montre une très forte localisation des
porteurs sous la bande interdite à basse température. La Figure V-10 (b) montre l’énergie du
large pic de PL à 300 K à forte densité d’excitation pour toutes les conditions de recuit.
Clairement aucun décalage significatif du pic n’est observé à température ambiante,
contrairement à 8 K (cf Figure V-9).
Par ailleurs, la comparaison de l’effet du recuit, à 300 K, sur l’énergie de PL de ces
puits quantiques de GaNAs/GaAs (cf Figure V-10) et sur celle des puits quantiques de
GaInNAs/GaAs (cf Figure V-2) montre que la présence d’indium modifie la sensibilité au
recuit à température ambiante.
179
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
Intensité de PL normalisée
_________________________________________________________________________________________________________________
non recuit
800 °C, 30s
800 °C, 300s
T = 300 K
(a)
non recuit
800 °C, 30s
800 °C, 300s
T=8K
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
1,35
1,40
Energie (eV)
1,10
1,15
1,20
1,25
1,30
1,35
1,40
Décalage vers le bleu sur
puits quantiques de GaNAs/GaAs
Décalage vers le bleu (meV)
100
850 °C
800 °C
750 °C
700 °C
80
60
(b)
40
20
0
0
100
200
300
400
500
600
Durée du recuit (s)
Figure V-10 : Spectres de PL à 300 K (a) et 8 K (encart) obtenus sur la structure à 3 puits quantiques de
GaNAs/GaAs pour différentes conditions de recuit. Energie du pic de PL à 300 K (b) obtenu à forte
densité d’excitation pour toutes les conditions de recuit.
180
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.3.2.3 Diffraction de rayons X
La Figure V-11 montre les spectres de diffraction X haute résolution obtenus sur la
structure à 3 puits quantiques de GaNAs/GaAs, pour un échantillon recuit 600 s à 850 °C et
pour un échantillon non recuit, ainsi qu’un spectre simulé. Les spectres expérimentaux, très
semblables, ne permettent pas de mettre en évidence une diffusion importante de l’azote hors
du puits lors du recuit. Le spectre simulé (trait discontinu) a été obtenu en considérant 3 puits
de GaNAs/GaAs de 6,5 nm d’épaisseur, dont le pourcentage d’azote respectif est de 1,94 %,
1,76 % et 1,47 % (cf Tableau V-1 du V.4.3.2). Les puits sont séparés chacun de barrières de
17,6 nm de GaNAs avec une faible concentration d’azote résiduel (0,3%), et recouverts d’une
couche d’encapsulation de GaAs de 33 nm d’épaisseur. Le spectre ainsi obtenu reproduit
correctement l’allure des spectres expérimentaux.
Diffraction de RX sur 3 puits quantiques de GaNAs/GaAs
Intensité (u. a.)
recuit 600 s à 850 °C
non recuit
simulation
-3000
-2000
-1000
0
1000
2000
3000
4000
ω (arcsec)
Figure V-11 : Spectres de RX obtenus sur la structure à 3 puits quantiques de GaNAs/GaAs pour un
échantillon recuit 600 s à 850 °C et sur un échantillon non recuit. La courbe discontinue est une
simulation.
181
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.3.2.4 Synthèse
De l’étude menée à 8 K et à 300 K, on peut donc conclure que sur les puits quantiques
de GaNAs/GaAs caractérisés :
•
Le pic de PL à température ambiante ne se décale pas (ou très peu) avec le recuit.
•
A l’inverse le pic de PL à très basse température se décale fortement vers les hautes
énergies et ce d’autant plus que la température ou la durée du recuit sont élevées.
Les porteurs étant majoritairement dépiégés des fluctuations de potentiel à température
ambiante et au contraire fortement localisés dans ces pièges à basse température, la
photoluminescence à 300 K reflète l’énergie de bande interdite moyenne, tandis que la
photoluminescence à 8 K reflète l’énergie des fluctuations de potentiel les plus profondes. Le
fait que le pic de PL à 300 K ne se décale quasiment pas montre que l’énergie de bande
interdite reste constante avec le recuit. L’absence de changement significatif du spectre de
diffraction X après un recuit long (600 s) et à température élevée (850 °C) semble confirmer
que le pourcentage d’azote à l’échelle de la sonde (quelques mm2) ne change pas dans les
puits. En revanche, le décalage significatif de la PL à 8 K vers le bleu montre que la
profondeur des fluctuations de potentiel diminue avec le recuit.
Une étude en fonction de la température est menée sur l’échantillon recuit 30 s à 850
°C, pour mettre en évidence la transition du régime de recombinaison d’excitons localisés au
régime de recombinaison de porteurs délocalisés. En effet, nous avons mis en évidence cette
transition sur des puits quantiques de GaInNAs/GaAs (Chapitre IV) mais pas encore sur des
puits quantiques de GaNAs/GaAs.
182
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Intensité de PL (éch. lin.)
8K
22 K
35 K
50 K
70 K
90 K
116 K
148 K
171 K
196 K
295 K
1,15 1,20 1,25 1,30 1,35
Energie (eV)
Figure V-12 : Spectres de PL obtenus pour différentes températures sur la structure à 3 puits quantiques
de GaNAs/GaAs, montrant le phénomène de S-inversé suivi par l’énergie des pics.
