I.4 La mesure du temps dans l’histoire de la Terre et de la vie 2/2. La datation absolue Les principes de la datation relative vus au TP 1.4.1/2 permettent depuis longtemps de dater des événements géologiques les uns par rapport aux autres. Plus récemment, géologues et physiciens ont mis au point des méthodes de datation basées sur les propriétés des éléments radioactifs, méthodes qui fournissent des âges exprimés en milliers ou en millions d’années. Comment obtenir un âge absolu ? Capacités Activité 1. Quelques principes. * En se désintégrant, un élément radioactif « père » se transforme spontanément en élément « fils ». Par exemple que le rubidium 87 (87Rb) se transforme spontanément en strontium 87 (87Sr) en émettant un rayonnement bêta (électrons) et gamma (photons). * La désintégration de tout élément radioactif constitue une véritable « horloge » car elle se fait en suivant une loi mathématique de décroissance exponentielle en fonction du temps : quelle que soit la quantité d’élément père présente au départ, il faut toujours le même temps pour que cette quantité soit réduite de moitié par désintégration. Cette durée caractéristique d’un élément est sa période radioactive (T), ou demi-vie ; d’un élément à un autre, elle peut varier considérablement (d’une fraction de seconde à plusieurs milliards d’années). *Connaissant la période d’une réaction de désintégration, il est possible de calculer depuis quand elle se déroule à l’intérieur d’une roche en mesurant, par exemple, les quantités respectives d’éléments père et d’élément fils contenues aujourd’hui dans cette roche. Si toutes les techniques de datation s’inspirent de ce principe simple, nous allons voir que leur mise en œuvre est en fait complexe. Doc1. Le principe physique des chronomètres géologiques. © Bordas TS 2002 Quel que soit le couple choisi, la désintégration de l’élément radioactif suit une courbe exponentielle de la forme : Pt = P0 e-λt Pt et P0 désignent respectivement les quantités actuelle et initiale de l’élément père. λ est la constante de désintégration. Dans votre programme de TS, on étudie trois couples dont les caractéristiques vous sont données dans le tableau ci-dessous : Couples Période T (en années) Constante λ (an-1) Potassium/ argon (40K/40Ar) Rubidium/strontium (87Rb/87Sr) Carbone/azote (14C/14N). 1,25.109 5,81.10-11 48,8.109 1,42.10-11 5730 1,209.10-4 Durée d’utilisation (années) Matériaux datés Roches magmatiques et métamorphiques contenant des minéraux riches en potassium Roches magmatiques et métamorphiques riches en micas ou feldspaths potassiques Bois carbonisés, os, fossiles Doc2. Quelques couples radioactifs utilisés en géochronologie. © Belin TS 2002. Modifié 2005 1. On considère que le dosage de l’élément père ne donne plus de résultat fiable au delà de dix fois la période. Déterminer alors la durée d’utilisation de chaque couple et remplir les cases vides du tableau. 2. Quelles méthodes seront utilisées pour dater des événements récents ? anciens ? http://lewebpedagogique.com/bouchaud 1 Pour tous les exercices : - compréhension des méthodes de datation absolue ; - connaissance des 3 méthodes du programme (C/N, K/Ar, Rb/Sr) ; - exercices d’application pour chaque exemple ; Activité 2. La datation au carbone 14 Le carbone possède trois isotopes : le 12C, majoritaire, le 13C (non radioactifs) et le 14C radioactif. On considère que les proportions relatives de 12C et de 14C au cours des temps géologiques sont restées stables. Les êtres vivants, qui échangent du carbone avec leur milieu (en particulier grâce aux échanges de CO2 pour les plantes et à la nutrition pour les animaux), contiennent