N°2 Juin 2005 Le Point Sur Orchiépididymites Aïgues : Quel Bilan ? Quel traitement ? Dr Dominique Delavierre Urologue, sce d’urologie-andrologie - CHR d’Orléans I. DEFINITIONS [7] Les orchiépididymites regroupent les épididymites, les orchites et les vraies orchiépididymites. L’épididymite désigne l’inflammation de l’épididyme. Elle touche surtout l’adulte jeune avec un pic de fréquence entre 20 et 40 ans [18]. Elle est bilatérale dans près de 10 % des cas [18]. Le plus souvent, elle est secondaire à une infection et la voie habituelle de dissémination est rétrograde déférentielle. De la puberté à 35 ans, l’épididymite est fréquemment sexuellement transmissible. Les germes en cause sont essentiellement Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae. Avant la puberté et après 35 ans, l’épididymite entre dans le cadre habituel des infections urogénitales (IUG) dont les entérobactéries sont souvent responsables. Une pathologie urologique, notamment un obstacle sur le bas appareil urinaire, est alors volontiers à l’origine de l’infection. L’orchite, plus rare, désigne l’inflammation du testicule. Le plus souvent, elle est également secondaire à une infection. La voie de dissémination est soit hématogène, notamment virale (l’exemple le plus typique est l’orchite ourlienne), soit directe au contact d’une épididymite (il s’agit alors d’une orchiépididymite vraie). Les orchiépididymites peuvent avoir des conséquences délétères sur la fertilité. II. MICROBIOLOGIE [7] (Tableau 1) Tableau 1 : Germes les plus souvent responsables • Germes sexuellement transmissibles (35 % des épididymites) - Chlamydia trachomatis (30 % des épididymites) Neisseria gonorrhoeae • Germes habituels de l’infection urogénitale (25 % des épididymites) - Surtout Escherichia coli (15 % des épididymites) • Autres agents infectieux (10 % des épididymites) - Brucella - Bacille de Calmette et Guérin - Mycobacterium (bacille de Koch) • Virus - tuberculosis Surtout les oreillons 22 Un agent infectieux est mis en évidence dans environ 70 % des épididymites. 1. GERMES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES Ces germes sont responsables de 35% des épididymites, celles-ci survenant pour la plupart de la puberté à 35 ans. Ils entraînent volontiers une urétrite. Les plus fréquents sont Chlamydia trachomatis, dont la découverte a bouleversé l’approche des épididymites, et Neisseria gonorrhoeae. a) Chlamydia trachomatis [1, 12, 13] Chlamydiae trachomatis est une bactérie intra-cellulaire actuellement responsable d’environ 30 % des épididymites de l’adulte (environ 55 % chez l’adulte de moins de 35 ans). b) Neisseria gonorrhoeae Neisseria gonorrhoeae est un bacille diplocoque gram négatif surtout intra-cellulaire responsable d’environ 5 % des épididymites de l’adulte (10 % chez l’adulte de moins de 35 ans). 2. GERMES HABITUELS DE L’INFECTION UROGÉNITALE POINTS D’ACTUALITÉ Ces germes sont responsables de 25 % des épididymites, celles-ci survenant pour la plupart avant la puberté et après 35 ans. Ils sont présents dans les urines et souvent secondaires à une pathologie urogénitale ou à une manipulation endo-urétrale. a) Entérobactéries Les entérobactéries sont des bacilles Gram négatifs dont la plus fréquente est Escherichia coli, responsable de 15 % des épididymites de l’adulte (40 % chez l’adulte de plus de 35 ans). Les autres entérobactéries en cause dans les infections urogénitales sont : Proteus, Citrobacter, Providencia, Klebsiella, Enterobacter et Serratia. Les autres bacilles Gram négatifs et les cocci Gram positifs sont plus rarement en cause 3. AUTRES AGENTS INFECTIEUX Ils sont responsables d’environ 10% des épididymites. a) Bactéries 1. Brucella [14, 15] Les brucellae sont de petits bacilles Gram négatifs responsables de la brucellose. Le réservoir de germes est constitué par les animaux d’élevage. La contamination humaine est d’ordre professionnel (vétérinaires, agriculteurs). Environ 2 à 6 % des brucelloses s’accompagnent d’orchiépididymites. 