Les spectres de la Figure V-12 et les points de la Figure V-13 (a) montrent, comme
prévu, la forme caractéristique de ‘S-inversé’ que suit chaque pic de PL lorsque la
température augmente de 8 K à 300 K. A la Figure V-13 (a), (b), et (c) sont tracées
respectivement l’évolution, avec la température, de l’énergie et de la largeur à mi-hauteur du
pic le plus énergétique, ainsi que la variation de l’intensité intégrée de la totalité du spectre de
la Figure V-12 en fonction de la température. On retrouve le comportement atypique de la
largeur à mi-hauteur autour de Tloc/deloc ainsi que la chute très rapide d’IPL dans la gamme de
température 8 K – Tloc/deloc, décrit en détail au Chapitre III. Pour ces puits quantiques de
GaNAs/GaAs, Tloc/deloc = 50 K.
183
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
recuit 30s à 850 °C
non recuit
autres recuits
ajustement Böse-Einstein
Energie (eV)
1,30
1,28
(a)
1,26
1,24
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Largeur à mi-hauteur (meV)
45
40
35
30
(b)
25
20
15
0
50
100
150
200
250
300
Intensité de PL intégrée (u. a.)
Température (K)
10
1
(c)
0,1
0,01
1E-3
0
50
100
150
200
250
300
Température (K)
Figure V-13 : Evolution avec la température de l’énergie (a) et de la largeur à mi-hauteur (b) du 3ème pic
de PL de l’échantillon GaNAs/GaAs recuit 30 s à 850 °C ; l’intensité intégrée du spectre en fonction de la
température est tracée en (c). Egalement en (a) l’énergie du 3ème pic à 8 K et 300 K pour les autres
conditions de recuit. A 300 K, la barre verticale représente l’incertitude estimée sur l’énergie de ce pic,
quelles que soient les conditions de recuit.
184
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Notons que récemment, cette mise en évidence ‘macroscopique’ des effets de
localisation à très basse température et de délocalisation à température ambiante a été
confirmée par une étude de microscopie en champ proche [9]. Nous avons aussi rajouté sur la
Figure V-13 (a) la position du pic le plus énergétique de tous les spectres obtenus à 8 K. La
gamme d’énergie dans laquelle se situe le pic à 300 K quelles que soient les conditions de
recuit est indiquée par la barre verticale. On constate que le degré de localisation diminue
fortement avec le recuit, puisque la différence entre l’énergie du pic de PL à 8 K et 300 K
augmente avec le recuit.
Nous pensons que la diminution des effets de localisation avec le recuit, associée à
l’absence de décalage du pic de PL à 300 K, est une preuve que le recuit induit des
changements à l’intérieur des puits nitrurés plutôt qu’une simple diffusion d’azote hors des
puits. Le fait que sur des couches épaisses (~ 100 nm) de GaNAs/GaAs (cf V.3.1) un décalage
vers le bleu du pic de PL soit observé après recuit alors qu’aucune fuite d’azote hors de la
couche n’a pu être mise en évidence par diffraction de rayons X semble confirmer cette thèse.
De même, les spectres de diffraction X obtenus sur une structure à 3 puits quantiques ne
changent pas de manière significative après un recuit long (600s) effectué à haute température
(850 °C). Nous exposons au paragraphe suivant un modèle simple qui peut rendre compte des
observations expérimentales de ce chapitre.
185
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.4 Elaboration d’un modèle simple : fluctuations de
composition d’azote dans le plan de croissance et
homogénéisation avec le recuit
V.4.1
Approche qualitative
L’explication que nous proposons pour rendre compte des phénomènes observés sur
les puits quantiques de GaNAs/GaAs lors du recuit, est illustrée à la Figure V-14. Dans ce
modèle, le recuit induit une homogénéisation de la composition d’azote dans les puits
Homogénéisation des fluctuations
avec le recuit
2L
X
∆X0
E
∆E0
recuit : durée t2 > t1
recuit : durée t1
non recuit
Distance y dans le plan des couches (u. a.)
Energie de B.I. locale du GaNAs (eV)
Composition d'azote (%)
quantiques de nitrures, plutôt qu’une diffusion de l’azote hors des puits.
Figure V-14 : Description schématique du modèle d’homogénéisation d’azote avec le recuit dans le plan
d’un puits quantique de GaNAs/GaAs.
Nous avons vu en effet que l’émission à très basse température provient, sur les
structures non recuites, de la recombinaison d’excitons localisés dans des fluctuations de
186
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
potentiel profondes (cf trait plein de la Figure V-14) induites par l’incorporation d’azote. Le
recuit, en homogénéisant la composition d’azote, diminue la profondeur des fluctuations (cf
traits discontinus de la Figure V-14). Cette ‘remontée’ des pièges les plus profonds induit le
décalage vers le bleu du pic de PL observé à très basse température, et la saturation du
décalage pour des recuits longs, quand l’homogénéité est atteinte. Elle entraîne par
conséquent une diminution des phénomènes de localisation.