donc la même proportion de 14C que l’atmosphère. Mais, dès leur mort (= fermeture du système), ces échanges cessent : le chronomètre géologique est déclenché et la quantité de 14C diminue par désintégration. L’élément fils issu de la désintégration (le 14N) s’échappe et n’est pas pris en compte lors de la mesure. Le dosage du 14C résiduel d’un échantillon permet donc d’estimer son âge. - comparaison des 3 méthodes. Doc3. Le carbone 14, outil de datation absolue. © Belin TS 2002, modifié 2005. Dans les échantillons, la concentration en 14C, toujours très faible, est difficile à mesurer avec un spectromètre de masse traditionnel, de sensibilité insuffisante. Le Tandétron (photo page 163) est un spectromètre de masse couplé à un accélérateur de particules. Il permet une mesure beaucoup plus précise du rapport 14C/12C dans un échantillon. Connaissant la valeur de ce rapport dans un organisme vivant actuel, on admet que cette valeur était la même au moment de la fermeture du système (c’est-à-dire à la mort de l’organisme à dater). Le quotient des deux rapports 14Cinitial/12Cinitial (connu) et 14Cactuel/12Cactuel (mesuré) donne la valeur du rapport 14Cinitial/14Cactuel car 12C est stable (12Cinitial = 12Cactuel). L’âge de l’échantillon est alors donné par la formule suivante : t (années) = ln (14Cinitial/14Cactuel).T/ln2, avec T = 5730 ans. Doc4. La technique de datation par le 14C. © Bordas TS 2002 Les éruptions explosives du Puy Chopine (volcan de la chaîne des Puys) ont enseveli des arbres sous des nuées ardentes. Certaines de ces nuées ont pu être datées grâce au 14C contenu dans les vestiges du bois carbonisé au moment de l’éruption. Le 14C peut être dosé grâce au Tandétron qui mesure en fait le rapport isotopique 14C/12C. Une autre méthode moins précise mais plus simple consiste à mesurer directement la radioactivité du 14C présent dans l’échantillon, c’est-à-dire le nombre de désintégrations atomiques par gramme d’échantillon et par minute (dpm). On sait que l’intensité de cette radioactivité est directement liée à la quantité de 14C présente. Sur un fragment de bois actuel, la radioactivité moyenne est de 13,56 dpm. On admet que cette valeur était la même il y a plusieurs millénaires. Les fragments de bois calcinés emprisonnés dans les laves du Puy Chopine ont actuellement une radioactivité correspondant à 4,75 dpm (radioactivité émise par le 14C résiduel dans l’échantillon à dater). Doc5. La datation d’une éruption volcanique. © Bordas TS 2002. 3. Que mesure-t-on pour calculer l’âge d’un échantillon avec la méthode au 14C ? 4. En utilisant la formule du document 4, calculer l’âge de l’éruption. http://lewebpedagogique.com/bouchaud 2 Activité 3. La méthode potassium-argon Le potassium 40 est un isotope radioactif qui représente 0,012 % du potassium naturel ; il se désintègre en formant de l’argon 40. La période de cette transformation est de 1,25 Ga. La longueur de cette période, qui permet des datations très anciennes, et la distribution universelle du potassium dans les roches font du couple 40K/40Ar la méthode la plus utilisée en géologie. Lorsqu’une roche magmatique cristallise, 40Ar (élément fils) issu de la désintégration de 40K (élément père) s’accumule dans le réseau cristallin dès que la structuration de celui-ci est achevée : le système est alors fermé. On peut donc, connaissant la période de 40K, calculer l’âge de la fermeture du système, assimilé à l’âge de l’échantillon. Par exemple, dans une roche volcanique comme un basalte, tous les gaz y compris l’argon formé par désintégration du potassium, ont été éliminés par dégazage du magma au cours de sa