2. Mycobactéries • Mycobacterium tuberculosis (bacille de Koch) [8, 9] Le bacille de Koch est l’agent de la tuberculose humaine elle même responsable d’environ 2 à 3 % des épididymites. Le mode de dissémination à l’épididyme est le plus souvent hématogène mais les voies rétrograde canalaire ou lympha- Orchiépididymites Aïgues : Quel Bilan ? Quel traitement ? tique sont également possibles. L’atteinte testiculaire, plus rare, est secondaire à une épididymite par extension directe. • Bacille de Calmette et Guérin [16, 19] Le bacille de Calmette et Guérin (BCG) est une mycobactérie de virulence atténuée. L’orchiépididymite est une complication rare des instillations intra vésicales de BCG (0,4% selon Lamm parmi 2602 patients [16]) et survient surtout quand les instillations sont réalisées au décours de biopsies ou d’une résection de vessie ou de prostate, également après cathétérisme urétral traumatique. L’orchiépididymite peut se déclarer plusieurs mois après le traitement. b) Virus [23] De nombreuses maladies virales sont responsables d’orchites par l’intermédiaire d’une dissémination hématogène. L’exemple le plus fréquent et le plus typique est l’orchite ourlienne [4, 17]. Les oreillons est une maladie virale liée à un paramyxovirus et responsable de parotidites. Son incidence a diminué grâce à la vaccination. L’orchite est rare avant la puberté. Après celle-ci, elle complique environ 15 à 35 % des oreillons et elle est bilatérale dans 15 à 30 % des cas environ. III. ORCHIÉPIDIDYMITES NON INFECTIEUSES Des cas d’orchiépididymites ont été décrits au cours de maladies systémiques [21] telles que la fièvre familiale méditerranéenne, la maladie de Behçet, la périartérite noueuse ou le purpura rhumatoïde. L’amiodarone est également responsable d’épididymites [11]. 23 N°2 Juin 2005 IV. BILAN [7] 1. BILAN MICROBIOLOGIQUE (Tableau 2) Tableau 2 : Examens de laboratoire • Analyse de l’écoulement urétral ou écouvillonage • Examen du 1er jet urinaire pour recherche du Chlamydiae trachomatis par PCR • ECB des urines (2ème jet) a) Les hémocultures aérobies et anaérobies sont indiquées quand la fièvre dépasse 38,5°C et lors de frissons. b) L’examen cytobactériologique des urines (2ème jet) est systématique. c) La recherche des germes sexuellement transmissibles est systématique sauf quand une IUG «classique» est manifeste (patient âgé, pathologie urologique connue ou manifeste, intervention chirurgicale ou manipulation sur le bas appareil urinaire récentes). Actuellement le prélèvement urétral s’effectue par simple écouvillonnage à la recherche de Neisseria gonorrhoeae car le prélèvement endo-urétral avec grattage, mal toléré par les hommes, est remplacé par la recherche de Chlamydia trachomatis sur le 1er jet urinaire par technique d’amplification gènique (PCR polymerase chain reaction). Le premier jet (10 à 30 ml) des premières urines du matin représente le meilleur prélèvement et il faut respecter un minimum de deux heures après la miction précédente [13]. POINTS D’ACTUALITÉ d) La recherche de bacilles de Koch dans les urines est réalisée quand une tuberculose génitale est suspectée et face à une épididymite dont l’évolution n’est pas favorable sous traitement habituel. e) Certains examens sont indiqués dans des circonstances particulières en fonction de certains signes d’orientation notamment la sérologie de la brucellose, la recherche de virus dans les urines ou les sérologies virales. 2. BILAN D'UNE INFECTION SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLE a) Sérologies du VIH (après accord du patient), de la syphilis b) Vérification du statut vaccinal face à l’hépatite B (sérologie et vaccination éventuelles) 3. ECHOGRAPHIE SCROTALE [3, 5, 25] L’échographie scrotale est surtout utile face à des signes cliniques de gravité et pendant la surveillance dans l’éventualité de complications. A la phase aiguë initiale l’utilisation du mode doppler couleur apporte en théorie des arguments pour le diagnostic différentiel de torsion du cordon spermatique mais compte tenu des difficultés pour obtenir un diagnostic de certitude absolue il est préférable au moindre doute clinique d’intervenir chirurgicalement. 