Cette explication est également en accord avec la réduction de la largeur à mi-hauteur
avec le recuit. Le rétrécissement du pic de PL est en effet attribué à une diminution du
désordre d’alliage plutôt qu’à une diffusion d’azote hors du puits. En effet, on peut penser
qu’une diffusion hors du puits, qui adoucit le profil du puits quantique, élargirait au contraire
le pic de PL, comme constaté dans l’alliage GaInAs [4].
Avec ce modèle, on comprend également pourquoi le décalage vers le bleu de la
photoluminescence à température ambiante est, s’il existe, beaucoup plus faible qu’à très
basse température. La composition moyenne d’azote restant constante, et les porteurs à
l’ambiante se recombinant à l’énergie de bande interdite moyenne, le recuit ne change pas
l’énergie du pic, mais simplement sa largeur (affinement de la distribution d’azote autour de
la composition moyenne).
Nous argumentons donc en faveur d’une diffusion de l’azote dans le plan du puits
plutôt que hors du puits : toutefois comme le gradient de concentration d’azote est plus fort
entre le puits et les barrières qu’au sein même du puits inhomogène, ceci implique que le
coefficient de diffusion d’azote est plus faible dans une direction parallèle à l’axe de
croissance que dans une direction perpendiculaire à l’axe de croissance. Une telle différence
pourrait être induite par exemple par une différence de contraintes locales dans le puits et dans
les barrières.
On notera que le modèle présenté est cohérent avec les observations faites par
Buyanova et al. en photoluminescence et excitation de photoluminescence [10], où dans des
couches de GaNAs un décalage du pic de PL à basse température est observé avec le recuit
sans changement de l’énergie du pic d’excitation de photoluminescence, c’est-à-dire sans
changement de l’énergie de bande interdite moyenne. Ils suggèrent donc que le recuit
améliore l’uniformité de la composition d’azote dans les couches.
Ce modèle est également susceptible de s’appliquer aux puits quantiques de
GaInNAs/GaAs, dans lesquels nous avons mis en évidence la diminution des effets de
187
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
localisation, de la largeur à mi-hauteur, le décalage vers le bleu et sa saturation avec le recuit
(cf V.2). En outre, des mesures d’ERD (pour Elastic Recoil Detection) sur des puits
quantiques de GaInNAs/GaAs ont montré que le recuit n’induisait pas de perte significative
de la composition d’azote dans les puits [11].
V.4.2
Approche quantitative
A partir de ce modèle, nous proposons maintenant une description quantitative qui
permet de rendre compte du décalage vers le bleu des spectres de photoluminescence à très
basse température sur les structures à puits quantiques de GaNAs/GaAs.
V.4.2.1 Modèle simple
Pour simplifier le formalisme mathématique, on suppose que le profil de concentration
d’azote dans le plan du puits est périodique selon une dimension de l’espace, et sinusoï dal.
Bien entendu le profil de concentration sur le matériau non recuit n’est probablement pas
sinusoï dal, mais il est toujours possible de le décomposer en une somme de fonctions
périodiques sinusoï dales de périodes et d’amplitudes variables (décomposition en série de
Fourier). In fine, c’est la sinusoï de de plus longue période (harmonique fondamental) qui va
imposer l’homogénéisation avec le recuit. Le profil sinusoï dal est par conséquent une bonne
première approximation :
 π⋅y
X (y ) = X + ∆X 0 ⋅ sin

 L 
Équation V-4
où X(y) est la fraction locale d’azote, X la fraction moyenne d’azote, ∆X0 la demi-amplitude
des fluctuations initiales de composition d’azote, L la demi-période des fluctuations de
composition, et y une direction dans le plan des couches (cf Figure V-14). L’évolution de ce
profil avec la durée du recuit, t, est régie par la seconde loi de Fick :
∂X ∂ 
∂X 
=
DN ⋅

∂t ∂y 
∂y 
Équation V-5
188
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
qui peut être simplifiée, en supposant que le coefficient de diffusion d’azote DN ne dépend pas
de la concentration d’azote dans le domaine de concentration restreint (1.5 % - 2.5 %) qui
nous intéresse, par :
∂X
∂2X
= DN ⋅ 2
∂t
∂y
Équation V-6
En utilisant les équations IV-4 et IV-6 et en résolvant on obtient :
π⋅y
X (y, t ) = X + ∆X 0 ⋅ sin
 ⋅ exp(− t τ ) = X + ∆X (y, t )
 L 
Équation V-7
en posant
τ=
L2
π2 ⋅ DN
Équation V-8
τ étant une constante de temps.
Ainsi, l’équation IV-7 montre que l’amplitude des fluctuations de composition d’azote
∆X(y,t) diminue de façon exponentielle avec la durée du recuit. Au bout d’un temps
suffisamment long elle devient nulle de manière à ce que la concentration locale soit égale à
la concentration moyenne en tout point du puits.