progression vers la surface. C’est finalement lorsque la température est devenue assez basse pour que la cristallisation soit totalement achevée que le système se ferme et que le « chronomètre isotopique » est remis à zéro. L’âge de la roche est en fait l’âge de la fin de son refroidissement. On démontre que cet âge est donné par la formule : t (années) = ln (1 + 40Ar/40K) / λ, avec λ = 5,81.10-11 Cependant, l’argon présent en quantité notable dans l’atmosphère (1 %) et dans les gaz interstitiels des roches, peut contaminer les minéraux en surface ou dans les joints des grains. D’où la réalisation d’une correction. Doc6. Le principe de la datation par la méthode K / Ar. © Bordas TS 2002, modifié 2005. Au Nord du lac Turkana, dans la basse vallée de l’Omo, de nombreux restes d’hominidés ont été découverts. La structure géologique de cette région est particulièrement favorable à une datation de ces restes : il s’agit d’une très importante série volcano-sédimentaire « disséquée » par l’érosion. Certains niveaux de tufs volcaniques (roche formée par l’accumulation de projections volcaniques de taille variée et compactée sous l’action de l’eau) constituent des « bancs repères » que l’on retrouve dans plusieurs gisements de la région. Parmi les nombreux restes d’hominidés découverts, une mandibule a été trouvée dans une couche sédimentaire située entre les tufs F et D (voir dessin). Ces tufs ont pu être datés par la méthode K/Ar. Les dosages isotopiques ont donné les résultats suivants : 40 40 Ar (en moles par gramme K (en moles par gramme d’échantillon) d’échantillon) Tuf F 2,260.10-11 1,667.10-7 -11 Tuf D 2,242.10 1,604.10-7 Doc7. Un exemple de datation : l’âge des gisements fossiles d’hominidés dans le rift est-africain. © Bordas TS 2002 5. Que mesure-t-on pour calculer l’âge d’un échantillon avec la méthode au 40K ? Déterminer le principal inconvénient de la méthode. 6. En utilisant la formule, proposer un âge pour la mandibule fossile de la vallée de l’Omo. Activité 4. La méthode rubidium-strontium Le granite d’Athis (voir TP I.4.1/2) provient de la solidification d’un magma formé dans la croûte continentale en profondeur. Ce magma est monté vers la surface, mais ne l’a pas atteinte. Il s’est refroidi à quelques kilomètres de la surface formant un massif granitique. Le granite affleure aujourd’hui car les terrains qui le surmontaient ont été enlevés par l’érosion. Plusieurs minéraux du granite contiennent du 87Rb, du 86Sr et du 87Sr (notamment les micas et feldspaths). * Le 87Rb est l’élément radioactif qui se désintègre en 87Sr. * 86Sr et 87Sr sont deux isotopes stables qui existaient dans le magma à l’origine du granite. Ils se retrouvent dans les minéraux. - Le 86Sr présent actuellement dans un minéral du granite d’Athis provient du 86Sr piégé lors de la formation du minéral (fermeture du système). - Le 87Sr actuel d’un minéral est égal à la somme : 87Srinitial + 87Sr provenant de la désintégration du 87Rb. En supposant deux minéraux d’une même roche, on représente leurs atomes par des boules de couleurs différentes placées dans des sacs. Chacun d’eux contient des boules en quantités différentes, mais avec les mêmes proportions de « 86Sr » et « 87Sr » au départ. On procède à des tirages successifs, assez nombreux pour représenter l’écoulement du temps, des boules contenues dans chacun des sacs. Chaque fois qu’une boule « 87Rb » est tirée, elle est remplacée par une boule « 87Sr », modélisant ainsi sa désintégration radioactive. Chaque fois qu’une boule « 87Sr » ou « 86Sr » est tirée, elle est remise dans son sac d’origine. http://lewebpedagogique.com/bouchaud 3 Temps écoulé (nombre