4. RECHERCHE D’UNE PATHOLOGIE DU BAS APPAREIL URINAIRE La recherche d’une pathologie du bas appareil urinaire et notamment d’un syndrôme obstructif est indiquée - à distance de la période aiguë initiale de l’orchiépididymite - en cas de bactériurie, de signes urologiques associés ou de récidive. Orchiépididymites Aïgues : Quel Bilan ? Quel traitement ? Cette recherche peut débuter par une débitmétrie mictionnelle et une échographie postmictionnelle [2, 22, 27] et se poursuivre par une urétrographie mictionnelle réalisée par voie sus-pubienne (la voie rétrograde est contre-indiquée en raison des risques infectieux) et une fibrourétrocystoscopie. V. TRAITEMEENT 1. MESURES GÉNÉRALES Elles associent le repos au lit, les antalgiques, les anti-inflammatoires et le suspensoir. 2. ANTIBIOTHÉRAPIE (Tableau 3) Tableau 3 : Antibiothérapie • Fluoroquinolones • ou Tétracyclines si chlamydia trachomatis est identifié Le traitement idéal est représenté par les fluoroquinolones, de préférence celles avec une activité dirigée contre Chlamydia trachomatis (ofloxacine 400 mg par jour ou lévofloxacine 500 mg par jour par voie orale) [18, 20, 27]. Si Chlamydia trachomatis est identifié le traitement peut se poursuivre avec des tétracyclines (doxycycline 200 mg par jour) [6, 20]. La durée du traitement est de 2 semaines minimum avec un maximum de 6 semaines en cas de prostatite associée [12]. 3. MESURES D’ACCOMPAGNEMENT Si l’orchiépididymite entre dans le cadre d’une infection sexuellement 24 N°2 Juin 2005 transmissible certaines mesures sont obligatoires : •protection des rapports sexuels •bilan et traitement de la , du ou des partenaires (Chlamydia est mis en évidence chez environ 75 % des partenaires de patients porteurs de ce germe [1, 12, 24] et celles-ci sont souvent asymptomatiques [24]) 4. CAS PARTICULIERS a) Brucellose rifampicine + tétracyclines ou streptomycine + tétracyclines. b) Tuberculose isoniazide, rifampicine, pyrazinamide, éthambutol. Le protocole long associe 3 antibiotiques pendant 2 mois puis 2 pendant 7 mois (isoniazide + rifampicine), le protocole court associe 4 antibiotiques pendant 2 mois puis 2 pendant 4 mois (isoniazide + rifampicine). c) Orchiépididymite compliquant une immunothérapie intra-vésicale par le BCG rifampicine + isoniazide pendant 3 à 6 mois 5. TRAITEMENT CHIRURGICAL L’exploration scrotale en urgence est indispensable en cas de doute sur une éventuelle torsion du cordon spermatique. Le traitement chirurgical d’une orchiépididymite est par ailleurs indiqué face à des signes cliniques de gravité ou lors d’évolution défavorable sous traitement correct [10, 26]. Un abcès relève d’une évacuation-drainage voire d’une épididymectomie ou d’une orchidectomie (notamment lors de fonte purulente du testicule) et une nécrose du testicule nécessite une orchidectomie. POINTS D’ACTUALITÉ VI. PROPHYLAXIE 1. INFECTIONS SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES Leur prévention repose sur : - l’information et l’éducation - l’utilisation de préservatifs. 2. INFECTION UROGÉNITALE « CLASSIQUE » Tout geste instrumental diagnostique ou thérapeutique sur le bas appareil urinaire doit être précédé d’une antibiothérapie curative si Orchiépididymites Aïgues : Quel Bilan ? Quel traitement ? les urines sont infectées et effectué dans des conditions d’asepsie rigoureuse. Certains de ces gestes, notamment la résection transurétrale de prostate ou l’adénomectomie prostatique par taille vésicale, relèvent d’une antibioprophylaxie si les urines sont stériles. 3. ORCHITE OURLIENNE Sa prévention repose sur la vaccination proposée en France à l’âge de 15 mois en association avec la vaccination antirubéolique et antirougeoleuse. N°2 Juin 2005 VII. CONCLUSION La prise en charge des orchiépididymites a été transformée depuis la reconnaissance du rôle de Chlamydia trachomatis mais actuellement il persiste environ 30% d’orchiépididymites sans cause infectieuse. L’amiodarone et les maladies systémiques n’expliquent pas ce déficit. Il est probable que des agents infectieux sont encore inconnus et nos laboratoires incapables de les identifier [12]. CE QU’IL FAUT RETENIR ➟ De la puberté à 35 ans l’orchiépididymite est fréquemment sexuellement transmissible et Chlamydia trachomatis est le plus souvent en cause. Sa recherche s’effectue sur le 1er jet urinaire par PCR. ➟ Avant la puberté et après 35 ans l’orchiépididymite entre le plus souvent dans le cadre habituel des infections urogénitales. ➟ Les fluoroquinolones sont les antibiotiques de 1ère intention REFERENCES 123- 456789- dans les épididymites aiguës. - Méd. Trop.1988, 48,161-165. 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