Les changements locaux de l’énergie de bande interdite E(y,t) sont ensuite reliés aux
fluctuations de la composition d’azote ∆X(y,t) (cf Figure V-14) par :
E(y, t ) = E + ∆X (y, t ) ⋅ S
Équation V-9
où S (<0) est le taux de diminution d’énergie de bande interdite par augmentation du
pourcentage d’azote, c’est-à-dire la dérivée de la courbe de la Figure II-18 du Chapitre II. Sa
valeur est de l’ordre de 100 meV / %N ; elle varie avec la composition. E est l’énergie de
bande interdite pour l’alliage homogène (concentration X ), i.e. l’énergie de bande interdite
moyenne.
A très basse température, les excitons sont piégés dans les fluctuations de potentiel,
l’émission vient donc des endroits où l’énergie de bande interdite locale est minimale, c’est-àdire où la composition d’azote locale est maximale ∆Xmax(t). Des équations IV-7 et IV-9, il
vient :
(
E PL (t ) = E + ∆X max (t ) ⋅ S = E + ∆X 0 ⋅ exp − t
189
τ
)⋅ S
Équation V-10
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
D’après ce modèle simple, le pic de PL à très basse température se décale vers le bleu
lorsque la durée du recuit augmente, et ce de manière exponentielle.
V.4.2.2 Prise en compte des effets de confinement
Dans le paragraphe précédent, nous avons considéré que la photoluminescence à très
basse température provient du fond des fluctuations de potentiel locales. En fait, il nous faut
prendre en compte les effets de confinements dus au puits quantique (direction parallèle à
l’axe de croissance) et aux fluctuations de potentiel dans le puits (direction perpendiculaire à
l’axe de croissance). Dans les deux cas, les effets de confinements diminuent la valeur
apparente de S, comme illustré à la Figure V-15. En d’autres termes, pour une valeur fixée du
décalage vers le bleu du pic de PL, la variation correspondante de la composition d’azote
locale sera plus importante si les effets de confinements sont pris en compte, car les effets de
confinement ont tendance à lisser les inhomogénéités.
x
z
y
BC
z
y
Le confinement selon z induit des fluctuations
d’énergie du niveau confiné plus faibles que
celles de l’énergie de bande interdite du puits
Les fluctuations de potentiel selon y induisent
un confinement des porteurs qui dépend de la
période spatiale des fluctuations
Figure V-15 : Schéma montrant la diminution des fluctuations de l’énergie d’un niveau confiné par
rapport aux fluctuations de l’énergie de la bande interdite, induite par les effets de confinement.
190
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Dans des puits quantiques de GaNAs/GaAs, contraints en tension (cf II-5-1), la
transition énergétique la plus faible a lieu entre le premier niveau des électrons E1 et le
premier niveau de trous légers L1. Donc dans notre modèle, S traduit maintenant le
changement de l’énergie E1L1 par changement du pourcentage d’azote.
La valeur de S a été estimée en utilisant le formalisme des matrices de transfert. Nous
avons considéré séparément le confinement dans la direction de croissance et dans une
direction du plan du puits. L’alignement de bande entre le GaNAs et le GaAs est supposé de
type I [12, 13, 14, 15, 16]. Dans le GaNAs, la masse effective des électrons est prise égale à
0,19 m0 [12] et supposée constante dans la gamme de composition d’azote 1,5 % - 2,5 %. La
valeur du décalage entre la bande de conduction du GaNAs et celle du GaAs est telle que
∆Ec/(∆Ec+∆Ev) = 0,7 [13]. Les effets de contraintes induits par la différence de paramètre de
maille entre le GaNAs et le GaAs sont pris en compte, en supposant que la loi de Vegard est
valide pour le GaNAs dans la gamme de composition considérée. Le modèle d’anticroisement
de bande présenté au Chapitre III est utilisé pour rendre compte de la diminution de l’énergie
de bande interdite avec l’incorporation d’azote, à 300 K, en prenant EN = 1,65 eV et CNM =
2,7 eV (cf Chapitre III). On suppose que la diminution de l’énergie de bande interdite avec
l’incorporation d’azote est identique à basse température, ce qui n’est vrai qu’en première
approximation (cf Chapitre IV).
Les résultats des simulations montrent que, autour d’un pourcentage moyen d’azote de
1,7 %, la valeur de S change approximativement de – 123 meV / %N dans une couche épaisse
de GaNAs/GaAs à –112 meV / %N dans un puits quantique de GaNAs/GaAs de 7 nm
d’épaisseur. L’ajout des effets de confinement dans le plan des couches à cause de la présence
des fluctuations de composition d’azote (effet superréseau) augmente la valeur ‘apparente’ de
S mais l’augmentation dépend de la valeur de L. Nous prendrons une valeur moyenne obtenue
pour L = 50 nm, qui donne une valeur globale de S égale à - 100 meV / %N.
V.4.3
Confrontation avec l’expérience
L’équation IV-10 est utilisée pour rendre compte de l’évolution, avec la durée du
recuit, de l’énergie du pic de PL obtenu à très basse température. Les paramètres d’ajustement
191
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
sont l’énergie ‘d’homogénéisation complète’ E , l’amplitude initiale des fluctuations de
composition d’azote ∆X0 et la constante de temps τ.