de tirages) t=0 t+n 87 Rb : 12 Sr : 3 87 Sr : 1 87 Rb : 6 86 Sr : 6 87 Sr : 2 86 Minéral A Minéral B t+m 87 Rb : 10 Sr : 3 87 Sr : 3 87 Rb : 5 86 Sr : 6 87 Sr : 3 t+p 87 87 86 86 Rb : 8 Sr : 3 87 Sr : 5 87 Rb : 4 86 Sr : 6 87 Sr : 4 86 Rb : 6 Sr : 3 87 Sr : 7 87 Rb : 3 86 Sr : 6 87 Sr : 5 Doc8. Modèle pour comprendre comment la mesure des rapports isotopiques 87Sr/86Sr et 87Rb/86Sr de plusieurs minéraux permet de dater les roches. © Hatier TS 2002 Lors de la formation des minéraux, les deux isotopes du strontium (86Sr et 87Sr) se comportent exactement de la même façon, de sorte que le rapport 87Sr/86Sr initial est le même dans tous les minéraux. En revanche, d’un type de minéral à un autre, les quantités de 86 et 87Sr et surtout de 87 Rb piégées initialement sont variables. En conséquence, le rapport isotopique initial 87Rb/86Sr varie d’un minéral à l’autre. 7. Indiquer pourquoi la mesure du rapport des isotopes 87Sr/87Rb dans un minéral ne suffit pas pour dater la roche. 8. Indiquer pourquoi les proportions de 86Sr et 87Sr sont identiques au départ dans les deux minéraux. 9. Pour chaque tirage, calculer les rapports 87Sr/86Sr et 87Rb/86Sr. Les représenter graphiquement ( 87Sr/86Sr = f(87Rb/86Sr) ) pour chaque tirage. Que devient la pente au fur et mesure des tirages ? t=0 Minéral A 87 Sr/86Sr : 87 Rb/86Sr : Sr/86Sr : 87 Minéral B 87 t+n t+m t+p Rb/86Sr : 10. Comment varie la pente avec le temps ? L’équation de la droite obtenue, de la forme y = ax + b est : 87 Sr (t)/86Sr (0) = 87Rb (t)/86Sr (0).λt + 87Sr (0)/86Sr(0) 86 Sr (0) est la quantité de 86Sr présent au temps t = 0 (formation de la roche). C’est aussi la quantité de 86Sr au temps t (actuel). 87 Rb (t) est la quantité de 87Rb présente actuellement dans le minéral. 87 Sr (t) et la quantité de 87Sr présente actuellement dans le minéral. λ est la constante de désintégration. 87 Sr0/86Sr représente le rapport initial entre ces deux isotopes, et t le temps, donc l’âge recherché. Une telle équation est de type y = ax + b, et la détermination graphique du coefficient directeur de la droite a = exp (λt) -1, permet, connaissant la valeur de λ de calculer t. t = ln (a + 1) / λ Doc9. Traduction graphique des résultats obtenus pour le granite d’Athis à partir de la mesure des rapports isotopiques de plusieurs minéraux. © Hatier TS 2002, modifié 2005 11. Lequel des minéraux A, B ou C était initialement le plus riche en rubidium ? 12. Donner l’âge du granite d’Athis ? Est-il en accord avec la chronologie trouvée dans le TP I.4.1/2 ? 13. Bilan. Comparer les trois méthodes dans un tableau (points communs, périodes datées, isotopes mesurés, problèmes posés…). Clés. Datation absolue ; décroissance radioactive ; fermeture du système ; période ; 14C/14N ; 40K/40Ar ; 87Rb/87Sr. Exercice complémentaire. Plusieurs échantillons de roches provenant de différentes régions de la chaîne calédonienne, au nord de l’Ecosse, ont été datés. Pour chaque échantillon, on a effectué des mesures sur la muscovite (un mica) puis sur la roche totale. Echantillons 1 Muscovite Roche totale 2 Muscovite Roche totale 3 Muscovite Roche totale 87 Rb/86Sr 65,0753 1,6775 62,6307 2,2857 19,6394 0,8042 87 Sr/86Sr 1,11869 0,73838 1,11318 0,74575 0,83184 0,72129 Echantillons 4 Muscovite Roche totale 5 Muscovite Roche totale 6 Muscovite Roche totale 87 Rb/86Sr 67,9741 3,3823 15,7785 1,3740 69,5176 3,3144 87 Sr/86Sr 1,16509 0,75878 0,82245 0,73307 1,16854 0,75982 Doc10. La datation de roches différentes d’une même chaîne de montagnes. © Hatier 15. Montrer que ces roches de la chaîne calédonienne se sont formées en même temps (doc10). http://lewebpedagogique.com/bouchaud 4