V.4.3.1 Résultats sur un puits quantique de GaNAs/GaAs de la littérature
Nous montrons à la Figure V-16 les résultats expérimentaux de Li et al. [2] obtenus
sur un puits quantique de GaNAs/GaAs recuit à 700 °C. Le décalage vers le bleu du pic de PL
à basse température, qu’ils expliquent quantitativement par une exodiffusion d’azote hors du
puits, est également bien décrit par notre modèle (courbe continue de la Figure V-16), qui
considère une diffusion d’azote au sein des puits. L’ajustement est optimal avec une
amplitude de fluctuation de composition d’azote ∆X0 de 0,33 % sur l’échantillon non recuit,
ce qui est plausible
Energie PL à 8K (eV)
Confrontation modèle - expérience
1,21
E = (1.212 ± 0.006) eV
∆X0 = (0.33 ± 0.06) %
τ = (430 ± 180) s
1,20
1,19
Points expérimentaux
Li et al., recuit 700 °C
Modèle
1,18
0
200
400
600
800
1000
Durée du recuit (s)
Figure V-16 : Confrontation du modèle développé dans ce chapitre avec les résultats de la littérature
obtenus sur un puits quantique de GaNAs/GaAs recuit à 700 °C.
192
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.4.3.2 Résultats sur les puits quantiques de GaNAs/GaAs étudiés
L’évolution de l’énergie de PL à très basse température lors d’un recuit à 800 °C (cf
Figure V-13) est ajustée pour chacun des 3 puits quantiques de GaNAs/GaAs à l’aide du
modèle (cf Figure V-17). Les valeurs des paramètres d’ajustement sont consignés dans le
Tableau V-1.
Energie du pic de PL (eV)
Confrontation modèle - expérience
1,30
1,28
8K
1,26
1,24
Points expérimentaux,
recuit 800 °C
1,22
Modèle
1,20
0
100
200
300
400
500
600
Durée du recuit (s)
Figure V-17 : Confrontation du modèle développé avec les résultats obtenus sur 3 puits quantiques de
GaNAs/GaAs recuits à 800 °C.
Puits
quantique
Constante de
temps :
τ (s)
E1L1 à 8 K
(eV)
Concentration
moyenne d’azote
(%)
Le – énergétique
Amplitude des
fluctuations de
composition
initiales :
∆X0 (%)
0,34 ± 0,03
23
1,241
1,94
Intermédiaire
0,28 ± 0,03
23
1,261
1,76
Le + énergétique
0,27 ± 0,03
23
1,293
1,47
Tableau V-1 : Valeurs des paramètres d’ajustements du modèle pour un recuit à 800 °C sur 3 puits
quantiques de GaNAs/GaAs. La concentration d’azote moyenne dans chaque puits est également notée.
193
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
On constate un très bon accord entre les points expérimentaux et le modèle. Les
valeurs de ∆X0 sont comparables à celle trouvée sur les puits de Li et al. Par ailleurs on
remarque au Tableau V-1 que ∆X0 est légèrement plus élevée pour le pic le moins
énergétique. Le fait que ce pic corresponde au puits quantique qui possède le plus d’azote
n’est pas surprenant, puisqu’on attend une augmentation du degré de localisation lorsque le
pourcentage d’azote augmente. En effet, la probabilité de former des agrégats d’azote qui
localisent les excitons augmente avec le pourcentage d’azote, comme nous l’avons vu au
Chapitre III.
Ces observations et explications sont en accord qualitatif avec les résultats de Asplund
et al. [17], qui montrent que le décalage vers le bleu du pic de PL avec le recuit est d’autant
plus élevé que le pourcentage d’azote incorporé dans des puits de GaInNAs/GaAs est élevé.
L’évolution du décalage vers le bleu de l’énergie des pics est ensuite ajustée pour les
autres températures de recuit. Les échantillons provenant de la même plaque, les valeurs de
∆X0 et de E sont fixées ; seul τ varie. Les résultats sont présentés au Tableau V-2, dans lequel
on a également placé la valeur de τ déterminée à l’aide des valeurs expérimentales de Li et al.
[2]. Cette dernière valeur est proche de celle déterminée sur notre échantillon à une
température de recuit identique.
Température de
recuit
τ
700 °C
750 °C
800 °C
850 °C
400 s
426 s (Li et al.)
150 s
23 s
5s
Tableau V-2 : Constante de temps τ pour différentes températures de recuit.
En utilisant l’équation IV-6 et en supposant que le coefficient de diffusion d’azote
dans le plan des puits DN est thermiquement activé, i.e. :
 E 
D N = D 0 ⋅ exp − a 
 kT 
Équation V-11
L2
 Ea 
⋅
exp


π2 ⋅ D0
 kT 
Équation V-12
il vient :
τ=
194
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
En traçant Ln(τ) en fonction de l’inverse de la température (absolue) de recuit, on
constate que l’ensemble des points est bien aligné (cf Figure V-18). La constante de temps qui
régit la vitesse d’homogénéisation est donc effectivement thermiquement activée. L’énergie
d’activation déterminée est de 2,8 eV.
Energie d'activation dérivée du modèle
7
6
Ea = 2.8 eV
Ln(τ)
5
4
3
2
1
Ajustement sur nos échantillons
Ajustement d'après valeurs Li et al.
0,00088 0,00092 0,00096 0,00100 0,00104
-1
1/T (K )
Figure V-18 : Constante de temps du modèle développé dans ce chapitre, en fonction de l’inverse de la
température de recuit. Une énergie d’activation de 2,8 eV est déduite.
V.4.3.3 Discussion et synthèse
La valeur de l’énergie d’activation dérivée de notre modèle est proche de celle d’une
énergie de liaison. L’énergie d’activation pourrait donc correspondre à l’énergie nécessaire
pour casser une liaison Ga-N et ainsi permettre à l’azote de diffuser. Par ailleurs, l’ordonnée à
l’origine de la droite en pointillée de la Figure V-18 permet d’avoir accès à D0 (toujours en
prenant comme valeur typique de L : 50 nm). La valeur de D0 trouvée est 1,87 cm2.s-1, ce qui
permet de calculer les valeurs du coefficient de diffusion DN dans le plan des puits, aux
différentes températures de recuit à l’aide de l’équation IV-11. Les valeurs sont consignées au
195
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
Tableau V-3 et comparées aux valeurs obtenues par Li et al. [2], qui considèrent une diffusion
de l’azote hors des puits alors que nous considérons une diffusion d’azote au sein du puits
pour homogénéiser les fluctuations de compositions d’azote.
On constate que les constantes de diffusion obtenues à l’aide de notre modèle sont
plus grandes (et l’énergie d’activation plus faible) que celles obtenues avec le modèle de Li et
al. Ceci montre que les phénomènes décrits par notre modèle interviennent plus rapidement,
ce qui appuie notre interprétation.
Paramètres du modèle
Li et al. [2]
Notre modèle []
Ea (eV)
6-7
2,8
DN (700°C-850°C) (cm2.s-1)
10-17 – 10-16
6×10-15 - 5×10-13
Tableau V-3 : Tableau comparatif des paramètres de diffusion d’azote hors d’un puits ou au sein d’un
puits.
Pour conclure, les études de photoluminescence effectuées sur des structures à puits
quantiques de GaNAs/GaAs nous ont permis de montrer [18] que :
•
A très basse température, les excitons se recombinent préférentiellement dans des
fluctuations de potentiel, dont la profondeur énergétique diminue avec le recuit grâce à
une diffusion thermiquement activée de l’azote dans le plan des puits. Ce processus
d’homogénéisation de la composition d’azote induit le décalage vers le bleu du pic de
PL, réduit le désordre d’alliage et par conséquent la largeur à mi-hauteur des spectres,
et diminue les effets de localisation.
•
A température ambiante, les porteurs sont délocalisés et leur recombinaison reflète la
composition moyenne de l’alliage. En effet à 300 K, leur énergie thermique est
d’environ 26 meV. Or, l’amplitude maximale des fluctuations de composition est de
0.3 % d’azote, sur l’échantillon non recuit. En terme d’énergie ceci correspond à des
fluctuations de potentiel inférieures ou égales à 30 meV. Donc quelles que soient les
conditions de recuit, les porteurs peuvent se délocaliser au niveau de l’énergie de
bande interdite moyenne.
•
Dans la gamme de températures intermédiaires, l’augmentation de la température
permet au signal de PL de transiter du régime de recombinaison d’excitons localisés
dans les fluctuations de potentiel au régime de porteurs délocalisés se recombinant à
l’énergie de bande interdite moyenne de l’alliage. La température de délocalisation
196
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
complète dépend de la profondeur des fluctuations de potentiel, donc des conditions
de recuit.
A température ambiante, un point reste obscur : aucun décalage significatif du pic de
PL n’est mis en évidence sur les 3 puits quantiques, alors que sur des couches de
GaNAs/GaAs relativement épaisses, ce décalage existe (cf par exemple Figure V-6 (a)). Il est
en fait difficile de conclure puisque les pourcentages d’azote et les températures de croissance
sont différents. Cependant, à supposer que l’amplitude 2 ∆X0 et la période 2 L des
fluctuations de composition soient les mêmes dans un puits quantique et son homologue en
couche épaisse de GaNAs/GaAs, une telle observation pourrait s’expliquer de la manière
suivante : dans un puits quantique, les effets de confinement dans la direction de croissance
sont importants, car l’épaisseur du puits (typiquement 7 nm) est faible et les barrières
relativement élevées. En revanche dans la couche équivalente, le confinement existe dans la
direction de croissance, à cause des fluctuations de potentiel identiques à celles décrites dans
le plan des couches, mais les effets de confinement sont beaucoup plus faibles que dans le
puits, L étant supérieur à 7 nm et les barrières moins élevées. Or plus le confinement est fort,
plus la profondeur énergétique des fluctuations de potentiel ‘vues’ par les électrons est faible.
Ainsi, on peut comprendre que la délocalisation des porteurs dans le plan de croissance soit
plus facile dans le puits de GaNAs/GaAs que dans une couche plus épaisse. Ceci expliquerait
qu’à température ambiante on observe encore un décalage vers le bleu du pic de PL avec le
recuit sur des couches épaisses, alors que ce n’est pas le cas dans des puits quantiques.
V.4.3.4 Liens avec la littérature
Le modèle développé ci-avant est cohérent avec des études récentes qui ont permis de
mettre en évidence des fluctuations de composition dans l’alliage GaNAs [19, 9]. Des
modulations de composition ont également été observées sur le GaNAs par microscopie à
force atomique et par microscopie électronique en transmission [20]. La valeur de 2 L = 100
nm que nous avons prise dans le modèle pour estimer plus précisément la valeur de S est en
bon accord avec la période des fluctuations observées, qui est, dans la gamme de composition
d’azote 1,5 – 2,5 %, estimée autour de 50 – 150 nm [19, 20, 9].
197
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
En ce qui concerne les puits quantiques de GaInNAs/GaAs, nous n’avons pas assez de
données à très basse température pour essayer de les ajuster avec notre modèle, d’autant plus
que la présence conjointe d’indium et d’azote accentue peut-être les phénomènes de
localisation [21]. En effet, à 300 K, le décalage vers le bleu imputable à la présence azote (cf
Figure V-2) n’est pas nul, ce qui semblerait confirmer cette information.
Néanmoins, dans des puits de GaInNAs/GaAs, d’importantes ondulations de
l’épaisseur ont été rapportées [1], dont la période avoisine 50 nm. De plus, le degré
d’ondulation semble diminuer avec le recuit. Si ces ondulations sont induites par une
fluctuation de composition d’azote dans le plan des puits, alors la diminution des ondulations
avec le recuit, de même que la période de ces ondulations, est cohérente avec notre modèle.
V.5 Conclusion du Chapitre V
Dans ce chapitre, après avoir montré que le recuit induit effectivement une amélioration
des propriétés optiques des couches de nitrures en terme d’intensité de photoluminescence,
nous avons focalisé notre propos sur le décalage vers les hautes énergies des spectres de
photoluminescence induit par le recuit. Nous attribuons l’origine du décalage vers le bleu à
une homogénéisation des fluctuations de composition d’azote présentes dans le matériau non
recuit, qui s’effectue grâce à une diffusion de l’azote dans le plan des couches. Cette
interprétation originale est cohérente avec l’observation, au cours du recuit, d’une diminution
des effets de localisation de porteurs à basse température (cf Chapitre III), d’une diminution
de la largeur à mi-hauteur des spectres de photoluminescence, et d’une saturation du décalage
vers le bleu pour des recuits longs. Un modèle quantitatif simple est développé pour rendre
compte du décalage vers le bleu, avec le recuit, du pic de photoluminescence à 8 K provenant
de puits quantiques de GaNAs/GaAs. Les valeurs extraites de ce modèle (amplitude initiale
des fluctuations de composition d’azote de 0,3 %, coefficient de diffusion d’azote de 10-16
cm2.s-1 à 10-13 cm2.s-1 dans la gamme de recuit 700 °C – 850 °C, énergie d’activation de 2,8
eV) sont tout à fait plausibles. Elles favorisent notre interprétation plutôt que celle d’une
diffusion d’azote hors des couches lors du recuit [2], que nous n’avons d’ailleurs pas pu
mettre en évidence par diffraction de rayons X haute résolution.
198
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
_________________________________________________________________________________________________________________
V.6 Références du Chapitre V
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199
Chapitre V : Effet du recuit sur les propriétés optiques des alliages à base de (Ga,In)(N,As)/GaAs
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Annealing studies of metal-organic vapor phase epitaxy grown GaInNAs bulk and multiple quantum well
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EW MOVPE VIII, 1999, Prague, pp. 437-440
18 GRENOUILLET, L., BRU-CHEVALLIER, C., GUILLOT, G., GILET, P., BALLET, P., DUVAUT, P.,
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Rapid thermal annealing in GaNxAs1-x/GaAs structures: effect of nitrogen reorganization on optical properties
J. of Appl. Phys., 2001, soumis à publication
19 TAKAHASHI, M., MOTO, A., TANAKA, S., TANABE, T., TAKAGISHI, S., KARATANI, K.,
NAKAYAMA, M., MATSUDA, K., SAIKI, T.
Observation of compositional fluctuations in GaNAs alloys grown by metalorganic vapor-phase epitaxy
J. of Cryst. Growth, 2000, vol. 221, pp. 461-466
20 SUEMUNE, I., MOROOKA, N., UESUGI, K., OK, Y.-W., SEONG, T.-Y.
Mechanism of wire-like surfaces and lateral composition modulation in GaAsN grown by metalorganic
molecular-beam epitaxy
J. of Cryst. Growth, 2000, vol. 221, pp. 546-550
21 PINAULT, M.A., TOURNIE, E.
On the origin of carrier localization in Ga1-xInxNyAs1-y/GaAs quantum wells
Appl. Phys. Lett., 2001, vol. 78, n° 11, pp. 1562-1564
200
CONCLUSION GENERALE
L'objectif de ce travail, motivé par l'obtention d'émetteurs lasers à la longueur d'onde
de 1,3 µm sur substrat GaAs, était d'étudier les propriétés optiques des alliages
semiconducteurs GaNxAs1-x et Ga1-yInyNxAs1-x à faible teneur en azote, épitaxiés sur GaAs.
En particulier, il convenait de préciser le rôle que joue l'azote sur les caractéristiques
d'émission de ces alliages.
Une première étude, menée en étroite collaboration avec les personnes en charge de la
croissance, a permis d'appréhender les effets de l'incorporation d'azote sur la
photoluminescence et la photoréflectivité des nitrures d'éléments III-V. Tout d'abord, la
température de croissance de ces alliages à faible bande interdite doit être relativement basse
pour éviter les phénomènes de séparation de phase et obtenir un signal de photoluminescence.
En épitaxie par jets moléculaires, une température de croissance de 400 – 425 °C permet ainsi
d'obtenir des couches nitrurées de très bonne qualité, tant optique que structurale. Ensuite,
nous avons vérifié que l'énergie de bande interdite de l'alliage, de même que l'énergie
d'émission, diminuent lorsque le pourcentage d'azote incorporé augmente. Enfin, le contrôle
de la diminution de l'énergie d'émission a permis d'atteindre l'émission à 1,3 µm sur substrat
GaAs à température ambiante, en utilisant un puits quantique de Ga0,65In0,35N0,02As0,98/GaAs.
Il a également été confirmé que l'incorporation d'azote s'accompagne d'une chute des
rendements radiatifs, qui peut être en partie compensée en effectuant un recuit thermique
adéquat après la croissance des échantillons. Les nitrures à faible bande interdite sont en effet
extrêmement sensibles au recuit thermique, qui permet d'augmenter les rendements radiatifs
typiquement d'un ordre de grandeur.
L'obtention d'échantillons de bonne qualité optique étant maîtrisée, une étude de la
photoluminescence et de la photoréflectivité a été menée sur des puits quantiques de
GaInNAs/GaAs, dans la gamme 8 K – 300 K. Elle a permis de mettre en évidence, pour la
première fois sur ce type d'alliage, une évolution atypique de l'énergie, de l'élargissement, et
de l'intensité du spectre de photoluminescence avec la température. Nous avons montré que
l'azote, en induisant de forts effets de localisation de porteurs à basse température, est à
l'origine de ces comportements anormaux. Ces derniers sont d'autant plus prononcés que le
pourcentage d'azote augmente dans l'échantillon. En effet, la présence d'azote crée une
201
distribution d'états localisés sous la bande interdite de l'alliage dans lesquels se piègent puis se
recombinent les excitons à très basse température. Une description cohérente de l'ensemble
des phénomènes observés est proposée. Dans cette description, l'augmentation de la
température permet une délocalisation progressive des excitons et ainsi un changement dans
la nature des processus radiatifs à l'origine de la photoluminescence. Les phénomènes
atypiques observés sont donc une conséquence du passage d'un régime de recombinaisons
d'excitons fortement localisés à basse température à un régime de recombinaisons de porteurs
délocalisés à température ambiante. Une description mathématique combinant les propriétés
de recombinaisons d’excitons localisés et de recombinaisons bande à bande permet de rendre
compte de l’évolution des spectres expérimentaux de photoluminescence en fonction de la
température entre 8 K et 300 K. Un approfondissement de ce modèle permettrait sans doute
d’améliorer son efficacité pour décrire la forme des spectres expérimentaux, en tenant compte
par exemple des phénomènes de transfert excitonique.
La dernière partie de ce travail a été principalement consacrée aux effets du recuit
thermique sur l'énergie des spectres de photoluminescence. Dans les nitrures à faible bande
interdite, le recuit induit généralement un décalage vers le bleu des spectres, dont l'origine est
aujourd'hui très discutée. Les résultats que nous avons obtenus lors d'une étude systématique
du recuit sur des puits quantiques de GaNAs/GaAs suggèrent que l'origine du décalage vers le
bleu avec le recuit est une homogénéisation des fluctuations de potentiel présentes dans le
matériau non recuit. Nous avons proposé un modèle quantitatif dans lequel le phénomène
d'homogénéisation s'effectue par une diffusion de l'azote dans le plan de croissance. Ce
modèle permet d'expliquer les phénomènes observés et de les décrire de manière quantitative.
L'ensemble de nos résultats contribue donc à une meilleure compréhension des
propriétés optiques, très particulières, des nitrures à faible bande interdite. Le matériau
GaInNAs étant un candidat de choix pour réaliser des VCSELs émettant à 1,3 µm sur substrat
GaAs, il serait intéressant, d'un point de vue à la fois expérimental et théorique, d'étudier en
perspective de ce travail les propriétés optiques de cet alliage dans une microcavité. Par
ailleurs, des études de microscopie en champ proche, certes déjà effectuées par une équipe
japonaise, devraient permettre d'en apprendre plus sur les états localisés et notamment leur
évolution avec le recuit thermique. En somme, l'investigation des nitrures à faible bande
interdite n'en est encore qu'à ses débuts !
202
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